BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE DE DIODORE DE SICILE, extraits du livre II, chapitres XXIX, XXX et XXXI

Les Chaldéens enseignent que le monde est éternel de sa nature, qu'il n'a jamais eu de commencement et qu'il n'aura pas de fin. Selon leur philosophie, l'ordre et l'arrangement de la matière sont dus à une providence divine, rien de ce qui ne s'observe au ciel n'est l'effet du hasard, tout s'accomplit par la volonté, immuable et souveraine des dieux. Ayant observé les astres depuis les temps les plus reculés, ils en connaissent exactement le cours et l'influence sur les hommes, et prédisent à tout le monde l'avenir.
    
   
Traduit du grec par Ferdinand Hoefer, ouvrage paru à Paris en 1865, librairie Hachette, Boulevard Saint-Germain

Diodore de Sicile est un historien et un chroniqueur grec du Ier siècle av. J.-C., né à Agyrium, en Sicile.

Contemporain de Jules César et d'Auguste, il visita toutes les contrées d'Europe, d'Égypte et d'Asie pour s'établir finalement à Rome. Son œuvre, considérable, fourmille d'informations sur l'Égypte antique, la Grèce antique et la Rome antique. Il y consacra trente années.

Les trois chapitres publiés ici sont tirés de sa "Bibliothèque historique", qui couvre plus de mille ans d'histoire, des temps mythologiques à César.


Il ne sera pas hors de propos de donner ici quelques détails sur les Chaldéens de Babylone et sur leur antiquité, afin de ne rien omettre de ce qui est digne de mémoire.

Les Chaldéens sont les plus anciens des Babyloniens; ils forment, dans l'État, une classe semblable à celle des prêtres en Égypte. Institués pour exercer le culte des dieux, ils passent toute leur vie à méditer les questions philosophiques et se sont acquis une grande réputation dans l'astrologie. Ils se livrent surtout à la science divinatoire et font des prédictions sur l'avenir ; ils essaient de détourner le mal et de procurer le bien, soit par des purifications, soit par des sacrifices ou par des enchantements. Ils sont versés dans l'art de prédire l'avenir par le vol des oiseaux; ils expliquent les songes et les prodiges. Expérimentés dans l'inspection des entrailles des victimes, ils passent pour saisir exactement la vérité. 

Mais toutes ces connaissances ne sont pas enseignées de la même manière que chez les Grecs. La philosophie des Chaldéens est une tradition de famille; le fils qui en hérite de son père est exempté de toute charge publique. Ayant pour précepteurs leurs parents, ils ont le double avantage d'apprendre toutes ces connaissances sans réserve et d'ajouter plus de foi aux paroles de leurs maîtres. Habitués à l'étude dès leur enfance, ils font de grands progrès dans l'astrologie, soit à cause de la facilité avec laquelle on apprend dans cet âge, soit parce que leur instruction dure plus longtemps. 

Chez les Grecs, au contraire, on entre dans cette carrière sans connaissances préliminaires, on aborde très tard l'étude de la philosophie, et, après y avoir travaillé pendant quelque temps, on l'abandonne pour chercher dans une autre occupation les moyens de subsistance ; quant au petit nombre de ceux qui s'absorbent dans l'étude de la philosophie et qui, pour gagner leur vie, persévèrent dans l’enseignement, ils essaient toujours de faire de nouveaux systèmes et ne suivent point les doctrines de leurs prédécesseurs. Les Chaldéens, demeurant toujours au même point de la science, reçoivent leurs traditions sans altération; tandis que les Grecs, ne songeant qu'au gain, créent de nouvelles sectes et se contredisent entre eux sur les doctrines les plus importantes et jettent le trouble dans l'âme de leurs disciples qui, ballottés dans une incertitude continuelle, finissent par ne plus croire à rien. En effet, celui qui veut examiner de près les sectes les plus célèbres de nos philosophes, pourra se convaincre qu'elles ne s'accordent nullement entre elles, et qu'elles professent des opinions contradictoires sur les points les plus essentiels de la science.

© De Sphæris – association Météores
Stèle babylonienne, musée du Louvre, Paris

Les Chaldéens enseignent que le monde est éternel de sa nature, qu'il n'a jamais eu de commencement et qu'il n'aura pas de fin. Selon leur philosophie, l'ordre et l'arrangement de la matière sont dus à une providence divine; rien de ce qui ne s'observe au ciel n'est l'effet du hasard ; tout s'accomplit par la volonté, immuable et souveraine des dieux. 

Ayant observé les astres depuis les temps les plus reculés, ils en connaissent exactement le cours et l'influence sur les hommes, et prédisent à tout le monde l'avenir. La doctrine qui est, selon eux, la plus importante, concerne le mouvement des cinq astres que nous appelons planètes (astres errants) et que les Chaldéens nomment interprètes. 

Parmi ces astres, ils regardent comme le plus considérable et le plus influent, celui auquel les Grecs ont donné le nom de Kronos (Saturne), et qui est connu chez les Chaldéens sous le nom de Hélus. Les autres planètes sont appelées, comme chez nos astrologues, Mars, Vénus, Mercure et Jupiter. Les Chaldéens les appellent interprètes, parce que les planètes, douées d'un mouvement particulier déterminé que n'ont pas les autres astres qui sont fixes et assujettis à une marche régulière, annoncent les événements futurs et interprètent aux hommes les desseins bienveillants des dieux. Car, les observateurs habiles savent, disent-ils, tirer des présages du lever, du coucher et de la couleur de ces astres ; ils annoncent aussi les ouragans, les pluies et les chaleurs excessives. L'apparition des comètes, les éclipses de soleil et de lune, les tremblements de terre, enfin les changements qui surviennent dans l'atmosphère, sont autant de signes de bonheur ou de malheur pour les pays et les nations aussi bien que pour les rois et les particuliers. 

Au-dessous du cours des cinq planètes sont, continuent les Chaldéens, placés trente astres, appelés les dieux conseillers : une moitié regarde les lieux de la surface de la terre; l'autre moitié, les lieux qui sont au-dessous de la terre ; ces conseillers inspectent à la fois tout ce qui se passe parmi les hommes et dans le ciel. Tous les dix jours, un d'eux est envoyé, comme messager des astres, des régions supérieures dans les régions inférieures, tandis qu'un autre quitte les lieux situés au-dessous de la terre pour remonter dans ceux qui sont au-dessus ; ce mouvement est exactement défini et a lieu de tout temps, dans une période invariable. 

Parmi les dieux conseillers il y a douze chefs dont chacun préside à un mois de l'année et à un des douze signes du zodiaque. Le soleil, la lune et les cinq planètes passent par ces signes. Le soleil accomplit sa révolution dans l'espace d'une année, et la lune dans l'espace d'un mois.

Chaque planète a son cours particulier ; les planètes diffèrent entre elles par la vitesse et le temps de leurs révolutions. Les astres influent beaucoup sur la naissance des hommes et décident du bon ou du mauvais destin ; c'est pourquoi les observateurs y lisent l'avenir. Ils ont ainsi fait, disent-ils, des prédictions à un grand nombre de rois, entre autres, au vainqueur de Darius, Alexandre, et aux rois Antigone et Séleucus Nicator, prédictions qui paraissent toutes avoir été accomplies et dont nous parlerons en temps et lieu. Ils prédisent aussi aux particuliers les choses qui doivent leur arriver, et cela avec une précision telle que ceux qui en ont fait l'essai en sont frappés d'admiration, et regardent la science de ces astrologues comme quelque chose de divin. 

En dehors du cercle zodiacal, ils déterminent la position de vingt quatre étoiles dont une moitié est au nord et l'autre au sud ; ils les appellent juges de l'univers : les étoiles visibles sont affectées aux êtres vivants, les étoiles invisibles aux morts. La lune se meut, ajoutent les Chaldéens, au-dessous de tous les autres astres; elle est la plus voisine de la terre en raison de la pesanteur, elle exécute sa révolution dans le plus court espace de temps, non pas par la vitesse de son mouvement, mais parce que le cercle qu'elle parcourt est très petit; sa lumière est empruntée, et ses éclipses proviennent de l'ombre de la terre, comme l'enseignent aussi les Grecs. Quant aux éclipses de soleil, ils n'en donnent que des explications très vagues : ils n'osent ni les prédire, ni en déterminer les époques. Ils professent des opinions tout à fait particulières à l'égard de la terre : ils soutiennent qu'elle est creuse, sous forme de nacelle et ils en donnent des preuves nombreuses et plausibles, comme de tout ce qu'ils disent sur l'univers.

Nous nous éloignerions trop de notre sujet, si nous voulions entrer dans tous ces détails; il suffit d'être convaincu que les Chaldéens sont plus que tous les autres hommes versés dans l'astrologie, et qu'ils ont cultivé cette science avec le plus grand soin. Il est cependant difficile de croire au nombre d'années pendant lesquelles le collège des Chaldéens aurait enseigné la science de l'univers; car depuis leurs premières observations astronomiques jusqu'à l'invasion d'Alexandre, ils ne comptent pas moins de quatre cent soixante-treize mille ans.

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