L'INFLUENCE ASTRALE SELON TYCHO-BRAHÉ, par J.-I. KRONSTRØM

Nous savons, par la publication des mémoires de Tycho-Brahé, que la grande conjonction de Saturne et Jupiter eut lieu en l'an 1563 dans le "Lion", près des étoiles nébuleuses du Cancer "Præsépé", que Ptolémée avait déjà appelées étouffantes et pestilentielles. Une peste violente exerça alors de tels ravages dans toute l'Europe, que les victimes tombaient par milliers.

Astra reguni homines, sed regit astra Deus.
Tycho-Brahé

N° 68-69
Sans doute, ce 23 septembre 1574 était un jour très remarquable pour l'Université vénérable de Copenhague. Une assemblée splendide de gentilshommes et de savants occupait le grand amphithéâtre : l'ambassadeur de France, l'érudit et aimable Charles Dancey était au premier rang. La cause de cette affluence des gens d'élite que comptait alors la capitale du Danemark était que le conférencier, jeune noble - à peine âgé de 28 ans, mais déjà homme extraordinaire - avait bravé les préjugés de sa classe et, aux chiens, aux chevaux et aux fêtes de la Cour avait préféré l'étude des sciences. Il s'appelait Tycho-Brahé (1). Il était célèbre depuis qu'il avait découvert une étoile, nouvelle et brillante, le 11 novembre 1572. Un de ses amis, l'historiographe A.-S. Vedel, l'a qualifié, dans un poème latin : "le plus savant entre les nobles, et le plus grand gentilhomme entre les savants". Sur la pressante et honorable invitation du roi danois Frédéric II, le jeune héros s'était rendu à Copenhague, et, ce jour-là, 23 septembre 1574, commençait à l'Université de la ville un cours sur l'astronomie. L’opinion publique avait consacré la notoriété du savant, et l’auditoire était impatient de l'entendre. D'après la coutume du temps, Tycho-Brahé faisait son cours en latin, et il avait pris pour titre : De Disciplinis Mathematicis oratio. Toutefois, il parla d'autres choses que des mathématiques, et nous nous proposons d'en faire ultérieurement un résumé. Les circonstances présentes donnent à l'enseignement de Tycho-Brahé, une surprenante actualité, digne d'être conservée par le souvenir. 

Cette conférence figure dans l'édition complète (2)  de ses œuvres Opera Omnia, tome 1er, où elle occupe 25 grandes pages in-folio. 

En préambule, Tycho-Brahé fait un rapide historique des sciences mathématiques de l’antiquité, mais - écrit-il — ne croyez pas que la géométrie a seulement pour objet de mesurer les champs. Elle a des vues plus élevées. C'est pourquoi le célèbre Platon excluait de son enseignement tous ceux qui ne savaient pas la géométrie et, pour ce motif, étaient incapables de comprendre le reste de la philosophie. L'arithmétique y tient également une place importante. Pythagore l'a d'ailleurs hautement appréciée dans ses spéculations sur le symbolisme des nombres. 

Mais il est une autre science, vieille et vénérable, qui a recours, elle aussi, aux mathématiques. Cette science, c'est l’astronomie. Et Tycho-Brahé parle avec une très grande admiration des astronomes célèbres de l'antiquité : Hipparque, Ptolémée, etc... 

Entre autres astronomes de son temps, il estime surtout Copernic, quoiqu'il ne soit pas d'accord avec lui. Nonobstant, il l'appelle le nouveau Ptolémée, à cause de sa sagacité extraordinaire ; ce qui est, de la part de Tycho-Brahé, une louable impartialité. étant donné sa conception (1), mais il s'enthousiasme surtout pour l’astronomie. C'est un art si sublime, dit-il, que chaque homme bien doué dut l'étudier. L’astronomie conduit à ces connaissances encore plus hautes, à l'astrologie, qui permet de prédire le sort humain. 

Tycho ne doute pas que le monde élémental ne soit disposé et fécondé par le monde supérieur. 

Pour démontrer cette thèse - que nous connaissons par la Table d'Émeraude d'Hermès -, Tycho-Brahé remonte aux sources de l’astrologie. 

Celui qui nie l'influence des astres, ajoute-t-il, réprouve la sagesse et la providence de Dieu ; de plus, il contredit l'expérience, la plus évidente. Il serait aussi absurde si l'on croyait que tout ce que Dieu a créé est inutile : à quoi bon cet univers au mécanisme si merveilleux ! scène des astres resplendissants, si cela ne sert de rien à rien... mais, même l'homme le plus sot a une idée quand il agit. Le soleil, la lune, les planètes et les étoiles (dont les moindres sont plusieurs fois plus grandes que la terre), tous ces astres seraient-ils créés par Dieu sans idée, sans intention ! Et pourtant, ce même Dieu n’a-t-il pas créé le minerai moindre ou la plus petite herbe et donné à chacun d’eux sa force particulière et une abondance de sagesse que le plus grand génie humain n'a pas encore été capable de scruter... Le soleil produit les quatre saisons. La lune influence la chair et la moelle des animaux et des plantes. Mars et Vénus en conjonction produisent la pluie, tandis que Jupiter et Mercure amènent l'orage et les tempêtes. Les effets sont augmentés quand les planètes se trouvent aux divers signes zodiacaux, qui répondent à leur nature. Voilà pourquoi l'an 1524 fut une année très pluvieuse, parce qu'une grande conjonction avait lieu au signe des "Poissons" lequel est la triplicité d'eau. Et nous savons aussi par la publication de mémoires récents que la grande conjonction de Saturne et Jupiter eut lieu en l'an 1563 dans le "Lion", près des étoiles nébuleuses du Cancer "Præsépé", que Ptolémée avait déjà appelées étouffantes et pestilentielles. - Or, une peste violente exerça alors de tels ravages dans toute l'Europe, que les victimes tombaient par milliers. 

Cependant Tycho-Brahé pousse plus loin et maintient avec une hardiesse étonnante que l'organisation du corps humain correspond aux sept planètes avec leurs qualités particulières, et que les organes dans notre corps ont des effets presque pareils à ceux des planètes sur les sphères différentes du ciel (analogie moderne : émission d'énergie des atomes). Tycho-Brahé l'a dit trois cents ans avant MM. Rutherford et Bohr !) Et il l'a dit très en détail. Il compare le cœur humain avec le soleil, d'où sort la chaleur qui porte la vie au monde ; le cerveau correspond à la lune, le foie à Jupiter et les reins à Vénus. Après avoir mentionné les autres planètes, Tycho-Brahé tire la conclusion suivante : quand il y a une si grande correspondance entre les sept planètes et les sept organes les plus importants de notre corps - et que toute cette correspondance est tellement parfaite que l'homme paraît organisé d'après le modèle de l’univers - les philosophes, avec raison, l'appellent un microcosme - que homme ayant son bon sens pourrait nier que les corps célestes prédominent dans les corps de hommes qu'ils influencent et ont une grande analogie avec leurs fonctions? Tycho-Brahé caractérise cet énergie comme une "influence" (conformément avec tous les astrologues), et c'est bien curieux que le nom de la maladie Influenza soit dérivé de ce terme astrologique. 

Il faut - continue-t-il - que l'astrologie, comme la médecine, soit basée sur l’expérience et l'observation. Mais c'est une science très ardue ; ce n'est chose aisée de connaître l'action des planètes et leurs mouvements. C'est aussi une chose très difficile de connaître l'exact moment de la naissance et les positions mutuelles des planètes à ce moment important. Mais notre astrologue ne croit point que les astres règnent comme des despotes sur le sort des hommes. C'est pourquoi il dit très explicitement que les astrologues ne font pas dépendre des astres la volonté de hommes. Au contraire, ils maintiennent qu'il y a que que chose de sublime dans la nature humaine qui est au-dessus des astres, en vertu de quoi nous pouvons triompher des influences malheureuses des étoiles, mais à condition que nous cultivions en nous la sincérité et l’idéalisme. 

Mais si l’homme préfère vivre comme la bête, et en aveugle suivre ses vils instincts, faire alliance avec les passions bestiales, il ne faut pas qu'il attribue à Dieu ses fautes et égarements

Vraiment, Dieu a créé l'homme libre, de manière qu'il puisse - s'il le veut - vaincre l’influence funeste. L'éducation, les rapports de l'amitié et les autres relations, les connaissances qu'il acquiert... et tant de circonstances manifesteront si utilement leur influence! C'est pourquoi Tycho-Brahé cite la cinquième sentence du "Centiloque", ou les Cent sentences astrologiques qui - probablement à tort - sont attribuées à Claude Ptolémée. 

"Celui qui connaît la nature des astres peut facilement en détourner les mauvais effets, en sachant se mettre en garde contre leur maléfique influence avant que celle-ci se manifeste". 

À ce point de vue, l'astrologie est la plus excellente de toutes les sciences. Et Tycho lui-même est de cette opinion, ce qui résulte de ses horoscopes divers dont les originaux sont conservés à la bibliothèque royale de Copenhague. Voici quelques lignes de l'introduction au thème du roi Christian 1V, dressé peu de temps après la naissance de ce prince : "Grande est la joie et l'avantage de connaître passablement les dispositions et vicissitudes différentes des hommes, concernant les perspectives, tant à l'égard de santé qu'en toutes autres circonstances inconstantes de la vie. Il s'ensuit donc que chacun peut prendre ses mesures à temps, avant que ce qui nous est prédestiné ait lieu. Si c'est bonheur qui nous est annoncé, nous le pouvons exploiter meilleur ; si c'est malheur, nous nous garderons, et par notre assiduité toujours en éveil, nous pourrons heureusement échapper au danger..." 

Donc, c'est évident, Tycho-Brahé, ni dans sa théorie, ni dans la pratique, n'a formulé un fatalisme sombre ou misanthropique. 

À la fin de son préambule Tycho annonce qu'en des lectures sur la doctrine, il traitera spécialement des mouvements des planètes. Ses lectures furent terminées au printemps 1575. Le savant astronome pensait quitter le Danemark pour toujours et se rendait à Venise. Mais le roi Frédéric II, qui appréciait et aimait Tycho-Brahé, le rappela et lui donna en. fief l'île Hven (Insula Venusia), près de Copenhague. C'est là que Tycho fit bâtir des observatoires magnifiques "Uranibourg" et "Stellabourg" (I). On sait qu'il y élabora une série d'observations astronomiques dont l'exactitude fut de la plus grande importance pour la science et les travaux de Johannes Kepler. C'est un fait historique que Tycho n'a jamais abandonné l'astrologie (2). Vingt années durant, il fut appelé auprès de l'empereur Rudolphe II en qualité d astrologue (3).

Véritable grand savant, véritable grand homme, Tycho-Brahé, pour les étoiles, n'oubliait pas l'au-delà. Sa devise superbe était : Non haberi, sed esse, être et non paraître. 

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Notes

  1. Ticho-Brahé ou Tyco-Brahé, Seigneur de Knud-Strup en Danemark, était fils d'Othon Brahé et de Beata Billea, d'une illustre et ancienne maison, originaire de Suède. 
  2. Ville du Ciel, Tour des Étoiles.
  3. Tycho-Brahé est le créateur d'un système astronomique fort différent de ceux de Ptolémée et de Copernic, qu’avaient adopté la plupart des théologiens, car son système suppose que le Soleil tourne autour de la Terre. N. D. L. R
  4. Il était également savant en chimie, y fit un grand nombre de découvertes et guérit force maladies qui passaient pour incurables.Ces sciences abstraites ne l'empêchèrent point de s'adonner aux belles-lettres et notamment à la poésie. N. D. L. R.
  5. Tycho-Brahé est mort à Prague, le 24 octobre 1601.  

Source image : Wikipedia

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