Louvain est une ville néerlandophone de Belgique située à une trentaine de kilomètres à l'est de Bruxelles. Chef-lieu de la province du Brabant, elle témoigne d'un riche passé économique et culturel. Elle est aujourd'hui la capitale de la bière en Belgique. Elle séduit par ses ruelles, son architecture de briques et pierre bleue ou gothique, sa vie nocturne et culturelle, le récent "M-Museum" et sa collection mixte d’œuvres anciennes et modernes. On y trouve un étonnant cadran horaire / calendrier du XVIe siècle, fièrement chargé de représentations astrologiques. On peut y voir une exceptionnelle illustration des heures planétaires.
Le cadran horaire et calendrier du Brabant est un carré de bois peint d'un mètre trente de côté environ qui constituait le fond d’une horloge, et sur lequel figurent un calendrier et de nombreux éléments astrologiques. Le
mécanisme n'existe plus aujourd’hui, comme en témoignent deux ouvertures, l'une centrale pour pointer l'heure, l'autre légèrement décalée pour indiquer probablement les positions du Soleil, de la Lune et des planètes.
Cette œuvre d’art remarquable, due à un maître louvaniste inconnu, date des environs de 1500. Ses riches et fines peintures du style des primitifs flamands ainsi que ses inscriptions en français et en latin laissent penser que le cadran était en place dans des milieux aisés, aristocratiques.
Le cadran horaire / calendrier de Brabant |
Ce cadran est un "livre d’images", d'une finesse et d'une qualité exceptionnelles, traitant de la vie quotidienne par de nombreuses scènes détaillées et colorées. Document
rare pour la connaissance de la vie au Moyen Âge tardif, son iconographie révèle aussi la relation entre l'homme, le temps et les astres du système solaire.
Un détail de l’œuvre pour en apprécier la finesse : 5 cm de côté |
Le cadran est composé de six zones circulaires concentriques qui sont encadrées à l'extérieur par des représentations astrologiques des planètes Mercure, Vénus, Mars et Jupiter.
Jupiter avec, dans sa main gauche, la foudre représentée par des dards. De part et d'autre, les deux signes que Jupiter maitrise : le Sagittaire et les Poissons. |
Premier cercle, au centre : le zodiaque
Au centre, autour du vraisemblable emplacement du mécanisme des aiguilles, les douze signes du zodiaque apparaissent. L’axe des équinoxes est à l’horizontale, le Bélier à droite, la Balance à gauche, et l’axe de solstice en vertical, le Cancer en haut, le Capricorne en bas. On remarque quelques particularités, telles que les Gémeaux représentés par un homme et une femme nus se baignant dans une cuve, le Cancer représenté par l’écrevisse, la Vierge en personnage vêtu de noir ou le Capricorne représenté en chèvre.
L’ordre selon lequel se déroulent les douze signes du zodiaque suscite quelques interrogations quant au mécanisme et à la marche des aiguilles. Ce repère étant fixe, les représentations du Soleil et de la Lune devaient nécessairement tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
La Vierge et le Lion |
Le Capricorne |
Les Poissons |
Deuxième cercle à partir du centre : les travaux de l’année
Autour de ce zodiaque, chaque signe se prolonge par une représentation des travaux qui lui sont caractéristiques, avec un grande richesse de détails. La qualité de la réalisation, l'iconographie, le choix des couleurs et le travail de détail sont exceptionnels. Les représentations sont, pour la plupart, conformes aux thèmes moyenâgeux traditionnels des signes.
Prolongeant le Bélier, le premier signe du printemps, un épisode de taille et d’élagage des arbres se déroule, mettant en scène quatre ouvriers supervisés par un notable dans un verger.
La taille des arbres au Bélier |
À
l’opposé, prolongeant la Balance, premier signe de l’automne, quatre
ouvriers travaillent dans les champs en passant la charrue et la herse
tirées par quatre chevaux pendant qu’un autre ensemence. Cette scène est
conforme à la représentation astrologique classique et illustre la
métaphore de la graine, chère à Ptolémée, enfouie sous terre pendant
l'automne et l’hiver pour en sortir avec le printemps.
La préparation de la terre et les semailles à la Balance |
Pour le signe du Taureau, un couple retourne la terre d’un jardin cloisonné en carrés pour y planter de jeunes pousses. Appuyé sur la balustrade, avec en fond la silhouette d'un manoir de style renaissance flamande, un homme les observe tandis qu'un couple discute en s’échangeant des fleurs. Les références sont ici nombreuses, saisonnières pour le jardinage et la floraison, astrologiques aussi, par l'élément Terre, le couple amoureux ou encore la riche propriété.
À l’opposé du Taureau, le Scorpion est illustré par une scène d'élaboration du vin. Six personnages vendangent le raisin noir, le foulent dans une cuve et le mettent en barrique.
Le Scorpion et le vin, le Sagittaire et l'abattage |
Prolongeant les Gémeaux, l'ambiance est bucolique pour montrer au premier plan deux couples richement vêtus prennent un repas sur l’herbe, derrière eux un couple faisant de la musique, l’homme à la flute et la femme au luth, et à l’arrière trois hommes, dont un à cheval, chassant. Cette scène est en accord avec les activités classiques de la fin du printemps, à savoir l'amour courtois et la chasse au faucon.
Au signe opposé, le Sagittaire, la scène montre de façon détaillée l’abattage du bétail : quatre hommes tuent un bœuf, égorgent et saignent un porc dans une cour de ferme. À l’arrière plan, deux personnages discutent devant une carcasse suspendue. Le stock de viande se prépare en vue de l’hiver.
En prolongement de l'écrevisse du signe du Cancer apparait une scène champêtre. Deux hommes tondent des moutons dans un pré où paissent deux vaches dont l'une est traite par une paysanne. En arrière-plan, une rivière passe sous un pont et s'écoule vers le lointain. Un personnage récolte les fruits d'un arbre. Le riche manoir flamand représenté ici rappelle celui qui figure au Taureau. La référence au lait concorde avec la symbolique lunaire du sein et de l'alimentation des nourrissons.
Le Cancer : la tonte des moutons et la traite des vaches |
Faisant face au Cancer, la scène Capricorne, inattendue, ne correspond à aucune représentation traditionnelle. On y voit les cuisines d'une ample demeure, deux serviteurs portant le bois qui alimente un âtre, devant lesquels deux personnages richement vêtus se réconfortent, ainsi qu'un four autour duquel un homme et une femme s’affairent à fabriquer le pain. Cette représentation est à mi-chemin entre la précédente (production d'un stock pour subsister pendant l'hiver) et la suivante (le repas pris en commun, le partage du pain).
On remarquera que les mises en scène des trois signes d'hiver, Capricorne, Verseau et Poissons, prennent place à l'intérieur d'une demeure alors que les autres sont toutes en extérieur.
À la suite de la scène du Cancer, celle du Lion prolonge l'ambiance des récoltes d'été. C'est le temps de la fenaison, deux paysans fauchent les foins, un couple les rassemble en bottes pour les charger sur une charrette tirée par deux bœufs. En arrière-plan, une rivière canalisée borde un chaumière, sa barrière et son poulailler, que l'on retrouve dans la scène Balance.
On remarquera que les signes du Cancer et du Lion sont les seuls à montrer l'eau alors qu'ils correspondent aux moments les plus secs de l'année, contrairement aux signes symétriques, Capricorne et Verseau, signes d'hiver, froid et humide.
À l'opposé, pour le signe du Verseau, une scène de repas se déroule chez des notables. Trois couples festoient de plats élaborés et de boissons servies dans des chopes en étain. Un serviteur satisfait leurs besoins, à leurs pieds un chien Tervuren ronge un os, un encensoir est posé à leurs côtés. En arrière-plan, deux personnages font rôtir une viande devant des braises qui chauffent aussi une marmite. Il peut s'agir du repas du premier janvier (circoncision de Jésus) ou de la fête des rois.
Pour le dernier signe zodiacal de l'été, la Vierge, les récoltes se poursuivent avec la moisson. Ici, cinq personnages fauchent le blé et en font des gerbes qu'ils chargent sur une charrette tirées par deux chevaux.
Face à la Vierge, le signe des Poissons illustre en grande partie la chandeleur, la fête des chandelles, célébrée quarante jours après Noël. On y voit une famille réunie autour de la cheminée, qui prépare et déguste des crêpes ou des gaufres. On y remarque un personnage âgé qui se réchauffe devant l'âtre, une représentation traditionnelle des Poissons. En arrière-plan, à l'extérieur, on assiste à une scène inhabituelle pour les activités des signes, à savoir un tournoi, une joute de
cavaliers en armure montés sur des chevaux blanc et sombre ; s'agirait-il d'une allusion à l'équinoxe qui approche, temps d'équilibre entre les forces de nuit et de jour?
Les Poissons, la réunion autour de l'âtre |
Au delà des signes du Zodiaque et des travaux des l'année, les vingt-quatre heures s'affichent sur une bande dorée, numérotées en chiffres romains dans le sens des aiguilles d'une montre de 1 à 12 puis de nouveau de 1 à 12. L'axe des douzièmes heures est celui du Cancer et de Capricorne.
Quatrième cercle : les heures planétairesVingt-quatre petits tableaux, expressifs et admirablement peints, jalonnent le pourtour des douze signes astrologiques du cadran, chacun couvrant quinze degrés, la moitié d'entre eux centrés sur un seul signe, l'autre moitié à cheval sur deux signes.
On aimerait pouvoir déceler une logique métaphorique entre ces scènes et le zodiaque mais il n'en est rien. Par contre, on remarque une similitude thématique entre des tableaux espacés de sept heures.
On voit ainsi, par exemple, une scène de guerre à la septième heure, une scène de bataille à la quatorzième heure et une signe d'agression à la vingt-et-unième heure, trois scènes en correspondance avec la symbolique astrologique de la planète Mars.
On aimerait pouvoir déceler une logique métaphorique entre ces scènes et le zodiaque mais il n'en est rien. Par contre, on remarque une similitude thématique entre des tableaux espacés de sept heures.
On voit ainsi, par exemple, une scène de guerre à la septième heure, une scène de bataille à la quatorzième heure et une signe d'agression à la vingt-et-unième heure, trois scènes en correspondance avec la symbolique astrologique de la planète Mars.
En y regardant de plus près, ce cercle des vingt-quatre images pourraient bien être une figuration des "Heures planétaires".
Pour les astrologues, chaque heure de la journée est régie par l'une des sept planètes de la tradition, à savoir le Soleil, Vénus, Mercure, la Lune, Saturne, Jupiter et Mars, chacune succédant à l'autre en fonction de la durée de sa révolution apparente. L'ordonnancement des planètes
suit celui des jours, celle régissant la première heure régissant également le jour en question. Par exemple, le Soleil préside la première heure du dimanche, la
Lune la première heure du lundi, etc.Pour les astrologues, chaque heure de la journée est régie par l'une des sept planètes de la tradition, à savoir le Soleil, Vénus, Mercure, la Lune, Saturne, Jupiter et Mars, chacune succédant à l'autre en fonction de la durée de sa révolution apparente. L'ordonnancement des planètes
Il semble ainsi que ces vingt-quatre images expriment trois fois la succession des sept planètes pour un dimanche, les trois dernières images prolongeant le rythme.
Rares sont les témoignages iconographiques des heures planétaires, et celle du cadran de Brabant est exceptionnelle à plusieurs titres.
Les heures du Soleil
Quatre scènes qui montrent des notables en discussion (gouvernement, négociation, organisation), des jeux, les arts et le spectacle.
Vingt-deuxième heure : deux hommes pratiquant la lutte devant un notable qui les regarde ; un enfant prie la Vierge |
Les heures de Vénus
Quatre scènes qui montrent des couples et des amoureux, en situation de divertissement (musique, danse, bain).
Deuxième heure : deux couples dansant et s'embrassant sur la musique d'un personnage avec flute et tambour. |
Neuvième heure : un couple étendu sur un lit rouge, des fruits à coté d'eux sur une table basse |
Les heures de Mercure
Quatre scènes d'artisans et d'ouvriers d'art en action et en intérieur, travaillant le métal, le bois, le pain, la peinture, le tissu, etc..
Dixième heure : un homme faisant des écritures sur un pupitre, deux hommes travaillant sur un métier à tisser |
Dix-septième heure : deux hommes fabriquant une chasse, une horloge ou un reliquaire |
Vingt-quatrième heure : un peintre portraitiste, un boulanger ou un potier, un orfèvre ou un horloger |
Les heures de la Lune
Trois scènes en rapport avec l'eau, montrant pêcheurs, filets, navires, poisson, moulin à aube ou autre ancre.
Quatrième heure : deux hommes dans une barque relevant les filets, un homme assis sur la grève péchant à la ligne |
Onzième heure : deux personnages se baignant à côté d'un moulin à aube ; au lointain, un navire sur lequel se tient un homme disproportionné |
Dix-huitième heure : deux hommes rentrant de la pèche, posant les filets sur la grève. Une ancre posée sur la grève, la queue d'un poisson plongeant dans le lointain. |
Les heures de Saturne
Cinquième heure : un homme nourrissant deux porcs, un homme amputé d'une jambe avec béquille, la dépouille d'un pendu au gibet |
Douzième heure : un paysan labourant avec une charrue tirée par deux chevaux |
Dix-neuvième heure : dans une geôle, un homme aux pieds serrés dans un cep, un autre handicapé marchant avec des béquilles |
Les heures de Jupiter
Trois scènes montrant des érudits, des religieux ou des chasseurs.
Sixième heure : deux hommes debout en intérieur, l'un lisant l'autre écrivant |
Treizième heure : un cardinal, un clerc et un arbalétrier |
Vingtième heure : un personnage en robe discutant avec un évêque ; un oiseleur muni d'une épée à la ceinture chassant au faucon |
Les heures de Mars
Trois scènes de guerre, de combat et d'agression.
Septième heure : invasion et incendie d'un village, un chef d'armée en prenant possession, suivi d'un soldat cuirassé. |
Quatorzième heure : scène de guerre avec deux cavaliers armés d'épées contre deux lanciers cuirassés ; entre eux tous, un homme gisant au sol |
Vingt-et-unième heure : deux hommes en attaquant deux autres à terre, l'un avec une épée, l'autre avec un cimeterre |
Cinquième et sixième cercle
: les jours de l’année, les célébrations, les douze mois Quelques jours particuliers de décembre : Saint-Thomas, Noël ou encore la circoncision de Jésus. |
Sur
le sixième cercle, c
hacun des mois est inscrit en lettres gothiques et en latin, avec indication du nombre de jours qui le compose. On remarque ainsi Noël, la Circoncision de Jésus le 1er janvier, les Rois le 6 janvier, la Chandeleur le 2 février, l'Annonciation le 25 mars,
l'Assomption le 15 août, la Nativité de Marie le 8 septembre, la Toussaint le 1er novembre.On y voit aussi les fêtes de Paul le 25 janvier, de Marc au 25 avril, de Jacques et Philippe au 3 mai, de Marie Madeleine au 22 juillet, de Jacob au 25 juillet, de Laurent le 10 août, etc.
Un positionnement des signes et des mois erroné
Ce repérage de dates du calendrier met en lumière une erreur importante dans l'articulation des signes et des mois sur le cadran de Brabant.
L'assomption, pour ne prendre que cet exemple, célébrée au 15 août, est située sur le cadran au degré 15 de la Vierge alors qu'elle devrait être à 12° Lion selon le calendrier julien en vigueur à l'époque, ou à 21° Lion selon le calendrier grégorien.
Le cadran assimile chaque signe à un mois précis mais en le décalant de plus de trente jours. Dans notre exemple, le cadran place à tort le signe de la Vierge du 1er au 31 août, décalage de plus de 30 jours qui se constate pour tous les signes.
On remarque également quelques décalages assez importants entre les activités de chaque signe et les calendriers agricoles traditionnels, à commencer par la tonte des moutons et la fenaison qui sont généralement toutes deux attribuées au signe du Cancer. La moisson est généralement liée au Lion alors qu'à la Vierge revient la battage du grain, dont il n'est pas fait mention ici. L'abattage du porc est généralement le fait du Capricorne alors que le repas et la chandeleur ne sont associés qu'à un seul signe, le Verseau.
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