LE ZODIAQUE DE SAINTE-CÉCILE D'ALBI

L'impressionnante cathédrale fortifiée Sainte-Cécile d'Albi se dresse sur un piton rocheux dominant la rivière. Ascétique de l'extérieure, exubérante de l'intérieure, elle dédie une de ses nombreuses chapelles à l'apparition de l'archange Michel. Ses magnifiques fresques multicolores montrent, sur fond lapis-lazuli, les douze signes du zodiaque ainsi que les vents des quatre saisons.



© De Sphæris – association Météores
Petite cité gauloise élevée sur les rives du Tarn, Albi est aujourd'hui une ville française de taille moyenne située dans la région Midi-Pyrénées, entre le bassin aquitain et le Massif central.
Son centre historique et ses principaux monuments, la cathédrale et le palais de la Berbie notamment, sont essentiellement constitués de briques, ce qui lui a valu le surnom de "ville rouge". Un musée y est consacré au peintre Toulouse-Lautrec, natif de la ville. 
Albi fut, en particulier, le théâtre d'une violente répression du catharisme, par les armes d'abord avec la croisade des Albigeois, par le droit canonique ensuite avec l'Inquisition. Anticléricaux, opposés à la hiérarchie catholique,  les cathares s'attirent les foudres du pouvoir qui décide, au XIIIe siècle, d'éliminer l'hérésie des terres languedociennes au moment où le comté de Toulouse est rattaché au domaine royal. 

Les vainqueurs édifièrent ensuite l'impressionnante cathédrale fortifiée Sainte-Cécile en signe de leur domination. Elle se dresse sur un piton rocheux dominant la rivière. 
L'ensemble est aussi monumental qu'austère, quasiment militaire. Le matériau qui la constitue contribue pour une grande part à cette impression. Plus grande cathédrale de brique du monde, Sainte Cécile est pénétrée des lignes géométriques et linéaires que lui confèrent les alignements de terre cuite.   Après deux siècles d'extraction et de cuisson de l'argile du Tarn, la fin du chantier fut célébrée par la consécration du chœur en 1480.  Quelques ajouts seront apportés au fil du temps.

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Plusieurs édifices précédèrent la cathédrale sur son site, un premier au IVe siècle et détruit 200 ans plus tard par un incendie, un second mentionné dans les archives en 920 sous le nom de Sainte-Cécile, un bâtiment roman en pierre ensuite.

© De Sphæris – association MétéoresLa première brique de la cathédrale est posée en 1282, symbole de la puissance de l'Église catholique romaine et de la papauté. 

Avec la fin du XVe siècle et la Renaissance, le bâtiment de développe. Trois étages sont ajoutés au clocher,  une clôture de pierre finement ouvragée, le jubé, entoure le chœur, d'incroyables fresques aux couleurs éclatantes, œuvre de peintres italiens, viennent illuminer les murailles et le plafond.
 
Après avoir frôlé des outrages irréversibles lors de la révolution française et le Directoire, Sainte Cécile s'est dotée de tourelles et d'un chemin de ronde supplémentaires au milieu du XIXe siècle. 
Fermée de toutes parts, isolée comme un navire défensif, elle ne possède qu'une seule entrée en baldaquin de pierre sculptée qui tranche ardemment avec l'austérité de l'ensemble de briques. La richesse picturale et sculpturale de l'intérieur apporte un contraste supplémentaire.
 
Sainte Cécile, c'est aussi la plus grande surface de fresque de la renaissance italienne en France. À elle seule, à l'origine, la fresque du jugement dernier couvrait près de deux cents mètres carrés. Les fresques de la voûte ont été entreprises quelques dizaines d'années plus tard. La qualité de la matière, notamment le bleu de lapis-lazuli et d'oxyde de cuivre, la finesse et la richesse des motifs, et la dimension de l'ensemble en font un chef-d’œuvre exceptionnel. Les couleurs sont dans un état de conservation remarquable : elles n'ont connu aucune restauration depuis le moyen-âge.
 
La chapelle de l'archange

Proche de l'entrée de la cathédrale mais en toute fin du circuit de visite qui longe le jubé, une chapelle multicolore aux motifs précieux surprend par ses représentations. Le plafond est dédié à la descente de Saint-Michel sur terre. 
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Quatre piliers peints soutiennent ce ciel d'un exceptionnel bleu roi. Ils sont décorés des douze signes du zodiaque et de quatre vents. Ceux-ci pourraient être assimilés aux quatre vents directionnels des mythologies grecque et romaine, les Anémoi, représentatifs des points cardinaux et étroitement attachés aux saisons.
 
Au premier étage, sur fond bleu, on trouve, d'est en ouest, le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance et le Scorpion. Plus bas, on trouve le Sagittaire sur fond rouge, le Capricorne, le Verseau et les Poissons sur fond jaune. Sur le côté ouest de la chapelle, on trouve quatre personnages soufflant dans des directions différentes, Septem Trionus, Borealis et Circius sur fond jaune, Boreas sur fond rouge.
 
Cet ordonnancement des signes permet ainsi aux signes de même élément de se superposer mais aussi au signes de même maîtrise de se faire face : Bélier et Scorpion, maîtrisés par Mars, se regardent, tout comme Taureau et Balance maîtrisés par Vénus, ou comme Gémeaux et Vierge maîtrisés par Mercure. Les signes jupitériens et saturniens se situent sur un même plan.
 

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Sur fond rouge feu, le signe du Sagittaire est situé à l'entrée est de la chapelle. Chaque représentation zodiacale, ici un centaure qui décoche une flèche, est placée au sommet d'une stèle peinte.
 
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Dans la langue de l'église catholique romaine, le latin, le signe du Capricorne.
 
 
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Les signes du Bélier et du Taureau
 
À l'exception du Capricorne et du Verseau, qui semblent inversés, les signes masculins sont posés sur des stèles d'orfèvrerie ou de pierre sculptée alors que les signes féminins sont placés au sommet d'assemblages de feuillages et de tiges végétales souples.
 
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Le Verseau et les Poissons, dans l'angle sud-est, au dessous des Gémeaux et du Cancer.
Le Verseau s'écrit ici "Versarius", une orthographe extrêmement rare.
 
Les vents et les saisons

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Septem Trionus, un vent vraisemblablement capable de souffler en deux directions et peut-être marin si l'on en croit les deux poissons à la base de la stèle. Borealis, un vent qui vient peut-être de l'ouest et qui pourrait être lié à la Lune. Comment interpréter ces deux représentations? Septentrional et boréal signifient tous deux "du nord".
 
L'apparition de Saint Michel

Concussum est mare, et contremuit terra, ubi Archangelus Michael descendebat de cælo.

La mer a été ébranlée, et la terre a tremblé, quand l'Archange Michel est descendu du ciel

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À l'est, "Concussum est mare et contremuit terra ubi..." À gauche, les signes du Bélier et du Taureau
 
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À l'ouest, "Archangelus Michael descendebat de cælo." À droite, le signe de la Balance, signe vénusien qui fait
face au Taureau, autre signe maîtrisé par Vénus.