LA LUNE DANS LES SIGNES DU ZODIAQUE, par André BARBAULT

Ayant consacré plusieurs années à étudier isolément la symbolique de plusieurs planètes, puis celle de tous les signes, je crois être en mesure de faire un pas de plus, armé que je suis pour aborder ce nouveau chapitre qui est celui de la combinaison de la première catégorie de symboles avec la seconde. Et je veux dégager la valeur des positions Planètes-Signes "par l'exemple".
 
 
Article paru dans les "Cahiers astrologiques", 26e Année - N° 104 (Nouvelle Série), Mai-Juin 1963
 
S'il est, dans l'ordre de l'immédiate pratique astrologique, un chapitre de notre connaissance qui laisse le plus à désirer, c'est bien celui qui concerne la différenciation de la symbolique de chaque planète au cours de son passage à travers les douze signes zodiacaux. Depuis la renaissance astrologique de la fin du XIXe siècle, plus d'une dizaine d'ouvrages de langue française ont fourni des indications sur les "combinaisons planètes-signes" comme sur les autres données de l'interprétation. Or, il faut avouer que, pour un praticien soucieux de saisir une vérité tangible, de "tenir en main" quelque chose de la réalité humaine, les éléments d'information que cette littérature nous fournit sont bien décevants.

Indigence, erreurs et fantaisies en sont le bilan, parce que les indications fournies sont le produit de raisonnements analogiques – quand elles ne sont pas simplement le fruit de compilations injustifiées – avant d'être le résultat d'un dépouillement reposant sur une somme d'observations. Les meilleurs ont rédigé leurs textes en pensant, à propos de telle position, à tel et tel familiers, en assaisonnant l'observation d'un raisonnement convenable. Mais, même une telle manière de procéder, forcément insuffisante, ne peut aboutir qu'à des conclusions décevantes.

On ne construit pas un savoir avec sa mémoire : la science a pris naissance le jour où l'on a pris le soin de consigner des observations. La mémoire est chose mouvante et oublieuse, quand elle n'est pas même partialité ou complaisance à des idées reçues. On retient aisément les "bons exemples" et oublie volontiers les cas difficiles. Au surplus, un petit nombre d'exemples ne suffit pas à établir une conclusion solide et générale. Une configuration simple – ou plus exactement composée, puisqu'il s'agit d'un complexe de deux éléments constituants (planète et signe) que l'on tend, pour l'analyse, à isoler arbitrairement de tout un contexte toujours variable – fournit une base commune à de multiples expressions, celles-ci relevant précisément de ce contexte. Il est donc obligatoire de s'adresser à de nombreux cas pour en dégager, seulement, quelques idées maîtresses. Et même, il n'est jamais tout à fait assuré que la découverte de cas nouveaux ne vienne nous contraindre à réviser les interprétations jusque là proposées; elle peut, en tout cas, élargir l'éventail des possibilités. On voit donc que la constitution d'un clavier des significations de cette configuration simple ne peut être que le fruit d'un dépouillement portant sur une abondante masse d'observations.

L'erreur a consisté à user du raisonnement analogique sans l'apport de ces matériaux; du coup, l'on a fait de ce raisonnement idéal un instrument de piètre valeur dont les conclusions sont sujettes à caution et, en tout cas, de portée limitée. Il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs : d'abord l'observation ; le reste ensuite. Certes, le raisonnement analogique est en mesure de nous livrer des idées préalables, de nous orienter sur certaines pistes, mais ce n'en est pas moins le matériel observé qui constitue la donnée première ; et l'observation ne manque jamais – assistée de ce raisonnement – de nous apporter des surprises, la réalité, toujours complexe, révisant et débordant les meilleurs jugements a priori.

Ayant consacré plusieurs années à étudier isolément la symbolique de plusieurs planètes, puis celle de tous les signes, je crois être en mesure de faire un pas de plus, armé que je suis pour aborder ce nouveau chapitre qui est celui de la combinaison de la première catégorie de symboles avec la seconde. Et je veux dégager la valeur des positions Planètes-Signes "par l'exemple".

Mais je suis de suite arrêté par une première difficulté : disposant d'une collection de plusieurs milliers de thèmes, il tombe sous le sens que je puis obtenir pour chaque position plusieurs centaines de cas! Vais-je pouvoir répondre à toutes ces analyses?

Pour y satisfaire, il faudrait que je connaisse la vie de chacune de ces personnes. Il me faudrait lire des biographies sur chacune d'elles; et encore des biographies qui ne soient pas que descriptives, mais scrutatrices, psychologiques. Autant dire qu'il me faudrait assimiler une bibliothèque innombrable, à supposer – ce qui n'est pas le cas – qu'il existe des éléments biographiques, en particulier psychologiques, sur tous ces sujets... Ainsi, de la liste des 676 chefs militaires, fournie par M. Gauquelin, il serait étonnant que je puisse obtenir les biographies pour une simple cinquantaine de cas. Il ne peut donc être question, on le voit, de s'atteler à tous les cas que l'on est en mesure de recenser, faute de posséder de suffisantes informations sur leur vie, leur caractère, leurs penchants... Sans compter qu'à cette allure, et à supposer que ce fût possible, c'est un livre entier qu'il faudrait écrire pour chacune des cent-vingt positions à étudier!

Nous sommes donc obligés de nous limiter aux cas intéressants de personnalités connues qui ont, du fait de certaines particularités, justifié des études biographiques; les proportions deviennent de la sorte raisonnables. Mais ainsi, à ne relever que vingt-cinq cas pour chaque position, il ne m'en faut pas moins consulter – pour une seule planète – la coquette somme de trois cents biographies... N'est-ce pas reconnaître que la tâche est déjà énorme, monumentale, si du moins nous voulons la mener à bien?

On conviendra que certaines personnalités sont suffisamment connues pour qu'il ne soit point nécessaire de recourir à des recherches. Pour la Lune en Bélier, par exemple, George Sand passe fort bien. Mais, pour ne considérer que les musiciens connus, comment identifier la part de Lune-Bélier qui entre dans le caractère, l’œuvre ou la vie de Donizetti, Leoncavallo, Pizetti et Casella? Le lecteur ne devra donc pas s'étonner si des personnalités intéressantes sont, malgré tout, laissées dans l'oubli...

Et il n'y a pas que les limites de la documentation : il y a aussi celles de l'observateur. Chacun aborde l'univers selon son optique propre et tout angle de vision personnel ne constitue, assurément, qu'une prise partielle de la réalité. Cette limitation, qui pourrait prétendre y échapper?

Il est bien possible que certains soient surpris de ne pas trouver dans mes analyses des indices qu'ils estiment fondés. Comment pourrais-je faire la part de ce qui m'échappe? Certaines positions me "parlent" plus que d'autres, et l'inégalité des développements de l'analyse témoigne seulement de ce qui est, pour moi, facilité ou difficulté – alors que chaque position mérite le même développement. Si j'admets que les études seront à compléter, j'entends cependant qu'on ne revienne plus au "bla-bla" des compilateurs qui confèrent des propriétés que rien ne justifie : pour la Lune en Bélier, par exemple, le goût des voyages audacieux, le don de double vue, des qualités d'écrivain et de poète... Après avoir touché de plus près, dans des études antérieures, les valeurs des deux éléments constituants, planète et signe, nous entendons poursuivre une piste limitée exclusivement à une zone qui ne nous départisse pas des fonctions de l'une et des propriétés de l'autre. Car, pour ce qui n'est qu'un début, j'entends tenter de cerner ce qui me paraît être l'essentiel afin d'être plus sûr de retenir un aspect de cette vérité ou réalité tangible que réclame le praticien.

Ce à quoi je m'appliquerai donc, c'est à relever les propriétés de la tendance lunaire dans l’arc-en-ciel de ses diverses modalités au cours de son tour de piste zodiacal. Ces tendances seront saisies d'abord en tant que données de caractère, si possible en remontant jusqu'à l'unité de formule d'une structure psychologique, qu'elle soit fournie par une donnée typologique, une propriété caractérologique ou une tout autre constituante psychique. De là pourra parfois se dégager une ligne de devenir, un trait de destinée. Ensuite, ces tendances seront recherchées en ce qui concerne le comportement affectif : pour l'homme, le mode de rapport qu'il tend à établir avec la femme ; pour celle-ci, les conditions de sa propre féminité.

Comme nous ne traitons ici qu'un élément intégré à un ensemble dont il dépend, je serai obligé de relever les associations proches ou lointaines, aspects ou outres, de ce facteur lunaire, afin de comprendre ce qui rapproche et différencie tel cas de tel autre. Pour ma part, je ne connais pas d'autre méthode de travail.

Celui-ci est, du reste, entièrement conçu dans l'esprit "De la Psychanalyse à l'Astrologie". Le lecteur qui serait dérouté devrait se reporter à ce livre ; il ne m'est d'ailleurs pas possible d'expliquer ici les processus de "déplacement", d'"inversion" de tendances, et autres... dont je fais le plus large usage, le présent travail étant une application pratique de ce traité théorique.

La Lune en Bélier

Si l'on considère que, dans la catégorie des correspondances avec les âges de la vie, la Lune est première par sa relation avec la tranche du berceau, de l'enfance, et que le Bélier est le premier signe zodiacal, nous saisissons d'emblée "la" valeur spécifique de la relation étudiée : avec la première station lunaire, nous avons affaire à la disposition psychique la plus "primitive", la plus animale, avec ce que l'astre et le signe détiennent en commun de spontanéité première, de coulée vitale, de force inconsciente jaillissante et inorientée ; anarchique et désordonnée, aveugle et sublime, brutale et généreuse... C'est l'instinct primitif, créateur et destructeur, aux décharges irruptives, à la force fulgurante ; c'est la vie dans sa vigueur première, qui ne se laisse pas facilement discipliner, dompter, contrôler, orienter ; la sève vitale dans sa coulée brute, pure, impulsive...

Ainsi donc, comme partie d'un tout, la Lune-Bélier rend compte, au sein de la personnalité, d'une zone où la vie animale fait la loi. En tant que "composante" psychique, elle représente une véritable "charge", bourrée d'explosifs, une force spontanée qui fuse en manifestations impulsives, selon le propre de la primarité (caractérologie), vers une démesure... Avec elle, nous avons donc quelque chose d'intensif, qui peut passer par une imagination enflammée, et qui tend à être excitabilité : d'où la panoplie des valeurs caractérielles : surémotivité-primarité (excès, contradictions, fureurs, violence, révolte, générosité, combativité, ferveur, exaltation, extravagance, témérité, débordement passionnel, jeunesse irrévérencieuse, "tout-ou-rien"...

Cette "charge", nous la voyons surtout s'exprimer dans une nature insurrectionnelle. Ainsi, en notre époque de guerre d'Algérie, il se trouve que la "résistance" algérienne est incarnée par deux Lune-Bélier : Messali Hadj (Lune conjonction Mars) et Ferhat Abbas, ce dernier avec une Lune en X opposée à Mars (1). Or, il est d'autres exemples aussi frappants. À la guerre d'Indépendance américaine, "la révolte" est représentée par John Adams, ce Scorpion assisté d'une Lune-Bélier opposée à Mars, qui joua un rôle important aux côtés du Mars-Scorpion George Washington et du Bélier Thomas Jefferson. L'objet de l'assaut insurrectionnel est éminemment variable. Martin Luther, qui mène un assaut décisif contre Rome, voit sa nature Scorpion escortée d'une telle position. Dans un autre domaine, Francis Bacon (Verseau "chargé" de cette Lune avec un Mars-Sagittaire-Milieu du ciel) qui décrète que les maîtres de l'Antiquité (Platon "ce plaisantin" et Aristote "ce sophiste") sont incapables de satisfaire l'ardente curiosité des jeunes de sa génération, préconise une méthode qui consiste à partir à la "chasse de Pan", à la conquête des phénomènes physiques. Plus près de nous, Maximilien de Robespierre dispose de cette "charge" qui passe par un Mars-Lion angulaire et se met au service de son Ascendant-Verseau : il est l'aile marchante de la Révolution française. Parmi les cas contemporains, on peut citer Charles de Gaulle, avec cette Lune trigone à son Soleil-Scorpion; incarnation du "mouvement de la Résistance". Comment ne pas citer non plus André Breton qui a cette position lunaire angulaire? Avec lui, dans le but de recenser toutes nos richesses intérieures afin que le microcosme humain s'accomplisse intégralement à l'échelle du macrocosme universel et pour atteindre la surréalité, le surréalisme prône l'insurrection : révolutionnaire, tapageuse, insolente, contre le monde, la société, les valeurs établies, l'ordre bourgeois. Cet esprit d'insoumission est naturellement au premier rang de la révolte contre les contraintes d'une civilisation trop utilitaire; il est avec ceux qui veulent briser les chaînes du dehors et du dedans. Il veut revenir ou préconise le retour à ce monde lunaire qui est celui de la vie naturelle première, veut faire parler librement l'être essentiel, réhabilitant à cet effet le rêve, l'automatisme, le délire occulte, la nuit inintelligible de notre constellation intérieure profonde, pour révéler le mystère de notre "surnature" dans le champ de la conscience cosmique. On voit donc, chez Breton, cette Lune-Bélier contribuer à réaliser un programme en accord avec une nature Verseau (où il a le Soleil et Mercure). Cette relation est en quelque sorte confirmée avec les thèmes de Salvador Dali et Alfred Jarry. Dali (avec une Lune-Bélier au Milieu du ciel et maîtresse d'Ascendant) a été un des plus purs surréalistes : liberté créatrice typique qui est tout à la fois imagination enflammée, délire onirique et "irritabilité" des facultés, le tout donnant le "phénomène" que nous connaissons avec ses œuvres d'un expressionnisme agressif dans l'irritante intensification de ses déformations et dépaysements. Quant à Jarry, on sait qu'il a ouvert les portes du surréalisme et qu'André Breton lui a rendu un grand hommage. Sa Lune-Bélier compose avec un Mars angulaire qui défoule toute l'analité de son groupe Ascendant-Soleil-Mercure-Jupiter en Vierge. Ce déconcertant et extravagant personnage fait de son Ubu Roi une charge explosive, une farce cruelle qui ne respecte ni les bourgeois, ni les formes établies, ni la morale admise, ni le bon ton qu'adopte jusqu'alors toute œuvre littéraire. Le scandale est déchaîné à l'ouverture du rideau où le premier mot prononcé par Ubu Roi frappe les spectateurs en plein visage comme une insulte personnelle : le mot de Cambronne... Chez d'autres, la charge, pour être moins agressive ou d'une agressivité moins anale, n'en est pas moins de nature insurrectionnelle. Ainsi se présente Verdi comme "fer de lance" politique. Sa Lune-Bélier "charge" un Mars culminant qui, seul, expliquerait mal cette poussée insurrectionnelle : quelques-uns de ses premiers chants ont sonné l'aube du "Risorgimento" et sa foi patriotique, ses exhortations au peuple, ses actes mêmes lui donnent une "figure de proue" dans le réveil de l'énergie nationale italienne; on crayonnait sur les murs, du temps de la domination autrichienne : V. V.E.R.D.I., ce vive Verdi s'entendant : Vive Vittorio Emanuelle Re d'Italia... Et à propos de musique, on peut citer Borodine dont le Prince Igor, avec des passages d'allure sauvage, d'ardeur frénétique aux accords féroces, constitue un des plus beaux "tumultes" musicaux qui soient pour rehausser une action théâtrale. Et pour revenir à la politique, on peut encore citer le ministre italien Francesco Crispi, "l'homme à poigne" qui fut renversé par son échec colonial, António de Oliveira Salazar qui "mata" le Portugal, Philippe Henriot "fer de lance" radiophonique du régime de Vichy, Léon Degrelle, figure de proue du fascisme belge, Maurice Thorez (2), homme de la mobilisation politique d'une classe sociale française comme de Gaulle le fut de la combativité française durant l'Occupation. On saisit moins la valeur Lune-Bélier chez le capricornien (saturnien-jupitérien) Konrad Adenauer (serait-elle dans le côté foncièrement agressif de sa politique européenne que ses adversaires jugent franchement réactionnaire-militariste, et ne serait-ce pas leur commune Lune-Bélier qui rapprocherait de Gaulle et Adenauer?). En tout cas, on peut clore la série avec un cas typique : Heinrich Himmler, chef des S.S., ces troupes de choc du nazisme dans ce qu'il avait de plus féroce, de plus animal, avait cette Lune à l'Ascendant...

Certes, le côté insurrectionnel, révolte, charge agressive peut faire défaut. Il subsiste alors une nature infantile sous l'aspect irréaliste, instable, impulsif, irritable : tel était le musicien Gaspard Spontini, au caractère impossible (Lune-Ascendant). Mais ce qui l'emporte, la plupart du temps, c'est l'excitabilité d'une nature primaire, soumise aux emportements et débordements de sa sensibilité (3), tel était Henri IV (Lune-Descendant), "Vert-Galant" esclave d'une libido toujours en éveil, jusqu'au "démon de midi" qui faillit l'entraîner dans une folle aventure... On conçoit, naturellement, que cette position soit un facteur de vie agitée, car elle entraîne à satisfaire des sensations fortes, à se régaler de sauces relevées, de plats épicés, voire d'aventures corsées... pour peu que cette composante s'intègre à un contexte thématique tendu (cas typique du Scorpion Benvenuto Cellini, insociable, querelleur, escroc, nécroman, assassin...).

Pourtant, ce contexte peut aussi aller à l'encontre du jeu libre de cette composante qui, de soi-même, gicle, explose, fuse en sève animale, en impulsivité, en fureur. Or, si la tendance est entravée, c'est alors le renversement de l'actif au passif : ce qui aurait dû s'adresser à un objet se retourne contre le sujet. Précisément, en face de ceux "qui lancent les pommes cuites" (4), il y a ceux qui les reçoivent. Face à ceux qu'anime une nature insurrectionnelle, il est normal de rencontrer ceux qui ont tendance à subir l'agressivité de la horde, à être victimes de la force vive du peuple ou des courants de la collectivité. À cet égard, on peut citer : François-Ferdinand d'Autriche, victime à Sarajevo des terroristes serbes de la "Main Noire"; Amédée Ier d'Espagne, victime d'une insurrection; Carlos Ier de Portugal, assassiné; Nicolas II de Russie, emporté par la révolution bolchevique; Édouard Daladier, victime de l'émeute du 6 février; Philippe Henriot et Pierre Laval, détruits par le mouvement de la Résistance; Guy Mallet, défait au 6 février 1956 par la population d'Alger.

La relation féminine de l'homme

La Lune-Bélier nous situe devant une dialectique précise des relations de l'homme avec la femme. Suivant que la composante se manifeste sous une forme naturelle ou réactionnelle, nous avons la catégorie des hommes soumis à la femme, face à celle des hommes agressifs, hostiles à la femme. Deux acteurs nous en présentent le jeu d'une façon assez précise : Lucien Borroux, dévirilisé, emprunté, bafoué, "toutou" abêti ou brutalisé, aux réflexes de gamin battu... et Louis Jouvet que l'on sent souvent, dans ses rôles, foncièrement méprisant, dur, sans ménagements, intraitable, pour tout dire cruel et même sadique avec la femme.

Les hommes soumis à la femme

Henri II : pendant vingt ans, il est mené par le bout du nez par Diane de Poitiers, dans les mains de laquelle il abdique tout.
Paul de Russie : sous le joug de sa mère Catherine, qui le châtre entièrement (psychologiquement parlant).
Nicolas II : entièrement soumis aux caprices de la Tsarine.
Alphone de Lamartine : se laisse dorloter, couver, protéger et dominer, depuis l'enfant gâté par sa mère et ses sœurs, jusqu'à l'adulte avec ses maîtresses et son épouse.
Alfred de Vigny : subit toute sa vie l'attrait des femmes dominatrices, par leur autorité, leurs caprices ou leur habile séduction, depuis sa mère qui lui impose un mauvais mariage, jusqu'à la provocante Louise Collet, en passant même par sa dolente épouse réfugiée dans son alcôve.
Anatole France : on sait. qu'il fut assez sous la coupe de sa maîtresse, Mme de Caillavet.
Octave Mirbeau : Dans Le Calvaire, celui-ci raconte le drame amoureux de sa jeunesse. Jean Mintié se renie, se ruine, vend la maison de son enfance, disperse ses souvenirs, accepte les partages et les trahisons, subit la domination de Juliette Roux de dégradations en asservissements jusqu'à l'abdication et l'hébétude. Il fut (de Gérard Bauër, in "Figaro Littéraire" du 19-7-1958) : "cet homme pour lequel l'amour était un cycle de l'enfer, où des créatures se débattaient dans l'asservissement de la chair et les tortures".
Paul Bourget : Celui-ci avait apprécié "Le Calvaire" et en avait même fait l'éloge (affinités électives de Lune-Bélier). "Que le Calvaire ait produit une vive impression sur Bourget et que cet éloge ait attesté une communauté de sentiments, cela n'est pas douteux. Bourget, en écrivant "Mensonges" deux ans après le Calvaire, s'inspirait du drame sentimental de Mirbeau en le nuançant de son expérience personnelle. La double action de "Mensonges" (le jeune poète René Vincy épris et dupe d'une mondaine aventureuse, et Claude Larcher épuisant son talent entre les bras d'une comédienne) témoignait chez Bourget de la connaissance approfondie de ces amours orageuses dont la littérature des vingt dernières années du XIXe siècle a reçu la confidence." (Gérard Bauër).
 
Le plus "beau" cas – sans doute parce que la Lune à l'entrée du Bélier est en opposition de Mars en Vierge qui apporte une tendance scorpion – est celui du duc de Bourbon, prince de Condé. À la soixantaine, il s'éprend d'une prostituée qui, sous son influence, devient la baronne de Feuchères. Cette effroyable mégère décide de dompter le duc avec un sadisme monstrueux. Elle l'humilie de toutes les façons, impose l'entrée de ses ennemis au château de Chantilly, sa résidence, lui impose également, avec machiavélisme, un testament qui, en l'avantageant au maximum, fait échoir la fabuleuse succession des Condé aux Orléans; la maison rivale. Cette femme infernale le harcèle, le moque, l'écrase, le cravache, le bat quand il s'insurge. Vaincu, on le trouve finalement pendu à l'espagnolette de la croisée de sa chambre, strangulation interprétée par les uns comme un suicide et par les autres comme un assassinat...

Les hommes hostiles à la femme

Henri VIII d'Angleterre : très ambivalent, soumis à la femme et monstre féroce, galant et barbare à la fois, mais qui, finalement, se construit une légende d'ogre Barbe-Bleue pour répudier deux et faire décapiter deux autres de ses six épouses successives (sa Lune chargeait un Mars-Vierge-Ascendant).
Henri Désiré Landru : spécialiste, si l'on peut dire, de l'amoureux qui fait cuire ses fiancées à petit feu...
Émile Zola : Son œuvre "Bélier-Mars-Pluton" est une plongée dans les ténèbres où l'optique du romancier fait valoir surtout la tranche de vie saignante où dominent la laideur, la cruauté, le noir. Or, il n'y a pas d'exception pour le monde de la femme, au contraire : la Lune fait partie de cette conjonction. Marc Bernard, dans son "Zola par lui-même" (p. 73, le Seuil), déclare : "Avec une cruauté qui ne se relâche jamais, Zola s'acharne sur son héroïne, Gervaise, et ne l'abandonne que morte, après nous l'avoir montrée de sa robe boueuse, en savates, essayant vainement de se prostituer". Quant à Nana, elle est "une bonne fille qui ruine les hommes sans y penser, comme elle croquerait une pomme". Les femmes de Zola sont des exhibitionnistes et des provocantes (elles font du théâtre) ou elles sont vendues... c'est la bête humaine...

Quant aux trois peintres du premier plan qui ont la Lune-Bélier, leur "univers de la femme" varie du tout au tout en fonction de leur constellation lunaire.
 
Auguste Renoir : Conjointe à Vénus et au trigone de Jupiter-Milieu du ciel, elle est chez Renoir l'expression d'une vitalité instinctive, exaltante, au service d'une fête païenne et en l'honneur de la femme, dont il crée un type de beauté physique. C'est de sa triple conjonction Lune-Vénus-Pluton en Bélier (trigone Jupiter-Milieu du ciel) que lui vient cet emploi du rouge dont René Huygue dit qu'il est lié à une impression d'ardeur, d'intensité, et est la dominante d'un interprète de la vie, de son jaillissement, de sa splendeur et de son épanouissement sensuel.
Kees Van Dongen : En trigone de Jupiter et de son Uranus dominant, elle fait de Van Dongen le peintre de la femme moderne, mondaine, affranchie... Frank Elgar, dans le Dictionnaire de la Peinture moderne (F. Hazon éd.), dit qu'il "a créé une sorte de type féminin, ces Théodoras de salons, ces Messalines de boudoirs, ces princesses de sleepings au corps exagérément aminci, au visage livide, au regard plombé, à la bouche sanglante, à demi-vêtues de tulle transparent et ornées de bijoux scintillants". Femmes Bélier-Uranus qu'il traite sans ménagements : "...s'il leur fait quelques concessions, il n'a pour ses modèles aucune complaisance. Il ne les flatte pas de son pinceau, il ne cache même pas le mépris où il les tient, il ne dissimule pas leurs tares physiques et morales".
Bernard Buffet : conjointe à Uranus chez Bernard Buffet, qui situe la femme en bonne place dans sa vision plutonienne de la hideur. Spécialement, même, ses femmes sont affreuses, mutilées par son style saturnien anguleux et contracté, viriles et sans grâce, sans féminité : avec leurs corps squelettiques, leurs longs bras décharnés, leurs chaires plissées, leurs rictus pénibles... des misérables créatures...

On voit qu'il faut Vénus et Jupiter pour désarmer l'agressivité de cette composante qui se mue en chaleur généreuse (Renoir) sinon l'expérience à laquelle elle nous conduit est soit d'exercer une pression plus ou moins sadique sur la femme, soit d'en subir la domination. Il existe, assurément, des cas mixtes-ambivalents comme Henri VIII, Henri IV, Barbey d'Aurevilly...

Psychologie féminine

La Lune-Bélier constitue le type même de la femme virile qui n'a, psychologiquement, pas de mère et est semblable à Pallas-Athéné, sortie de la tête du père; avec un inconscient dominé par l'envie du pénis et une sensibilité escortée d'une intense agressivité. Cette "composante virile" – elle ne suffit pas pour que la femme soit réellement "virile", mais, pour peu que cette Lune soit unie à Mars ou que les éléments masculins dominent, elle contribue à ce résultat – peut s'exprimer de diverses façons : la femme forte, volontaire, la femme dominatrice, insoumise ou révoltée, qui ne supporte aucune ingérence masculine, la femme de tête, foncièrement froide, la femme intellectuelle qui a déplacé son besoin de puissance par une supériorité de l'esprit, cas de socialisation ou de sublimation, la femme de carrière qui préfère, au rôle d'épouse et de mère, celui, de rivale sociale de l'homme, l'homosexuelle, etc.

George Sand : avec son Mars en Taureau opposé à Neptune et carré à Vénus et avec le Soleil-Cancer en V. Il y a deux femmes en elle que les photos et biographies ont immortalisées : la femme forte, maternelle, portant ses enfants sur ses genoux – la femme masculine, vêtue en homme avec des cheveux courts et le cigare à la bouche "Monsieur Sand" s'unissant à "Madame de Musset", à "Madame Chopin" et aux amants au caractère féminin dont la virilité est d'autant plus faible que s'affirme celle de George Sand, "la première féministe", cette Aurore pour laquelle la relation amoureuse est finalement une relation mère-fils ("mon gamin d'Alfred", disait-elle à Musset), amour maternel aboutissant à la destruction sadique de ses amants.
La duchesse de Longueville : héroïne et aventurière, instrument et mobile de la Fronde (avec Mlle de Montpensier Lune-Scorpion). La "Circé de la Fronde", comme dit un historien, changera tous les hommes en Frondeurs, en commençant par ses frères (dont le grand Condé) et son vieux mari qu'elle mène par le bout du nez; et sa folie contagieuse fera même tourner la tête du sage virginien Turenne... voire même, deux siècles après sa mort, celle du philosophe Victor Cousin...
Eugénia de Montijo : Sensibilité exaltée pour le type du conspirateur-aventurier. Napoléon III avait produit sur elle un choc décisif lorsqu'elle l'aperçut au vol, prisonnier de son coup d'État à Strasbourg. Elle avait dix ans et en fut marquée à tout jamais. Elle voulut le visiter dans sa prison de Hamm et se fit épouser par lui à vingt-six ans. Elle devint alors, malgré les apparences (avec elle et avec son côté Taureau, le Second Empire fut une société de plaisirs), une femme froide et une femme de tête, dominant l'Empereur à la fin de son règne.
Louise Colet : une femme de lettres dans le genre de George Sand que les caricaturistes représentent habillée en homme; bas-bleu tapageur, trépidant et fougueux (elle planta un couteau de cuisine dans le dos d'Alphonse Karr, lequel accrocha l'objet dans son antichambre avec l'inscription : "Donné par Mme Louise Colet... dans le dos"), qui tient salon, a de nombreuses liaisons, dont avec Vigny qui la subit, écrit "Coeurs brisés", "Folles et saintes"...
Marceline Desbordes-Valmore : Est-ce parce que l'Ascendant et Vénus sont en Cancer avec aspect de Neptune, toujours est-il que cette Lune n'est point virile et ne façonne que le caractère dans le cadre cancérien. Marceline est une hyper-instinctive qui ne vit que dans les transes. C'est une torturée de l'amour porteur de feux auxquels elle se brûle avec délice, possédée, embrasée par l'amant, secouée par la tempête, vouée à la tourmente :

...Laisse brûler ma vie.
Si tu sais le doux mal où je suis asservie
Oh! ne me dis jamais qu'il faudra se guérir.
...Il me tue et je l'aime! et je veux en gémir!

Notre tendance est pleinement discernable dans l'incandescence d'une telle âme, entretenue par une faculté d'émerveillement jamais affaiblie, qui fuse en poésie du cri, de l'exaltation du désespoir, "poésie où les émotions surgissent éparses et confuses, telles qu'elles apparaissent dans leur premier état, d'une poésie de l'immédiat, toute vibrante encore de la transe qui l'a fait jaillir" (Jeanine Moulin). Nulle part on ne trouve comme chez elle le thème (cancérien) de la maternité vécue dans une instinctive chaleur animale; c'est en lisant ses poèmes de l'affection maternelle que Baudelaire découvrit en elle "la grâce, l'inquiétude, la souplesse et la violence de la femelle, chatte ou lionne, amoureuse de ses petits"...

À des titres divers, on peut retrouver le thème caractériel de la surexcitation ou affectif de la virilité, qu'elle soit masculinisante, politisante ou intellectualisante, chez Marie-Adelaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne, mère de Louis XV, avide de plaisirs, bals et jeux, pétulante, Louise-Ulrique de Prusse, reine de Suède, toute à ses complots et manigances politiques, la carmélite Edith Stein, Maddalena, un amour orageux du féminin Lamartine, Irène Joliot-Curie, Simone de Beauvoir, Isadora Duncan, Yvonne Printemps, Ingrid Bergman...

La Lune en Taureau

On saisit l'association de l'astre et du signe en passant par la relation de l'astre qui est en "exaltation" et de celui qui a "maîtrise" sur le signe : Lune-Vénus, tout aspect de ceux-ci constituant même, dans une certaine mesure, un "analogue" au signe. Et cette relation est celle des deux fonctions féminines du système solaire. L'archétype de Lune-Taureau n'est pas, à proprement parler, le viril animal, mais, dans son plein sens, "la vache laitière"...

De fait, cette position est l'expression de la présence, au sein de la constellation native, d'une "composante" qui tire sa signification des valeurs maternelles-féminines. Et la "composante maternelle-féminine" est d'autant plus forte si la Lune est en liaison avec Vénus. Ce qui fait prévaloir cette composante, c'est une souche de nature essentiellement affective, d'expression instinctive, sentimentale et sensuelle, mais surtout sensorielle. Au niveau d'une telle structure, l'être est plein de sève naturelle et a des racines bien implantées au sol. Il a une imagination créatrice, est capable de fécondité, laquelle, par déplacement, peut devenir productivité. Le caractère est simple, paisible, placide, facile; il est fait de "naturel", de bonhomie : il vit dans la confiance en une poussée libre de ses besoins, sans contrainte (sauf dissonances), exprimant des désirs simples et naturels. L'individu dominé par une telle composante, érigée en dominante, est un "prosaïque sain", marqué par un côté chtonien. La marque féminine originelle se déplace ordinairement à l'échelle universelle et donne le sens et l'amour de la terre maternelle, de la mère-nature : c'est le côté terrien, rustique, paysan-campagnard, en communion avec la nature, animaux et végétaux...

Deux exemples, parmi les rois de France, montrent que cette composante peut – en fonction du contexte thématique – s'exprimer librement, ou être contrée, déviée, sortie de son lit naturel pour servir un déséquilibre à caractère féminin :

Louis XI : (Lune au Descendant maîtresse de Soleil-Mercure au Cancer). Ce roi, chargé d'une fausse légende de sadisme (les "fillettes"...) avec le complexe Scorpion-Ascendant/Maison VIII, était, par excellence, le "roi campagnard" : un prosaïque, un paysan, aimant la campagne, les simples gens, ses veneurs, les animaux et ayant la passion de la terre (il se fait, du reste, le grand rassembleur des terres françaises). Simple dans son costume et sa mise, à l'image du bon berger, il est le grand protecteur des forêts et des animaux qui les habitent, des garennes (il interdit la chasse), l'ami des chiens, des lévriers, des oiseaux, des aigrettes, hérons et cygnes. Sa chambre apparaît souvent comme un chenil et une volière. Il est le plus simple de nos rois, et il fut fidèle à sa femme.
Henri III : Sa Lune est opposée à Vénus qui a maîtrise sur elle comme sur les autres planètes rapides situées en Balance, et Saturne forme une constellation dissonante avec l'ensemble. C'est lui qui a réveillé les instincts maternels de Catherine de Médicis ; celle-ci a tout reporté ses sentiments sur lui et l'a accablé de sa sollicitude maternelle, contribuant à en faire l'être efféminé et homosexuel que nous savons.

Les autres exemples peuvent être donnés d'affilée, tant la coulée de la composante est précise et bien circonscrite, encore que certains d'entre eux en aient donné une note particulière :

Michel de Montaigne : Cette Lune s'amalgame à une composante cancérienne (Ascendant) et fait le végétatif Montaigne, paresseux et dormeur, parqué dans sa tour, attaché à sa demeure du Périgord. Ce cancérien narcissique, qui passe sa vie à se contempler et s'analyser dans ses "Essais", accomplit sa composante maternelle-féminine en suivant sa tendance naturelle, en vivant selon sa nature, en ami du bien-être : "Je me laisse aller comme je me trouve", en s'accommodant de l'existence telle qu'elle est. S'abandonner au simple laisser-aller pour ne pas se compliquer la vie, se livrer à sa nature, voilà son principe suprême, sa loi Lune-Taureau de vivre. Cette composante de sensibilité s'intègre surtout, dans la vie de Montaigne, sur le plan amical (Lune en XI); elle représente son amitié pour La Boétie qui dura dix ans et fut vécue sur le mode lunaire du disciple vis-à-vis du grand frère, de l'initiateur moral et intellectuel, et sur le mode Lune-Taureau du "plus grand amour de sa vie". Cette amitié est à l'origine de ses Essais : "luy seul jouyssoit de ma vraie image, et, l'emporta. C'est pourquoi je me deschiffre moy mesme si curieusement". Il était "l'ami le plus doux, le plus cher et le plus intime". "Si on me presse de dire pourquoi je l'aymois, je sens que cela ne peult s'exprimer qu'en répondant : Parce que c'était lui, parce que c'était moi." Et il va jusqu'à dire : "...je me fusse certainement plus volontiers fié à luy de moy qu'à moy". À sa mort, Montaigne perd la moitié de lui-même, car c'était dans ce secteur de l'amitié qu'était logée toute sa sensibilité Lune-Taureau; le reste de sa vie sera employé à lui faire de perpétuelles "obsèques".
Jean-Jacques Rousseau : Sa Lune-Taureau fait corps avec un Soleil-Cancer et cette constituante représente, au sein de sa personnalité, par ailleurs complexe, l'homme de la sensibilité, du rêve et de l'imagination; celui qui a ouvert les vannes de la sensibilité romantique, qui a prôné le retour au sentiment et à la nature. "Les Rêveries du Promeneur solitaire" expriment les "transports de son cœur" au contact de la mère-nature. Avec "La Nouvelle Héloïse", le retour de l'époque à la campagne, à l'églogue naïve, à la rusticité se confirme. "On goûta les charmes du château de Wolmar, du jardin de Julie, l'allégresse des vendanges, la paix des veillées d'hiver"; mais on s'était déjà plu, et pour les mêmes raisons, à la pastorale du Devin du Village. D'autre part, le sentiment de confiance en la nature domine son œuvre pédagogique avec l'Émile ; comme le sentiment tout court dans ses idées sur la religion, avec un Dieu "sensible au cœur". Son type féminin nous est représenté par sa Julie, faite pour le "ménage des champs" et qui cherche dans la fidélité comme dans ses devoirs d'épouse et de mère la paix du cœur...
Marcel Proust : Comme chez Montaigne et Rousseau, cette Lune agit étroitement avec sa dominante Cancer, mais elle est forte pour être près de l'Ascendant. Est-il besoin d'insister sur cet "enfant qui n'a pas fini de naître, toujours revenant à la pulpe maternelle", comme disait Alain? Le complexe maternel et la sensibilité féminine qui en découle, dans ses différents aspects (imagination, sensualité, féminisme, homosexualité...) ont été suffisamment étudiés par Cyrille Wilczowski dans le "Cancer" (au Seuil) pour qu'il soit besoin d'y revenir ici.
Jean Giono : Plus de Cancer mais une Lune assistée de Vénus et de l'Ascendant en Taureau. Voici Giono cité par lui-même en quelques phrases : "Les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger. Vivre n'a pas d'autre sens que cela". "La vie c'est de l'eau. Si vous mollissez le creux de la main vous la gardez. Si vous serrez le poing, vous la perdez". "Semer la joie, l'enraciner et faire qu'elle soit comme un pré gras avec des millions de racines". "Tout avait son poids de sangs, de sucs, de goût, d'odeur, de son". "L'ordinaire romantisme de mon appareil sensuel me pousse à m'accrocher... à joindre, à pénétrer, à m'enfoncer dans les choses". "...je suis l'orage, le vent, la pluie..." "L'homme traversé, imbibé, lourd et lumineux des effluves, des influences, du chant du monde". ...Poète épique, romancier paysan, lyrique panthéiste, conteur, peintre et symphoniste de la nature, Giono clame son amour du sol et de l'insecte, de la fleur et de la laine, de la brebis et de l'odeur d'herbe, de la sueur et de l'eau fraîche, des étoiles et des saisons. Cet enfant unique fut marqué, choyé, par le profond amour de sa mère Pauline, amour restitué dans une communion universelle, déplacé et élargi dans une participation sensuelle, matérialiste et mystique avec la nature ; tout à ses sensations qui magnifient le solide, le sain et serein amour du quotidien et du champêtre ; tout à une civilisation de Pan, une civilisation de joies simples et pures de la sève et du sang.
Gérard de Nerval : La Lune est aussi en compagnie de Vénus en Taureau, mais sous l'opposition de Saturne en Scorpion. Que la vie et l’œuvre de Nerval soient dominées par l'influence de sa mère, chacun en convient. Dans sa présentation des œuvres à la Pléiade, Albert Béguin dit notamment : "La morte : Aurélia, l'actrice Jenny Colon, mais qui se confondra, pour la réconciliation de l'inconsolé, avec Isis, la Vierge et la Mère. Aussi bien Jenny, après d'autres et avant Marie Pleyel, n'a-t-elle été que la figure éphémère d'une première morte, la seule -

La treizième revient... c'est encore la première ;
Et c'est toujours la seule, – ou c'est le seul moment...
 
celle qui a disparu un jour dans la froide Silésie - la mère de Gérard ; qui n'est pas revenue de la campagne de Russie où elle avait suivi son mari, le docteur Labrunie. Pas un instant, Gérard n'a cessé de songer à elle, de chercher les voies par lesquelles il eût pu rejoindre celle qui avait manqué à son enfance. Soyons bien sûr que s'il traduit Faust et s'il écrit sa préface, à dix-huit ans, d'une main toute vibrante d'émotion, la langue allemande à ses yeux n'a point d'autre prestige que d'être parlée dans ce pays où est la tombe maternelle. Du poème de Goethe, Nerval ne met en lumière, dans cette préface juvénile, que le thème unique de la promesse selon laquelle nos morts nous seront rendus. Ce n'est pas en vain que plus tard, beaucoup plus tard, il s'écriera : "Allemagne, notre mère à tous..." et qu'aux moments les plus terribles de sa détresse, entre deux internements il ira chercher refuge en terre germanique... Béguin ajoute, par ailleurs : "…par les soins d'Aristide Marie, qui lui voua une vie d'étude et de recherches, Nerval prit un autre visage : chantre nostalgique de son pays natal, acharné à poursuivre l'image d'une femme disparue, il semblait annoncer de loin les thèmes barrésiens de la terre et des morts". Certes, Nerval est saisi sous d'autres aspects; les surréalistes, par exemple, voient surtout en lui le lucide rêveur d'Aurélia, l'observateur éveillé de la vie onirique et le héros des grandes explorations intérieures : "Aussi ses rêves ont-ils un extraordinaire poids de réalité, et son réel est léger comme les phantasmes de la nuit". Mais si "l'enfance en lui, loin de s'être abîmée dans l'oubli, avait réapparu, avec une déchirante force de fascination", c'est en fonction de la constellation évoquée ici qui polarise sa vie psychique. L'appel de l'Est, son "Voyage en Orient" n'est autre, inconsciemment, que l'attrait de sa mère morte, de sa tombe. Et quand il cherchera à s'expliquer sur ses idées philosophiques, Nerval dira dans "Aurélia" : "Je veux expliquer comment, éloigné longtemps de la vraie route, je m'y suis senti ramené par le souvenir chéri d'une personne morte, et comment le besoin de croire qu'elle existait toujours a fait rentrer dans mon esprit le sentiment précis des diverses vérités que je n'avais pas assez fermement recueillies en mon âme".
Maurice Barrès : Sa Lune-Taureau est au carré d'une conjonction Soleil-Mercure-Lion en VIII. D'où le rapprochement fait avec Nerval. Barrès se trouve ramené au sentiment de ses origines maternelles : il se préfère lorrain à cause de la famille de sa mère, au lieu d'auvergnat selon son ascendance paternelle. Si le Lion Passionné est d'abord un patriote qui célèbre l'énergie de son pays, il aime à faire sortir la psychologie nationale de la description du sol, accordant les paysages et les vertus nationales, la poésie et la politique. Le culte de la tradition nationale et de la patrie est rattaché à sa sensibilité, à la contemplation de la race et du sol. Éducateur, "Les Amitiés Françaises" veulent placer l'enfant au contact de d'âme de ses morts et de la réalité mystique de la terre. "Ici, Barrès utilise à merveille le procédé de la "composition", hérité de Chateaubriand et perfectionné par Michelet. Ces "compositions de lieu" (...) s'offrent naturellement avec les prairies de Charmes, les bois de Domrémy, la colline de Sion-Vaudemont, les champs de bataille de Woerth…" (Domenach). Son nationalisme est avant tout un épanouissement de la sensibilité (alors qu'il est, par exemple, une exigence rationnelle pour le saturnien-Bélier Maurras). Domenach établit une relation entre ce lyrisme barrésien et le scoutisme, les auberges de jeunesse, la multitude qui fuit chaque dimanche les villes absurdes pour "la campagne"... Il est jusqu'à son catholicisme qui entre en conflit et en composition avec un enchantement païen. Pierre Moreau a souligné le côté végétal de son œuvre : "plus que les villes, les arbres l'inspirent, la prairie qu'il regrette sous le jardin à la française qu'il s'est fait dessiner à Charmes, cette herbe dont il faudrait manger..." "La Colline inspirée" puise aux deux sources lunaire du Taureau et solaire du Lion : "aucune œuvre n'exprime mieux le contraste barrésien et l'équilibre qui devrait s'établir : "c'est la religion de la terre, la fois paysanne et mystique, qui se heurte à la religion instituée, porteuse de la cruauté appauvrissante et nécessaire de l'ordre" (Domenach : Barrès par lui-même, le Seuil).
Frédéric Mistral : Avec Mistral, c'est le répertoire du folklore méridional, la chaude poésie des paysages de la Provence, de ses us et coutumes d'aujourd'hui, des rites de ses travailleurs, de ses fêtes populaires, et aussi de ses traditions, légendes et superstitions anciennes. "La légère intrigue de "Mireille", les histoires fantastiques de "Calendal" et de "Nerte", toute la matière du "Poème du Rhône" ne sont que le prétexte évident d'incessante digressions, tableaux, contes, récits qui permettent au poète de réaliser son plus cher dessein : il veut, plus que tout, reconstituer le passé moral du peuple de Provence, et le réapprendre aux pâtres et habitants des mas"... (Histoire de la littérature française illustrée, de Bédier et Hazard)
Charles Guérin : Petite composante de son thème que l'on retrouve dans son œuvre : "Très simple et très sensible, profond et mélancolique, il a ce caractère pathétique d'aimer la nature, l'énergie et la vie, et de sentir sa propre faiblesse d'homme qui devait mourir jeune." (Histoire de la littérature française illustrée, de Bédier et Hazard)
Henri Bosco : Présence typique de notre composante chez cet auteur : Cyprien charmeur des animaux ; "L'Âne Culotte", la communion avec la nature, le retour à la participation magique de l'enfance adhérant aux bêtes, aux choses et aux êtres...
Alexandre Dumas père : Chez celui-ci, le cas est tout nouveau car la Lune entre en composition avec une constellation de puissances instinctives, étant conjointe à Mars, opposée à Neptune-Scorpion et carré à Vénus-Jupiter ; elle apporte donc surtout une chaleur animale, un renflouement de sève et sert de caisse de résonance à ce Mars-Taureau qui charrie un torrent de sang, de chair, de passion. Ajoutez-y encore l'aspect Lion du personnage (Ascendant-Soleil) et vous avez le colosse, la "force de la nature", le vigoureux instinctif vivant dans l'intensité des élans d'une passion débordante, le "nabab des lettres" qui écrit cinq à six cents volumes, pleins de vie, le sensoriel aux appétits gargantuesques, le Don Juan bouillant et torrentiel : "une femme ne lui tend que la main : il la prend dans ses bras" (André Maurois), ce cinquième Mousquetaire qui réunit les vertus et les défauts des quatre autres (Maurois)...
Paul Léautaud : Ici, la Lune intervient comme l'une des dominantes (au Descendant) au sein d'une dissonance centrale (au carré d'une opposition Soleil-Uranus au méridien) ; et l'on assiste à un "refoulement" des valeurs qu'elle représente avec, toutefois, une échappée dans l'amour immodéré des animaux (Lune en VI). C'est ainsi qu'on comprend son mépris des accompagnements sentimentaux de l'amour, sa misogynie, sa misanthropie, son visage sceptique et cynique, par la blessure profonde infligée vers la trentième année, dont il ne s'est jamais remis et qu'il s'est efforcé de masquer. L'amour pour sa mère qui l'abandonna et avec qui il eut une entrevue à dix ans, le marqua pour la vie. "L'enfant est grisé par le contact des seins, la douceur du linge, les odeurs. La coquetterie et la liberté de cette mère qui (...) fait devant lui sa toilette, le transporte. Il entretient ce souvenir et, vingt ans plus tard, il cherche à renouveler les circonstances qui l'ont rendu si heureux." À vingt-neuf ans, nouvelle rencontre très équivoque, suivie de véritables lettres d'amour. C'est enfin la "reprise" de cette mère-femme aux ambiguïtés, suivie de la rupture, atroce pour Léautaud accablé par la femme odieuse et méprisable. "Rêveur, mélancolique et timide, il se trouve que son premier émoi sexuel est lié au souvenir d'une mère qui l'a abandonné et dont, à cause de cet abandon, il cherche obscurément à se venger. On voit combien l'inceste le comblerait sur deux plans : il retrouverait un plaisir sur lequel il a rêvé pendant vingt ans, en même temps qu'il ferait subir à cette "mère adorée" ce que le sens commun nomme fort justement "les derniers outrages". Dans ses "Entretiens", il a plaisanté là-dessus et joué les désinvoltes sans parvenir à donner le change". Il estime du moins avoir "possédé" moralement la femme qui polarisait sa sexualité et son ressentiment. "Il sait en même temps qu'il n'en a rien été ; et c'est probablement ce qui a causé sa misogynie, ses crises de misanthropie et de solitude parfois hargneuses. Il a pris l'habitude de porter un masque qui cachait sous l'intelligence, l'esprit, la raillerie, le non-conformisme véritable, une profonde frustration intime". (Maurice Nadeau, in "Les lettres de Paul Léautaud à sa mère"; "France-Observateur")
Heinrich von Kleist : C'est un cas très voisin de Nerval, puisque la Lune-Taureau, qui culmine chez cet écrivain, est à l'opposition de Saturne-Scorpion (ici renforcée par les conjonctions du Soleil et de Mercure). Nous retrouvons effectivement le complexe intra-utérin, et le désir de retour au sein maternel prend le caractère d'une attirance fatale de l'eau traîtresse (corrélation lunaire de la mère et de l'eau). Jeune encore, il décide de s'engager dans l'armée de Napoléon qui doit traverser la Manche, dans l'espoir d'être englouti par les flots. Dans son chef-d’œuvre "Penthésilée", on assiste à une scène d'attirance maléfique de l'eau dont faillit être victime son héroïne; et c'est une scène analogue de retour au ventre de la mère selon le mode du mythe de Chronos, qui se produit avec la folie cannibalique qui s'empare de la reine des Amazones quand, après avoir abattu Achille, elle se jette sur lui et se livre à un acte d'anthropophagie. Hanté par le suicide, il finit par entraîner une jeune fille dans son macabre projet et, à trente-quatre ans, se laisse engloutir dans le lac Heilingen.
 
On pourrait encore citer d'autres écrivains : Hans Christian Andersen, Ivan Tourgueniev, Novalis, George Bernard Shaw, Charles Péguy, Louis de Gonzague-Frick, Pierre Reverdy... mais nous n'en finirions pas. Passons donc aux peintres :
 
Nicolas Poussin : Une Lune associée étroitement par sextile à Vénus-Cancer. Pourrait-il échapper que Poussin est le terrien par excellence? Ce Normand qui, lorsqu'on lui demandait à Rome de désigner le plus beau souvenir à emporter du monde antique, se baissait, au témoignage de Giovanni Pietro Bellori, pour ramasser "parmi l'herbe un peu de terre avec des débris de chaux, des miettes de porphyre, de la poussière de marbre" et disait : "Tenez, rapportez ceci dans votre musée et dites : Voilà l'ancienne Rome", cet homme-là dégage avec peine ses personnages de la glèbe originale. Taillés en paysans, les mains puissantes, le pied solidement étalé sur le sol, bruns comme la glaise, ils se meuvent sur des terrains dont le peintre scrute avec amour la contexture grasse, nourricière des lourdes végétations. Parfois, comme dans le "Paysage" qui est à Chantilly, il peint avec une gourmandise terrestre. C'est sur l'herbe drue qu'il étend les corps nus des femmes et sa dernière grande conception sera celle des "Quatre Saisons", où la Bible devient une exaltation des travaux rustiques. Tout son œuvre n'est-il pas une immense ode agreste? (pp. 279-280 du "Dialogue avec le Visible" de René Huyghe). L'univers poétique de ce grand symphoniste de la nature est typique de cette association Lune-Taureau/Vénus-Cancer. Sensuel dans sa jeunesse, d'un réalisme dru (qui rejoint le Taureau Gustave Courbet) "il aime la chair, la terre, l'écorce, le feuillage d'un amour vorace et sain" et "plus rassis avec l'âge il reporte alors sur la nature toute sa sève". Mais, de l'homme au site, la communion est complète car, c'est la même matière végétale de l'homme et celle de la nature, avec ses sucs terrestres, qui traverse l'âme de l'homme et celle de la nature. Et cette nature, peuplée de belles créatures, d'êtres harmonieux et surtout de nichées de bambins, ou d'angelots (beaucoup de scènes de famille et de sainte famille), est une véritable oasis de paix où l'on respire, détendu, le calme et la joie de vivre. L'archétype féminin de Poussin, c'est une Cérès, entourée de corbeilles de fleurs et de fruits, aux belles attitudes, grasse, opulente, aux formes généreuses et aux chairs magnifiques, sinon la femme fondue dans un décor naturel et entourée d'un essaim de marmots... Dans "L'Art et l’Âme" (Flammarion), René Huyghe a consacré une magistrale étude à ce grand peintre, qui met l'accent sur ces valeurs Lune-Taureau. Je ne puis mieux faire que de le réciter en ce qui concerne Poussin et la femme, car celui-ci fournit, en quelque sorte, la version-type de l'Anima selon cette position : "Un nu pour lui ce n'est pas qu'une forme harmonieuse et parfaite (…). S'il en était besoin, ses dessins, aux confidences et aux allusions plus directes, nous diraient tout le prix charnel qu'il attachait à ses corps de femme qu'il aimait étendre et détendre dans l'alanguissement du sommeil et à proximité de la volupté, corps réels, laiteux de carnation, pleins de forme, "souefs et tendres". Dans ses "Bacchanales", au demeurant, amour reste proche du vin et de l'enfance, les putti dodus ne dédaignant pas de biberonner précocement le jus de la vigne, en une trinité de la vie allègre à quoi s'associent volontiers la musique et la danse, "danses, bacchanales et fêtes" que les anciens représentaient, nous confie Poussin, "pour être de nature joconde". Au soir de son âge, la maladie, l'expérience des hommes, le retrait progressif en lui-même auront dissipé cette "gaillarderie" des jeunes années. Les bacchanales sont loin; elles troubleraient cette majestueuse mélancolie où s'achève l'existence de Poussin. Mais il n'a pas perdu pour autant le sens de la vie; il ne peut plus bondir et chanter avec elle. Contemplatif, il écoute en silence ses murmures les plus secrets, la sourde montée des sèves, la germination, l'épanouissement et même le déchaînement de ses forces profondes (...). La vie encore, non plus ardente amante, mais notre mère la vie, dont il retrouve le sein pour s'y endormir bientôt! (p. 376).
François Boucher : Sa Lune est opposée à Vénus-Scorpion que valorise un Soleil-Balance. Ce peintre a voué sa carrière aux fêtes amoureuses ; vénusien-féminin autant qu'un Henri III dont il se rapproche astrologiquement (la dissonance saturnienne de celui-ci en moins), il ne prend pas la place de la femme en se laissant envahir par son côté féminin : il voue son pinceau à la femme, à Vénus-Aphrodite. Peintre de la douceur de vivre, du plaisir, de la gourmandise sensuelle, sa lyre voluptueuse nous donne tous les accords du sourire charnel de Vénus, en d'innombrables bouquets floraux et guirlandes d'amours potelés. 
Constantin Guys : Ce sagittarien voyageur a fait des études de "milieux" qui ont pris valeurs de témoignages sur les types et sur la mode. Grâce à sa Lune-Taureau, "le temps revit des crinolines, des bottines à gland, des "lionnes" et des belles affranchies". Car c'est la femme qu'il représente surtout dans ses dessins et aquarelles où on le voit "amoureux de la lumière des femmes, de leurs regards, de leur invitation au bonheur" (Baudelaire). 
Ferdinand Hodler : Est-ce parce que, comme chez un Léautaud, Uranus et Saturne (par conjonction) déplacent le courant naturel de cette Lune que ce peintre ne s'intéressa ni à la femme ni à la nature? On est, en tout cas, enclin à en saisir l'influence détournée (de sa chaleur animale) et orientée (vers l'aspect prosaïque et terrestre) dans ses portraits d'ouvriers et d'artisans au travail : cordonniers, serruriers, menuisiers, horlogers... à l'aise dans l'évocation des gestes de la vie quotidienne. 
 
On a beaucoup plus de difficultés à suivre l'expression de notre tendance dans le domaine musical, chez Camille Saint-Saëns, Alfred Cortot, Georges Auric... encore que l'on puisse éventuellement évoquer, chez un Franz Lehár, l'agréable et sensuelle opérette : "Le Pays du Sourire", "La Veuve Joyeuse"... 
 
Peut-être peut-on rapprocher notre composante, chez un intellectuel, d'un intérêt porté aux sciences naturelles (Jean-Baptiste de Lamarck, Georges Cuvier), ce qu'inciterait à proposer le fait que cette Lune apparaît chez le Docteur Paul Carton, le médecin-paysan qui a relancé le Naturisme en préconisant le retour à la santé par la cuisine simple et la vie naturelle... 
 
Au bout de ce périple, nous pouvons admettre – et il est inutile d'allonger la liste des cas – que cette Lune-Taureau est l'expression d'une influence, d'une imprégnation, d'une "introjection" des tendances maternelles-féminines dans le psychisme. Cette position fait place, au sein de la constellation native, à une "composante" de cette nature, plus ou moins dominante, et d'autant plus caractéristique que Vénus y participe, par aspect à la Lune. Cette structure psychique fait dominer la sensibilité, la sensualité, la sensorialité, et l'étend ordinairement à la nature (substitut symbolique de la mère, bien connu de la psychanalyse). Toutefois, la source vitale en question est susceptible de déviations et expressions diverses, suivant les aspects lunaires. Ainsi, l'amour de la nature et de la terre (Louis XI, Poussin, Rousseau, Mistral, Barrès, Giono, Carton...) peut se faire nostalgique (Nerval) ou être complètement bloqué par l’isolationniste Saturne (Montaigne, Henri III, Proust) et se placer sur un terrain moins instinctif (Hodler). La tendance maternelle féminine, le sujet peut la vivre en s'identifiant à elle, en la prenant à sa charge par féminisation, sexuelle même (Henri III, Proust, Giono...) mais aussi, tout en étant plein d'elle, l'exprimer virilement en valeurs sensuelles, plastiques (Poussin, Boucher, Guys...), en être victime (von Kleist) ou encore la refouler purement et simplement et devenir l'inverse de ce qu'elle est (Léautaud). Elle peut aussi être vécue sur un mode végétatif (le paresseux Montaigne) comme elle peut alimenter, amplifier un courant instinctif (Dumas père)... Quant au style de destinée auquel elle correspond, on devine que – sauf dissonance –, et à l'inverse de l'excitante Lune-Bélier, cette composante est facteur de détente et, par suite, aspiration à une vie simple, agréable et facile, invitation à un bonheur terrestre ; incarnation dans les choses saines et naturelles, en s'abandonnant à son sentiment, à sa sensibilité ; sinon, aspiration artistique ou esthétique, c'est-à-dire, volupté plus recherchée.
 
Psychologie féminine
 
À s'en tenir au tracé symbolique du signe, le personnage féminin de cette Lune s'apparenterait à la femme féminine-active dont le prototype mythologique est Déméter : nature recevant ses traits spécifiques d'une forte relation mère-fille par identification de la seconde à la première, faisant la femme aimante, voluptueuse, qui s'attache et réclame des preuves d'amour, mais aussi qui est d'une présence active, maîtresse de maison sachant torcher les enfants, traiter des affaires, etc. Mais la série de nos cas donne un éventail d'images féminines si différentes l'une de l'autre qu'on a du mal à leur dégager une souche commune. Il suffit d'aligner côte à côte Élisabeth Ière d'Angleterre, Marie d'Autriche, reine de Hongrie, Marion Delorme, la Montespan, la Pompadour, Marie d'Agoult, Marie-Cornélie Falcon, Greta Garbo... Ici plus qu'ailleurs, peut-être en raison de la réceptivité de cette composante, cette note lunaire s'efface derrière le moindre aspect planétaire ou prend les intonations les plus diverses suivant les contextes thématiques. On peut, évidemment, trouver des points de concordance entre ces femmes (la volupté, la fidélité ou le sens des affaires), mais on ne saurait rien retenir de fondé sans une analyse générale de chaque cas. Cette Lune-Taureau chez la femme demeure donc en observation... 
 
La Lune en Gémeaux
 
Bien curieuse autant que vraiment typique est cette Lune-Gémeaux qui "saute aux yeux", pour ensuite se défiler au regard à mesure qu'on la creuse, conforme, en cela, à ce qu'elle est ou risque d'être pour celui qui la vit.

Voilà l'astre le plus rapide dans le signe le plus "Mobile" (mobilité procédant du croisement de l'Air et de la Mutabilité), et par suite, la constellation la plus "bougeante", qu'en terme de caractérologie on peut définir par le facteur de primarité!) (position la plus "primaire" avec la Lune-Bélier).

Et si, toujours selon l'optique caractérologique, le type Gémeaux est l'expression d'une dualité entre un Primaire non émotif-actif (le Sanguin, cet esprit sans âme tout en extraversion froide, souple et sèche) et un Primaire émotif-non actif (voir "Gémeaux", collection Zodiaque des Éditions du Seuil), la Lune-Gémeaux fait résolument le second type, c'est-à-dire le Nerveux.

Réfléchissons un instant sur l'association de ces propriétés caractérologiques : une émotivité abandonnée à elle-même, faute d'être prise en charge par un vouloir agissant (non-activité) et, par-dessus le marché, lancée et relancée sans cesse par les incidences de l'instant présent (primarité). Nous dégageons donc surtout une grande mobilité psychique. Sous ce régime, l'être paraît voué tout entier aux données immédiates de sa sensibilité primesautière, n'ayant d'autre loi que son caprice et suivant le jeu de sa fantaisie, sans contrainte :

Mon esprit mobile et curieux tremble incessamment comme la boussole.
Alfred de Musset.

Il va là où la vie le mène, où le vent le pousse, en vivant dans l'intensité de l'émotion du moment. Il est essentiellement une âme à la sensibilité bondissante et rebondissante, fluante et fugitive, vagabonde et bohème. C'est Psyché assimilable au papillon qui erre, flotte, voltige, léger et transparent, tout au charme de sa rencontre d'un moment, kaléidoscope d'émotions multiples et variées. Cette mobilité donne assurément une grande variabilité de l'humeur, l'être étant soumis à l'empire de l'actualité qui passe, ainsi qu'une belle intensité affective, la recherche d'émotions toujours nouvelles se présentant comme un besoin. C'est l'oscillation plus ou moins constante ou possible entre la gaîté et la tristesse, le facile passage du rire aux larmes, de l'emballement le plus déraisonnable au désespoir le moins justifié. C'est aussi le goût prononcé des divertissements et travestissements – le jeu – celui de la mode et des nouveautés (d'où le dandy, le mondain, le snob), qu'elles soient vestimentaires, artistiques, politiques... Cet être est sujet à vagabonder d'un lieu à un autre, d'une sensation, d'un sentiment, d'une amitié, d'un amour... à l'autre. Il se donne, se retrouve, s'expérimente – surtout pour accroître son sentiment d'exister ; à l'extrême, on le voit ennemi de toute discipline, incapable d'effort, faible devant les tentations, vulnérable en un mot. On conçoit qu'il ait besoin de se prouver sa propre importance, sa réalité, et il le fait en se trouvant en autrui et en y découvrant une valeur de lui-même extérieure à lui-même. Car il demeure attaché à ses images en gardant un vif sentiment de lui-même.

Dans tout cela, on note le rapprochement des stades lunaire et mercurien (maîtrise sur le signe), c'est-à-dire de l'enfance et de l'adolescence :

Vis la vie des enfants qui chassent aux papillons par les prés!
Henry-David Thoreau.

Si, chez ce type, la Psyché affleure à la surface, s'il a "l'âme à fleur de peau", c'est qu'il n'est pas ou qu'il est peu structuré, qu'il est fait de traits enfantins et adolescents, d'une nature jeune, mouvante, instable, peu maîtresse d'elle-même, dépendante, certes plastique et disponible, réceptive, toute aux vibrations de l'entourage, mais cette étroite insertion dans son milieu ambiant le met à la merci de tout, peut l'appauvrir comme l'enrichir, peut le mener au chaos. Cette Lune-Gémeaux, dit Rantzau, fait "les propres à tout"... Nous ne sommes plus dans l'enracinement affectif, dans la leçon de foi robuste que l'expérience de la chair maternelle octroie à la Lune-Taureau. Et si ce bois est flottant au gré de l'océan extérieur, n'est-il pas aussi fragile sous le remous des vagues intérieures? Cette âme, qui est si proche de ces "données immédiates de la conscience" dont parle Bergson, ce "moi sensible profond", insuffisamment assimilé, intégré, adapté au "moi social", risque d'être à la merci des orages et crises émotives, pour peu que, dans le conflit intérieur, l'être reflue sur soi. Et c'est la crise de l'être sans maturité, de l'être enfant ou adolescent, non enraciné dans la vie, qui se cherche sans se trouver... C'est alors le sentiment d'exister lui-même qui se trouve mis en cause.

Chez les introvertis, plus ou moins dominés par les conflits intérieurs, cette composante psychique est donc un facteur inquiétant qui contribue (elle n'est pas une cause, elle accompagne) à égarer l'être dans son labyrinthe intérieur ou à le dérouter dans la cristallisation de lui-même, par suite d'un sentiment d'impuissance résultant de sa non-maturité psychique, sentiment s'accompagnant de celui de non-existence. De ce cas, ou de ces cas analogues, nous en avons une série de Étienne de Sénancour à Franz Kafka... avec leurs héros désespérés.

Étienne de Sénancour : Son "Obermann" est la longue analyse d'une âme malade (la sienne). Son héros se retire de la société des hommes pour se soustraire à toute influence afin d'être vraiment lui-même. Mais il lui est justement impossible de déterminer ce qu'il est et doit être. Doute dans les croyances, vanité des passions, rien ne demeure en lui que le sentiment d'un "intolérable vide". Le pire est que ce sentiment affreux s'accompagne d'une volupté, d'un "charme plein de secrets qui le fait vivre de ses douleurs et s'aimer encore dans le sentiment de sa ruine". Situation affective qui constitue finalement une installation dans un néant.
François-René de Chateaubriand : Cette Lune s'associe aux états d'une conjonction Soleil-Neptune en Vierge. Avec lui, nous avons "René", incarnation de la désespérance, dégoûté du réel, qui se laisse aller au "vague des passions" et n'a plus "conscience de son existence que par un profond sentiment d'ennui". Ne trouvant de remède à cette "étrange blessure de son cœur", il prend la résolution de quitter la vie ; seule, la tendresse de sa sœur Amélie l'arrache à la mort, mais c'est la passion coupable... Nous avons là tout le thème du "mal du siècle" : une adolescence prolongée avec une impuissance à être, à vivre, la tentative d'échapper à un ennui morbide par des désordres qui ne font qu'ajouter le remords à la conscience accrue de la vanité de toutes choses...
Stéphane Mallarmé : Étrange expérience que ce poète saturnien qui veut toucher "de ses antennes subtiles" la transparente présence du monde intérieur, à la quête d'un absolu de l'âme qui fuit comme un vain fantôme, "hanté" à jamais par l'impossible Azur…
Paul Valéry : Son principal disciple avait la Lune sur la sienne et c'est un "problème" voisin ou semblable qu'il connut, et ce qui fut une nuit pour l'un fut un silence pour l'autre. Avec l'Album de mes vers anciens, surtout, c'est Narcisse penché sur l'eau frissonnante qui lui renvoie son image indécise, les mains tendues vers le moi insaisissable, vers ce "délicieux démon désirable et glacé"...
Franz Kafka : L'impitoyable Uranus-Vierge bloque un groupe Lune-Mercure-Vénus en Gémeaux. Voilà tout Kafka, contré dans sa volonté d'enracinement par ses forces d'autodestruction. Il ne se croyait pas né au monde et il assista à l'échec de toutes ses tentatives pour s'enraciner dans sa propre existence, condamné à vivre à mi-chemin dans la fiction et la réalité, dans un état second d'hallucination, de cauchemar, de désespoir, d'anéantissement. L'inhibition se lève pourtant, un instant ; alors, ce Gémeaux écrit dans une nuit et d'une traite "Le Verdict", en avouant que la phrase finale de son récit lui donne un sentiment semblable à celui d'une "forte éjaculation". Mais il retombe aussitôt dans sa situation (double) de mort-vivant, ce grand adolescent nerveux, à qui la plume est la seule ressource, estimant même qu'écrire est, pour lui, une "escroquerie", une "imposture". Il ne se croyait même pas mériter une mort qui fut une délivrance. À l'instar des héros qu'il a mis au monde (le Joseph K du "Procès", l'arpenteur de "Château") et qui ne l'ont pas débarrassé de ses propres angoisses et de sa détresse, il se voit, dit Maurice Nadeau, condamné aux "éternels tourments du Mourir", à une pérégrination sans fin sur les frontières qui "oscillent perpétuellement entre la vie ordinaire et une terreur en apparence plus réelle".

Il faut donc bien admettre que cette Lune, dans le champ d'une structure conflictuelle, c'est "un coin de l'être qui s'enfonce aisément", un élément d'orchestration du pathos. Mais, chez les extravertis, plus ou moins équilibrés, elle est un facteur de vie intense, nerveusement exaltante, quoique toujours fragile, précaire. Elle fait le "roseau", mais combien vivant!

Deux personnages suffisent à illustrer ce type : Alfred de Musset (voir son portrait dans les "Gémeaux" au Seuil) et Gérard Philipe. Rien ne vaut, pour le saisir à vif, de voir ou revoir les rôles, typiques à cet égard, de ce remarquable acteur : "La Chartreuse de Parme", "Le Rouge et le Noir", "Le Diable au Corps", "Belles de Nuit" et, surtout, "Monsieur Ripois"...

Le génie adolescent

Le Senne a noté que le Nerveux fournit un fort contingent d'artistes et de poètes. C'est bien aussi le cas de cette Lune qui, par suite d'une imagination embellissante, est susceptible de donner un sens poétique, des dispositions pour l'art ou les lettres. Cette catégorie d'artistes se pose par la puissance de séduction : par leur charme, leur spontanéité, leur "participation", ils ont un pouvoir évocateur et ont le don de faire partager leurs émotions. Ils peuvent donc être des gens de spectacle, du Taureau Jean Gabin au Scorpion Henri-Georges Clouzot, en passant par Pierre Renoir, Charles Boyer, Betty Davis, Paul Meurisse, Gérard Philipe, Robert Lamoureux, le trépidant Gilbert Bécaud, la survoltée Brigitte Bardot, l'intense Édith Piaf... Avec les comédiens sont aussi les créateurs de spectacles : dans une étude faite sur plus de deux cents auteurs dramatiques, Jacques Berthon et Geneviève Legros ont pu montrer que la Lune en Gémeaux bat les records avec vingt-cinq positions, alors qu'on n'en attendait que dix-sept.

La plupart des créateurs ont besoin "du vent de l'inspiration", du "battement de cœur" cher à Musset ; ce qu'ils produisent est fils du mouvement de leur émotion, créatures du hasard, enfantées au contact d'une évidence passagère ; ils notent leurs sentiments dans le désordre où ils naissent et aiment se mirer dans l'eau courante de leurs images où le créateur ne s'apparaît jamais le même. Poésie enchanteresse, fantaisie ailée, intensité rapide du langage, brèves évocations, nouvelles, poèmes courts... c'est aussi bien Alfred de Musset, Mme de Sévigné, François-René de Chateaubriand, Gottfried Keller, Jean Giraudoux, que Giaochino Rossini, Jules Massenet et Jacques Offenbach... D'autres s'engagent beaucoup moins à fond dans leur création, faite de jeux aériens d'ironiste. Ils aiment se délecter dans les saillies de leur esprit et même parfois, comme l'enfant avec son joujou, ils s'amusent à rechercher leurs trucs, à découvrir les secrets de leur production imaginative. Mais il y a aussi ceux qu'une nervosité instable et inquiète pousse à rechercher, jusque dans la fascination des parties les plus obscures de l'être, les rêves et les phantasmes, la "voix de l'âme" (Fiodor Dostoïevski, Stéphane Mallarmé, Paul Valéry, Albrecht Dürer, Johannes Veermer, Modeste Moussorgski...). Comme il y a encore, chez certains autres, le goût ou le besoin du dépaysement, l'invitation au voyage (Chateaubriand, Musset, Dürer, Henry-David Thoreau, Rudyard Kipling, Claude Forrère, Eugène Fromentin, Douanier Rousseau et son exotisme...) jusqu'à la limite du reportage, du journalisme (Robert Lazareff...)...

On s'aperçoit alors de l'extrême plasticité du jeu de notre tendance et de la difficulté de l'interpréter, d'autant qu'on a loin d'avoir épuisé les formules (la tendance épistolaire, Marcel Prévost, les mots d'esprit, Charles-Maurice de Talleyrand... et dans d'autres domaines, la propriété à l'excitation de l'esprit : Louis II de Bourbon-Condé, Jean-Paul Marat, Auguste Blanqui, Benito Mussolini...). Et toutes ces séparations sont des plus arbitraires, même la plus différenciatrice qui résulte des attitudes introvertie et extravertie, l'expression de notre tendance n'étant pas forcément pathologique avec la première et saine avec la seconde. On en a pour preuve le cas de deux "jumeaux devant les astres", nés le même jour : Marcel Achard et Marcel Arland. Leur commun talent littéraire "vient" en grande partie de cette Lune. Achard est un extraverti jupitérien ; plein de fantaisie, de drôlerie, de mots d'esprit et d'humour, avec toutefois une sensibilité latente mais qui ne domine pas ; l'auteur des "Tricheurs" était fait pour la comédie légère et le vaudeville. Chez Arland, par contre, l'introversion domine et fait ressortir le fond Cancer, mais sans pathos. Sa nature inquiète est portée à la confession, à l'auto-analyse, avec de la pudeur, des scrupules, de la pureté, de la sincérité ; il a le goût des âmes et sa délicatesse psychologique reçoit une sourde vibration de son sens moral et religieux. Il est plus profond qu'Achard mais son équilibre a été lentement acquis, après avoir discipliné un certain romantisme et même après avoir dénoncé un "nouveau mal du siècle"...

En tant que facteur de destinée, cette Lune est un coefficient de mobilité, d'instabilité, d'aventures multiples à l'extérieur, sinon d'expression intense de la sensibilité.

Le thème affectif
 
La relation Lune-Gémeaux représente, par excellence, le rapport, vécu dans l'enfance, avec son semblable, son "jumeau" ; pour l'homme, sa "jumelle", qu'elle soit la sœur, la cousine, la voisine, la camarade de jeux..., rapport qui modèle les relations affectives ultérieures.

Peu d'éléments nous sont fournis par les peintres. Dürer est trop saturnien pour s'adonner librement au thème pictural de la femme, la mort étant sa compagne familière. Chez Élisabeth Vigée le Brun, c'est peut-être le penchant à "mondaniser" ses personnages qui prime. Chez Vermeer, on voit toutefois apparaître une certaine prédilection pour la jeune fille encore enfantine ; c'est même la liseuse qui a sa préférence.

Par contre, les écrivains abondent en indications :

Nous avons déjà vu Chateaubriand et son affection pour sa sœur Amélie, expérience transposée dans "René" avec Athala. Nous avons aussi Musset. À quatre ans, il éprouve un amour déterminant pour sa cousine Clélia ; dans son théâtre, c'est Celio, c'est aussi Fortunio, c'est encore, en partie, Lorenzaccio. Avec Valéry, le thème de la sœur apparaît dans "La Jeune Parque". On trouve chez ce poète le Gémeaux-Ascendant qui se dédouble, dont la conscience est aux prises avec l'âme, ombre qu'il a refoulée. Cette ombre qui danse, qui glisse comme un feu follet (Lune-Gémeaux), il la découvre à ses côtés comme une secrète sœur qui brûle, âme tumultueuse qui commande les rêveries du poète, qui croît dans le silence comme une plante aux arômes capiteux, avec son cortège de désirs inavoués, de sensualité passionnée. Cette valeur d'intériorité, de féminité, de nuit, cette composante obscure et sensible qui échappe à la lucidité de sa conscience, elle est un être de son être, une secrète sœur, passante vagabonde :

Dieux! Dans ma lourde plaie une secrète sœur
Brûle, qui se préfère à l'extrême attentive.

Nous pouvons encore citer :
 
Louis Ier d'Orléans : Le frère de Charles VI, qui était un Don Juan, porta ses regards sur sa belle-sœur, Isabeau de Bavière, qui devint sa maîtresse (avec cette Lune au Descendant, Mercure et Vénus sont en III).
Marguerite de Valois, dont la Lune est unie à Mercure dans le signe. Cas des plus typiques, puisqu'elle eut des liens très étroits, empreints de rivalité, de jalousie et de haine, avec ses trois frères : Henri III, Charles IX et le duc d'Anjou, tous amoureux d'elle et qui se sont déchirés à cause de leur sentiment pour elle. "Que des liens très délicats aient existé entre la sœur et le frère (Henri III), les contemporains l'attestent, le siècle l'autorise, et la malignité publique le crie à tous les échos..." "On ira jusqu'à prétendre qu'au soir de sa vie, la reine de Navarre, au cours d'une crise, aurait fait confidence à l'évêque de Grasse, son premier aumônier, de ses rapports incestueux avec ses trois frères." ("Marguerite de Navarre", de Jacques Castelnau, Hachette, p. 51.)
Condé : On sait que le grand Condé fut amoureux de sa sœur Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, la "Circé de la Fronde", qui le retourna comme une crêpe pour en faire un frondeur.
Louis-Philippe : On connaît son lien très fortement affectueux avec sa sœur Madame Adélaïde. Celle-ci forme avec le couple royal un authentique trio (la situation triangulaire évoquée dans les "Gémeaux" au chapitre affectif) que la mort seule pourra anéantir. Cette sœur ne quittera pas le roi d'un pas. Avec Marie-Amélie, l'épouse, les relations sont au mieux ; les deux femmes échangent le nom de sœur. Elles communient entre elles à jamais dans le même amour et une même admiration pour le duc d'Orléans. Adélaïde sera pour le roi le conseiller écouté, la collaboratrice dévouée et la sœur.

Psychologie féminine

Marie de Lorraine, reine d'Écosse, Marguerite de Valois, Mme de Sévigné, Catherine II de Russie, Marie-Thérèse d'Autriche, Mme Vigée-Lebrun, la reine Victoria, Édith Piaf, Brigitte Bardot... Là aussi, l'échantillonnage ne présente pas une homogénéité frappante car il y a loin, par exemple, de la Lune vénusienne (conjonction à l'astre) de Catherine dont la vie est un défilé ininterrompu d'amants, à la Lune marsienne (opposition à l'astre) de la frigide Marie-Thérèse, toute à sa cuisine d'affaires d'État, malgré leur commune virilité... Néanmoins, on peut aisément concevoir, de la psychologie si particulière de cette composante saisie à l'état pur, un archétype de féminité "à fleur de peau", aux jeux vertigineux d'une passion en constants rebondissements et sans certitude de continuité. Cette femme, qui tend au don total d'une sensibilité facilement disponible, étant sans défense immédiate, épuise rapidement son capital amoureux, les grilles de défense qui sont à l'arrière-plan de son être n'autorisant pas une implantation masculine profonde, et par conséquent durable. En revanche, elle est capable d'une exceptionnelle adaptation, pareille femme pouvant se sentir aussi bien à l'aise avec un bourgeois guindé, un poète fantaisiste qu'un homme d'affaires aventurier... ; elle s'assimile à des races, des religions, des milieux, des classes et genres autres que les siens. Cet élément lunaire n'en est pas moins un facteur d'incertitude et d'instabilité.
 
La Lune en Cancer 
 
L'astre dans son signe constitue la donnée à l'état le plus pur de la composante maternelle. Cette composante représente la partie de l'être issue de l'identification à la mère ou de l'introjection de la mère (sinon du substitut maternel) (5). 
 
Le propre de cette sorte d'insertion maternelle au sein de la psyché est d'infantiliser ou de féminiser la personnalité. Cette composante s'érige en "complexe maternel" à la moindre dissonance lunaire (surtout en cas de dissonance saturnienne). On assiste alors à une sorte d'attardement à l'enfance, de refus de grandir. Le côté végétatif l'emporte et l'âme tend à être fixée en même temps qu'au sein maternel, au repos, au calme, à la sécurité ; au passé, à un ailleurs et à un autrefois... Nous assistons surtout à un processus d'intériorisation de l'être avec cette lunarisation sur le mode cancérien. Ce processus prend, suivant les cas, un caractère d'introversion, de narcissisme ou de schizoïdie, et souvent un aspect où l'on retrouve un mélange de ces trois dispositions, l'être subissant vivement l'image qu'il a de lui-même et ne se dégageant pas d'une sensibilité tournée vers sa personne et qui l'isole du milieu ambiant.

Naturellement, comme il en est de toute tendance, nous avons tous les niveaux qualitatifs d'expression.

Un même produit psychique s'étale sur tout le clavier : la prédominance de l'imaginaire. Au stade élémentaire, la substance de l'être est faite du vain destin d'un rêve qui ne s'achète jamais, d'un sentiment qui s'étale à perte de vue et en marge du réel, du vécu : buée sonore, imagerie informe, songerie vagabonde, âme errante... Le cas d'onirisme n'est pas à exclure : l'être vit de ses rêves et fait de sa nuit son jour. Au niveau supérieur, l'être tire au contraire le meilleur parti d'un "esprit de finesse" qui donne son plein emploi au rêve, à l'imagination, à la mémoire, à la sensibilité, à la fantaisie, à la poésie, que cette âme soit lyrique, romanesque ou fantasque ; et elle peut être d'une fécondité inépuisable.

Ce processus d'intériorisation confine au subjectivisme. L'être tend à s'enfoncer au plus profond de lui-même, à se baigner dans sa substance la plus intime, à s'abandonner au flux de sa subconscience : c'est le coin de son "jardin secret".

Il n'y a pas de position qui puisse mieux représenter les valeurs de ce Moi profond (par opposition au Moi social) dont a parlé Henri Bergson (6) quand il invite l'homme à regarder en soi, à découvrir les données immédiates de la conscience : être avant tout attentif au cours spontané de notre durée, de la durée qui coule, de la mélodie ininterrompue de notre vie intérieure. Cette conscience signifie d'abord mémoire, et Bergson veut saisir la mémoire pure où notre esprit conserve dans tous ses détails le tableau de notre vie écoulée, à la recherche du passé, du temps perdu... C'est à cet arrière-plan psychique, nocturne, silencieux et profond, essentiellement intimiste et éminemment subjectif, que s'exprime le jeu d'une telle disposition.

Sous l'angle de la caractérologie, nous avons là une racine de surémotivité-sous-activité qui peut se faire primaire aussi bien que secondaire, de sorte que la formule serait : Nerveux-parasentimental ou sentimental-paranerveux. Si le type Lune-Gémeaux est très nerveux (au sens habituel du mot), celui-ci l'est peut-être encore plus car son enfoncement dans sa subjectivité le porte plus à se sentir vivre qu'à vivre et est facteur d'inquiétude, de tourment des profondeurs, d'autant qu'il est parfois subjugué par sa cœnesthésie avec les états de santé du neuro-végétatif mal dans sa peau.

On conçoit qu'il est dangereux de mettre un nom, une figure sur chacune des positions que nous étudions (puisqu'il y a autant de variantes que de contextes) ; néanmoins, cela a son utilité didactique car la seule façon de comprendre un symbole, c'est de le comparer pour le différencier des autres (étant en lui-même un monde qui s'étend à l'infini à mesure que l'on apporte des cas nouveaux). Or, en choisissant les cas les plus neutres, c'est-à-dire les plus purs, dans une même catégorie (les artistes), nous pouvons dire qu'à la Lune-Bélier vient en premier lieu l'image de Salvador Dali, à la Lune-Taureau celle de Rousseau ou, mieux encore, celle de Poussin, et à la Lune-Gémeaux, celle de Musset. Or, pour la Lune-Cancer, l'image de Baudelaire s'impose.

Charles Baudelaire : Sa Lune, certes, bien que très forte en raison de ses aspects, "parle" en fonction de sa dominante "Secteur VIII-Saturne". Son enfance est marquée par l'emprise d'une mère qui est seule à l'élever, dont il partage une certaine intimité, et dont il ne saura jamais se déprendre, même quand il l'aura perdue (le thème de la mer domine dans son œuvre, en liaison inconsciente avec la mère et le regret du sein maternel). Ce lunaire saturnisé est finalement dominé par une grande tendresse refoulée ("lourdes mélancolies"). C'est un hypersensible dont le chemin, en tant qu'expérience humaine, est la descente en soi, une plongée dans les profondeurs de l'inconscient. Le seul monde où il se complaise, c'est celui de ses rêves, un univers bercé par les houles et teinté aux couleurs du couchant, aux senteurs marines "où tout est beau, riche, tranquille", où tout est "luxe, calme et volupté" – là-bas, pays chimérique où l'on peut enfin cultiver librement la paresse...". "Les choses de la terre n'existent que bien peu... la vraie réalité n'est que dans les rêves" (Notes nouvelles sur Edgar Poe). Ce rêve assure l'évasion dans un monde féerique où tout est facile et favorable, puisque le poète est le propre "architecte de ses féeries". D'où, ultérieurement, l'accès aux paradis artificiels. Le climat psychique le plus familier de Baudelaire, grâce auquel nous lui devons sa poésie, n'en fut pas moins celui du complexe intra-utérin : "J'aspire à un repos absolu et à une nuit continue. Chantre des voluptés folles du vin et de l'opium, je n'ai soif que d'une liqueur inconnue sur la terre... qui ne contiendrait ni la vitalité, ni la mort, ni l'excitation, ni le néant. Ne rien savoir, ne rien enseigner, ne rien vouloir, ne rien sentir, dormir et encore dormir, tel est aujourd'hui mon unique vœu. Vœu infâme et dégoûtant, mais sincère."
Francis Jammes : Sa Lune (trigone à l'Ascendant et Vénus) participe à un ensemble plus chaud et plus ensoleillé, malgré une note également saturnienne. Cet affectif au cœur triste et doux a senti la mélancolie pénétrante des dimanches, nostalgie d'un lointain Éden. Son état de grâce est dans une participation au monde qui est identification à la mère-nature. On le voit retrouver en face des choses l'impression naïve du primitif, ouvrir sur la nature "de grands yeux étonnés d'enfant" (André Beaunier). Selon le dire de Paul Fort, il voulait "que son âme fut composée réellement des fleurs, des fruits, des cours d'eau, des montagnes et, enfin, de toutes les âmes des bonnes gens qui vivent sur ce terroir qu'il chantait." D'où chez lui ce don sagittarien d'immense sympathie : amour des hommes et de la femme, de la vie, des animaux, des végétaux et même des pierres... Le cas n'est pas aussi extrême que celui de Baudelaire ; l'intériorisation de Francis Jammes est, au contraire, ouverte sur tout l'univers, mais celui-ci est vécu comme un monde qui l'enveloppe et au sein duquel il se situe et se sent vivre comme dans un œuf.
Guy de Maupassant : Les incidences de l'influence maternelle sont discernables dans ses véritables hymnes d'amour à la terre natale. Mais ce qui est le plus frappant, c'est de voir ce naturaliste qui s'attendrit se laisser envahir progressivement par l'imaginaire, teinté du néant du secteur VIII. Il a beau chercher à se fuir par de fréquents déménagements et par la diversion des voyages, sa vérité s'ouvre de plus en plus à de plus secrètes et de plus rares régions de l'âme, pour s'achever en abîmes et en ténèbres. "Quelqu'un occupe mon âme et la gouverne", déclare-t-il, et pour se débarrasser de ce démon intérieur, il met le feu à sa maison après avoir fermé portes et fenêtres, croyant y brûler le malin génie, le Horla. C'est le drame en style ectoplasmique d'un réel chassé par les obsessions, les cauchemars et hallucinations, les hantises et visions fantastiques, et qui débouche sur la confusion mentale.
George Gordon Byron : Sa Lune conjointe à Mars et Uranus lui donne une âme de feu, en révolte contre une mère agressive et castratrice qui le méprisait pour son pied bot et qui incruste en lui des plis indélébiles. Sensibilité hypernerveuse, imagination ardente, fantasque, capricieux, instable, errant, excentrique, porté aux excès, se sentant mal dans sa peau, il fait les quatre-cents coups pour se fuir, c'est-à-dire pour exorciser sa composante maternelle. On le voit donc plutôt demander à son imagination non plus l'évasion dans un rêve insaisissable, mais la création d'un monde nouveau plus conforme à ses désirs.
José Maria de Heredia : À travers l'Antiquité, les mythes, dieux et héros de l'Histoire, l'auteur des Trophées cherche (son aspiration lunaire) un passé, y exalte sa rêverie et revit des états d'âme.

Hippolyte Taine, Villiers de l'Isle-Adam, Edmond Rostand, Jean Richepin, Ferdinand Brunetière, Henri Lavedan, Léon Daudet, Romain Rolland, Roland Dorgelès, Simone Weil, Pierre Louys, André Gide, Alain, Pierre Drieu la Rochelle... on n'en finirait pas d'étudier les cas des écrivains. Certes, il n'est pas toujours aisé de dégager la composante en question car, chez certains, la voix profonde, silencieuse et intime, de cette Lune-Cancer est étouffée par le tapage de tendances stridentes, accidentées, ou autres... Il faut, par exemple, écarter chez Gide tout ce qu'offre au regard immédiat sa nature Scorpion avec son individualisme, sa révolte, son hédonisme... voir ce qui, chez Taine, se présente derrière les retenues d'un ascétisme saturnien... Il n'est cependant pas difficile de saisir chez la plupart d'entre eux un aspect féminin (qui confine chez certains à l'homosexualité) qui est parfois à la source de leur talent. À ce propos, Jacques Fath et Christian Dior avaient cette Lune et il serait intéressant de savoir si d'autres grands couturiers n'auraient pas la même position.

Il se trouve, en outre, que le seul grand musicien qui ait cette Lune culminante est Giacomo Puccini qui a consacré son souffle lyrique à de pathétiques "créatures de rêve" : Marion, Mimi, Tosca, Butterfly, sœur Angélique, Magda, Liu... Mais en outre, le passé, l'histoire, le révolu constituent pour eux un sujet d'intérêt ou d'inspiration : Heredia, Taine, Brunetière, Louys, Rostand, Guizot, Herriot, Champollion... L'âme tend, en somme, à se replier ou sur son propre passé ou sur celui de l'humanité. Mais la sensibilité d'une tendance aussi profonde peut présenter bien des variantes quand, après un long parcours intérieur, elle arrive jusqu'à une expression artistique. Pour revenir aux musiciens, par exemple, c'est elle qui paraît être la source de la pure mélodie chez Gabriel Fauré (au Fond du ciel) qui, sur un fond Taureau, fait de sa musique un intimisme de mère à enfant, une oasis de calme. Chez Claude Debussy, elle est la caisse de résonance (conjointe à Vénus trigone Neptune) d'un lyrisme intime et profond qui fonde son impressionnisme sur l'intensité de la sensation (ici, l'influence de la mer est à relever). Déjà, c'est une tout autre note qui apparaît chez Érik Satie, sa Lune conjointe à Uranus étant surtout paroxysme d'une sensibilité nerveuse qui puise cependant aux mêmes sources et qui s'exalte dans la fantaisie créatrice la plus excentrique. Il serait intéressant de saisir ce qui peut être le propre de cette même sensibilité profonde chez des créateurs comme Lully, Paganini, Tchaïkovski, Stravinsky et Messiaen.

Dans le monde de la peinture, cette Lune est surtout perceptible chez Francisco de Goya où l'astre, uni à Neptune, se détache de sa dominante Saturne-Bélier. De fait, quand il échappe au cauchemar obsessionnel de ce complexe qui lui inspire les toiles les plus tragiques, sa peinture retrouve une fraîcheur éblouissante et une délicatesse d'expression rarement égalées. Sa "Laitière de Bordeaux", sa "Porteuse d'eau" (on voit ici l'association) et ses innombrables "Maja" sont un hymne à la beauté féminine, une féminité où la grâce se mélange à quelque chose de trouble (Neptune?). Mais cette Lune s'associe à Saturne dans le processus d'intériorisation qui enfonce ce poète à l'imagination bouillonnante dans une schizoïdie profonde qui en fait un visionnaire frénétique (Bélier) hanté par les fantômes de son âme, l'inépuisable cour des miracles de ses Caprices... Alors que chez Adolphe Monticelli (Lune au descendant trigone à Vénus culminante), l'Anima se fait jour avec d'agréables portraits de femmes où prédomine l'évocation d'une âme paisible et profonde. Chez le jupitérien-Poissons Charles Le Brun, la composante maternelle prend un caractère extraverti : c'est l'artiste essentiellement doué, dans son sens de la fresque, pour la décoration des intérieurs (c'est un aspect différent de l'intériorisation). Avec sa Lune au lever, William Blake est un peintre qui traduit les visions d'un poète qui se complait dans un imaginaire assez fantastique et qui aime à se plonger dans le passé, voire à s'exalter dans un Apocalypse (Nabuchodonosor)... La forte Lune de Claude Monet est également facteur d'intériorité mais, sous l'aspect du "mirage impressionniste" ; sensible avant tout aux sensations qui l'envahissent, le peintre est tout à la quête de l'insaisissable au point de laisser s'échapper le saisissable dans la dissolution aquatique de la matière. On voit, à juger de l'ensemble des cas, combien cette Lune est intimiste ou impressionniste, tout aquatique. Mais (et on l'a déjà vu avec Satie) elle peut aussi être extravagance, dépaysement, étrangeté, insolite... d'un imaginaire qui a d'autant moins de comptes à rendre à la raison et au réel extérieur qu'elle est écho de ce que l'âme a de plus obscur, de plus nocturne, de plus irréel, de plus authentique aussi. C'est par une telle Lune (en VIII et dans le cadre d'une dominante Scorpion-Pluton-Neptune) que l'on comprend l'univers pictural de Joan Miró dont le génie est d'avoir retrouvé le monde de l'enfance avec ses graffiti, un monde, ectoplasmique bizarre où pullulent fœtus, larves, amibes, globules, poils, prunelles errantes, formes cocasses, astres d'un autre monde... Cette composante est également à étudier chez d'autres peintres comme José de Ribera (est-ce d'elle que viendrait son intérêt spécial porté aux anomalies du corps humain, pied bot, difformités? ...), Alexandre-Gabriel Decamps, Albert Gleizes, Roger de La Fresnaye, Carlo Carra...

Parmi les vedettes de la chanson, peut-être cette Lune explique-t-elle ce parfum de femme surgi d'une vibrante Anima qui anime aussi bien l'extraverti Félix Mayol que l'introverti Georges Brassens.

Il pourrait être intéressant de rechercher les incidences de cette Lune chez les savants, par exemple chez un Fresnel, un Faraday ou un Langevin, mais il faudrait plutôt s'attaquer à leur vie privée, sinon percevoir un à-côté affectif plus ou moins irrationnel. Chez un Isaac Newton, il n'est pas exagéré de lui accréditer la légende du jeune homme de vingt-trois ans qui rêve un soir sous un pommier..., d'une schizoïdie si prononcée qu'elle lui vaut avec un court épisode de démence une distraction proverbiale (sa Lune quittait sa culmination).

Dans l'ordre de la vie affective, ce facteur le plus hypersubjectif qui soit attache l'être à sa sensibilité au point de le faire souvent prisonnier de l'univers fermé de ses images et sensations, de ses phantasmes et rêves, quand ce ne sont pas les lubies et sortilèges d'un démon intérieur (Baudelaire, Byron, Maupassant, Goya, Villiers de l'Isle-Adam, Louys...). Une échappée aussi infantile de la sensibilité conduit au désaccord du fil ténu des images d'une âme fragile avec les résonances de l'amour adulte qui cherche à s'implanter dans un rapport ouvert avec l'extérieur, pour dévier souvent vers l'amour inaccessible. Reste toutefois que des blocages sont toujours possibles (dissonance saturnienne ou uranienne) qui enfouissent cette âme profonde dans une fermeture affective sur soi, conformément au cancérien qui se défend de l'emprise maternelle par le rejet hostile de la mère.

Psychologie féminine


Le foyer matriciel par excellence que symbolise cette Lune "donne" aussi bien la femme-enfant, la femme-maternelle que la femme-mystère des profondeurs psychiques.

Un beau cas simple de femme-enfant est Marie-Louise, la seconde épouse de Napoléon, passive et soumise, faible et futile, jouet flottant de la politique. De même, Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, reine d'Espagne, également dominée, mais surtout par ses caprices et sa légèreté d'humeur. Dans un tout autre genre se présente Marie-Louise d'Orléans, reine d'Espagne, avec une Lune près de Mars en Cancer, si parfaitement identifiée à sa mère qu'elle meurt comme elle, au même âge et à la suite des mêmes circonstances (empoisonnement), après avoir été l'objet de la haine de sa belle-mère.

L'autre bout de la canne, si l'on peut se permettre une telle expression, c'est la femme-mère. Ce côté maternel est susceptible de prendre tous les aspects suivant la constellation lunaire. C'est Anne d'Autriche, la mère tyrannique et castratrice (conjonction de Mars) ; c'est Madame de Maintenon, tout à son rôle d'éducatrice des enfants qui ne sont pas les siens (opposition de Saturne) ; c'est encore Clara Schumann, une femme forte (conjonction de Mars), qui est tout à la fois la mère de Robert et celle de ses huit enfants ; c'est aussi Pauline Bonaparte, qui est bienveillance, dévouement, consolation pour ceux qui l'entourent et qui demeure attachée à l'empereur jusqu'à la fin. Pour peu qu'on les connaisse, on peut faire entrer dans la même catégorie la reine Astrid et la reine Wilhelmine. On peut citer aussi Marie Walewska, ce grand cœur.

On conçoit aussi que de cette souche primitive de la sensibilité émane une féminité du merveilleux ; c'est-à-dire un type de femme particulièrement attractive ou plus exactement fascinante en raison d'une disposition à éveiller les aspirations les plus enfouies dans l'âme humaine, à faire surgir les éléments archétypiques de l'homme qui, sous son influence, replonge dans la nuit de son enfance et de ses mythes. Telle paraît avoir été Alphonsine Duplessis, la "Dame aux Camélias". Telle est Michèle Morgan, "vedette de l'âme", dont le masque inexpressif ou surexpressif est le miroir d'un éternel féminin insondable, mystérieux, inaccessible (Iseult, Marguerite...).

Dans la lignée royale, nous avons un cas avec Anne de Bretagne, dont la Lune du Cancer se superpose au Soleil de son premier époux, Charles VIII, et à un Soleil-Lune de son second époux, Louis XII. Avec sa Lune au trigone de Mars, elle est une nature sensible mais forte, qui donne l'exemple d'un ménage simple, paisible et de bonne tenue. Maternelle, elle jouit de ses revenus de la Bretagne pour secourir les malheureux, équiper des officiers pauvres, soulager leurs enfants et leurs veuves. Elle finit par avoir une emprise affective, maternelle, sur le trop cancérien Louis XII, inconsolable à la mort de la reine qu'il suivra dans la tombe à peine un an plus tard.

La Lune en Lion


Au premier abord, on saisit que, dans la mesure où la Lune est nature, instinct, et le Lion expansion au grand jour, cette rencontre est propice à une poussée vitale, à un déploiement de chaleur, de vitalité, de vie. En langage caractérologique, nous sommes en présence d'un coefficient d'émotivité forte, tendant à une expression active et extravertie. Avec ce facteur considéré à l'état pur, carte blanche est donnée aux aspirations spontanées de la sensibilité qui tendent à avoir de l'allant, du brio, de l'allure... Nous assisterons au développement, voire à l'exaltation confiante et euphorique de la vie instinctive, à l'effervescence d'une nature qui s'abandonne, heureuse, à ses penchants naturels, à des penchants d'ailleurs enclins à l'ennoblissement. Cette émotivité, au lieu d'avoir un cours profond, silencieux et nocturne proche d'une lointaine enfance, comme celle de la Lune-Cancer, tend au contraire à s'irradier, à s'épandre dans des tonalités chaudes et dans des zones lumineuses : c'est un cœur rayonnant à ciel ouvert et en épanouissement adulte. Cette mise en appétit s'accompagne d'une exaltation sensorielle, d'une imagination colorée, embellissante, amplificatrice, d'une magnificence du rêve. Elle fait voir généreux et riche, elle fait sentir grand et haut ; elle fait aimer la vie "à part entière". Elle peut donner un naturel attractif, une santé morale florissante, voire une inflation du Moi...

Si l'on veut prendre un cas-type pour le comparer aux autres (Dali, Rousseau, Musset, Baudelaire...), nous pouvons choisir Oscar Wilde. Avec lui, nous avons d'abord un neptunien (coucher de l'astre), sensitif vibrant sur une gamme étendue d'émotions et qui éprouve le besoin de raffiner (Balance) sur cette disposition émotive en cultivant "l'émotion pour l'amour de l'émotion", au point d'y trouver le but de l'art et d'en faire le but de sa vie. Cet épicurien dilettante se pose comme un "artiste de l'existence" qui met "tout son génie dans sa vie et son talent seulement dans son œuvre". Cela consiste en un abandon à sa sensibilité qui débouche sur une sorte de culte et d'épanouissement du Moi (Lune-Lion), sur la longueur d'ondes Balance du plus grand raffinement, esthétique. Mais en voulant s'épanouir comme une fleur et tirer tout le fruit possible de la vie, il n'aboutit qu'à être "un grand seigneur de la décadence"...

Mais la plasticité de cette tendance est telle qu'elle prend les aspects les plus divers suivant les contextes.

Qu'on enregistre cinq Lune-Lion chez les 34 présidents des U.S.A. (James K. Polk, Franklin Pierce, Grover Cleveland, William Howard Taft et Herbert Hoover) et deux chez les 14 présidents de la IIIe République (Armand Fallières et Gaston Doumergue) ne saurait être retenu sur le plan formel de l'enquête statistique mais peut, néanmoins, revêtir une signification subjective. Voici, par exemple, ce que devient ce facteur chez les deux rois de France qui la possédaient :

Chez Charles VIII, cette Lune en pointe de III accompagne un Mars-Lion au Fond du ciel et au carré de Saturne : ce débile qui se tourne vers les tournois et les batailles rêve de gloire flamboyante et se lance dans la conquête de Naples ; cette aventure militaire constitue une passion envahissante qui ne cesse de le faire rêver au point de se voir roi de Jérusalem et de se déclarer empereur d'Orient... Chez Louis XIV, elle est un amplificateur de choix pour un type solaire-jupitérien tout à son personnage de grandeur, de noblesse, de richesse et de magnificence, et surtout (conjonction à Vénus-Lion) aux éblouissements, fêtes, amours et splendeurs de la première partie de son règne. Chez les rois d'Angleterre (7), voilà Jacques Ier, ce vénusien-cancérien qui n'en est pas moins, malgré sa nature féminine et timide, dangereusement convaincu de sa supériorité (il se prenait pour un théologien de génie) et imbu d'une doctrine orgueilleuse du droit divin et héréditaire des rois, pérorant, croyant être "loué jusques aux cieux" par son éloquence et son érudition, tout en étant dominé par ses favoris. Voilà encore Jacques II (Lune-Ascendant carré Soleil-Mercure-Scorpion) tyrannique et arrogant, qui se veut être l'arbitre de l'Europe.

Chez des natures actives, ce facteur peut facilement se muer en désir d'ambition et de gloire. C'est ce qu'on peut trouver, à des titres divers, chez un Guillaume III d'Orange, cette Lune allant dans le sens d'une conjonction Soleil-Jupiter en Scorpion ; chez un Frédéric le Grand, qui voulait faire "quelque chose pour l'immortalité" et qui avait réussi à être l'homme du siècle dont le monde s'occupe le plus ; chez un Nicolas Ier, fanatique de l'absolutisme ; chez un Camillo Cavour, très autoritaire ; chez un François-Joseph d'Autriche qui ne quitte jamais son uniforme et a des penchants héréditaires à l'absolutisme ; chez un Léon Trotsky, un Jawaharlal Nehru, un Winston Churchill, un Tchang Kaï Chek, un Mao Tsé-Toung, un Foster Dulles, voire même un Pierre Poujade... Qu'intervienne une note solaire ou vénusienne, et la tendance tourne vers les agréments, les plaisirs ou la vie spectaculaire, la dépense, le goût du luxe (la cour brillante de Louis XIV, de Jacques Ier, du régent Philippe d'Orléans, Wilde...). Autrement, cette donnée n'apparaît pas, surtout si Saturne domine : Guillaume d'Orange était ennemi du faste, et les cours de Frédéric II, Nicolas Ier et François-Joseph n'avaient rien de brillant. Mais, une telle instance psychique ne pousse pas nécessairement à l'ambition ; si elle est aspiration à une plénitude ou à une grandeur, elle demeure cependant un capital disponible, à la disposition du Moi, comme, par exemple, chez le jupitérien du Lion Raimu, dont le souffle personnel est puissant, comme chez un Louis XIV ou un Churchill..., sinon un courant qui vient renflouer le réservoir des passions et des instincts, comme chez le régent Philippe d'Orléans, ce grand jouisseur, qui mena une "vie de patachon" (Soleil-Lion carré Mars-Taureau et Jupiter-Scorpion) et chez Néron (conjonction Soleil-Mars-Sagittaire-Ascendant au carré de Saturne) qui, contemplant en artiste et célébrant en poète la sublime horreur de sa capitale embrasée, fit de ses jeux funèbres un chant de triomphe...

Avec les écrivains, la culmination de cette Lune chez Paul Verlaine ne donne pas un éclat personnel à ce poète trop saturnien et trop dissocié ; mais son génie lunaire tout en musicalité est une envolée de lyrisme, un essor de poésie pure. Avec le saturnien Charles Leconte de Lisle, la veine décorative magnifie les paysages de ses Poèmes antiques, paysages de chaleur et de lumière, évocation de la prodigieuse luxuriance de la nature. Un cas voisin est Gustave Flaubert, chez qui cette Lune culmine ; sous cet angle, l'auteur de Salammbô est le peintre aux somptueuses descriptions de l'Orient et surtout du "vieil Orient fabuleux" de ses rêves. Proche aussi est celui d'Émile Verhaeren, du moins le Verhaeren du début, des Flamandes, à la poésie pittoresque et truculente, qui évoque en traits forts et en couleurs éclatantes, avec une verve sensuelle et une fougue sanguine, les aspects divers de la terre de Flandre. On n'a pas non plus de peine à deviner cette donnée lunaire dans le superbe de Henry de Montherlant. Il reste à l'étudier chez divers autres écrivains : Johann Friedrich von Schiller, François Coppée, Edmond. de Goncourt, Alexandre Dumas fils, Georges Rodenbach, Georges de la Fouchardière, Antoine de Saint-Exupéry, André Malraux...

Faut-il s'étonner que cette position ait l'air d'affectionner en musique le genre qui se consacre au spectacle, l'opéra et l'opérette? Nous avons Monteverdi, le créateur de l'opéra, grand passionné et grand coloriste, qui pleure sa femme Claudia dans les plaintes déchirantes d'Orphée ; Édouard Lalo (Le Roi d'Ys), Daniel-François Auber (La Muette de Portici), Charles Lecocq (La Fille de Madame Angot...), Robert Planquette (Les Cloches de Corneville...) ; Jacques Ibert consacre peu à la musique de scène, et chez Marc Honegger se dégage d'un rude et vigoureux tempérament marsien une éloquence chaleureuse et pleine (Pastorale d'été, Horace victorieux, Chant de joie...)...

La peinture à elle seule nous montre quelles voies diverses peut suivre ce courant intérieur. Voici Ernest Meissonier qui naît peu après le lever de cette Lune à l'opposition de Saturne ; cet homme de petite taille, que Degas appelait "le géant des nains" était d'un incommensurable orgueil ; ce seigneur solennel et fastueux, criblé de décorations, appartenant à toutes les académies, se fit construire un palais Renaissance ; se consacrant à l'évocation de l'épopée napoléonienne, ses toiles se vendirent à des prix fabuleux (elles sont maintenant accessibles aux bourses les plus modestes) et cela se termina par les obsèques nationales... Et voici Jean-Honoré Fragonard (dont la Lune aspecte Vénus du Taureau dans le cadre d'une forte note Bélier), dont cette veine lunaire nourrit l'œuvre. Les Goncourt ont écrit que sa peinture était "le rêve d'un homme endormi dans une loge d'opéra" ; il n'en a pas moins peint les yeux grands ouverts, ayant passionnément aimé cette symphonie chaude et ardente qu'il a peinte : les femmes, le plaisir, la joie de vivre dans l'éblouissement d'un beau jour d'été. Si une telle note est peu décelable dans l'impressionnisme, encore qu'on puisse évoquer un certain "sentiment décoratif" (Duret) chez Alfred Sisley, elle s'accorde on ne peut mieux avec le fauvisme dans la mesure où il est une exaltation sensorielle rendue en orchestrations colorées ; la plupart des Fauves ont une coulée d'instincts bruts qui vient d'un ensemble Bélier-Taureau, mais plusieurs ont la Lune en Lion : Maurice de Vlaminck, Othon Friesz, Jacques Villon. Autres cas à étudier : Constant Permeke, Marcel Gromaire, André Masson...

Si l'on veut comprendre le thème affectif de cette composante lunaire, il suffit de regarder comment le peintre qui en est marqué voit la femme, comment il la peint. On se rend compte, ici, comment le moindre aspect planétaire de la Lune a plus de poids que le signe que celle-ci occupe ; néanmoins, celui-ci donne un certain ton ; il suffit pour s'en rendre compte, de comparer les différentes versions d'un signe à l'autre. Avec Philippe de Champaigne, c'est une Lune qui est en carré de Saturne : ses femmes ont un certain style, elles sont belles, dignes surtout, mais elles sont aussi assez strictes et même rigides et austères. Jean-Marc Nattier fait des portraits de grandes dames (Mlle Isabelle de France...) aux attitudes léoniennes qui frisent le Saint-Sulpice. Quant à Fragonard, sa Lune reliée à Vénus-Taureau sur un fond Bélier lui inspire des femmes savoureuses et exaltantes, frétillantes ; ses Baigneuses, chairs à la blondeur nacrée et aux opulences sensuelles, inondées de soleil et rayonnantes de lumière, sont un festival de joie euphorique. En elle-même, cette disposition lunaire tend (si rien ne l'entrave) à soulever un ample mouvement de l'affectivité qui porte à aimer sainement, généreusement, pleinement. C'est une plate-forme sur la base de laquelle peut se déployer un grand amour, s'affirmer une passion qui offre l'occasion de s'élever, de briller ou de s'ennoblir, tel un Alex Fersen (Lune conjointe à Neptune et Vénus) dans son amour pour Marie-Antoinette. Mais si la sensibilité ensoleillée de cette Lune est immédiatement orientée vers des expériences fortifiantes, les dissonances la font dériver vers des excès, désordres ou perturbations qui ont un caractère plus ou moins spectaculaire (Néron, Louis XIV, Philippe d'Orléans, Wilde...).

Psychologie féminine

Le déploiement d'affectivité que représente cette position, qui se met souvent au service des intérêts du Moi, nous rapproche du prototype mythologique de Junon.

Tantôt, c'est le type de la "grande dame", dont, précisément Marlène Dietrich et Edwige Feuillère incarnent le personnage à l'écran, avec une certaine noblesse, une allure altière ou une certaine force d'âme. À elle les grands projets au service du culte du Moi, sinon la tentation de vivre sa grandeur "par délégation" : un époux rayonnant, prestigieux ou d'un rang social supérieur au sien. C'est en somme l'ambition amoureuse, qu'elle consiste à se faire valoir en personne au bras de son partenaire, ou à "pousser", à faire valoir celui-ci. Mais la tendance peut ne demeurer qu'au stade de l'aspiration, : la femme se contentant de rêves de princesse fêtée par le sexe fort ou de bergère remarquée par quelque prince ou quelque vedette...

Tantôt, c'est le type de la "femme forte" caractérisée par une certaine trempe ou par une puissance de la personnalité. Cette maîtresse-femme a un souci de supériorité, tend à s'imposer et en imposer, à tenir la dragée haute à son compagnon, à porter la culotte.

Très souvent, il n'y a pas de ligne de démarcation entre ces deux dispositions qui coexistent. On n'est pas sûr de la date de naissance de Diane de Poitiers, mais la version qui la fait naître le 3 septembre 1499 lui octroie une conjonction Lune-Vénus en Lion qui serait on ne peut plus significative. Nulle maîtresse officielle n'a tenu une place aussi prépondérante et envahissante dans le cœur d'un roi. Esclave de sa domination pendant plus de vingt ans (Lune-Bélier), Henri II abdique tout aux mains de Diane qui éclipse Catherine de Médicis, ne reculant point à lui faire présent des joyaux de la couronne ; une médaille commémore son triomphe : Omnium victorem vici : j'ai vaincu le vainqueur de tous!

Malgré la différence des époques, des milieux et des natures, le cas de l'ascension de la Comtesse du Barry est voisin (Lune-Soleil-Mercure dans le signe). Entichée de bijoux et de parures, gaspilleuse, elle exerça, sous un dehors enjoué, un véritable despotisme de la passion sur un Louis XV vieilli, désabusé, plus que jamais soumis aux volontés féminines. À une échelle de valeurs au-dessous se présente, dans ma collection, une Lune-Lion (dans un contexte Scorpion-Ve) appartenant à une P... du Fouquet hétaïre de grande classe qui, dans cette honorable institution pour messieurs, offrait, à 5 000 francs (d'avant-guerre!) la partie, un grand jeu pour les notables de la IIIe République...

D'autres Lune-Lion se signalent à notre attention : Renée de France, âme forte, esprit droit et cœur généreux. Julie de Lespinasse, la muse de l'Encyclopédie, emportée par une passion fatale pour Guibert (Lune carré Soleil-Mercure en Scorpion). La princesse de Lamballe, qui exerça une certaine emprise affective sur Marie-Antoinette. Caroline Bonaparte, reine de Naples (avec Soleil-Bélier), pleine de résolution et d'énergie, qui exerça sur son époux Murat un empire absolu et tint les rênes de l'État avec habileté. La reine Hortense de Hollande avait-elle la Lune fin Cancer ou début Lion? Est-ce l'ambitieuse mère du futur Napoléon III qui domine en elle, tout à son fils dont elle ne cesse de prêcher "la position de tous les devoirs que son nom lui impose" (testament), ou la reine au milieu de soirées brillantes où elle donne le ton à la mode et au goût, qui devient le centre de la société des Tuileries où l'on admire son esprit, sa grâce, ses talents? D'autres Lune-Lion se présentent : l'altière et vertueuse épouse de Charles IX, Élisabeth d'Autriche, Delphine Gay, qui inspira de grandes passions (à Vigny notamment) ; Marie-Christine de Bourbon, reine douairière d'Espagne, avide de fêtes et de plaisirs, dont le palais s'épuise en recherches nouvelles et en délires dans l'ordre des dissipations mondaines?...
 
La Lune en Vierge
 
On saisit d'emblée qu'il existe une contradiction entre l'astre qui est instinct et sensibilité et le signe qui est retenue et contrôle. À la Vierge, en effet, et après la série qui va du Bélier au Lion, l'élan vital est en déclin, les forces instinctives s'amenuisent, les formes s'amincissent, au profit d'une individualisation, d'une différenciation, d'une particularisation, d'un affinement. On assiste à un recul de l'instinct, à un refus du libre exercice de la sensibilité, et cet arrêt ou cette retenue est compensé par un surplus de lucidité, de conscience, de raison : l'être cherche alors sa mesure dans la logique. Mais alors, ce "terrain" se prête mal à une poussée de la nature que représente la Lune.

Cela peut se définir comme une entrave au développement du narcissisme, du sentiment du Moi qui détermine l'auto-évaluation affective. Il tend à en résulter un sentiment gullivérien qui consiste à se sentir petit, à se minimiser ou se sous-estimer. Nous sommes en présence d'une composante de "complexe d'infériorité", peut-être même de la tendance la plus pure et la plus typique du sentiment d'infériorité. Cette constituante psychique s'accompagne d'un sentiment de faiblesse, de fragilité, d'insécurité. Elle oriente le caractère vers l'effacement, la pudeur, la timidité, la modestie, l'éviction... Malgré cela, l'être n'est pas tellement à l'aise ; le sens du ridicule le paralyse, une conscience mal assurée le tourmente ; il est foncièrement inquiet, soucieux, facilement gêné, assez susceptible et enclin à l'irritabilité ; la nervosité prédomine.

Cette disposition de base peut cependant être un excellent ferment, comme un dépit ou une humiliation qui est source de réaction féconde. Le malaise de vivre que tend à creuser ce sentiment d'incertitude peut en effet conduire l'être sur le chemin d'une interrogation fructueuse, d'une auto-analyse, d'une recherche psychologique ; il favorise, par là, l'acuité de l'esprit, entretient diverses démarches susceptibles d'intellectualiser la personnalité ou de discipliner le caractère. S'il est carence d'instinct, de force naturelle et de spontanéité affective, il est donc ou peut être du moins facteur d'esprit, de perspicacité, d'astuce, d'intelligence, sinon de vertu.

Nous avons une localisation précise de cette composante dans le cas de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, avec cette Lune en III. Certes, il suffit d'avoir n'importe quelle Lune dissonante en III pour faire un complexe d'infériorité ou pour avoir des problèmes avec ses frères ou sœurs (Charles VIII avec Anne de Beaujeu, Louis XVI avec le futur Louis XVIII, Napoléon lâché par les siens...). Mais ici, le complexe prend des proportions extrêmes : Gaston souffrira toute sa vie de n'être que Monsieur ; cette composante polarise sa dominante marsienne dans une lutte absurde contre son frère-roi, le fait entrer dans toutes les conspirations et lui fait faire toutes les bêtises jusqu'à l'avilissement.

On peut juger de la diversité de l'apport de ce facteur suivant l'ensemble auquel il s'intègre en ne considérant que les trois rois français qui le possèdent. Chez Charles VI, cette Lune est très dissonante et compose une toile de fond de nervosité, d'excitabilité, d'hyperémotivité ; mais l'écho proprement virginien de l'astre est peu sensible dans un décor aux dominantes criantes ; peut-être, cependant, cette particularité lunaire tonalise-t-elle quelque peu la finale saturnienne responsable de sa déchéance morale en faisant d'un roi un clochard, forme extrême d'infériorité sociale. Chez Louis XV, l'astre en VI et en sextil de Saturne vient renforcer le côté saturnien de sa nature bipolaire ; c'est le Louis XV qui, jusqu'à vingt-deux ans et dans une cour débauchée, est chaste, prude et timide ; nous verrons plus loin le rôle de cette Lune infériorisante dans la sélection féminine et affective du roi. Chez Charles X, enfin, cette même Lune est en V mais fait figure de parent pauvre dans l'ensemble du thème ; on la voit faire écho à Vénus du Scorpion en VI (avec le rapport Vierge-VI et l'ambivalence Vierge-Scorpion) se trouvant, en outre, dispositrice de Mars en Cancer angulaire ; au sein d'une dominante bipolaire qui passe de Vénus-Jupiter-Scorpion à Saturne-Verseau (voir mon "Traité"), c'est toute l'évolution qui va du comte d'Artois libertin au Charles X dévôt.

Dans le domaine des lettres, on n'est pas surpris de rencontrer chez cette Lune des créateurs qui prennent des distances avec leur sensibilité. Ce sont, par exemple, des juges, des censeurs, des critiques qui font prévaloir la lucidité dans la recherche psychologique, l'analyse ou l'autoanalyse ; tels sont, entre autres, Louis de Rouvroy de Saint-Simon, mémorialiste dominé par le haut-le-corps, Stendhal, exercé à la lucidité au raisonnement, à l'autocritique, Charles-Augustin Sainte-Beuve, le meilleur critique psychologique des lettres de son temps, Léon Tolstoï, qui passe sa vie à se juger et à s'indigner contre lui... Mais, que la lucidité tourne à une forme de raillerie et nous avons les humoristes de diverses sortes : Miguel de Cervantès, Tristan Bernard, Armand Salacrou, Jean Cocteau avec son impertinence respectueuse, son souci de porter la clarté au coeur des obscurités profondes, sa critique du Secret professionnel, son dessin humoristique... Peut-être aussi est-ce la tendance d'infériorisation de cette Lune qui se projette chez Tolstoï quand, avec un esprit d'humilité, il se tourne vers la vie des hommes simples, des paysans laborieux, du peuple pauvre, écrivant sur leur misère et se donnant à des œuvres de secours ; et chez Charles-Ferdinand Ramuz qui consacre son œuvre au paysan, au vigneron, au domestique de campagne, à la servante renvoyée, au pauvre vannier, à ce monde des petits de son petit village qui ont une existence sans histoire. Cette même donnée est à étudier chez d'autres écrivains comme Jacques Bainville, Robert de Flers, Jacques de Lacretelle, Jules Bertaut, Jacques Audiberti, Jules Supervielle...

La musique nous apprend peu, sans doute parce que le fragment de personnalité que représente cette position concerne plus la vie personnelle que l'œuvre dans les cas auxquels nous avons affaire. Peut-être participe-t-elle au don de critique qu'avait Robert Schumann et constitue-t-elle, en même temps, un facteur de nervosisme faisant même la toile de fond de sa nature conflictuelle (elle est presque une dominante et est en VIII). On ne sait comment elle se place chez Felix Mendelsshon et chez Vincenzo Bellini ; d'après leurs œuvres, elle n'est pas retenue affective mais élément particulier de sensibilité : une sensibilité qui accentue la spiritualisation Verseau du premier et qui donne au second une chasteté de cœur et d'inspiration, avec une tendresse languissante faite de mélancolie rêveuse et de douleur plaintive (conjonction Lune-Saturne). Il conviendrait d'étudier ce même facteur chez César Cui, Richard Strauss et Gabriel Pierné.

Ces derniers exemples montrent que si le Moi ne fait pas taire la sensibilité, celle-ci peut se faire inquiète ou a tendance à s'éloigner d'une expression animale pour se décanter, s'épurer, se cérébraliser. 
 
La peinture nous en apporte de nouveaux cas. La constellation de Eugène Delacroix présente une bipolarité qui prolonge une nature Taureau à dominante marsienne par une conjonction Lune-Uranus en Vierge. Ses tableaux sont le récit des épisodes d'un combat de l'âme (revoir le "Taureau", collection "Zodiaque"). Dans la première partie de son œuvre, inspirée du Taureau, domine la série de ses "massacres" : Scio, Scardanapale, les Croisés... Puis, le ruisseau de sang se coagule sous l'intervention de la donnée virginienne et nous avons une deuxième série où le torrent de violence s'apaise et s'ordonne : Persée et Andromède, Roger et Angélique, Combat de Jacob et de l'Ange... Le thème devient celui de la civilisation se mesurant avec la barbarie, de la guerre se confrontant avec la pensée ; cette donnée lunaire est finalement un facteur de discipline apollinienne qui fait triompher la clarté sur la menace des ténèbres. Sur un tout autre plan et tout autant édifiante est la Lune de Paul Gauguin (elle se levait). Ce peintre a précisément fait naître l'art moderne à partir du moment où il a contraint le paysage à se plier aux lois plastiques du tableau. C'est la nature, sa ressemblance et même sa vraisemblance, qu'il a sacrifiée, victime expiatoire à sa toile.
"Il obligera le paysage à abandonner sur son seuil la fuite vers les lointains, la mobilité de l'atmosphère, la vibration des clartés et des ombres ; il l'enfermera dans la prison des cernes ; il l'amènera, avec la pâte des tubes, à s'étaler en un chromatisme tranché. La nature, étonnée, se plie à des lois qui ne sont plus les siennes ; elle est digérée, assimilée par la peinture dont elle n'est plus que l'aliment nourricier." (René Huyghe : "Dialogue avec le visible", p. 74.) Avec Gauguin, l'art se sent la mission d'organiser les éléments qui constituent son langage ; ce qui est "pensable" par les données plastiques, la ligne et la forme, collabore à l'organisation du plan à peindre. Mais, avant l'art moderne, c'est un virginien, entre autres par la Lune, Dominique Ingres, qui était le plus pur représentant d'un classicisme stylisé, d'un art discipliné, linéaire, épuré, c'est-à-dire éloigné de la nature et du jet de l'instinct. Quant à la Lune de Théodore Géricault, elle est sans aucun aspect et, dans un thème inorienté, n'offre pas de prise à l'analyse.

En ce qui concerne la vie affective cette Lune constitue souvent un élément problématique. Si la dominante va dans le sens du refus de la sensibilité, elle en rajoute ; c'est, par exemple, le capricornien et saturnien Louis de Rouvroy de Saint-Simon, ladre, avare, qui n'a pas le goût des femmes, qui reste vieux célibataire dans l'esprit et dans son ménage, pour qui le mariage est une contrainte nécessaire du caractère, admirateur de la chasteté de Louis XIII, effaré par la cuisse... Tel est aussi le pur virginien Louis Antoine de Saint-Just, célibataire et austère, raide avec les femmes comme en politique. Que, déjà, l'affectivité s'accorde un droit plus ou moins timide à l'expression, et cette Lune devient facteur de problèmes affectifs : c'est, notamment, Nicolas de Condorcet, si gauche avec les femmes que ses affaires de cœur tournent à la bouffonnerie, ainsi que Louis René Édouard de Rohan, ce benêt archi dupé par Mme de la Motte dans l'affaire du collier... Et lorsque la dominante donne libre jeu à l'instinct, cette donnée lunaire devient ambivalente comme chez un Léon Tolstoï partagé entre la débauche et la pureté. Mais, pour cette Lune comme pour les autres, le moindre aspect de l'astre fixe une orientation masculine à l'égard de la femme que colore la dominante. L'aspect uranien tend à bloquer l'élan ou à le teinter de sadisme. Eugène Delacroix, qui a la conjonction Lune-Uranus, se méfiait des femmes et considérait "l'amour le plus dangereux ennemi d'un artiste" ; et, dans ses toiles, la femme, cependant voluptueuse, est jetée, pantelante, au déchaînement de la violence. Si, avec sa Vénus en Lion, Dominique Ingres a eu le culte de la beauté féminine et a porté un regard amoureux sur ses modèles, avec sa Lune au carré de Saturne, il n'a pas souvent réussi à les faire vibrer sur ses toiles ; Baudelaire déclarait qu'il "s'attache à leurs moindres beautés avec une âpreté de chirurgien", et ses portraits romains, ses odalisques sont, bien souvent, de petites pucelles, aigrelettes, vides, figées, sans présence, inhabitées, frigides en un mot. Il faut une tendance prononcée à l'abandon, résultant d'une opposition neptunienne, pour qu'un Gauguin éprouve, avec ses Tahitiennes, l'ivresse première de la beauté physique et primitive ; mais alors, c'est une Lune scorpionisée. Même sans grandes dissonances, la Lune de Georges Simenon inspire au maître du policier une acrimonie particulière contre les femmes jeunes et jolies dont il fait généralement des garces ; on ne peut douter de sa "scorpionisation" lorsqu'on entend Simenon déclarer à un journaliste : "Je me demande si la femme n'est pas, avant tout, fière de son instinct de femelle. En tout cas, elle est une femelle pour moi. Au mot "femme", je préfère "femelle". Et le plus beau rôle de la femme est d'être la femme d'un mâle." Mais, par-delà les variations de la tendance, le thème le plus constant de cette Lune-Vierge est la disposition de l'homme à aimer la femme de condition subalterne. Le cas pur est Louis XV qui l'a en secteur VI : c'est dans le bas peuple qu'il va chercher ses courtisanes ; la Poisson devient la Pompadour, une aventurière de naissance roturière devient la du Barry ; une fille de savetier faillit devenir maîtresse en titre ; le Parc-aux-Cerfs recrute pour ses plaisirs les filles les plus modestes et, à mesure qu'il vieillit, s'affirme en lui le désir de filles ingénues et innocentes... Charles VI s'attacha à ses servantes ; Charles X à des danseuses ; Delacroix n'eut qu'un seul grand amour, pour sa servante ; Tolstoï fut marqué, par l'attrait des bonnes (Macha) et fait chuter socialement Anna Karénine, et les tahitiennes pour Gauguin furent sans doute une relation affective du même ordre.

Psychologie féminine

Pour la femme, cette Lune est susceptible, sur un fond d'ambivalence, de varier jusqu'aux extrêmes.

L'insuffisant narcissisme chez une nature peu instinctive constitue un coefficient de dévalorisation féminine : c'est la femme qui ne sait pas se faire aimer car elle ne s'aime pas assez elle-même. Dans cet ordre se présentent Charlotte, impératrice de Mexique, délaissée par Maximilien (sa Lune, extrêmement dissonante, explique largement sa folie) et Maria Ière de Portugal, digne de respect et d'estime, toute en dévotion, en pénitence, en mélancolie (sa folie s'explique aussi par une Lune très dissonante). Un cas du même ordre est Louise de La Vallière, mais la Lune était toutefois conjointe à Vénus : simple, modeste, discrète, désintéressée, ne sollicitant rien, sage jeune fille, tendre et fidèle maîtresse de Louis XIV, puis, finalement, pieuse carmélite vouée à la plus rude pénitence.

Cette disposition de base peut faire la femme qui n'est pas à l'aise avec sa féminité, la femme qui retient, contrôle, réprime sa sensibilité (ce qui est le cas avec aspect de Saturne ou Uranus) ou la refoule) : c'est l'épouse honnête, effacée, discrète, un peu moralisante, vertueuse ; ce peut aussi être la femme célibataire, la femme intéressée, la femme frigide... Mais si, dans le négatif, la féminité est susceptible d'être vécue comme une infériorité, dans le positif, cette même disposition de base offre l'occasion d'un déplacement de la sensibilité vers une supériorité morale, intellectuelle ou spirituelle. Il n'est pas impossible que cette Lune en VI chez Sainte-Thérèse d'Ávila ait constitué un besoin d'échapper à une condition féminine sentie comme humiliante ou inférieure. Chez l'anarchiste Louise Michel, cette Lune en dissonance du Soleil et de Mars est également un cas de déplacement de la sensibilité, mais vers le social et sur un mode de combat. Chez Marie d'Orléans, duchesse de Würtemberg, s'affirme la supériorité d'esprit de la femme cultivée et artiste. Un cas typique d'intellectualisation est la duchesse d'Abrantès que Napoléon appelait une "petite peste" médisante, caustique et intrigante ; cette femme d'esprit qui tenait salon a écrit de volumineux Mémoires où elle raconte une foule de détails intimes des personnes qu'elle a connues, rapporte des anecdotes curieuses et dresse des portraits piquants des gens de l'Empire et de la Restauration...

À l'autre bout se présente la Lune "scorpionisée" comme celle qui domine (au coucher et au trigone de Mars) chez la "grande cocotte" Cléo de Mérode. Or, sans aller jusqu'à ces extrêmes se présente souvent la femme ambivalente qu'agitent deux natures opposées ; qu'il s'agisse de la sainte nitouche, de l'ingénue libertine ou d'un tout autre genre de femme qui surprend son monde, c'est toujours alors le duel de l'ange et du démon, sinon leur coexistence... C'est la Lune de Dany Robin, de Danielle Darrieux et de Gina Lollobrigida qui jouent on ne peut mieux les ingénues.
 
La Lune en Balance
 
À mesure que se déroule la bande du zodiaque, les signes perdent un relief de simplicité première pour prendre un degré de complexité de plus en plus grand. Arrivés à la Balance, nous nous rendons compte que nous parvenons mieux à saisir quelque chose des stations lunaires en nous adressant au maître du signe, et l'occasion nous est donnée de juger la profonde solidarité qui existe entre l'astre et son signe.

L'essentiel de la donnée Lune-Balance relève de la combinatoire Lune-Vénus. Cette position constitue une association des valeurs que représentent les deux composantes féminines de la personnalité. Avec elle, en effet, la sensibilité féminine du signe automnal se trouve relevée ou développée et la structure affective dominante de cette composante est représentative de traits de caractère féminins : c'est un caractère doux, agréable, aimable, gracieux, attirant, fait de gentillesse et de bonté souriante. Elle représente un coin d'âme délicate, affinée, éprise d'harmonie, d'affection, de paix ou de beauté, et plutôt de tout cela à la fois, un centre de sensibilisation à des images heureuses de tendresse et de bonheur. Le sentiment de vivre est aussi éloigné que possible des complications et des tensions dramatiques ; il est fait surtout d'un agrément à une vie qui suit sa pente naturelle et qui peut se complaire à la facilité ; il est fait encore d'un certain plaisir de plaire, d'être dans les grâces d'autrui et du destin.

En tant qu'élément thématique, on note d'abord que dans ce signe la Lune met essentiellement l'accent sur la fonction Sentiment (Jung) qu'elle tend à introvertir, mais sans apporter les ombres inquiètes que présente assez ordinairement le Sentimental introverti : "J'aime, donc je suis", et j'aime en direction de la profondeur ; mais il peut suffire d'un aspect ou d'une dominante de Jupiter pour que l'extraversion l'emporte. Ce n'en est pas moins, à l'état pur, un sentiment du crépuscule automnal. On constate, en outre, que dans ce signe où les deux astres masculins (Soleil et Mars) sont en débilité (chute et exil) et où Vénus donne le ton, l'astre lunaire charge la polarité féminine ; nous retrouvons ce que je disais au départ, soit un noyau de tendances luno-vénusiennes à caractère de sensibilité féminine, en grâce, en onde apaisante, plus tournée vers des joies de l'âme que vers des nourritures terrestres. Une telle composante s'intègre avec profit aux structures de la femme, alors que chez l'homme elle peut faire craindre la sensibilité, la mièvrerie, la mignardise, la femme n'en étant cependant pas exclue.

On conçoit qu'on puisse se trouver en présence d'un facteur de sympathie ; sympathie dans le privé ou d'un public : ChopinPaul Fort, Fernandel, Louison Bobet, Fidel Castro... Mais la dominante peut y faire barrage. C'est le cas, par exemple, du roi français Louis XIII, trop saturnien virginisé pour attirer la sympathie, refoulant précisément une sensibilité assez féminine qu'on a jugée aux confins de l'homosexualité, mais qui s'est aussi écoulée vers le goût des arts jusqu'à la composition musicale (Lune en V).

Chez le sentimental introverti Chopin, la Lune décroissante de la Balance est tout à fait dans la longueur d'onde d'une dominante d'ensemble Poissons-Neptune-Saturne aux tonalités crépusculaires d'automne et de couchant ; c'est aussi bien le Chopin parisien, élégant dandy (d'autant plus soigneux de sa personne que l'Ascendant est en Vierge) que le compositeur aux suaves harmonies. Il est, par contre, difficile de dégager la note de cette Lune dans les thèmes inorientés et aux tendances contrastées des musiciens Jean-Sébastien Bach, François-Adrien Boïeldieu, Adolphe Adam et Pietro Mascagni. On en discerne toutefois la présence (parce que l'astre aspecte Vénus et le Soleil du Cancer) chez Gustave Charpentier, dans le ton de sensibilité qui s'accorde avec Louise, plus midinette que muse. On constate que quatre parmi ces compositeurs ont fait de la musique de scène, mais on a lieu de penser qu'il s'agit là d'une rencontre de hasard.

Peu de Lune-Balance dans la série des écrivains de premier plan : Ernest Renan, Maurice Maeterlinck, Paul Fort, Arthur Rimbaud, Aphonse Allais, cette rareté n'ayant pas davantage de signification (et seule, parmi ceux-ci, celle de Paul Fort paraît contribuer à la délicate sensibilité du poète).

À l'inverse, nombreuses sont les Lune-Balance chez les peintres qui laissent un nom : Joseph Vernet, William Hogarth, Pierre Puvis de Chavannes, Édouard Manet, Eugène Carrière, Édouard Vuillard, Johan Jongkind, Henri de Toulouse-Lautrec, Henri Evenepoel, André Derain, Jean Lurçat, André Fougeron...

Mais il n'y a nullement lieu de concevoir que cette tendance est plus picturale que littéraire. D'ailleurs, chez la plupart, elle se présente comme une note de caractère qui n'a que de lointains rapports avec l'œuvre picturale. Les deux lunes les plus dissonantes nous mettent en présence du côté négatif qui est carence et abdication de la volonté. Opposée à Saturne-Pluton chez Jongkind, elle contribue à faire de ce peintre maudit un apathique, dépourvu de ressort et d'énergie, qui s'enlise dans une bohème très dépenaillée : la saoulerie, la débauche crapuleuse, la pègre... Dissonée avec Vénus, Uranus et Neptune, elle joue également un rôle primordial chez Toulouse-Lautrec pour en faire l'aristocrate déchu, l'épave que l'on sait. Conjointe à Saturne près de l'Ascendant, elle a un effet voisin mais de moindre gravité chez Lurçat dont on sait le penchant à la boisson. Harmonique, elle contribue à l'effet inverse, au soin de sa mise, à son raffinement ; c'est le dandy Manet, séduisant et élégant, entouré de mondaines et de cocottes. Ici, au lieu de coopérer avec une dominante Scorpion (comme chez Jongkind et Toulouse-Lautrec), elle coopère avec la Vierge (Manet l'avait à l'Ascendant comme le distingué Chopin), mais elle n'est pas non plus exempte de faiblesse de caractère. Cette Lune participe, par contre, directement à la sensibilité picturale de Carrière, se trouvant en aspect de Vénus au méridien (conjointe à Neptune en Poissons au Fond du ciel) : c'est le peintre qui peint pour exprimer une émotion, un sentiment et qui a une veine attendrissante (voir surtout ses maternités : la IVe). Elle contribue également à tonaliser la palette de Vuillard, sa conjonction Lune-Vénus en Balance étant un centre entre l'Ascendant-Vierge et Saturne au Fond du ciel. Ce poète de la nuance nous introduit surtout dans un univers de douceur calme et de bien-être paisible qui situe bien le ton de notre composante. Il y a aussi Berthe Morisot, dont la Lune est sans doute conjointe à Mars, mais qui délègue une Vénus-Poissons culminante. On sait qu'elle fut attirée par l'art de Manet (affinité lunaire sans doute) et le sien respire une atmosphère poétique de charme, de douceur et de bonté. On trouve une conjonction Lune-Vénus-Balance chez Hogarth ; ses figures et portraits (la Marchande de crevettes) font le plaisir des amateurs. Le thème de la femme chez les peintres de cette Lune ne présente pas de caractéristiques saillantes et cela est conforme à cette composante apaisante. Chez le saturnien-lunaire Vuillard, c'est la mère qui domine, et chez le saturnien Puvis de Chavannes domine la femme-guirlande, la déesse décorative, distante comme une statue. La Lune dissonée du plutonien Toulouse-Lautrec le porte vers le frelaté, la fille de plaisir. Quant à l'Olympia de Manet, elle est plus l'expression de sa Vénus que de sa Lune, et, de toute façon, l'intérêt n'est pas dans le sujet...

Psychologie féminine

Avec cette Lune, on voit se présenter un type de nature très féminine. C'est la femme qui a un grand besoin d'être aimée et qui s'identifie parfaitement à son compagnon au point de se sentir comme une partie de lui-même. C'est donc, par-dessus tout, la femme conjugale. Cette suprématie de l'affectif sur le moi, de la vie à deux sur la vie à soi, fait parfois craindre une dépossession de sa personnalité par abandon ou sujétion. Elle peut donc connaître l'esclavage affectif. Les cas diffèrent, assurément et comme toujours, suivant les aspects et les contextes. Catherine de Médicis est trop saturnienne-Capricorne-Xe secteur, malgré son fond Taureau, pour sacrifier ses ambitions du pouvoir à son rôle de femme qu'elle étouffe avec la mort d'Henri II ; mais cette femme, abaissée dans son rôle d'épouse au rang de poulinière (Lune en VI), a des faiblesses envers ceux qu'elle aime ; cette Lune est sans doute pour quelque chose dans son amour et sa recherche de la paix tout au long de son règne. Marie Leszczynska est un cas de Lune inhibée par opposition de Saturne sur fond cancérien : douce, vertueuse, simple et modeste, elle est l'épouse délaissée, foncièrement masochiste mais digne. Même Lune dissonée de Saturne chez la première maîtresse en titre du roi son époux, la duchesse Marie-Anne de Mailly-Nesle, délaissée à son tour au profit de ses sœurs, malgré une Vénus en Taureau et un trigone Soleil-Jupiter. Chez Marie-Clotilde de France, reine de Sardaigne (sœur de Louis XVI), la Lune est étouffée par un Saturne-Poissons qui se couche et par un Soleil-Vierge : fuyant le plaisir, se donnant des habitudes sévères, elle finit par se livrer sans réserve à des œuvres de dévotion et de piété. De même Marguerite d'Autriche, reine d'Espagne, avec un Soleil-Capricorne dominant. Par contre, chez Marie-Antoinette de France, cette Lune est très déformée par son double carré à Mars et à Saturne en VIII, ce qui lui donne une teinte scorpionnesque de femme castrée puis castratrice ; toutefois, ainsi placée en V et maîtresse d'Ascendant., elle explique la femme foncièrement bonne, aimable et affinée que fut la reine, en même temps que sa grande faiblesse devant les plaisirs et la difficulté. Quant à celle de Marie-Amélie de Bourbon, femme de Louis-Philippe, harmonique et avec le Soleil en Taureau et Vénus en Poissons, elle donna une femme compatissante, une épouse irréprochable, une mère tendre et dévouée. Cette même Lune, non dissonée, prend une figure de beauté et de grâce chez la comtesse de Castiglione comme chez Ève Lavallière et, sur un autre plan encore, chez Berthe Morisot. Et c'est elle qui surféminise (avec Vénus-Pluton-Taureau au Milieu du ciel et Jupiter-Lion à l'Ascendant et sur un fond de Soleil-Cancer) la cocotte de haute volière Liane de Pougy. On voit combien, avec ces exemples, cette composante se noie dans son contexte.
 
La Lune en Scorpion
 
Il est naturel de s'attendre, avec cette position, à un développement de l'animalité, et alors que la Lune en Vierge est insuffisance de narcissisme, celle-ci est plutôt affirmation, poussée brute de narcissisme.

Cette disposition de base contribue à un enfoncement dans la passion, cette passion tendant à être plus ou moins trouble et pouvant prendre aussi bien le chemin d'une libération plus ou moins perverse, d'un refoulement plus ou moins névrotique ou d'une sublimation plus ou moins réussie. À la racine même de cette donnée, nous découvrons un foyer de pulsions agressives. Il débouche sur un éventail de possibilités dont la pensée psychanalytique identifie nettement l'équivalence symbolique sur le plan affectif.

À l'état pur, ces forces sont déchaînement de passions violentes et même passion de destruction et de mort, qu'il s'agisse de sa propre destruction, limitée à un secteur de son devenir ou centrée à sa vie même, ou de la mort portée à autrui :

Marie Vetsera, suicidée à dix-neuf ans ; Geneviève Lantelme, trouvée noyée à vingt-huit ans ; Louis XVI, voué à la guillotine ; James Dean, mort tragiquement à vingt-quatre ans ; Patrice Lumumba, assassiné à l'aube du pouvoir ; Albert Prince, dont le suicide fait scandale politique ; Ivar Kreuger, le roi des allumettes, suicidé ; Hermann Goering, poison-pendaison ; Lavrenti Beria, assassiné ; Sissi, la mater dolorosa, assassinée ; Antoine Watteau, phtisique mort à trente-sept ans ; Carl Maria von Weber, phtisique mort à quarante ans ; Jean-sans-Peur, assassiné ; Guillaume II, empereur détruit ; Jean Casimir-Périer, président de quelques mois ; Alphonse XIII, roi déchu ; Carol de Roumanie, roi déchu ; Farouk d'Égypte, roi déchu.

L'un des aspects de cette composante peut se définir comme facteur de haine (produit de l'analité Scorpion), de vengeance, de méchanceté ou de sadisme, en quoi l'on ne sort pas de la destruction. Avec sa Lune au lever et conjointe à Uranus, Goering est un cas typique ; les psychiatres américains qui l'ont examiné ont découvert qu'il avait été marqué par son plus ancien souvenir d'enfance : un coup de poing lancé à la figure de sa mère. La haine se présente aussi comme une motivation déterminante chez Jean-sans-Peur, meurtrier de Louis Ier d'Orléans, chez la duchesse de Montpensier à l'égard des cardinaux ministres, chez Édouard Drumont dans sa hargne contre les juifs, chez Beria dans sa fonction de policier d'État, chez Guillaume II avec son opposition Lune-Uranus : sa mère orgueilleuse avait refusé son amour à l'enfant infirme ; devenu empereur, il prouva qu'il n'avait jamais pardonné à sa mère. Le thème de la haine fleurit on ne peut mieux dans les œuvres de Jean Racine.

Un autre aspect de la tendance peut se situer comme facteur obsessionnel, et nous sommes toujours sur le terrain de l'analité mais c'est ici plutôt un produit de répression ou de refoulement. D'ailleurs, les images ou sentiments de mort, de haine ou de drame, font souvent la principale nourriture de la tendance obsessionnelle, à la recherche d'un thème morbide. Nous avons Alfred Hitchcock, le maître du "suspense", comme nous avons le drame obsessionnel du tragique racinien, Racine lui-même ayant eu des obsessions ; de même que nous avons encore le roman racinien de François Mauriac, plein de trouble, de fureurs, d'orages, où la conscience chrétienne est hantée par la chair et le péché. Mais aussi, bien que l'affectivité n'apparaisse pas trouble, Pierre Maine de Biran, qui passe une vie méditative dans une démarche d'esprit typiquement obsessionnelle. Or, les deux cas les plus typiques sont sans doute Hector Berlioz et Carl Maria von Weber, et nous saisissons là les affinités par lesquelles le premier se sentit sur la longueur d'ondes du second. La Lune de Berlioz est forte par sa maîtrise sur l'Ascendant et est conjointe à Neptune. Son âme, livrée au tumulte de la passion, trouve son expression ultime dans la Symphonie fantastique sous forme d'un sketch obsessionnel : rêve, état d'âme, apparition de l'image de la femme, passion volcanique, orage amoureux, jalousie forcenée, idée fixe d'idéalisation féminine, obsession de la pureté associée à la nostalgie d'un paradis perdu... Et ses thèmes musicaux tournent autour du macabre, de la mort : marche sombre et farouche au supplice, songe d'une nuit de sabbat, Requiem dont le Tuba mirum réveille les morts pour le jugement suprême, convoi funèbre de Juliette, Roméo au tombeau des Capulets, Marche funèbre, Damnation de Faust, ronde macabre, scènes d'épouvante... Quant à Weber, sa Lune au Fond du ciel et au carré de Saturne, qui se couche nous montre une nature introvertie et contemplative, vouée à la descente dans les profondeurs de sa nuit. Ce qu'y trouve ce solitaire à l'âme naïve et chaleureuse, c'est le surnaturel, le surréel, le fantastique (stade magique), un monde peuplé d'apparitions, de fantômes, d'hallucinations, qui se fond, dans le merveilleux de sa race, du folklore et des légendes (IV). Avec le Freischütz, nous baignons en pleine participation magique, nous communions avec la nature, avec les croyances naïves et terreurs de la vieille Allemagne, avec les esprits élémentaires, et surtout, nous participons à des apparitions horribles et monstrueuses et nous évoluons dans le ton sombre, sauvage et infernal qui est celui du huitième signe... Et puisque nous sommes chez les musiciens, citons-en d'autres chez qui la tendance à l'expression passionnelle se retrouve plus ou moins : Luigi Cherubini avec Médée, tragédie secouée par un grand frisson romantique. Étienne Mehul, précisément apprécié par Weber et Berlioz, ce dernier ayant dit de son duo de la jalousie qu'il était "le plus terrible exemple de ce que peut l'art uni à l'action dramatique pour exprimer la passion", et dont on connaît les hymnes révolutionnaires (le Chant du départ). André Gretry avec l'Amant jaloux (le thème de la jalousie revient à nouveau) et dont le Richard Cœur de Lion est devenu célèbre par la romance "Une fièvre brûlante".

Un troisième aspect de la tendance se présente comme un facteur d'érotisme. Ici, nous pouvons reciter Racine et Mauriac, et nous pouvons y joindre Honoré de Mirabeau, ce Don Juan qui commence à treize ans une orageuse et longue carrière d'aventures amoureuses dominée par un satyriasis qui ne cessera de le tourmenter, ainsi que l'auteur des Tropiques, Henry Miller.

On peut encore discerner un quatrième aspect (et ce n'est pas le dernier) de cette donnée anale comme facteur de corruption, d'équivoque, de scandale, de malpropreté, de pourriture... Et, à cet égard, on peut citer, à des titres divers, Mirabeau, le chevalier d'Éon, Ferdinand de Lesseps, Ivar Kreuger, Albert Prince, André Tardieu...

En ce qui concerne la vie affective, nous voyons se présenter deux lignes principales d'orientation suivant que la tendance est bloquée ou se donne libre cours. Dans la première catégorie, l'homme est sensible à l'aspect agressif de la féminité, à son côté femelle, vamp, mante religieuse ; il voit la femme comme un être dangereux et il en a peur, d'où un recul, sinon une tendance à se laisser dominer. C'est Louis XVI "phagocyté" par Marie-Antoinette ; c'est encore le président américain James Madison, dont l'épouse, une veuve nommée Dolly Todd, régnait à la Maison Blanche comme une reine souveraine ; c'est aussi le peintre Albert Marquet qui se laisse mener par sa bourgeoise ; c'est également Étienne Mehul tout à fait malheureux en ménage (mort de phtisie, comme Watteau et Weber, et l'on sait le caractère psychosomatique de la tuberculose). On peut citer aussi Jean-Philippe Rameau amoureux à dix-sept ans d'une jeune veuve (le thème de la veuve est significatif de cette Lune : on le trouve dans l’œuvre de Racine comme dans la vie de Madison, Goering et quelques autres ; mais ce peut aussi être le thème du veuvage (inversion de la tendance) : Rembrandt, Berlioz, Ferdinand VI d'Espagne, marqué par son veuvage (au point d'en mourir peu après) puis de la femme de son frère (le thème de son "Castor et Pollux"), la passion débouchant ici sur la grandeur du sacrifice. La peur d'aimer domine l’œuvre de Watteau, la femme-danger constituant le thème latent de ses tableaux. Chez Rembrandt apparaît plutôt l'image d'une féminité aux sentiments mélangés de mystère, de drame et de mysticité. Par contre, on sent très bien que quand Jacques-Louis David peint ses Romaines, il ne les aime pas et il les voit "moches". Mesure de défense, à partir de laquelle, dans une seconde catégorie, ce type masculin tend à se montrer agressif, sinon sadique, vis-à-vis de la femme ; c'est ce que tendent à être les érotiques, les Don Juan de l'espèce Mirabeau. En fait, le schéma de base de cette Lune en Scorpion, c'est l'hostilité de la mère (Guillaume II) ou l'hostilité à la mère (Goering) et cela commande tout le comportement amoureux de l'adulte. Mais les positions ambivalentes, ambiguës, sont fréquentes. C'est le cas de Racine, dont le théâtre fourmille de passions contradictoires : mères terribles et femmes idéales..., de Mauriac, le "dévot malsain" auteur du Nœud de Vipères et de romans pleins des infamies et orages de cœurs inquiets, et cette position est assez souvent source de passions douloureuses qui remuent la boue (analité)...

Psychologie féminine

En premier lieu, et en tant que tendance à l'état pur, cette Lune rend la loi du sexe impérieuse. C'est la femme érotique dont l'art séducteur, dynamisé par un narcissisme magnétique, est une coquetterie perçue comme une agression et qui masque des désirs instinctifs plus ou moins dangereux. Elle a un charme féminin animal, un charme de femelle, fait précisément d'un narcissisme infini dont elle use pour ravir les cœurs des hommes. Un cas typique parmi nos actuelles vedettes est Liz Taylor, ce monstre narcissique aux innombrables amours destructives.

L'éventail des possibles est illimité. Il y a le type Carmen qui "ensorcelle" l'homme qui se laisse prendre par son côté mâle. La "garce" qui tourne l'homme en bourrique, la Xanthippe acariâtre et incompréhensive qui diminue la puissance masculine. La "vamp", cet ange noir dont le nom même est associé à l'idée de mort, la fascinante "femme fatale". La p... qui transforme un milliardaire en clochard l'instant d'une lune de miel. La veuve... Autant de variantes du complexe de mante religieuse. Et qu'on ne pense pas qu'il faille avoir sous les yeux la femme hommasse : il y a mille et une manières de mettre la main sur l'homme, de le dépouiller de ses prérogatives masculines, de le réduire à sa merci, de l'amoindrir, l'avilir, le détruire, et la douceur silencieuse qui systématise la castration à coups de réflexes conditionnés est même, avec une certaine attitude apparemment maternelle, la pire arme de combat et de destruction. Une autre disposition de cette Lune peut conduire à la nymphomanie, mais aussi l'on voit fréquemment se présenter avec elle un souhait profond de domination chez la femme, un obscur besoin d'être "matée", et alors domine la composante sado-masochiste, l'amour confinant à sa propre destruction, conduisant même parfois à sa mort. Voici la brochette des cas connus :

Marguerite d'Anjou, reine d'Angleterre, la furie de Henry VI qu'elle subjugue d'un ascendant irrésistible, devenant la véritable souveraine et défendant le trône avec une ténacité héroïque (avec Soleil-Bélier et Mars-Vierge). La Montpensier, orpheline de sa mère ; la Grande Mademoiselle fera la guerre pour contraindre Mazarin à la marier à Louis XIV et, pour cette raison, ratera tous les mariages dignes d'elle. À quarante-deux ans, elle tombera follement amoureuse de Lauzun qui la rossera. Ses biographes la peignent brûlante de tous les feux de l'amour dans un âge où ils s'éteignent ordinairement. Cette altière princesse de sang devient alors l'esclave de son amant ; revenant de la chasse, celui-ci lui dit : "Louise d'Orléans, tire-moi mes bottes." La Grande Mademoiselle s'étant récriée, "il fit du pied un mouvement qui était le dernier des outrages". Elle finit sa vie dans la dévotion. Henriette-Marie d'Angleterre, épouse du malheureux Charles Ier, victime de la révolution, qu'elle domina et auprès duquel elle joua le rôle d'une méchante fatalité. Henriette-Anne d'Angleterre, sa fille, mariée au frère de Louis XIV, homosexuel infantile qu'elle domina, et qui inspira au duc de Buckingham une passion assez fatale. Marie-Thérèse d'Autriche (Lune dissonée par Saturne, et Vénus) ; cette Lune de la souffrance, inhibée et frigide, rapidement délaissée par Louis XIV qu'elle aima d'un amour exclusif, se replie timidement sur elle, devient une grande frustrée, dissimule son mal, refoule jalousie et chagrin pour se rabattre sur la religion du point de devenir une sainte. Louise de Mecklembourg-Strelitz de Prusse, la grande ennemie de Napoléon, combattant habillée en amazone, portant l'uniforme de son régiment de dragons, écrivant vingt lettres par jour pour exciter de toutes parts l'incendie contre l'empereur. Élisa Bonaparte, princesse de Lucques et de Piombino, puis grande-duchesse de Toscane ; son époux, Félix Bacciochi, couronné avec elle, ne fut que le premier et le plus dévoué de ses sujets ; jalouse de son autorité (Soleil-Capricorne) et fière de son art militaire, elle gouverna toujours seule et par elle-même. Marie-Josèphe-Louise de Savoie, femme de Louis XVIII, paraît avoir eu une union réussie (Lune trigone Vénus et sur le trigone Soleil-Mars du roi). Élisabeth de Bavière avait, au contraire, la Lune conjointe à Saturne et au carré de Vénus ; la vie de l'épouse de François-Joseph d'Autriche, jalonnée de deuils (sa fille aînée Sophie, son fils Rodolphe, sa sœur...), ne fut qu'un long calvaire devenu légendaire (Sissi). Marie Vetsera, l'héroïne du drame de Mayerling qui, à dix-neuf ans, se suicide avec l'archiduc Rodolphe. Suzanne Valadon, peintre au caractère viril, à l'œil impitoyable, qui domina son mari André Utter comme son fils Maurice Utrillo en menant une vie affective infernale. Violette Nozière, qui empoisonne un père qui la courtisait. Thérèse Neumann, la stigmatisée de Konnersreuth, vouée à la mysticité. Suzy Solidor, qui chante la prostituée. Simone Renant, qui excelle dans des rôles de femme forte ou dramatique. Danièle Delorme, qui se surpasse dans des rôles morbides ou autodestructifs. Marie Besnard...
 
La Lune en Sagittaire
 
C'est surtout en comparant les résultats de cette Lune avec la suivante qu'on se rend compte que le rapprochement de l'astre occupant et de la planète maîtresse du signe constitue la principale clef d'interprétation.

Ici, nous tendons à avoir une "Lune jupitérisée", c'est-à-dire une Lune expansive, sensorielle et extravertie, inclinant à la spontanéité, à la chaleur, à la confiance, à la libéralité, à l'optimisme, à l'euphorie ; nous avons un facteur de libre poussée, de l'instinct en ouverture sociale, en gourmandise, en épanouissement vital.

Aussi ne faut-il pas s'étonner que cette donnée aligne une brochette de personnages qui sont, à des titres divers, des "grands seigneurs", ou qui en ont imposé plus ou moins par le souffle, l'ampleur, la grandeur, ou tout simplement la boursouflure ou le pléthore... : Peter Paul Rubens, Victor Hugo, Honoré de Balzac, Gabriele d'Annunzio, Ludwig van Beethoven et Wolfgang Amamdeus Mozart, Franz Liszt, Giacomo Meyerbeer, Johannes Brahms, Charles Gounod, Pierre le Grand, Thomas Jefferson, Jean Jaurès, Friedrich Nietzsche, Albert Einstein, Vincent Van Gogh, Pablo Picasso, Giacomo Casanova... À côté de grands seigneurs (Rubens, Casanova, Liszt, d'Annunzio) et de titans (Beethoven, Hugo, Balzac, Jefferson, Jaurès, Picasso), et malgré des dominantes qui ne poussent pas à l'affirmation du Moi, nous voyons se produire une échappée vers quelque grandeur : l'angélique Verseau Mozart dans son côté de petit prodige exhibé dans toute l'Europe, le lunaire Brahms, incarnation de "la lente majesté des grands fleuves" (Roland-Manuel), Gounod avec sa musique "embrassante" (Roland-Manuel), Meyerbeer avec sa grandiloquence scénique…

Nous pouvons dire, en termes caractériologiques, que cette jupitérisation de la Lune constitue un facteur d'amplification de l'émotivité, une surémotivité à diffusion. Cette position est donc susceptible de servir de caisse de résonance aux tendances de la dominante ou d'une composante (8).

La contradiction extrême d'une telle donnée est fournie, assurément, par une dissonance saturnienne à la Lune. Qu'on juge de la curieuse ambivalence qui en résulte dans le cas de Philippe Pétain qui avait une opposition de ces astres presque angulaire, et dont Charles de Gaulle donne un assez magistral tableau : "Toute la carrière de cet homme d'exception avait été un long effort de refoulement. Trop fier pour l'intrigue, trop fort pour la médiocrité, trop ambitieux pour être arriviste ; il nourrissait en sa solitude une passion de dominer (...). La gloire militaire lui avait, jadis, prodigué ses caresses amères. Mais elle ne l'avait pas comblé (...). Et voici que, tout à coup, dans l'extrême hiver de sa vie, les événements offraient à ses dons et à son orgueil l'occasion, tant attendue, de s'épanouir sans limites ; à une condition, toutefois, c'est qu'il acceptât le désastre comme pavois de son élévation et le décorât de sa gloire. Il faut dire que, de toute manière, le Maréchal tenait la partie pour perdue. Ce vieux soldat, qui avait revêtu le harnois au lendemain de 1870, était porté à ne considérer la lutte que comme une nouvelle guerre franco-allemande. Vaincus dans la première, nous avions gagné la deuxième, celle de 1914-1918 (...). Nous perdions maintenant la troisième. C'était cruel mais régulier. Après Sedan et la chute de Paris, il n'était que d'en finir, traiter et, le cas échéant, écraser la Commune, comme, dans les mêmes circonstances, Thiers l'avait fait jadis. Au jugement du vieux maréchal, le caractère mondial du conflit, les possibilités des territoires d'outre-mer, les conséquences idéologiques de la victoire d'Hitler, n'entraient guère en ligne de compte. Ce n'étaient point là des choses qu'il eût l'habitude de considérer." (Mémoires, tome I, pp. 78-79.)

On voit ici comment s'affrontent un Moi en expansion et une force de restriction, comment le conflit aboutit à une situation contradictoire, à des formules incomplètes, pour finir sur l'image d'un maréchal qui, dans sa "majestueuse lassitude", s'installe dans une situation politique dépassée faute de s'élever au plan d'une stratégie mondiale. Or, pareille opposition se présentait (de IV à X et non de I à VII) chez Adolphe Thiers, qui fut aussi un cas d'essor contrarié : après avoir joué un rôle discutable dans l'opposition au Second Empire, il détruisit la Commune puis la tentative d'instauration monarchiste pour engager la France dans une démocratie conservatrice.

C'est, au contraire, une démultiplication de la tendance qui se produit avec la Lune en aspect de Jupiter. Maîtresse de l'Ascendant et conjointe à cet astre, telle est celle de Emmanuel Chabrier, musicien de l'exubérance, de la truculence, de la cocasserie, débordant de vie, de santé, d'humour et de joie, d'une musique gourmande. Telle est aussi celle de Van Gogh qui survolte sa dominante marsienne, lui faisant peindre plus de deux cents tableaux en quinze mois, le rendant excessif en tout... Il est vrai qu'il fuit une dominante problématique ou un contexte déséquilibré pour aboutir à du désordre car, par elle-même, cette tendance confine plutôt à une nature heureuse et épanouie (Rubens, Casanova, Maréchal Maurice de Saxe, Liszt, Gounod, Carlo Goldoni, Chabrier, Maurice Chevalier, Picasso...).

À relire ce qui avait été dit de cette position, j'ai constaté qu'on parlait presque unanimement à son propos de prodigalité, de passions coûteuses, de goûts dispendieux.. Ceci paraît être confirmé et s'expliquerait par le fait que la surémotivité est source de besoins nombreux, d'aspirations intenses, sinon d'une luxuriance d'appétits. Un Rubens mène une vie de grand seigneur ; un Casanova mène une vie d'aventurier prodigue, couvert de dettes ; un d'Annunzio vit à la façon fastueuse des seigneurs de la Renaissance ; un Liszt fait de la philanthropie d'envergure ; une Marie de Médicis, fastueuse, dissipa en folles prodigalités le trésor national ; une Christine de Suède fut non moins prodigue ; une Joséphine de Beauharnais, qui avait à l'excès le goût du luxe, dépensait sans compter et avait jusqu'à six cents robes à la fois... Mais les formes sont différentes (Christine ne portait aucun bijou alors que Joséphine en était folle) et la tendance ne prend pas forcément une expression financière (Georges Courteline vivait sobrement et Maurice Chevalier a une réputation d'avarice...).

Par delà la note jupitérienne, on conçoit que cette position puisse donner le rêve de l'envol, que celui-ci soit disposition à la vie mobile et errante (Christine, Mozart, d'Annunzio), amour des voyages ou explorations (Robert Surcouf, Georges Guynemer, Charles de Foucauld, Charles Lindbergh, Herman Melville, Alain-Fournier, Youri Gagarine) ou simplement passion de l'aventure (Casanova, Maréchal de Saxe, Beaumarchais, Pierre le Grand, Cardinal de Retz, Marthe Hanau, Gary Cooper...). Mais on peut aussi prendre le vent du large sur le mode introverti de l'aventure intérieure, et cela devient une soif d'idéal dans une quête spirituelle comme ont pu en connaître un Mozart, un Beethoven, un Nietzsche ou un Einstein.

Dans le domaine affectif, nous sommes toujours en face d'un éventail qui est assez large. Le solaire-jupitérien Rubens peint la femme en homme riche et heureux ; dans une vision colorée et luxuriante, il la fait à la fois déesse et animale, centaure à l'âme saine et complaisante et au corps généreux et magnifique. Il est curieux de remarquer que ce grand peintre s'est plu à traiter plusieurs scènes d'enlèvement de la femme qui accouplent le cheval et la femme (enlèvement des filles de Leucippe). Or, il semble que ce soit là une relation psychique caractéristique. Il pourrait être léger d'évoquer la fameuse "fille à la queue de cheval" de Picasso ; il l'est moins de rappeler que Baudouin a vu apparaître dans l'œuvre de Hugo le thème du cavalier et de la chevauchée (il s'agit, selon ce psychanalyste, d'une fuite devant le père) dans les attaches affectives. D'autant que Nietzsche ne pouvait considérer que l'enlèvement de la femme et s'est assimilé à Bacchus délivrant Ariane. On voit d'ailleurs Liszt faire bel et bien l'enlèvement de Marie Dagoult, le Maréchal de Saxe et Casanova en être presque les spécialistes. Dans d'autres cas, la féminité paraît associée au "lointain" dans son pittoresque, son exotisme, ou sous un autre aspect. On voit, par exemple, l'étrangère lointaine, Madame Hanska, exalter les rêves de Balzac ; Camille Corot aime à présenter ses nymphes et personnages féminins dans un costume étranger ; on les voit souvent travesties, italiennes ou grecques ; quant à Henri Matisse, ses odalisques épanouies et langoureuses associent la femme à la décoration mauresque et aux céramiques d'Islam. Il est possible, par ailleurs, que ce soit cette Lune qui ait inspiré à Beethoven le thème de l'amour vertueux et de la fidélité conjugale (Fidélio).

Psychologie féminine

Deux cas montrent que le relief de l'aspect efface l'impression de la toile de fond du signe : Louise de Lorraine et Marie de Médicis. L'épouse de Henri III l'avait au trigone de Jupiter et au carré de Saturne ; elle avait une noblesse d'âme et était pieuse, allant à l'hôtel-Dieu panser les plaies des malades, ensevelir les morts, faisant descendre ses consolations jusqu'au fond des prisons, cette œuvre de miséricorde dominant sa vie. L'épouse de Henri IV l'avait à l'opposition de Mars et Vénus, avec Saturne également en Sagittaire et Ascendant-Lion : hautaine, dédaigneuse, revêche, acariâtre, désagréable avec son mari, castratrice avec son fils Louis XIII, finissant dans l'amertume de l'ambition déçue. Et si l'on évoque à côté Christine de Suède et Joséphine de Beauharnais, on voit mal où est le point commun, quelle est la tendance foncière. On se rapproche sans doute plus du type courant de cette Lune en citant la princesse Mathilde Bonaparte, qui tenait un salon fréquenté sous le Second Empire et fit les honneurs du palais de la présidence de Napoléon III, ainsi que Louise d'Orléans, reine des Belges et épouse de Léopold Ier, qui laisse un souvenir de bienveillance, d'aménité, de générosité et dé bonté. Ce n'est pas en ajoutant un cas d'actualité, Line Renaud, que cela nous permet encore de dégager l'archétype féminin de cette Lune...
 
La Lune en Capricorne
 
La clef utilisée pour la Lune précédente vaut pleinement ici : nous sommes en présence d'une "Lune saturnisée", c'est-à-dire d'une Lune qui se dépouille de ses valeurs instinctives, sensibles, affectives, et qui tend à une certaine désincarnation. Cette saturnisation peut s'interpréter, caractérologiquement, comme un facteur d'inémotivité, de réduction de l'affectif, d'introversion, ou encore comme une disposition au déplacement de l'instinctuel à une sphère extra-personnelle. Alors qu'en face la Lune du Cancer est surtout processus d'intériorisation, notamment sur un mode imaginaire, c'est-à-dire facteur de subjectivisation extrême, cette Lune du Capricorne vise plutôt à une dépersonnalisation de la sensibilité ; plutôt qu'amoureuse, familiale et maternelle, elle cherche son expression à un degré d'élaboration qui la rend mentale, cérébrale, intellectuelle, morale, sociale, politique ou philosophique. L'instinct paraît affaibli ; il est en réalité contraint à une sorte de sublimation sociale ; la sensibilité s'annonce ainsi absente, refoulée ou disciplinée : on prend des distances avec elle.

L'homme paraît ainsi avoir les mains libres : les forces du cœur ne sont pas une entrave à la réalisation de ses ambitions de carrière ou de vocation ; cette Lune peut même être un réservoir d'énergie qui alimente sa poussée sociale. Il se trouve que deux présidents de la IIIe République l'avaient (Jules Grévy et Paul Deschanel), ainsi que sept des trente-quatre présidents des U.S.A. (George Washington, James Monroe, John Quincy Adams, James Buchanan, Abraham Lincoln, William Mac Kinley et Thomas Woodrow Wilson). Si l'on ajoute que les plus grands noms de la politique affluent sous cette position, comme on va le voir, on peut penser qu'elle est un coefficient d'ambition, généralement par la force que peut assurer un ascétisme personnel et par la sublimation sociale de cette force.

Le cas-type, Napoléon Bonaparte nous le donne avec sa Lune, opposée à Saturne : l'abandon aux instincts élémentaires est banni de sa vie ; il fuit le sommeil, la table et la femme ; quatre heures de sommeil lui suffisent, des repas d'un quart d'heure et des étreintes expéditives ; il est, à sa manière, un ascète qui donne tout à ses grandes ambitions de conquête universelle. Si Charlemagne est bien né à la date que l'on croit, il est aussi de cette Lune ; mais voyons les autres cas :

Charles Quint l'a à l'Ascendant. Son ambition forcenée (il rêvait d'une monarchie universelle et voulait en être l'empereur) le dépouillait jusqu'à un détachement extrême de lui-même. Abdiquant à cinquante-cinq ans, c'est pour se retirer dans un monastère où l'austérité et les mortifications le font tomber dans une profonde mélancolie. Jérôme Savonarole se pose comme un réformateur des mœurs de Florence ; sous son influence, la ville voluptueuse devient une cité austère, faisant une pyramide de toutes les vanités mondaines : parures, tapis, jeux, tableaux, statues, œuvres de Boccace et Pétrarque..., pour la transformer en bûcher. Albrecht von Wallenstein est, aux dires de Kepler, un homme ambitieux et solitaire. Le surintendant Nicolas Fouquet avait un Jupiter culminant trop puissant pour ne pas être gourmand des nourritures terrestres, mais on sait où le conduisit une ambition féroce qui voulait surpasser Louis-le-Grand (Lune en XII opposée à Mars). Joseph II d'Autriche l'avait en I conjointe à Uranus et opposée à Mars ; cet empereur souffrit de ne pouvoir exercer d'autorité du vivant de sa mère Marie-Thérèse et contribua au partage de la Pologne ; l'ambitieux avait une vie stricte : après avoir eu une épreuve amoureuse, il renonce à la femme ; il se montre économe, boit de l'eau, couche à la dure ; il a la tenue d'un soldat et la garde-robe d'un sous-lieutenant ; et dans ses voyages garde les mêmes habitudes de simplicité et d'absence de faste. Philippe V d'Espagne, inhibé, renfermé, à là fois extravagant et hypocondriaque, abdique par suite d'une crise morale, puis reprend le pouvoir, règne sur l'Espagne en rêvant sans cesse de régner sur la France. George III d'Angleterre, honnête, frugal et chaste, vertueux, mais ambitieux au point de tenter une restauration de la monarchie absolue et du pouvoir personnel du roi. Frédéric-Guillaume III de Prusse, roi introduisant dans le gouvernement une sage économie, donnant l'exemple en faisant régner à sa cour l'ordre et la ponctualité, affirmant de plus belle la puissance de son État. George Washington, simple, honnête, effacé, attaché à la cause de son pays dans un esprit de sacrifice. James Monroe, même intégrité d'une nature stricte qui préconise une règle de conduite politique fondée sur le droit, voire sur un devoir imprescriptible. John Quincy Adams, négligé et hautain, froid, méfiant, mesquin, simple, honnête et puritain de la vieille tradition. Abraham Lincoln avec des sautes d'humeur qui le font passer par des phases d'abattement hypocondriaque, également intègre et stricte. Thomas Woodrow Wilson, sobre, contrôlé, discipliné, distant, réservé, solitaire, à la sensibilité retenue. Guillaume Ier, très attaché à ses devoirs de premier serviteur de l'État, humilié par le rôle effacé que jouait la Prusse, reconstructeur de l'armée prussienne, comblant finalement les vœux de la grande politique de Bismarck. Otto von Bismarck dont on connaît cette réserve savante, cette impassibilité feinte ou sincère, ce contrôle de soi et même cette froideur du diplomate ambitieux qui ne cessa de dominer les pulsions de sa nature marsienne combattive et conquérante. 

Lénine est le plus incolore des leaders révolutionnaires, le chef politique le plus réfractaire au pittoresque, en raison d'une faculté unique de rendre les choses impersonnelles et d'une aptitude à se confondre entièrement avec les forces historiques qu'il a incarné. "Les quelque quarante volumes de ses écrits, y compris ses lettres, genre qui pourtant invite à l'introspection ne contiennent ni journaux intimes, ni notes personnelles. S'il mentionne ses faits et gestes, c'est uniquement en fonction de la cause à laquelle il s'est consacré, sans se préoccuper de sa propre attitude à l'égard de cette cause, attitude acquise une fois pour toutes. L'homme s'identifie à son œuvre au point de disparaître derrière elle." (Nina Gourfinkel.) Cet homme est simple, modeste, naturel ; il a le sens de l'ordre, de la discipline, du travail et du temps ; c'est un logicien méthodique : "Il y a du notaire dans ce révolutionnaire" (Trotski) ; il se couche tôt, s'épargne pour se vouer entièrement à son œuvre ; il est indifférent à son accoutrement, portant toujours les mêmes vêtements élimés. Sa vie au Kremlin diffère à peine de celle qu'il menait rue Marie-Rose à Paris ; il occupe un petit appartement de trois pièces jadis affecté aux serviteurs du palais ; pendant les années de famine, il ne mange pas mieux que le reste de la population ; c'est un citoyen parmi les autres...

Adolph Hitler (sa Lune conjointe à Jupiter, au trigone du Soleil et maîtresse du  Milieu du ciel, "appartient" à Saturne du Lion en X) est un cas extrême d'avidité de puissance et d'ambition de pouvoir (renforcé par Uranus-Ascendant) ; cette hypertrophie du social coexiste avec un effacement de ses instincts personnels : il ne boit pas, ne fume pas, est végétarien, éloigné de la femme et indifférent à l'argent. On peut penser que la même Lune est un facteur de fanatisme chez Joseph Goebbels. On pourrait citer d'autres cas significatifs, Antoine Pinay entre autres, et même considérer que cette Lune a contribué à orienter le délire de pouvoir d'un Ferdinand Lop... Toujours dans la politique, on ne peut s'étonner, en raison d'une tendance à l'impassibilité, que cette Lune soit celle de l'exterminateur des Juifs, Adolf Eichmann (9). Mais on voit les différentes variantes qualitatives de ces lunes qui détachent l'être de sa personne pour l'attacher à des ambitions impersonnelles, en faisant prédominer le désintéressement, la sobriété, la discipline, la réserve, la solitude, l'hypocondrie ou le fanatisme...

Parmi les écrivains, cette Lune explique en partie l'esprit caustique de Voltaire, cet inémotif qui se défendait comme un diable de tous les élans, de toutes les participations et engagements de la sensibilité. Chez Friedrich Hölderlin, elle n'a pas manqué de contribuer à le rendre étranger aux choses terrestres ; à le détacher de ce monde sensible qui n'avait plus de signification pour lui. Chez Théophile Gautier, elle contribue à un art d'une sensibilité assez froide ; dans l'ode qui a pour titre l'Art, il a donné la formule la plus sévère du credo parnassier. Quant à Émile Augier, elle explique avec sa dominante Vierge, ses pièces aux vies tranquilles, aux sentiments ordinaires, dans lesquelles il défend les bonnes mœurs, la vie bourgeoise, la bonne morale du mariage.

Chez les peintres, on voit Gustave Courbet, en dépit de sa chaude nature Taureau, ne pas vraiment faire participer la femme à ses toiles ; quand elle y est présente, on sait qu'elle vit, mais c'est comme si elle dormait : elle ne compte pas. Jean-Baptiste Greuze, avec sa Lune conjointe à Saturne, reproduit généralement un type de femme triste qui fait la moue ou qui a la larme à l'oeil ; on pense à la naïveté inquiétante de ses laitières. Mais le peintre le plus représentatif de cette Lune, sans doute parce que sa Vénus en Vierge opposée à Uranus allait dans le même sens, est Edgar Degas, homme silencieux, timide, méfiant, méditatif, introverti. Après les Blanchisseuses, les Danseuses et les scènes de turf, l'œuvre essentielle où se complaît la maturité de son génie est la série de ses femmes à la toilette. Selon Georges Grappe (Plon), il voit la femme sans "participation" et saisit les déformations imposées à son corps par les contraintes naturelles ou artificielles de notre société. Il entreprend une telle œuvre avec sérénité. Cette sincérité froide, dit le biographe, effarouchera ; notre accoutumance de la beauté s'émeut et s'indigne devant ces misères, ces corps déformés par le corset, le vêtement, les aventures de la vie moderne. Il est à l'opposé du patrimoine du romantisme et parle de "l'humble vérité". On résiste en disant que ce ne sont là que des empreintes passagères, des plis marqués sur le torse, sur les flancs, sur le ventre, sur la croupe de la femme, qui persistent seulement quelques heures et qu'après, toutes ces traces disparaissent. Illusions. Il décrit la femme, non point à l'heure de son coucher, comme l'eussent fait les maîtres libertins du XVIIIe siècle, mais au lever. C'est là qu'il surprend, alors que la nuit entière a pu faire son œuvre et délasser les chairs fatiguées, les empâtements, bouffissures, seins alourdis ou déformés. C'est, déclare Grappe, une vérité clinique : cet art semble l'illustration d'un traité de médecine!

On conçoit que cette donnée lunaire puisse neutraliser le désir qui est participation, décolorer l'instinct, faire pâlir la passion ; on peut l'interpréter comme ambition ou cynisme chez un Lauzun, mais elle est souvent facteur de pauvreté affective, de suspicion, de doute, d'égoïsme, de célibat à un ou à deux ou d'amour-ambition...

Comme toute composante, elle est convertible en diverses valeurs suivant ce qu'elle peut apporter à un ensemble, comme un affluent qui se déverse dans un fleuve. On la voit très bien apporter son écho de mélancolie et de solitude chez le saturnien Giocomo Leopardi, alors qu'elle est autre chez Auguste, Ferdinand Foch, Jules Michelet, Pierre Proudhon, Jean XXIII...

Psychologie féminine

On ne peut être surpris de rencontrer surtout, avec cette position, des femmes ambitieuses, des femmes politiques, dont la passion est en marge de l'intime, de l'affectif, du féminin, de la maternité, du familial, de la vie d'intérieur.

C'est Isabelle de Castille, exemple de reine, toute d'autorité, de lucidité et de prévoyance. Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas administratrice et diplomate, qui gère ses États avec énergie, sagesse, prudence et économie. Marie-Madeleine de la Trinité, fondatrice de l'ordre de la Miséricorde. Jeanne d'Albret, la ferme et sévère reine de Navarre. Marie Stuart d'Écosse est surtout un cas exceptionnel d'automatisme de répétition d'un Soleil en VIII qui pose la mort comme le fait dominant de sa vie, depuis celle de son père, les jours qui suivent sa naissance, jusqu'à sa décapitation en passant par la mort de son premier mari François II, l'assassinat de son amant Rizzio et celui de son second mari, Darnley, par son amant Bothwel ; cette Lune est plutôt ici "facteur à charge" d'un destin ingrat sous le signe saturnien de la captivité, de la mélancolie, de la conspiration, de l'expiation et du malheur. Charlotte Corday (Lune conjonction à Saturne-Pluton) qui identifie son destin à un rôle sacrificateur ingrat. Jeanne-Marie Roland, ambitieuse au culte des grandes idées politiques, chef et âme du parti girondin. Thérésa Tallien, la Merveilleuse du Directoire qui exerça une grande influence sur la société de son temps. Juliette Drouet n'est pas une femme du social, mais la maîtresse de Victor Hugo vit la grande passion de son existence dans la solitude et un certain sublime. On peut penser que la Lune de Clotilde de Vaux, à cheval entre le Capricorne et le Verseau au milieu du jour de sa naissance (on en ignore l'heure), est plutôt du côté du Soleil-Capricorne (29°) d'Auguste Comte, et explique la passion épurée qu'elle inspira au philosophe. Rosa Bonheur est, dans la peinture, un cas de femme de vocation, de femme carriériste. De même (sa date de naissance incertaine donne cette Lune en tout cas) Rachel qui, endurcie par une enfance misérable, était arriviste et intéressée, mais était une tragédienne pathétique. De nos jours, on peut citer Nicole Vedrès et Maria Casarès.
 
La Lune en Verseau
 
Si l'on cherche un raisonnement analogique capable de nous orienter dans le dédale des cas historiques, comme toujours hétéroclites, on ne trouve pas, d'emblée, un argument saisissant, tant l'astre et le signe sont différents, étrangers l'un à l'autre. Après réflexion, on peut concevoir, éventuellement, dans le rapport entre l'instinct que représente l'astre et le moment d'évolution du signe, que cette position est susceptible de correspondre à une émancipation des forces brutes de la nature, à une aptitude de l'élémentaire à se muer en aspirations nobles, à se décanter, à s'affiner, pour passer d'intérêts grossiers à une sphère morale plus ou moins éthérée. En un mot, on pourrait se trouver en présence d'une tendance à la spiritualisation de la vie instinctive.

Ce qui donnerait à penser que cette interprétation reçoit un début de confirmation, c'est que, des données de dix-neuf thèmes de papes, nous extrayons cinq Lune-Verseau : Pie V, Jules II, Paul IV, Léon XIII et Pie IX. Ceci, du moins, si nous ne voulons pas voir là un rapport statistique et si nous acceptons que le pape est un symbole de grandeur spirituelle pour une communauté chrétienne.

Sur un plan politique, une tendance analogue peut s'observer chez Alexandre II qui préconise l'émancipation des serfs, chez Napoléon III qui assiste l'émancipation des nationalismes européens, chez Richard Wagner qui voulait soulever le peuple en 1848... On peut penser que c'est la même tendance qui s'exerce chez Robert Baden-Powell, le père du scoutisme, quand il veut apprendre à être bon et éveiller la fraternité latente au cœur des hommes.

Mais, si, dans le positif, cette disposition conduit à une spiritualisation des couches inférieures de la Psyché sous une forme idéaliste, angélique ou de grâce, elle est, lorsque la synthèse de la personnalité a du mal à se réaliser, un obstacle à l'épanouissement vital. En effet, le sol de la vie animale se dérobe plus ou moins sous les pieds de l'être qui n'a pas l'impression d'être sur terre. Le Verseau contient, si l'on peut dire, une certaine dose de schizoïdie, et la présence lunaire n'est pas pour l'atténuer. Dans les cas réussis, nous avons déjà affaire à des aspirations humaines riches mais complexes et facilement tourmentées ; or, sur un terrain problématique, cette Lune devient facilement un coefficient de déracinement de l'instinct, un facteur de "déraillement", de déviation vers des formes quelque peu aberrantes avec les sentiments classiques de dépaysement, d'étrangeté, de décoloration vitale, d'errance...

Voici L'Aiglon chez lequel cette Lune est facteur de fadeur et de moindre vie. À côté, Georges-Ernest Roux, le "Christ de Montfavet"... Et puis, Joseph Mallord William Turner, perdu dans ses songes et dans le somnambulisme pictural (dans son capharnaüm, on trouva des centaines de toiles et d'aquarelles maculées de moisissures ; couvertes de poussière, et près de vingt-mille dessins entassés sans soin et à demi rongés par les rats). Auguste Comte qui, en déifiant Clotilde, rate une sublimation affective qui tourne au ridicule et à la démence. Léon Bloy qui s'installe dans un climat psychique en marge du familier et hors de nos normes habituelles. Joris-Karl Huysmans à l'âme maladive, à la sensibilité fatiguée ; son personnage de Des Esseintes cherche un dérivatif à son dégoût dans "l'illusion d'extravagantes féeries" ; cet auteur transforme le sensualisme naturaliste de son temps en une sensualité raffinée et faisandée d'un mysticisme décadent et pervers ; on sait qu'après avoir passé par l'occultisme, il finit par se convertir.

Dans le domaine de la vie affective ; il semble que l'on ait quelques indices. Ainsi, chez les peintres, Bartolome Esteban Murillo produit des madones assez sublimées, d'une pureté conventionnelle proche du Saint-Sulpice. Antoine Van Dyck (avec une harmonique vénusienne) est habité par des femmes d'une beauté "fin de race", plus ou moins dolantes, dévitalisées, anémiques. Thomas Gainsborough (conjointe à Saturne) nous laisse surtout un tableau de femme froide, fermée, frigide. Pierre-Paul Prud'hon (conjointe à Saturne), quant à lui, est inspiré par la femme d'une façon assez lamartinienne, élégiaque, mélancolique et romantique : il suffit de regarder ses baigneuses fines, ses naïades au crépuscule, aux attitudes penchées (voir sa Joséphine alanguie, dans un sous-bois). Dans les lettres, il n'est pas sans intérêt de chercher du côté des romans de Pierre Loti ("Madame Chrysanthème", "Les Désenchantées"), de Pierre Benoît ("L'Atlantide") et de quelques autres. Du côté, également, des drames de Wagner où pointe le thème de l'amour salvateur de la femme (le Vaisseau fantôme), celle-ci enseignant aussi à Tannhäuser le chemin des hauteurs...

Psychologie féminine

Je n'ai pas été en mesure de donner une signification aux cas de Mary Tudor et de Victoria d'Espagne. Par contre, on peut percevoir cette note lunaire chez Mme Récamier où elle renforce Saturne dans sa conjonction à Vénus sous l'aspect d'un rôle de madone qui détourne la passion masculine vers une amitié amoureuse désérotisée. Chez Mary Baker-Eddy dont cette Lune serait peut-être le meilleur symbole de sa "Christian-Science". Chez Louisa May Alcott la féministe américaine (10), comme chez Colette et, à d'autres égards, chez Marilyn Monroe.

Dans le domaine affectif, nous avons le cas d'un couple où la Lune de l'un se superpose à la Lune de l'autre (28° et 25°) en Verseau Léon Bloy et Anne-Marie Roulé, la Véronique du roman autobiographique "Le Désespéré" ; mais ces deux Lune sont orientées par leur conjonction avec Saturne et Neptune. Enfant naturelle abandonnée par sa mère, traumatisée au stade oral comme le mendiant de l'amour et de tout qu'était Bloy, cette nature était tendue vers les extrêmes de la sensibilité et en arrive à passer du couvent au trottoir. Elle répond idéalement au pèlerin de l'absolu en quête de chute et de rédemption : "Il n'y a pour la femme (...) que deux façons d'être acceptable : la maternité la plus auguste ou le plaisir. En d'autres termes, la Sainteté ou la Prostitution. Marie-Magdeleine avant ou Marie-Magdeleine après. Entre les deux, il n'y a que l'Honnête Femme, c'est-à-dire la femelle du Bourgeois...". Léon Bloy la rencontre déchue et se livre, à travers une liaison tourmentée, orageuse et misérable, passage à une expérience mystique. L'ancienne prostituée illettrée en arrive à éclairer la Bible et les textes sacrés à son compagnon, mais sombre à trente-six ans dans la nuit sans fin de la démence, après avoir éveillé l'esprit prophétique à Léon Bloy inconsolable (une étude remarquable de ce couple a été faite au Centre International d'Astrologie par Mlle Jeannine Cahu).

Il faudrait se livrer à des analyses poussées des thèmes de personnages ayant cette Lune : François IerPhilippe IIGiovanni PergolesiFrançois CouperinVincent d'IndyPaul DukasAlbert RousselManuel de FallaBela BartokDarius MilhaudPedro Calderon de la BarcaPierre Choderlos de Laclos..., pour arriver à creuser davantage la signification de cette position si mal connue.
 
La Lune en Poissons
 
Si la Lune en Verseau ne m'inspire pas, je ne saurais en dire autant de la douzième et dernière qui se prête à un vaste champ d'exploration.

Ce n'est pas une Lune de la politique : si les quarante-huit présidents des U.S.A. et de la France totalisent neuf Lune-Capricorne, il n'en existe aucun qui ait la Lune-Poissons, et ce n'est pas un hasard.

Du point de vue caractérologique, une propriété lui va on ne peut mieux : l'ampleur du champ de conscience ; elle fait le large. Au cours de notre vie, dit Le Senne, nous faisons l'expérience des variations d'ampleur dont notre conscience est capable. Tantôt elle se concentre et se rétrécit autour d'une détermination pour en faire le foyer presque sans halo d'une attention sélective qui exclut de son appréhension tous les détails au profit de cet objet central (ce sont les étroits). "Tantôt, elle est comme distendue, elle contient, roule une grande richesse d'impressions entre lesquelles notre attention se diffuse, dans lesquelles elle est comme noyée : ainsi quand nous contemplons un paysage panoramique, quand nous rêvons sans intention de rien observer de particulier" (les larges). Chez celui-ci, l'esprit flâne, l'attention se détend et s'étale dans la multiplicité fondue des représentations ; sa démarche est ondoyante ; "l'unité du tout mental prévaut sur l'unité d'une direction logique" ; la vie est un bouquet de choses, de parfums, d'impressions : réceptivité, distraction, flânerie, détente, charme, grâce, dissolution... Si la dialectique des Poissons (voir "Poissons", collection du Seuil) est extrême dilatation ou extrême resserrement de l'être, à coup sûr, le coefficient lunaire polarise les Poissons vers l'extrême dilatation de l'être, que ce soit sous forme d'abandon, d'extension, de fusion, de confusion ou d'évasion du sensible. Un tel état se rapproche de la phase de "subjectivisme cosmique" de la psychologie infantile. Il conduit le rêve du bord de la vision fantastique, de l'hallucination, de la médiumnité, donne à l'imaginaire un pouvoir visionnaire, un sens de l'infini ou de l'ineffable. Dans le positif, c'est l'illumination, l'état visionnaire, l'accès à une conscience cosmique. Dans le négatif, nous avons l'irréalisme, le délire, l'hallucination, l'état de dilution, de désintégration du moi… À partir de ces données de base très édifiantes, il est toutefois bien difficile et très arbitraire de présenter des catégories et subdivisions tranchées, les unes et les autres se tenant, s'interpénétrant. Essayons cependant :

La tendance débouche sur des valeurs universalistes. Ces valeurs peuvent elles-mêmes prendre diverses expressions. Ce peut être l'amour du grand large et des horizons infinis, et une telle tendance peut conditionner la vocation d'un grand voyageur : Pierre Savorgnan de Brazza, Jacques Cartier. Cette affinité avec l'immense peut aussi bien tourner le regard vers l'infini céleste, qu'il s'agisse d'astronomie pure avec Regiomontanus et Jérôme Lalande, de cosmologie avec Edgar Alan Poe (Eurêka) ou d'astronautique avec Leonid Sedov, le "père des spoutniks".

Le glissement s'opère insensiblement des valeurs universalistes aux valeurs cosmopolitiques, qu'il s'agisse de tendances collectivistes, fédéralistes, communautaires ou autres, mettant l'accent sur la solidarité ou des sentiments d'humanité. C'est aussi bien Aristide Briand, l'esprit de la Société des Nations, John Lewis, le représentant syndicaliste des mineurs américains, Henri Dunant, le fondateur de la Croix-Rouge, Benjamin Franklin, l'avocat international de la cause américaine, Pétrarque, ce touriste international au-dessus des patries qui, en ressuscitant des manuscrits anciens, contribue à créer le mouvement humaniste ; également Mikhail Glinka, cet éternel voyageur, ce citoyen du monde qui, en fusionnant divers courants, fait chanter l'âme russe ; Christof Willibald Gluck, musicien ambulant et vagabond, au génie ductile et cosmopolite, qui déclare : "J'envisage de produire une musique propre à toutes les nations et de faire disparaître la ridicule distinction des musiques nationales" ; Charles Perrault dont les contes puisent aux sources populaires ; Maurice Ravel dont le polyglottisme musical est bien connu avec son exotisme qui nous promène de Palestine à Madagascar et de Perse en Espagne en passant par les Tziganes. Ces natures sont comme disposées à exprimer l'inconscient collectif ou à se laisser happer par lui, sinon à lui servir de paratonnerre. C'est ainsi que nous avons des cas où le personnage est le foyer de cristallisation d'un phénomène collectif. On le voit très bien ; par exemple, avec Alfred Dreyfus dont la Lune conjointe à Neptune en I et opposée à Mars-Vierge en VII explique très bien que, par son fameux procès, il ait été le héros malgré lui d'une cause universelle. C'est ainsi que peut se comprendre la Lune de Georges Boulanger en fonction de la "vague" du Boulangisme, celle de Émile Combes avec l'affaire de la Séparation ; peut-être aussi explique-telle certaines vagues de l'engouement populaire, le collectif s'emparant de l'être à proprement parler, comme chez Georges Carpentier le roi de la boxe, des Mistinguett et des Cécile Sorel, une Françoise Sagan qui compte des millions de lecteurs comme une Ada Negri la seule femme poète qui ait connu la gloire en Italie...

Nous glissons non moins graduellement de l'universalité et du cosmopolite à la fresque ou à la vision globale dans la façon de vivre, de sentir et de créer. Nous voyons Michel-Ange avoir une imagination démiurgique qui le porte à revivre l'épopée cosmique de la vie et de l'homme, à évoquer le Déluge, le cycle des achèvements et des retours, le mystère de l'éternel et de l'éphémère réunis. Léonard de Vinci apporte à la peinture ce jeu de lumière et d'ombre (le sfumato) qui baigne et dissout les contours des choses en des formes évanescentes ; cette préoccupation de la lumière glissante et dissolvante, productrice de mystère, va, chez lui, de pair avec la hantise de la prolifération irréductible de la nature, ainsi que de ces Déluges, ces fins du monde dont son imagination réalise mille variantes. Si l'univers pictural de Jean Siméon Chardin est clos et limité au familier, il est cependant perçu dans une communion intimiste de l'être avec les choses qui l'entourent. C'est le même tempérament intimiste qui domine chez Jean-Jacques Henner avec ses natures, ainsi que chez Camille Pissarro qui s'abandonne à son rêve d'affectueux acquiescement à la vie de la nature ; ses Baigneuses sont une pluie de lumière qui forme les corps, les eaux et les arbres, sa sensibilité "dépassant le réalisme et la contingence naturelle et atteignant une harmonie cosmique qui est la grâce" (Venturi). Ceci est à rapprocher de l'impressionnisme musical de Maurice Ravel. On peut citer aussi Honoré Daumier qui a l'instinct des assemblées, prétoires et foules grouillantes ; de même Raoul Dufy avec son amour pour les larges horizons, les ciels démesurés et les bateaux en mer ; un critique dit qu'il humait le vent du large avec volupté et la musique des flots l'emplissait tout entier.

Nous avons pressenti que la Lune en Verseau pouvait constituer un facteur sublimatif sinon un facteur de décoloration vitale. Or, cette distension est plus poussée et plus significative, comme on pouvait le prévoir, avec cette Lune-Poissons. D'un côté, ses tendances peuvent dessaisir le Moi lucide, conscient et volontaire, évanouir le sens du réel, au profit d'un enfoncement nocturne ou d'un état crépusculaire. C'est, par exemple, Charles VII prince léthargique, errant, fantomatique, halluciné et somnambule (voir mon Traité). Cela peut naturellement déboucher sur des tendances morbides comme chez Edgar Alan Poe où elle s'associe à un complexe Scorpion-VIII ; sur une démission de la personnalité comme chez Amedeo Modigliani qui flotte comme une épave dans la misère, l'alcool et la drogue ; sur un côté "louche" comme chez Joseph Fouché ; ou encore sur une complaisance pour l'anormal et le fantastique comme chez Léonard de Vinci dont l'inquiétude trouble pousse cette complaisance jusqu'à la poursuite de la hideur et de la monstruosité (voir ses dessins répétés de visages horribles). Fuite dans l'alcool, fugue, hallucination ou errance dans une sorte d'état second..., Ernst Theodor Amadeus Hoffmann le conteur s'ajoute à cette liste. Klaus Schwab déclare avoir rencontré sept Lune-Poissons chez 54 médiums et onze chez 103 hystériques. Une corrélation est effectivement possible dans la mesure où l'hystérie est hyperesthésie et plasticité psychique anormale, et où la médiumnité est également extension psychique, soit au-delà des frontières du moi et perception dans le temps et l'espace, sinon accès à une zone de l'inconscient collectif (11). On conçoit donc que, d'un autre coté ou à l'autre bout, nous ayons une échappée vers la spiritualité : état visionnaire ou état extatique, illumination mystique, état de grâce... Blaise Pascal adonné à une sorte de contemplation mystique et découvrant "le silence éternel des espaces infinis" ; Pétrarque qui se sublimise dans une passion mystique pour Laure ; François de Sales dont le Traité de l'Amour de Dieu est plein d'onction et de mysticité ; Franz Schubert musicien de la grâce ; Johann von Goethe qui connaît des états visionnaires ; Stanislas de Guaita et l'ésotérisme ; Joseph de Maistre et la providence ; Ramakrishna le contemplatif tout en réceptivité ; Paul Claudel converti après une illumination...

Cette aptitude à la participation se convertit fréquemment en tendances humanitaires. On a cité Henri Dunant ; voici Vincent de Paul dont l'amour du prochain est mis au service de toutes les misères humaines et dont la charité s'étend à tous, particulièrement aux galériens, aux paysans pauvres et aux enfants abandonnés ; il fonde des institutions de charité : Servantes des Pauvres, Enfants trouvés, Soeurs de Saint-Vincent... ; François de Sales a aussi une vie de charité et institue la Confrérie de la Croix ; Molière, à travers le rire et la farce, est tout frémissant de sensibilité, sensible à tout jamais à la souffrance, près du peuple et des humbles, se donnant jusqu'à la mort ; Camille Pissarro, homme de cœur, débonnaire, résigné, prenant le parti des déshérités et se considérant comme un d'entre eux, transfuse cette sensibilité dans la forme de ses arbres et de ses maisons qu'il humanise de résonances multiples...

Cette tendance détermine une attitude plus réceptive et passive que conquérante. Pierre de Ronsard, malgré son côté virginien (son opposition Vierge-Poissons affronte l'homme des Épîtres au poète élégiaque des Sonnets), sensible lui aussi à l'humanité (Discours des misères de ce temps), est un épicurien qui savoure la vie et qui communie avec la nature : rivières, fontaines, arbres et fleurs... Pierre de Marivaux est un indolent qui va jusqu'à ne pas corriger les épreuves de ses livres ; paresseux même, il regrettait, en vieillissant, de ne pas s'être abandonné davantage à l'oisiveté. Franz Schubert est bonté, innocence, nonchalance, contemplation, rêve, fécondité des grandes eaux ; ce lunaire au vagabondage perpétuel est possédé par les ruisseaux de la forêt viennoise, les clairs de lune dans les bois ; il compose son Roi des Aulnes dans un état proche de l'hallucination, de l'illumination ou du somnambulisme ; son lyrisme est tout à la fois évasion, nostalgie, possession d'un au-delà, d'un ailleurs et d'un autrefois... René Le Senne nous a présenté Jean de La Fontaine comme un Nerveux très large (dissolu) : rêveur, paresseux, volage, distrait, insouciant, libertin, tout en abandon, "défait, dissous, sans ordre ni composition", vivant d'une vie capricieuse, anarchique, au hasard des bienveillances d'autrui et des occasions, avec une imagination de poète qui s'identifie à tout.

En ce qui concerne la vie affective, l'homme de cette Lune est susceptible de "voir" la femme sous diverses optiques. Avec Pétrarque, Laure est objet de divinisation et c'est le thème de la femme-Sphinx, du mystère de l'éternel féminin avec le mélange de l'énigme, de l'insondable, du mystère et du troublant (ce n'est pas la "femme-fantôme" de la Lune-Scorpion comme chez Hector Berlioz). Chez Jean Siméon Chardin, il existe une certaine adoration de la femme, une sensibilité qui est communion et ferveur de l'âme, mais on sent qu'il n'y touche pas. De même, chez Antoine-Jean Gros, la femme est également inaccessible et intouchable ; plus exactement, elle est irréelle, féerique et finalement insaisissable ; c'est presque une femme-fantôme. Alors que chez Eustache Le Sueur, il existe une dévotion aimable et douce mais ses femmes ne sont plus que des "grenouilles de bénitier". La tendance dévie chez Amedeo Modigliani (lui aussi avait l'amour des humbles, des déshérités de la vie ; il aimait à peindre des filles du peuple et des enfants chétifs) chez qui se répète indéfiniment le thème de la femme aux yeux rapprochés et évidés, immobile, silencieuse, attendant je ne sais quoi, femme d'un rêve inachevé où l'on sent le trouble, le malsain, le morbide. Avec du Scorpion et du secteur VIII et voilà qu'apparaît chez Edgar Alan Poe (revoir le "Scorpion") la femme-fantôme qui est aussi une femme malade, le poète recherchant en toute créature féminine une lente moribonde. On ne peut pas exclure l'idée que l'homme de cette Lune puisse être sensible à l'envoûtement d'un archétype de femme qui subjugue, submerge, engloutit. On retrouve le mystère féminin avec l'Antinéa de Charles Maurras. Chez Johann von Goethe, on assiste à une réaction de fuite au moment de s'engager qui se répète plusieurs fois dans sa vie : la jeune fille séduite et abandonnée. Sa Lune-Poissons se polarise dans son œuvre avec le thème de la Mater gloriosa, la mère éternelle, pleine de grâce et de miséricorde, et celui de la femme chaotique (Marguerite) qui descend jusqu'au fond du mai et du péché pour sauver celui qu'elle aime ; elle doit tuer son fils et mourir sur l'échafaud pour être salvatrice. Le thème de l'engloutissement est peut-être significatif chez le général Georges Boulanger qui se suicide sur la tombe de Mme Baunemains. Cette Lune était conjointe à Uranus (comme chez Paul Cézanne, Georges Clémenceau) qui est exaspération ou, et c'est le plus souvent, répression de la sensibilité, mais l'astre est étroitesse du champ de conscience et va à l'encontre des tendances du signe.

Psychologie féminine

On ne peut dégager une ligne directrice mais un ensemble de tendances qui forment un donné global.

Marguerite de France, duchesse de Savoie, l'a conjointe à Saturne : elle s'enferme dans la solitude et acquiert un renom de femme vertueuse et savante ; elle ne se marie que par nécessité politique à trente-six ans. La marquise d'Urfé est une victime de Don Juan par ses folles illusions spiritualistes : elle avait imaginé que Casanova pourrait, par un moyen dont il détenait le secret, faire passer son âme dans le corps d'un enfant mâle né de l'union d'une mortelle avec un immortel ou de celle d'une immortelle avec un mortel... Lola Montès est une figure d'ensorcelante vagabonde qui apporte le scandale dans les capitales où elle passe. Sainte Thérèse de Lisieux passe directement au religieux. Et tandis que Mata-Hari, la femme étrange et mystérieuse qui convertit son délire de grandeur léonien en "agent H 21", se rapproche de l'aventurière Lola Montés, de Sainte-Thérèse se rapprocherait quelque peu Cécile Sorel, la Célimène égérie des grands hommes que l'amour mène au plongeon tardif au fond des bénitiers. Cette Lune peut facilement prendre une figure de légende, un peu comme Arletty qui, avec sa gouaille populaire, inspire une mystique du faubourg, comme Mistinguett qui suscite une mystique de Paname et exprime éloquemment le masochisme de l'éternel féminin ("Mon homme"). Plus près de nous, cette même Lune peut exprimer la sensualité envahissante et troublante de Viviane Romance ou d'Ava Gardner, comme elle peut exprimer la figure énigmatique de l'Anne de "Bonjour Tristesse"...
 
Conclusion
 
Il y aurait beaucoup à dire et à médire de ce travail, mais votre serviteur sait mieux que personne à quoi s'en tenir quant aux objections qu'il ne manque pas de soulever.

Le convaincu ou le praticien devra considérer, s'il est déçu par des formulations imprécises ou provisoires, sinon par des absences, que je suis parti de zéro et que ce travail n'est qu'une première approche, un sondage trop élémentaire et encore bien frais.

Quant au critique ou à l'adversaire, il ne saurait trouver ici la moindre preuve dans l'ordre de ce que sa rigueur scientifique requiert, mais ce travail "de l'intérieur" a sa logique qui est étrangère aux critères de la vérification "de l'extérieur". Tout au plus dois-je dire qu'un cas pris en particulier ne signifie strictement rien mais ne vaut qu'en fonction d'une solidarité avec d'autres cas semblables ou analogiquement voisins pour aboutir à un tout homogène, seule cette totalité étant signifiante, comme les politiques avec la Lune en Capricorne. Par exemple, si je me suis permis ; de relever la Lune-Poissons chez deux astronomes parmi une liste d'une vingtaine des plus grands astronomes – ce qui ne prouverait rien en soi – c'est que, d'une part, le Soleil et Mercure en Poissons constituent une dominante frappante chez les astronomes (voir les "Poissons" du Seuil) (12) et, d'autre part, cet élément astronomique se fond dans les apports divers en rendant le même son de cloche. La valeur de l'interprétation est dans les associations de cas que l'on peut mettre au coude-à-coude jusqu'à faire tache d'huile : cela ne peut convaincre uni incrédule mais doit convertir le praticien.

Il est vrai que je suis loin de parvenir toujours à cette unité de ton par l'alignement des cas sur un même clavier ; je pense en particulier à la variété de l'expression de la même Lune chez les femmes. Et c'est bien la preuve que ce travail n'est qu'un début et devra être repris sur une base plus large.

Cependant, la difficulté majeure que nous rencontrons ici vient de l'étendue même du contenu des signes. Chaque signe est, pour ainsi dire, l'expression d'un douzième du monde avec sa profusion de tendances elles-mêmes aux aspects multiples, et il est impossible d'embrasser cette vaste, cette immense portion d'humanité, si bien qu'en accumulant les cas, on n'en finit jamais de faire le tour du signe ; et l'on a d'autant plus de mai à structurer l'interprétation pour en ordonner la symbolique qu'on a plus d'aspects à correlier... En fin de compte, nous sommes bien obligés de revenir au critère dialectique selon lequel un signe ne signifie rien en soi mais prend une valeur en fonction du signe qui est en face et de ses rapports avec les autres signes. En fait, il faut saisir globalement la tendance d'ensemble d'une Lune donnée, en Poissons par exemple, et la comparer avec "l'esprit" de la Lune-Bélier, de la Lune-Taureau, de la Lune-Lion, de la Lune-Capricorne... et c'est dans ce rapport de comparaison que l'on voit se dégager et même prendre tout son relief la disposition de chacune de nos Lune.

À cela s'ajoute encore le fait que la donnée zodiacale est loin d'être en tête d'affiche pour la détermination que nous cherchons : elle passe nettement derrière la note planétaire qu'apporte l'aspect de l'astre. Voici des Lune conjointes à Uranus : Delacroix qui peint des femmes victimes, écorchées, suppliciées, esclaves, une chair souffrante ; Cézanne qui ne peint que sa "vieille bourrique" de servante, taillée à coups de serpe, laide et disgracieuse, et qui refuse de peindre la féminité ; Buffet qui maltraite la femme qu'il se plaît à vieillir, à enlaidir, personnages décharnés, plissés, aux rictus pénibles, record de la hideur... Dans tout cela, où sont la Vierge, le Capricorne et le Bélier, où se trouvent ces Lune? Voici des Lune conjointes à Mars : Racine qui remplit son théâtre de furies (Athalie, Andromaque, Esther, Hermione, Mithridate...) qu'il fait cuire à petit feu... (Phèdre...) ; Daumier, impitoyable, féroce avec les femmes, qui peint d'ailleurs surtout des vieilles, des bas-bleus et des suffragettes ; Zola qui fait de Gervaise et de Nana de véritables bêtes humaines... A l'arrière-scène la Lune-Scorpion du premier, la Lune-Poissons du second et la Lune-Bélier du troisième... Il est indéniable, également, que la Lune-Bélier, la Lune-Taureau et la Lune-Lion s'effacent devant une Lune conjointe ou en aspect de Vénus chez les chantres de la volupté, du corps de la femme et de la joie amoureuse que sont Renoir, Boucher et Fragonard. Inutile de multiplier les cas... Il ne fait aucun doute que bien plus prononcée et saisissante est la note planétaire que celle qui vient du signe, celle-ci n'ayant guère l'air que d'ajouter une nuance à une orientation déjà bien établie. La comparaison d'ensemble de nos positions lunaires n'en montre pas moins qu'il ne faut pas pour autant lâcher prise et tenir pour négligeable cette donnée secondaire qu'on est tenté d'assimiler à une simple nuance. Après tout, nous pouvons encore nous tromper sur ce point, car cette note zodiacale relève peut-être d'un angle d'observation qui ne nous est pas familier ou concerne un plan de tendances plus profond qu'apparent. Dans notre manière actuelle de voir, en tout cas, il fallait faire précéder cette étude de la Lune dans les signes de celle des aspects lunaires (cette étude dernière étant au programme), et la meilleure, sinon la seule manière de bien mener l'enquête consiste à réaliser ce que j'ai fait ici pour le Taureau (et ce que j'aurais dû faire pour tous les autres signes, mais c'est un ouvrage dix fois plus conséquent qu'il fallait traiter...), c'est-à-dire associer étroitement la Lune dans le signe et dans ses divers aspects en observant les diverses variantes : les associations Lune-Taureau-Saturne sur divers modes, les associations Lune-Taureau-Mars, etc.

Il répugne de "débiter le thème en tranches" comme je le conçois ici, mais il faut bien se persuader que c'est faute de s'enfoncer suffisamment dans l'analyse des parties que les synthèses, trop hâtives, laissent à désirer. Jung déclare que tout fragment de la Psyché a tendance à se comporter comme un tout, à s'arrondir en personnalité ; la partie est bien réellement un tout relatif qu'il faut appréhender comme un membre, un organe, une fonction ou un complexe, c'est-à-dire une chose qui a sa vie propre, qu'il faut comprendre en elle-même, pour ensuite la saisir dans ses relations et interférences au sein du tout. C'est pourquoi ce travail ingrat est indispensable ; encore ne faut-il pas y aller voir avec un mètre ou de gros sabots : que nul n'entre ici s'il n'est psychologue!

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Notes

  1. Le successeur de Ferhat Abbas, Benyoussef Benkhedda, présente également une Lune-Bélier.
  2. Ainsi que Jules Guesde qui a remobilisé la combativité socialiste en France.
  3. Voir, par exemple, le fantastique de Gustave Doré.
  4. Cas dernier, le commandant Bastien-Thiry qui mena l'attentat du Petit-Clamart (Lune opposée à Soleil-Mars en Balance et en carré à Pluton).
  5. Le lecteur peu versé en matière de psychanalyse comprendra parfaitement le processus d'identification ou d'introjection en allant voir "Psychose" d'Hitchcock : c'est le cas d'un être double, moitié lui-même moitié sa mère, et qui tue sous l'incitation de sa composante maternelle envahissante et aliénante.
  6. Il avait cette position.
  7. On peut citer aussi le plus prodigue et fastueux roi d'Espagne, Philippe III.
  8. Elle amplifie, par exemple, le superbe léonien de Habib Bourguiba.
  9. On pourrait également citer deux présidents de Républiques sud-américaines Manuel Prado du Pérou et Juscelino Kubitschek du Brésil ; mais ils sont de l'hémisphère sud... Cas de dernière minute : Ben Bella.
  10. La psychologie si particulière de la femme américaine pourrait se dégager de la Lune-Verseau, dissonée à Saturne, qui se présente dans le thème de l'Indépendance.
  11. C'est une Lune-Poissons au Descendant qu'on trouve chez Henri Tisot, l'imitateur qui se met si bien "dans la peau" du général, cas typique d'hyperplasticité psychique.
  12. Il serait intéressant de savoir si ce facteur Poissons se maintient chez des astronomes de seconde zone où s'il s'efface graduellement comme cela se passe dans les résultats obtenus par Gauquelin.

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