OSIRIS OU LE SOLEIL, Poème égyptien, par Charles-François DUPUIS

Une occasion de réfléchir à la mythologie et à la symbolique du Soleil des astrologues par la vision selon Charles-François Dupuis du Dieu solaire égyptien Osiris. L'auteur le traite dans le chapitre 2 du troisième livre de son "L'Origine de tous les Cultes", où il compare les positions religieuses et astronomiques des Égyptiens, des Grecs, des Chinois, des Perses et des Arabes, pour en révéler une communauté d'origines. 
 

Nous avons, dans le chapitre premier de nos explications, considéré dans le soleil l'astre puissant, dépositaire de toute la force de la Nature, l'astre qui engendre et mesure le temps par sa révolution dans les cieux, et qui, partant du solstice d’été, parcourt la carrière des douze signes, dans lesquels circulent les corps célestes et s’achèvent toutes les périodes. Nous allons maintenant le considérer sous un autre point de vue et l’envisager comme l’astre fécond qui, par sa chaleur, appelle tons les êtres à la génération, et répand dans le monde sublunaire tous les bienfaits du ciel. Ce n’est plus le soleil fort ; c’est le soleil bienfaisant et fécond qui va s’offrir à nous ; c’est le génie tutélaire de la végétation universelle qui met en mouvement la terre par un ferment intérieur, et fait éclore et mûrir les productions qui tous les ans sortent de son sein, depuis le moment où le soleil revient dans notre hémisphère jusqu’à ce qu’il repasse vers les régions australes du monde.

C’est sous ce rapport qu’il s’appelle Osiris, époux d’Isis, Dieu du labourage et bienfaiteur des hommes qu’il enrichit des dons de la Divinité ; laquelle, dit Jamblique, varie ses noms à raison de ses diverses opérations (1), et prend en particulier celui d'Osiris (2), quand elle verse sur nous ses bienfaits. Osiris est donc le soleil, considéré comme bon principe et source des biens dont l’homme jouit ici bas. Aussi lui oppose-t-on pour ennemi Typhon qui, dans la théologie égyptienne, est l’antagoniste d'Osiris, comme Ahriman l’est du bon principe Ormuzd dans la théologie des Perses. Voilà donc le caractère particulier que l’on doit considérer dans le Dieu-soleil sous son nom d’Osiris, et celui auquel doivent se rapporter les attributs et toute l’histoire merveilleuse de cet astre sous la dénomination d’Osiris. L’examen que nous allons en faire justifiera notre assertion.
Les hommes, qui les premiers habitèrent l’Égypte, suivant Diodore de Sicile (3), frappés du spectacle des cieux et de l'ordre admirable de toute la Nature, crurent apercevoir dans le ciel deux causes premières et éternelles, ou deux grandes divinités, et ils appelèrent l’une ou le soleil, Osiris, et l'autre ou la lune, Isis (4). Cette ancienne opinion des Égyptiens sur le soleil et sur la lune, considérés comme causes de toutes les générations d’ici-bas, ou comme premiers Dieux, leur était commune avec les Phéniciens, comme nous le dit Eusèbe dans le passage que nous avons rapporté déjà dans le premier livre de cet ouvrage. Elle est conforme à la doctrine de Chérémon et des plus savants prêtres de l'Égypte, qui pensaient que les premiers Égyptiens n’avaient eu d’autres divinités que les astres, et principalement le soleil et la lune ; qu'ils avaient toujours regardé celui-là comme le grand architecte de l'Univers ; et conséquemment que la grande fable d’Osiris et d’Isis devait s'expliquer par le soleil et la lune et par les apparences célestes. Diodore ajoute (5) que l'administration du monde, d’après les dogmes des Égyptiens, était censée dépendre de ces deux grandes divinités ; et que tous les corps sublunaires tiraient d'eux leur nourriture et leur accroissement durant la révolution annuelle qu'ils engendrent, et les différentes saisons qui la partagent ; que de l'action combinée des natures variées et opposées de ces deux causes résultait l’heureuse harmonie, d'où se compose la température de l'année ; que ces deux divinités contribuaient plus qu'aucune autre à la génération de tous les êtres, étant dépositaires, l'une des qualités ignées et spiritueuses, et l’autre des qualités humides et sèches des corps ; et toutes deux possédant une portion égale du principe aérien (6) ; que c’est par elles que tout naît et se nourrit. C’est pour cela que le soleil et la lune sont les modérateurs suprêmes des mouvements et de l’activité du corps de la Nature universelle, dont les parties élémentaires sont le principe spiritueux, le principe ignée, le sec et l’humide, et enfin le principe aérien. Comme le corps humain est composé de la tête, des mains, des pieds et de l’assemblage des autres parties ou membres; de même le corps de l’Univers est composé des parties élémentaires dont nous venons de parler et dont chacune a pris le nom d’une divinité (7). Le spiritus, ou l’âme universelle, a pris le nom de Jupiter ; le feu, celui de Vulcain ; la terre, celui de Cérès ; l'eau, celui de l’Océan et de Thétis ; et l'air, celui de Minerve. Ils ajoutaient que ces cinq divinités parcouraient tout l’Univers, et se montraient aux hommes sous la forme des animaux sacrés ; tantôt aussi sous la figure humaine, tantôt sous d’autres formes ; et que l'on ne devait pas regarder ceci comme une fiction, mais bien comme l’effet réel de leur nature, qui est d’entrer dans la génération de tous les êtres (8). Effectivement les éléments étant censés les principes premiers de l’organisation de tous les corps, ou pour mieux dire, tous les corps, soit ceux des animaux, soit ceux des hommes, n’étant qu’un composé des éléments différemment combinés, diversement modifiés, on peut dire allégoriquement qu’ils se répandent dans tout l’Univers, et qu’ils s’y reproduisent sous mille formes variées, soit d’hommes, soit d’animaux. Tous sont animés par le spiritus ou par l’âme universelle, qui forme le premier des cinq éléments, qui les agite, qui les modifie tous, qui se mêle à tout et imprime la force, le mouvement et la vie à tous les êtres qui participent plus ou moins à l’activité universelle du monde.

Mais quelle est la puissance suprême à laquelle sont soumis les éléments mus par le principe de la génération, et en qui Osiris verse les germes de bien qui se trouvent répandus dans la Nature ? C'est le soleil, nous dit Jamblique (9), et après lui la lune qui partage avec lui la puissance que le ciel exerce sur le monde sublunaire. Mais Osiris est le soleil et Isis la lune. Donc Osiris et Isis sont les deux grandes causes ou divinités par qui s'opèrent les générations d’ici-bas ; celles qui incitent l’activité, la vie et l’ordre que reçoivent les éléments dans les différentes organisations qu’ils subissent ; celles qui règlent la température heureuse, d'où résulte l’état habituel des régions sublunaires, durant chaque révolution de ces corps célestes, et surtout de l’année solaire. Cette opinion rentre absolument dans celle que Diodore prête aux savants de l’Égypte, qui regardaient Osiris et Isis, ou les deux grands astres, à qui ils donnaient ce nom, comme les deux puissants modérateurs de l’année et les créateurs des effets produits par l’action génératrice, qui se développe ici bas durant chaque révolution du temps que partagent les saisons.

Osiris et Isis sont donc les principes d’activité féconde et de bien, que le ciel communique à la terre. Aussi sont-ce là des caractères constants auxquels nous pourrons toujours les reconnaître dans les histoires merveilleuses que les prêtres composèrent sur eux, et qui eurent pour but de peindre leur activité bienfaisante et féconde dans la Nature. C’est à leurs vertus qu’ils durent l’empire de l’univers, si on en croit les prêtres égyptiens (10), et pendant tout leur règne, ils rendirent une foule de services à l'humanité. On leur doit la civilisation, la découverte de l'agriculture, les lois et les arts (11) de toute espèce, l’établissement du culte religieux, la construction des temples, l'invention des lettres, les premières connaissances de l'astronomie, les arts gymniques, la musique : leur règne fut celui de la bienfaisance universelle (12). Si Osiris voyage, c’est pour civiliser tous les pays où il passe et leur faire part de découvertes utiles à l'humanité. Ses bienfaits le font partout recevoir comme un Dieu et lui en méritent le titre et les honneurs. Il bâtit des villes en plusieurs endroits, et il enseigne aux hommes à cultiver la terre (13). L'invention du blé et du vin fut un de ses premiers présents. L’Europe, l’Asie et l’Afrique reçoivent ses bienfaits. Les contrées les plus reculées de l’Inde en ont conservé le souvenir et le revendiquent comme un de leurs premiers Dieux. Il revient en Égypte où la reconnaissance universelle lui décerne les honneurs divins (14). C'est son influence sur les progrès de l'agriculture qu’on célèbre, et il semble être spécialement le Dieu tutélaire des cultivateurs. C'est lui qui féconde les guérets et qui mûrit les raisins.
Une vie et un règne marqués par la bienfaisance et la justice ne devaient point lui faire trouver d'ennemi : cependant il en trouva un dans son frère Typhon, homme impie et violent, qui lui ravit le sceptre et la vie au retour de ses voyages. Son corps est coupé en morceaux (15). Son épouse éplorée en rassemble les débris épars, à l’exception des parties de la génération et des sources de la fécondité, qui restent ensevelies dans les eaux du fleuve qui chaque année fertilise l’Égypte par son débordement. Isis donne la sépulture à ses autres membres, et lui élève un tombeau sur lequel ses prêtres, tous les ans, vont pleurer.
Après avoir rendu les honneurs funèbres à son époux, Isis ne voulut plus recevoir les embrassements d’aucun homme, et acheva son règne doux et juste (16), ne cessant de combler ses peuples de bienfaits ; aussi mérita-t-elle, comme son époux, les honneurs divins. On vanta ses découvertes en médecine (17), et les malades qui, durant leur sommeil, étaient assez heureux pour avoir une apparition de cette Déesse, étaient sûrs de leur guérison. Elle rendait la vue aux aveugles, guérissait les paralytiques et ressuscitait même des morts. C’est d’elle qu’Horus ou Apollon, son fils, apprit l’art de la médecine et de la divination. Voilà à peu près le précis de l’histoire sacrée des deux grandes divinités de l’Égypte, que tous les anciens nous disent être le soleil et la lune, adorés par les Égyptiens sous le nom d’Osiris et d'Isis, et dans lesquelles ils plaçaient les deux principales causes de la végétation annuelle et la source des biens que la terre, tous les ans, fait éclore de son sein. Il n'est personne qui ne remarque dans ces deux histoires, que les prêtres s'étaient attachés à peindre principalement l'action bienfaisante des deux astres qui, par leur énergie féconde, tirent du sein des éléments tous les animaux et tous les hommes, et en général tous les corps qui naissent, croissent et meurent dans le cercle éternel des générations et des destructions d’ici-bas. Revenons sur les caractères distinctifs de ces divinités : le précis de leur histoire allégorique nous en a déjà donné une idée.

Plutarque nous dit que, le jour où naquit Osiris, on entendit une voix qui annonça cette naissance en criant "qu'en ce jour était né le maître suprême de l’Univers (18), le grand Osiris, roi bienfaisant" (19). Ainsi les anges annoncèrent aux bergers la naissance de l'Osiris, ou du Dieu-soleil des Chrétiens. À peine arrivé au trône, Osiris (20) trouva les Égyptiens qui menaient une vie malheureuse et sauvage. Il s'occupa de les civiliser, et de les rendre heureux, en leur donnant des lois et une religion, et en leur communiquant la précieuse découverte des moissons et des fruits. Il parcourut ensuite le reste de l’Univers, pour y répandre les mêmes bienfaits et civiliser les hommes en les subjuguant, non point par la force des armes, mais par celle de la persuasion et par les charmes de la musique et de la poésie. C'est ce qui fait croire aux Grecs que l'Osiris des Égyptiens est le même que leur Bacchus ; car on en dit autant de ce dernier.
Pendant ses voyages, son empire jouit d'une félicité parfaite sous la surveillance d’Isis son épouse, princesse chaste et vertueuse. Ce ne fut qu’à son retour que Typhon, son frère et son ennemi, attenta à sa vie et lui ravit les organes de la virilité, dans le mois où le soleil parcourt le signe du scorpion. Osiris et Isis méritèrent, par leur vertu, d’être honorés comme de bons génies, et d'être à ce titre mis au rang des Dieux (21) ; tandis que Typhon fut au contraire regardé comme un de ces génies ténébreux et malfaisants, que tantôt par crainte on cherchait à apaiser, et que tantôt l'on accablait de malédictions et d'outrages.
Plutarque, pour nous donner une idée précise et abrégée de la nature de ces principes opposés, Osiris et Isis d'un côté, et Typhon de l'autre, dit que l’on doit regarder Typhon (22) comme le principe de tout ce qu’il y a de désordonné et de tout ce qui sort, en plus ou en moins, des justes proportions d’ordre et de mesure dans les différents éléments et dans toutes les parties de la Nature, et Osiris (23) et Isis comme les principes de tout ce qu’on remarque de bon, d’utile, de bien ordonné et de sagement réglé dans l'organisation universelle du monde dont Osiris, comme architecte, a tracé le plan et le dessin, qu’Isis sous ses ordres imite et exécute. Car l’action supérieure du soleil, suivant les dogmes de la philosophie ancienne, ne s exerçait que par un astre intermédiaire ; cet astre était la lune, plus immédiatement placée sur les éléments soumis à la génération, et qui séparait par son cercle la partie supérieure et active du monde de la partie inférieure et passive, comme nous l'avons dit ailleurs. Les opérations d’Osiris et d’Isis ne trouvaient d'opposition que dans la partie sublunaire du monde, où Typhon s’efforçait perpétuellement de corrompre les germes de bien qu’ils y versaient par leur activité bienfaisante. Nous avons développé ce dogme plus au long dans notre chapitre sur les deux principes lumière et ténèbres. C’est par une suite de ces idées que le manteau d’Osiris était, comme celui d'Ormuzd, d'une couleur lumineuse et éclatante, sans mélange d'aucune autre couleur qui pût en altérer la pureté ; sa teinte était une, simple et sans ombre (24). Il était, comme Ormuzd, dans ces régions sublimes, les plus éloignées de la terre, et hors de la sphère de la matière des corps mortels, qui, par son contact, aurait pu en souiller la pureté.

Isis, au contraire, placée sur les confins de la région de la lumière et des ténèbres, sur la ligne qui sépare les corps divins et éternels des corps terrestres et mortels, portait une robe nuancée de mille couleurs, qui retraçait les alternatives de la lumière et des ténèbres, et l’état successif par lequel passent tous les éléments dans la région sublunaire où s’opèrent les générations et les destructions dont la cause est dans la lune et au-dessus d'elle. C’est la lune qui, recevant d’en haut toutes les semences de beauté et de bien (25) que le ciel possède, les verse dans la matière élémentaire soumise à la génération. C’est par cette raison que, dans la théologie des Perses, la lune est censée dépositaire des germes de fécondité que lui transmet le signe du taureau, dont les attributs paraient le front d'Osiris et de Bacchus. Aussi la théologie égyptienne suppose-t-elle (26) qu'Osiris au printemps s'unissait à la lune, et versait en elle les semences de fécondité que celle-ci répandait dans l'air, qu'elle imprégnait des principes générateurs qui mettaient en activité la végétation universelle. Le taureau céleste occupait alors l'équinoxe de printemps. C'est donc sous cette forme ou sous ce signe qu’Osiris fécondait la lune qui, à son tour, fécondait la terre. Mais ce taureau, suivant Lucien, était représenté par le bœuf Apis des Égyptiens. Donc Apis est la forme vivante et sensible sous laquelle était peint le soleil ou Osiris, dans son union avec la lune ou avec Isis au printemps, au moment où les deux astres viennent porter les principes de fécondité dans tout notre hémisphère, et appeler tous les êtres à la génération. De là l'origine de cette tradition rapportée par Plutarque, savoir que le bœuf sacré, nourri à Memphis sous le nom d'Apis, était l'image de l’âme d’Osiris, dont le corps avait été, dit-on, inhumé dans cette ville (27), à laquelle on donnait un nom tout-à-fait analogue au caractère d'Osiris, ou du bon principe adoré sous ce nom ; car on l'appelait le port des biens, et le tombeau d'Osiris (28).
Tout ceci s'accorde avec l’opinion des Égyptiens, qui pensaient que l’âme de leurs Dieux était dans les astres et dans les constellations. En effet, si le taureau céleste est la forme sous laquelle se montre le soleil, lorsqu'il donne la fécondité à la terre par le moyen de la lune, il s'ensuit que son âme ou la partie active et intelligente de la force universelle, qui a son siège dans ce signe, était représentée par le bœuf sacré ou par Apis, image vivante de cette constellation suivant Lucien, et conséquemment aussi l'image de l’âme du soleil ou d’Osiris (29). En effet, le soleil ou Osiris empruntait la forme du signe où il se trouvait tous les ans au printemps, dans sa conjonction avec la lune au mois Phamenot, selon la tradition rapportée par Plutarque (30).
C'est cette conjonction du soleil avec la lune de l’équinoxe du printemps, sous le taureau, qui fit exiger, parmi les caractères distinctifs d’Apis, qu’il eût sur son épaule une marque qui représentât le croissant de la lune. C’est également cette action féconde des deux astres qu’on chercha à exprimer quand on voulut qu’Apis eût des testicules d’une grosseur extraordinaire, et sur son corps une foule de marques différentes qui caractérisassent la faculté génératrice. Par la même raison, dans les autres images d’Osiris, ou dans celles qui le représentaient sous les traits et sous la figure d’un homme, ce Dieu était toujours représenté en érection et dans l'attitude qui annonce le développement de cette faculté féconde de notre virilité. Tel, dans le monument de Mithra, on voit un génie à bonnet phrygien dans une semblable attitude, et placé à côté du fameux taureau mithriaque qui était en Perse ce qu’était Apis en Égypte.
On rencontre partout, dit Plutarque, des statues d'Osiris où ce Dieu est représenté sous la figure d’un homme en forte érection, pour désigner sa force féconde et nourricière (31). N’est-ce pas là le caractère que Diodore, d’après les Égyptiens, donne aux deux astres qui exercent leur empire sur les éléments soumis à la génération, et qui forment la température des saisons et de l’année, c’est-à-dire au soleil et à la lune, les deux premières causes ou divinités de la théologie égyptienne ? Aussi Plutarque (32) convient-il que plusieurs savants prétendaient qu’Osiris était le soleil, et qu’Isis était la lune.
 
Plutarque ajoute (33) que le voile de couleur de feu qui couvrait les statues d’Osiris, désignait le corps visible du soleil dépositaire de la force du bon principe. Il s’indigne contre ceux qui plaçaient Typhon dans la sphère du soleil, attendu que Typhon n’a rien en lui de lumineux, ni de salutaire, rien qui tende à l’ordre et à la génération ; au contraire, tout chez lui tend au désordre et à la destruction des êtres. La sécheresse, les vents malfaisants, la mer, les ténèbres, tout ce qui dans la Nature a une qualité nuisible et destructive, est censé une opération de Typhon (34). L’âne récalcitrant, le crocodile, l’hippopotame lui étaient consacrés. Tous les animaux malfaisants, les plantes venimeuses, tous les événements malheureux lui étaient attribués, comme à la cause universelle de tous les maux (35). Ce sont ces deux forces opposées et contraires qui se mêlent dans la Nature ou dans le inonde sublunaire, dans lequel se choquent les deux principes, avec avantage néanmoins de la part du bon principe qui, en dernière analyse, prévaut toujours. C’est de lui que nous vient l’intelligence (36) ou la partie sage de l'âme, qui nous conduit au bien : c'est lui qui verse dans la terre, dans l'eau, dans l'air, dans tous les éléments, dans le ciel et dans les astres, tout ce qu'il y a d’ordonné, de bon, de régulier et de salutaire.
Le bien de la Nature est une émanation d’Osiris et son image. C’est de lui que vient l’ordre, l’harmonie et l'heureuse température des saisons et des périodes célestes. Typhon, au contraire, donne à notre âme les passions et les mouvements désordonnés qui agitent sa partie brute et matérielle ; aux corps les maladies et les secousses violentes qui altèrent sa santé et le dérangent. Les intempéries de l’air, les dérangements des saisons, l'obscurité des éclipses sont aussi son ouvrage. Son caractère est la violence et la résistance (37) au bien de la Nature, et à l’ordre auquel le bon principe la rappelle sans cesse comme à sa fin.
Voilà deux caractères d’opposition bien prononcés entre les deux principes de la théologie égyptienne, Osiris et Typhon, qui, comme a très bien observé Plutarque (38), répondent à l’Ormuzd et à l’Ahriman des Perses, et aux principes de bien et de mal, de lumière et de ténèbres, qui sont aux prises dans l'administration de l’Univers (39), suivant toutes les théologies, sans en excepter celle des Juifs, ni celle des Chrétiens.

La bonté fut donc le caractère d’Osiris ; et parmi les actes de sa bienfaisante puissance, on distingua celui de la végétation universelle, par laquelle tout naît et croît ici-bas. C’est cette activité féconde qu’exprimaient ses statues symboliques, soit qu’on le peignit sous l'emblème d'un homme qui va exercer sa faculté génératrice, soit qu’on le représentât sous l’emblème du signe céleste, sous lequel se développe cette force, et avec tous les caractères de la génération. C’est là l'origine des fameuses pamylies, ou des fêtes ityphalliques, célébrées en honneur d’Osiris, fêtes que les Grecs ont adoptées (40) dans le culte de leur Dieu à tête et à pieds de taureau, connu sous le nom de Bacchus, le même que l’Osiris des Égyptiens, suivant la remarque des Grecs (41) cités par Hérodote, Plutarque et par d’autres auteurs. On portait dans ces fêtes l’image du membre viril, comme dans les phalléphores de la Grèce. On le regardait comme le principe fécond par lequel le Dieu source de tous les êtres les multiplie dans l’acte de sa fécondité éternelle.
Comme l’eau, dans la théologie des Égyptiens, était réputée l’élément primitif que la divinité avait fécondé, on disait que les parties sexuelles d’Osiris et les semences de sa fécondité étaient tombées dans les eaux du Nil, appelé originairement chez eux Océan. Cette fiction passa dans la théologie des Grecs qui supposèrent également que, lorsque Chrone ou Saturne eut mutilé Uranus, les parties sexuelles du Dieu, sa semence et son sang mêlés ensemble tombèrent dans les eaux de l’Océan, et donnèrent naissance à Vénus, Déesse de la génération. Cette dernière fiction est évidemment une copie de la première, et a pour base la même opinion physique sur l’eau, le premier des quatre éléments, suivant certains théologiens. C’est par là que Plutarque explique (42) une pratique usitée dans le culte d’Osiris. Dans les cérémonies qui se faisaient en honneur de ce Dieu, on portait en pompe un vase destiné à contenir l'eau. Ce symbole rappelait le dogme des prêtres égyptiens, qui regardaient non seulement l’eau du Nil, mais toute portion du principe humide en général, comme une émanation d'Osiris (43). En effet, Osiris était, comme Bacchus, le maître ou le dispensateur souverain du principe humide de la Nature, dit Plutarque (44). Or, l’on sait que c’était le principe humide qui, dans la théologie égyptienne, était l'élément générateur de toutes choses. Ces idées cosmogoniques furent adoptées par Homère et par Thalès, comme l’observe très bien Plutarque.
Les Égyptiens consacraient aussi à Osiris le bois de figuier. C’était un symbole destiné à exprimer l’irrigation ou l’arrosement, et le mouvement générateur donné à tous les êtres. Ils croyaient remarquer dans le figuier quelque ressemblance avec le membre actif de la génération de l’homme. Le bois de figuier, chez les Grecs, servait à former les phallus de Bacchus. La statue de Priape, dans Horace, était faite d’un tronc de figuier (45). Le phallus des pamylies égyptiennes était triple, pour désigner, suivant Plutarque (46), les trois éléments, terre, air et feu, qui étaient sortis de l’élément primitif ou de l’eau, laquelle, dans le commencement, avait été l'origine de toutes choses. Cette idée cosmogonique a été adoptée par l’auteur de la Genèse. Osiris étant regardé comme l’auteur de l’ordre et de tout le bien de l’Univers, dont l’eau était la matière primitive, on attribua à Osiris tout ce qui entrait dans l'organisation des êtres comme matière première soumise à son action créatrice. C’est de lui que venait l’humide fécond qui renfermait la semence et les germes de tontes les générations, suivant Plutarque (47). Il était le grand demiourgos, qui agissait sur le principe humide qui compose la sève des plantes et la sentence des animaux. Car c'est par cet agent que s’opère le grand ouvrage des générations dans l'immense laboratoire de la Nature.
Osiris, ainsi que le Dieu de Moïse, en s’unissant au principe spiritueux, on à l’âme du monde, fécondait le chaos et organisait l’Univers, en y répandant tous les germes de bien et les principes d’ordre que nous y trouvons. De là le nom et les attributs d'Osiris, qui tous concourent à nous le représenter comme une cause féconde et bienfaisante, laquelle agit dans la Nature par le soleil, sous le nom d'Osiris. Or, comme la végétation des arbres et des plantes dépend du soleil qui, par sa chaleur active, fait monter et (48) circuler la sève, laquelle forme les fruits, Osiris ou le soleil fut regardé comme le Dieu tutélaire de l’agriculture, et le premier planteur de la vigne, celui à qui on devait l’usage des boissons fortes que l’homme substitua à l’eau. On l’invoqua sous ce titre. Ainsi Virgile (49) invoque, à la tète de son poème sur l’agriculture, les deux premiers flambeaux de la Nature, qui engendrent l’année, et avec elle toutes les productions qu'elle voit éclore. C’est le soleil qui est l’auteur de tous les biens dont nous jouissons. Si l’harmonie du monde se maintient dans tontes ses parties, c’est, dit Jamblique (50), parce que la force bienfaisante d’Osiris se conserve pure et incorruptible. Car Osiris, suivant Plutarque (51), est le Dieu bienfaisant. Entre autres idées que présente son nom, il exprime principalement celle d’une force active, ou productrice et bienfaisante. Il avait un autre nom, savoir celui d'Omphis, qu’Hécatée traduisait par le mot bienfaisant.
Nous avons vu jusqu’ici que tous les caractères que lui donnent les traditions sacrées et les explications de Plutarque, ainsi que les divers attributs de ce Dieu, concourent à établir cette double idée sur Osiris, et à peindre sous ce nom le Dieu-soleil, considéré sous les rapports de Dieu créateur, de demiourgos universel, de chef des productions et des reproductions éternelles qui ont lieu ici-bas, enfin de Dieu souverainement bon et bienfaisant. Tel, en effet, le soleil a dû paraître à tous les hommes.

Si on veut encore d’autres autorités qui confirment notre assertion, savoir que le fameux Osiris des Égyptiens n’était que le soleil, et qu’Isis son épouse n’était que la lune, nous en rapporterons quelques-unes, afin qu’il ne reste aucune espèce de doute sur cette vérité. Elle doit nous servir de base pour expliquer leurs aventures par les mouvements et par les apparences célestes, considérées dans leurs rapports avec la végétation et avec les périodes de bien et de mal qui partagent la durée de la révolution que mesurent le soleil et la lune. En effet, s’il est une fois bien reconnu qu’Osiris et Isis ne soient que les deux premiers agents de la Nature, il s’ensuit nécessairement que toute leur histoire se réduit à les allégories physiques et cosmiques, et qu'il faut l’expliquer par le jeu apparent des causes naturelles. Or, cette vérité est encore attestée par d'autres auteurs que ceux que nous avons déjà cités.
Diogène Laërce (52) nous dit que les Égyptiens adoraient, comme Dieux, le soleil et la lune sous les noms d’Osiris et d'Isis, et qu'ils étaient persuadés que rien ne naissait sur la terre que par l'action combinée des différents feux qui brillent dans les astres ; qu'ils les représentaient par des figures d'animaux. Ceci s'accorde parfaitement avec ce que dit Plutarque (53), que le bœuf sacré, connu sous le nom d’Apis, était l'image d’Osiris ; et avec ce que dit Lucien (54), qu'il était la représentation vivante du taureau céleste, à l’influence astrologique duquel il était soumis. Ces astres agissaient sur la matière universelle dont étaient formés les quatre éléments qui entraient dans l'organisation des différentes espèces d'animaux, suivant l'opinion des mêmes Égyptiens, au rapport de Diogène Laërce. Suidas (55) atteste également que les divinités, adorées en Égypte sous les noms d’Osiris et d’Isis, sont le soleil et la lune. Macrobe (56) prétend aussi qu’Osiris est le Dieu-soleil honoré sous ce nom en Égypte, et il y ajoute une description du symbole sous lequel on désignait la puissance de cette divinité. On mettait une espèce d’œil au-dessus d'un sceptre. Cet emblème, dit Macrobe, représentait Osiris ou le soleil, qui, du haut des cieux, exerce sa puissance royale et porte ses regards sur toute la Nature. Aussi l’antiquité a-t-elle appelé le soleil l’œil de Jupiter (57). Sextus Empiricus dit pareillement des Chaldéens qu’ils comparaient le soleil à un roi et à l’œil droit (58). Martianus Capella nomme aussi le soleil l’œil  du monde ; et parmi les différents noms de Dieux qu’il lui donne, il l’appelle le puissant Osiris qu’on adore à Memphis (59), conséquemment l’époux d’Isis dont le bœuf de Memphis était l’image. Il lui donne encore le nom de Sérapis, adoré en commun avec Isis sur les bords du Nil, et dont le culte se rapportait, dit Macrobe (60), au soleil révéré sous un autre nom et sous une autre forme. Parmi la foule des noms que l’oracle de Claros, cité par Eusèbe, donne au soleil, on retrouve aussi celui d’Osiris, roi des astres et du feu éternel (61), qui engendre l’année et les saisons, et qui dispense les pluies et les vents, et ramène l’aurore et la nuit. Dans les chants que les Égyptiens adressaient à Osiris, ils invoquaient, dit Plutarque (62), le Dieu qui siège dans le soleil et qui s’enveloppe de ses rayons, c’est-à-dire la force invisible et éternelle qui modifie le monde sublunaire par le moyen du soleil. Ainsi, David dit de Dieu qu’il a placé dans le soleil ses pavillons brillants.
 
Il parait donc constant, par le témoignage de toute l'antiquité, qu’Osiris et Isis, si fameux dans la théologie égyptienne, se réduisent au soleil et à la lune, ou aux deux causes visibles des générations sublunaires, qui, d'après les principes de la théologie égyptienne (63), étaient censées dépendre du mouvement et de l'action des astres, et spécialement de celle du soleil, à qui ces peuples attribuaient l’organisation universelle du monde, du soleil, leur grand demiourgos, suivant Chérémon et suivant les plus savants prêtres de l’Égypte.
Il parait également constant qu'Osiris était le soleil, considéré sous les rapports d'être fécond et bienfaisant, qui, avec Isis ou avec la lune, faisait naître et croître tout ici-bas, et qui se montrait le premier agent des générations sublunaires et l'auteur de tout le bien de la Nature. Aux preuves par lesquelles nous avons déjà établi cette seconde proposition, nous ajouterons ce que dit Plutarque (64), qu’Osiris est le Dieu connu sous les noms de Bacchus et de Sérapis. Or, Sérapis est le nom du Dieu qui met l’ordre et l’ornement que nous admirons dans le monde, suivant Plutarque. Quant à Bacchus, il était avec Cérès (65), cette Cérès qu’Hérodote assure être l’Isis égyptienne, censée présider à la distribution de tous les biens dont nous jouissons ici-bas, et de ces deux divinités émanait tout ce qu'il y a de beau et de bon dans la Nature. L’une fournissait le germe et le principe du bien, et l'autre le recevait et le conservait comme en dépôt. Telle était effectivement la fonction d’Osiris et d’Isis, ou du soleil et de la lune, dans la théologie égyptienne. Il en était de même dans celle des Perses. On lit, dans plusieurs endroits de leurs livres sacrés, que la lune est dépositaire de la semence et des germes de fécondité que lui communique le taureau, c’est-à-dire d’Osiris ou du soleil, qui prenait au printemps cette forme pour la féconder (66) au moment où l’on célébrait son entrée dans la lune ou son coït avec elle (67). Aussi le taureau prenait-il le nom d’Osiris et d’Apis, de cet Apis qui, suivant Plutarque, est l’image (68) d’Osiris, et, suivant Lucien, celle du taureau céleste (69). Plutarque confirme ce rapport des deux théologies, lors qu’il nous dit que Bacchus amena de l’Inde deux taureaux dont l’un s’appela Apis (70) et l’autre Osiris ; et ailleurs qu’Apis était spécialement consacré à Osiris (71), et qu’Apis et Osiris avaient le même objet (72). Ainsi la lune est fécondée en Perse par le taureau ; et en Égypte, par Osiris, nom du taureau sacré que Bacchus ou Osiris, époux d’Isis, était censé avoir amené avec lui de l’Orient. Dans l’une et l’autre théologie, c’est donc la lune qui agit sur la terre ; mais elle est toujours subordonnée à l’empire du soleil qui s’unit à elle et la féconde, en prenant la forme du taureau, c'est-à-dire du signe équinoxial de printemps, dans lequel on plaça le lieu de l’exaltation de cette planète, ou le lieu de sa plus grande énergie sur la terre. La force d’Osiris, comme dit Plutarque (73), s’exerçait par la lune ; ce qui lui fit donner le nom de mère du monde et lui fit attribuer le double sexe. En effet, elle faisait la fonction de cause passive et de cause active tout à la fois : de cause passive relativement au soleil qui la fécondait, et de cause active relativement à la terre, à qui elle transmettait les germes de fécondité qu’elle avait reçus de l’astre bienfaisant qui organise la matière sublunaire. Dans la théologie des Japonais, c'est aussi la lune qui s'unit au taureau pour faire éclore l’ordre du monde, qui sort de l’œuf symbolique que le taureau sacré des Japonais brise avec ses cornes. Il est bon de rapprocher ainsi toutes ces théologies. On y voit que la lune est partout le grand agent des générations, et que concurremment avec le taureau, ou avec le soleil du taureau, elle est censée verser dans la matière les germes de bien, d'ordre et de fécondité, que la terre, chaque année, reçoit du ciel.
C’est par ces deux agents que le bon principe corrige les germes de mal que le principe ténébreux attache à la matière. L'activité bienfaisante d’Osiris en triomphe, et les enchaîne pour quelque temps par l'organisation que reçoit la matière, sur laquelle agit la force puissante qui met l’ordre et les formes régulières qui embellissent le monde (74). Or, ce bon principe, ce principe fécond, c'est le soleil ou Osiris, dont le taureau Apis est l'image vivante, et qui prend lui-même le nom d’Osiris ; car Osiris et Apis, suivant le plus grand nombre des prêtres d’Égypte, sont deux noms qui concourent à exprimer la même idée (75), savoir : celle de la force créatrice bienfaisante qui est le principe de la végétation et de toutes les générations sublunaires. Ces énormes testicules qu'on voulait qu’eût le bœuf Apis tendaient à exprimer cette idée de fécondité, comme nous l'avons déjà observé. Les taureaux sacrés des Égyptiens, suivant Diodore (76), tant celui qu'on appelait Apis que celui qu'on nommait Mnévis, étaient consacrés à Osiris, et recevaient à ce titre les hommages que l'on rend à la Divinité, et cela par une loi commune à tous les Égyptiens. Le taureau Mnévis était celui que les Égyptiens honoraient à Héliopolis (77) ou dans la ville du soleil. Il était le taureau sacré d’Osiris, dit Plutarque ; ce qui exprime bien les rapports qu'on avait cru devoir établir entre Osiris et l'animal céleste auquel le soleil ou Osiris s'unissait tous les ans à l'équinoxe de printemps. Nous ne pouvons trop revenir sur cette idée.
 
Celle observation sur le soleil du taureau, et sur l'influence qu'il exerçait sur le principe humide de la Nature, était d'autant plus importante pour les Égyptiens que c'était à l'équinoxe de printemps que l'on commençait à remarquer une espèce de mouvement dans l’eau du fleuve, qui peu à peu se soulevait et croissait au point d'épancher ses eaux sur les terres de l’Égypte qu’il fertilisait. C'était aux approches de la néoménie équinoxiale que ce premier ferment commençait à se développer, si nous en croyons Eusèbe (78) dans l'explication qu'il nous donne d'une figure symbolique destinée à représenter la néoménie de l'équinoxe de printemps et les effets qu'elle produisait sur le Nil. Il résulte de ce qu'il nous dit que, si la terre d’Égypte recevait sa fécondité des eaux du Nil, le Nil lui-même la recevait de l'action combinée qu'exerçaient sur lui le soleil et la lune dans leur union équinoxiale, au moment où se faisait la conjonction d'Osiris avec la lune, pour me servir des termes de Plutarque (79).
Ce sont ces rapports de fonctions semblables, entre le Nil et la terre, entre Osiris et la lune, qui ont fait souvent confondre par les anciens Osiris avec le Nil et Isis avec la terre (80). Effectivement, le Nil était à la terre ce qu’Osiris était à la lune, c'est-à-dire, dans les rapports de principe fécondant et de principe fécondé. Mais en remontant à l'origine du bien et de la fécondité que répand le Nil, on voit que la source en est primitivement dans le ciel et dans le soleil du taureau, dont le bon principe emprunte sa forme pour mettre l'ordre et l’activité dans la matière terrestre. Il a pour agents intermédiaires la lune et le Nil, qui, avec l'air fécondé par la lune, servent de canal de communication et de véhicule aux émanations du ciel jusqu'à la terre, laquelle les couve, les conserve et les fait entrer dans sa substance. Aussi disait-on que le Nil était un écoulement d’Osiris (81), comme on disait d'Osiris lui-même qu’il était le principe de tout l’humide fécondant qui se trouve dans la Nature, et surtout de celui qui entretient la verdure et qui fait la beauté du printemps (82). Enfin on le regardait, dit Plutarque, ainsi que Bacchus (83), comme le maître souverain de l’humidité de la Nature ou de la Nature humide ; parce que c’est lui qui distribuait la sève dans les arbres et qui entretenait la végétation. Au contraire Typhon, son ennemi, était le principe aride qui arrêtait la sève et desséchait les productions de la Nature. C’est celui qui se manifeste en automne (84), suivant Plutarque, au lieu que la force féconde et spermatique d’Osiris avait pour premier agent l’humidité qui lui sert d'intermédiaire pour s’unir à la matière qu'il organise par la génération (85). C'est ce qu'indique la fiction qui suppose que les parties sexuelles d’Osiris furent jetées dans les eaux du Nil ; ce qui donna lieu à l'institution des fêles ityphalliques. C'est, continue Plutarque, l’humide qui, amollissant la dureté excessive de la Nature aride, produit les exhalaisons dont s’alimente le principe actif ou le spiritus fécond, connu sous le nom de Jupiter ou d’âme universelle, lequel n’a point de plus grand ennemi que la Nature aride et que le feu desséchant (86). C'est ainsi que, dans la théologie des Perses, on voit Ahriman, dans la guerre qu'il fait à Ormuzd, répandre sur les arbres et sur les plantes une eau brûlante qui les dessèche. Typhon est de même, dans la théologie égyptienne, le principe d’aridité et de stérilité qui dessèche l'humidité féconde que verse Osiris ou le bon principe, lequel produit l'intumescence des eaux qui fertilisent le sol d’Égypte. Voilà pourquoi Plutarque (87) dit que, par la tyrannie de Typhon et par les embûches qu’il dresse à Osiris, on doit entendre cette force dessiccative qui consume l’humidité, qui alimente et accroît l'intumescence du Nil. Aussi, dit-il, célébrait-on la mort d’Osiris en automne, au moment où le Nil se retire des campagnes, lorsqu’il laisse la terre à sec et qu'il rentre dans son lit.
 
Nous croyons devoir insister sur cette partie de la théologie égyptienne, parce qu'elle exprime le caractère des deux principes lumière et ténèbres, bien et mal, considérés dans leurs rapports avec la terre et avec les alternatives de génération et de destruction qui partagent la durée de la révolution annuelle du soleil. Dans les autres pays, à la place du Nil, on substitua ces pluies fécondes dans lesquelles descend l'éther ou le Dieu tout-puissant, dont parle Virgile, lorsqu'il s'unit à la terre et qu'il vient la féconder. On les opposa aux vents arides d'automne, qui dessèchent les plantes, et aux pluies abondantes, mais infécondes, qui ne produisent que la putréfaction des fleurs, des plantes et des feuilles (88). En effet, on doit regarder comme agents de Typhon, dit Plutarque (89), non seulement la sécheresse, les vents dangereux, la mer, les ténèbres, mais en général tout ce que la Nature renferme de nuisible et de propre à engendrer la corruption et à produire la destruction. C'est à la suite de cette réflexion que Plutarque développe la théorie des deux principes opposés dans la Nature, qui se retrouve dans toutes les théologies, et que nous avons exposée dans notre deuxième livre (90).
Il voit, dans Typhon ou dans l'ennemi d'Osiris, le principe de corruption de la matière (91) que rectifie et corrige Osiris, non pas en le détruisant, mais en y versant les biens, qu'elle n'a pas d’elle-mème (92). C’est de ce principe vicieux du monde de ténèbres, ou du monde inférieur, auquel est attaché Ahriman ou Typhon, que naissent les tremblements et les secousses violentes qu'éprouve la terre, les agitations tumultueuses de l’air, les ardeurs brûlantes, les foudres et tous les météores ignées, la corruption pestilentielle qui infecte l’air et les eaux.
Ce principe désastreux fait des excursions jusqu’à la sphère de la lune, et obscurcit l’éclat brillant des cieux et des astres par d'épaisses ténèbres. Tel, en effet, la théologie des Perses nous peint Ahriman (93), et celle des Égyptiens, Typhon, dans le poème de Nonnus (94). Tel aussi le livre de l’Apocalypse nous peint cet ange malfaisant, qui ouvre le puits de l’abîme d’où sort la fumée qui obscurcit le soleil (95). Cette révolte du mauvais principe contre le principe de bien et de lumière, soit Ormuzd, soit Osiris, soit le Dieu créateur, père des anges de lumière, a été représentée dans toutes les cosmogonies sous toutes les formes. Osiris, au contraire, suivant Plutarque, remplit la matière du monde (96), par le moyen d’Isis, des principes de bien, de pureté et d'ordre, par lesquels se soutient l'harmonie de la Nature (97). Comme c'est à l'équinoxe de printemps que le Dieu créateur ou le principe actif du monde, le Dieu-soleil, organise les plantes, développe les germes que recèle la terre dans son sein, et qu’il produit le bel ordre de choses que nous admirons dans nos climats septentrionaux, depuis le printemps jusqu'à l'automne ; ce sera à cette époque que nous ferons commencer l'exercice de la puissance féconde et bienfaisante du soleil. Ce sera, par la même raison, à l'équinoxe d'automne que nous la ferons cesser, lorsque le principe ténèbres reprend son empire dans l’Univers. En cela, nous sommes d'accord avec les traditions égyptiennes qui rapportaient aux saisons et aux époques variées de la végétation annuelle les aventures d'Osiris, telles que sa mort et sa résurrection. On plaçait la mort à l’équinoxe d’automne, au lever du soir du taureau ou des pléiades, et sa résurrection au printemps, lorsque la végétation reprend une activité nouvelle (98). Ceci est vrai dans nos climats, mais ne s'accorde pas exactement avec la végétation de l’Égypte. Ce n'est donc pas en Égypte qu’on doit en chercher l’origine ; car ce n’est point au sol d’Égypte que cette idée cosmogonique était relative, mais à tout notre hémisphère boréal (99). Aussi Plutarque convient-il que les mêmes cérémonies qui avaient pour objet Osiris ou le soleil en Égypte, se célébraient en Grèce à la même époque (100). Dans toute l'Asie et à l'occident de l'Europe, l’on avait conservé des traditions qui réveillaient les mêmes idées cosmogoniques sur la marche du soleil dans l'hémisphère supérieur et inférieur, et conséquemment sur celle de la végétation qui lui correspond. La suite de ce traité va prouver que c’est effectivement d’après la marche du soleil dans le zodiaque, comparée avec le développement de la végétation avec ses progrès et son terme, et avec les saisons qui en mesurent la durée, que toute l’histoire d’Osiris et ses aventures merveilleuses doivent s’expliquer. C’est à tort que Plutarque, vers la fin de son traité, a voulu rappeler aux idées métaphysiques des platoniciens, et au monde invisible, une fiction qui toute entière a pour base la physique et les phénomènes de l’ordre visible du monde. Osiris ou le soleil est le premier bien et la source féconde de toutes les beautés et de l'ordre d'ici-bas, vers laquelle court sans cesse Isis ou la lune, pour les communiquer à la terre. Elle en verse au printemps les germes dans l’air, dans les eaux et dans la terre, par le moyen du feu céleste démiourgique, qui organise tout, et qui vivifie les éléments jusqu’au moment de la retraite du soleil vers les régions australes. Alors la matière se trouve abandonnée aux outrages et aux chocs de l’esprit tumultueux et désordonné, qui la pénètre, et que le ciel avait subjugué jusque là, et enchaîné dans les organisations régulières des plantes et dans l’ordre et l’heureuse harmonie des saisons, pendant la demi-révolution du soleil, c’est-à-dire, depuis le printemps jusqu’à l'automne. Cette vérité va être démontrée par des preuves astronomiques, tirées des constellations qui figurent dans l’histoire merveilleuse d’Osiris et d’Isis ou du soleil et de la lune, dont la marche est mesurée par la succession des levers et des couchers des astres. Résumons et reprenons le fil de nos idées.
 
D’abord nous avons établi comme principe incontestable que, dans la théologie égyptienne, Osiris était le soleil ; deuxièmement qu’il était le soleil considéré sous les rapports d’astre fécond et bienfaisant, de qui la terre reçoit les germes de bien et d’ordre durant tout le temps destiné à l’action du bon principe, c’est-à-dire depuis l'équinoxe de printemps jusqu’à celui d’automne, termes naturels de la durée du règne d’Ormuzd ou du Dieu source de bien et de lumière. Il résulte de là que le signe du taureau et celui du scorpion, qui répondaient à ces deux équinoxes, à cette époque éloignée, doivent jouer un grand rôle dans cette histoire, et après eux les autres constellations voisines des équinoxes qui fixaient les limites de la durée de l’action féconde du soleil. Or, c’est précisément ce que nous observons et ce qui est arrivé effectivement.
Osiris, comme Bacchus, était peint avec des cornes de bœuf, ou avec les attributs du signe qui autrefois occupait l’équinoxe de printemps. Osiris était le nom du taureau de Bacchus (101). Apis était l’image vivante d’Osiris, et ces deux noms rentraient dans l’expression de la même idée (102). Mais Apis lui-même était l'image du taureau céleste (103), et il portait tous les attributs astrologiques de ce signe. En effet, on voyait sur son épaule le croissant de la lune qui avait son exaltation dans ce signe, et outre cela les marques caractéristiques de la planète Vénus qui y a son domicile, de Vénus Déesse de la génération dont le grand développement arrivait sous ce signe. Tant de rapports déjà prouvés, et qui ne sont réunis ici sous un même point de vue qu’afin de faire mieux voir la liaison qu’il y avait entre le soleil fécond ou Osiris, et le signe de l'équinoxe de printemps, achèveront de convaincre le lecteur que c'est le taureau équinoxial qui figure dans la fable d’Osiris.
Le scorpion, ou le signe de l'équinoxe d'automne, ne joue pas un rôle moins important dans cette même histoire. En effet, c'est pendant le mois où le soleil parcourait le scorpion que le Dieu-soleil, sous le nom d’Osiris, perdait la vie et la fécondité qu’il avait communiquées à la Nature sous la forme de taureau. Typhon que l'antiquité peignit avec des pieds et des mains hérissées de serpents, et qui, dans le planisphère égyptien de Kirker, est casé sous le scorpion, Typhon, suivant Plutarque (104), attaqua Osiris, le mit dans un coffre obscur et le jeta dans le Nil, et cela sous le dix-septième degré du scorpion C'est donc sous le scorpion d'automne qu’Osiris perdait la vie et la fécondité ; et c'était au printemps qu'il la recouvrait, puisqu’alors, suivant le même Plutarque, on célébrait le coït d'Osiris avec la lune (105). Les deux signes astronomiques, taureau et scorpion, étaient donc les formes célestes auxquelles s'unissait le soleil lorsqu’il fécondait la terre et lorsqu'il cessait d’agir sur elle, ou que sa virilité lui était ravie. C’est alors, dit Plutarque (106), que la lumière s'affaiblit, que la nuit reprend son empire et prolonge sa durée ; que le Nil se retire, que la terre se dépouille de sa verdure et les arbres de leur feuillage.
Cette idée cosmogonique est rendue de la manière la plus expressive dans le monument de Mithra, dont nous donnerons ailleurs une explication plus détaillée. On y voit ce scorpion redoutable serrer les testicules du fameux taureau équinoxial sur lequel est monté Mithra, ou le soleil du printemps, et le Dieu de la génération, pour me servir des termes de Porphyre (107). On y voit deux arbres, l'un couvert d’un feuillage naissant, au pied duquel est un petit taureau et un flambeau allumé ; et l'autre chargé de fruits, au pied duquel est un scorpion et un flambeau renversé et éteint. Il est évident que c'est le printemps et l'automne qu’on y a peints. Le taureau dont les testicules sont rongés par le scorpion est évidemment l'Osiris taureau, mis à mort par Typhon, sous le signe du scorpion. Ainsi la cosmogonie des Perses et celle des Égyptiens se trouvent absolument ici d'accord, tant pour l'idée cosmogonique que pour les emblèmes célestes qui servent à la rendre.

Nous en avons une nouvelle preuve dans le poème des Dionysiaques de Nonnus. Le poète y chante les courses de Bacchus égyptien. Dans ce poème, dont nous donnerons bientôt l’analyse, on voit le principe du bien et de la lumière, qui a perdu sa force et ses foudres. Elles lui ont été ravies par Typhon, par celui-là même que nous venons de voir attaquer Osiris et le tuer sous le signe du scorpion. Après un long combat qui finit avec l'hiver, le Dieu-lumière reprend son empire et sa foudre, sous le signe du taureau, et rétablit l'harmonie du monde, que Typhon avait dérangée (108). Le taureau est donc encore ici le signe sous lequel le bon principe, le Dieu de lumière, vient réparer la Nature que Typhon, pendant l'hiver, avait dégradée. Passons aux constellations qui fixent les termes de cette course du soleil dans les signes sous lesquels s’opère le bien de la Nature, ou dans les six signes supérieurs dans lesquels voyage Osiris, lorsqu'il parcourt la terre et qu'il va y répandre ses bienfaits, parmi lesquels on compte le don précieux des raisins et des moissons que le soleil fait croître et mûrir.
Près des limites de l'équinoxe de printemps, sont le grand chien et Orion, au midi de l'écliptique ; au nord, le cocher qui porte la chèvre, femme de Pan. Près de là, et au milieu de l’écliptique, sur la route même du soleil, on trouve les deux gémeaux qui portent les noms de Triptolème et d'Apollon. Près des limites de l'équinoxe d'automne, on remarque, au midi de l'écliptique, le centaure et le loup ; au nord, l’Hercule céleste et la lyre (109) d’Apollon, dont les cordes égalaient le nombre des muses qui l’ont placée aux cieux. Nous avons donc projeté ces constellations sur un planisphère dans le voisinage des points équinoxiaux, ou aux termes de la carrière que parcourt Osiris dans la partie supérieure de notre hémisphère.
On sait que le grand chien ou Sirius fut honoré sous le nom d’Anubis en Égypte, et qu’il était le paranatellon du taureau. On se rappelle ce beau vers de Virgile : "Lorsque le taureau brillant ouvre avec ses cornes dorées les portes de l'année, et que le chien céleste, se couchant avec lui, abandonne l’Olympe" (110). Le commentateur de Virgile, Servius, fixe cette époque du coucher héliaque du grand chien au temps où le soleil parcourt le taureau. Columelle marque ce coucher pour la veille des calendes de mai (111), qui de son temps répondaient vers le milieu du taureau.
Le calendrier des pontifes romains fixe au lendemain le lever de la chèvre qui fait partie du cocher (112), et qu'on dit être la femme de Pan, Effectivement, dans le planisphère égyptien de Kirker, on voit sur le taureau une figure de Pan avec sa flûte à sept tuyaux. Nous le trouverons encore bientôt uni au taureau, dans le planisphère qui nous servira à expliquer les courses d’Isis. Columelle place ce lever au 3 des calendes de mai (113), toujours sous le taureau, lorsque le soleil répond vers le milieu de ce signe, qui autrefois était le premier à partir de l’équinoxe du printemps. Quant à Orion qui est placé aux cieux sous ce même taureau, son coucher héliaque précède de quelques jours celui du chien, mais alors il se couche cosmiquement avec le taureau. Aussi le calendrier des pontifes (114) marque-t-il un coucher d’Orion sous le taureau. C’est également au 5 avant les calendes de mai, ou sous le taureau, que le calendrier de Germanicus César fixe le coucher total d’Orion (115). Nous l’avons déjà placé dans notre planisphère d’Hercule sous ce même signe du taureau, et il y joue un rôle sous le nom de Busiris, amant et ravisseur des Atlantides ou des pléiades. Les gémeaux, qui suivent immédiatement le taureau, se couchent héliaquement lorsque le soleil arrive vers le milieu du taureau. On leur a donné, entre autres noms, ceux de Triptolème et d’Apollon (116).
Les autres constellations sont celles qui avoisinent l’équinoxe d’automne, et qui par leur lever du soir fixaient le départ du soleil dans la route supérieure des signes, le jour même où celles dont nous venons de parler le fixaient par leur coucher du soir ou par leur lever du matin. Ces constellations sont le loup, l’Hercule, soit Ingeniculus, soit Esculape, et la lyre d’Apollon consacrée par les muses et placée par elles aux cieux. Il n’est pas difficile de s’assurer, à l’aide d’un globe, qu’elles montent avec le scorpion ou avec le signe opposé au taureau équinoxial. Nous pouvons y joindre de plus les autorités des anciens auteurs. Hygin (117) et Ératosthène placent le loup au nombre des paranatellons du scorpion, autrefois signe équinoxial d’automne. La sphère indienne de Scaliger l’y met aussi. Ératosthène case pareillement Ingeniculus sous ce signe. Géminus y met la lyre, dont Columelle (118) fixe le premier lever au 9 des calendes de mai, sous le taureau. Il donne plusieurs levers de cette même constellation dans le mois qui répond au taureau.
Ces positions célestes une fois bien déterminées, examinons quels sont les principaux personnages qu'amène Osiris ou le soleil à sa suite, dans ce voyage de bienfaisance qu'il entreprend de faire dans les plus belles contrées du monde où il va répandre les découvertes les plus précieuses à l’humanité, et surtout celles qui ont rapport à l’agriculture.

Diodore nous dit qu’Osiris (119) se fît accompagner de deux de ses fils, l’un Anubis à tête de chien ; et l'autre Macédon à tête de loup. Ce sont précisément les deux formes des animaux célestes qui gardent les termes de sa course, ou les limites équinoxiales. Il ajoute qu'il emmena Pan avec ses satyres ainsi que Triptolème, à qui il avait enseigné l’agriculture, et Apollon qui jouait de sa lyre. Il avait laissé en Égypte Hercule, pour y commander ses armées ; et il avait placé Busiris ou Orion, fils de Neptune (120), près des côtes maritimes pour garder cette partie de son empire.
Il n’est pas, comme on le voit, une seule des constellations ci-dessus nommées, qui, dans cette fiction sacrée, ne joue un rôle, et ne devienne un prince à qui Osiris ou le soleil confie une fiction importante. Voici un précis de cette histoire qui déjà est très abrégée dans Diodore de Sicile (121). Osiris épousa Isis sa sœur, et travailla de concert avec elle à améliorer le sort des hommes. D’abord ils les empêchèrent de s’entre-dévorer par la découverte que fit Isis du froment et de l’orge, que jusque-là on avait laissé croître dans les champs, sans imaginer qu'on en pût tirer parti pour la nourriture de notre espèce. Osiris apprit aux hommes à les cultiver. On adopta d'autant plus volontiers cette nouvelle nourriture, qu'elle était plus agréable et qu’il paraissait avantageux à l'homme de ne pas se nourrir de la chair de ses semblables. On attribue aussi à Isis l'invention des lois qui civilisèrent les premières sociétés, et qui mirent l'homme à l’abri des violences et des outrages de sa cupidité jusqu’alors sans frein. Ce fut Osiris, dit-on (122), qui bâtit en Égypte la fameuse Thèbes aux cent portes, et qu'on appela dans la suite Diospolis. Il éleva un temple en l'honneur d’Ammon, son père. On attribue la construction de ce même temple à Bacchus qui le mit sous l'invocation de Jupiter Ammon dont il était fils (123) ; ce qui est un nouveau trait de conformité entre l'histoire d’Osiris et celle de Bacchus. Osiris construisit aussi d'autres temples en honneur des autres divinités, et donna à des prêtres le soin de leur culte. Osiris et Isis favorisèrent singulièrement tous les artistes et les auteurs des inventions utiles. Ils firent usage du fer pour fabriquer les armes destinées à tuer les bêtes féroces, et les socs de charrue pour cultiver la terre. Ils employèrent l'or à orner les temples des Dieux. Osiris aima principalement l'agriculture et en favorisa les progrès autant qu'il fut en lui. Il découvrit lui-même l'arbuste flexible qui porte le raisin, trouva les moyens de le cultiver ; et il fut le premier (124) qui planta la vigne et qui but du vin. Il apprit aux autres à la cultiver et à garder le vin. Il mit au nombre de ses premiers favoris Mercure, distingué par la sagacité de son génie et par son heureuse aptitude à inventer toutes les choses qui peuvent être utiles à l’homme. C’est lui qui inventa les caractères alphabétiques, qui donna des noms aux choses, et qui fut le père de la littérature. II donna au culte ses formes pompeuses ; il observa le premier la nature et l'harmonie des sons et l’ordre des cieux. Il fut aussi l'inventeur des exercices gymniques, de la lutte et des arts qui donnent la force et la grâce au corps. Il inventa la lyre. Il était le secrétaire d’Osiris, et l'homme de confiance de qui celui-ci prenait des conseils.
Enfin, Osiris, jaloux d’acquérir de la gloire par sa bienfaisance, rassemble une armée nombreuse, dans l’intention de parcourir toute la terre habitée et d’apprendre aux hommes à planter et à cultiver la vigne, et à semer l'orge et le froment. Il était persuadé que, s’il venait à bout d’améliorer la condition des hommes et de les civiliser, la reconnaissance le placerait au rang des immortels ; ce que l’événement a justifié. Après avoir mis dans le plus grand ordre toutes les affaires de son royaume, dont il donna la régence à Isis à qui il associa Mercure pour conseiller ; après avoir chargé Hercule de commander les forces qu’il y laissait, et avoir placé Busiris sur les frontières que baigne la mer, et Antée sur les confins de l’Éthiopie pour les protéger, Osiris quitte l’Égypte avec son armée, emmenant avec lui Apollon son frère, qui le premier trouva le laurier comme lui-même avait trouve le lierre (125). Il se fit aussi accompagner de deux de ses fils (126), pleins de bravoure ; l’un était Anubis, l'autre Macédon ; le premier portait un casque qui représentait une tête de chien, et le second un casque à forme de tête de loup. Il associa aussi à son expédition Pan, qui est singulièrement honoré en Égypte où non seulement il a des statues, mais même où l’on a bâti une ville qui lui est consacrée; c’est Chemmis, autrement Panopolis (127). Il fut aussi accompagné de Maron et de Triptolème ; le premier instruit dans la culture de la vigne, et le second dans celle du blé, et dans l’art de labourer les champs et de faire croître les moissons.
 
Osiris s'avance ainsi vers l'Éthiopie (128) où on lui présente une troupe de satyres qui l’égaie beaucoup : car il aimait les ris, les danses et les jeux. Aussi avait-il à sa suite une troupe de musiciens, et entre autres neuf sœurs qu'on appelait Muses, filles distinguées par leur goût et leurs talents pour la musique, et très instruites à tous égards. Leur chef était Apollon qui prit le titre de Musagètes, ou de conducteur des Muses. Osiris s’était associé tous les gens d’arts et de talents agréables, parce que son expédition n’avait pas pour but la guerre et les combats, mais la bienfaisance qui devait le faire recevoir partout comme un Dieu. Il enseigna aux Éthiopiens l’agriculture, et bâtit chez eux des villes. Pendant qu’il était occupé de ces soins importants, le Nil vint à se déborder, aux approches du solstice et au lever de Sirius, et, s’étant répandu dans les plaines de l’Égypte, il y produisit un déluge (129) qui pensa détruire tous les hommes ; mais Hercule, ayant élevé des digues, sauva une partie des habitants, et fit rentrer le fleuve dans son lit. Osiris, quittant l’Éthiopie, passa en Arabie, et après avoir côtoyé la Mer Rouge, il s’avança jusque dans l’Inde, et vers les contrées les plus inhabitées de l’Orient. Il bâtit dans l’Inde la ville de Nysa, du même nom que la Nysa d’Égypte, où il était né. Il y planta le lierre, et laissa assez de traces de son séjour en ce pays pour que les Indiens se persuadassent que ce Dieu était né chez eux.
Il passa ensuite chez les autres nations de l’Asie, traversa l’Hellespont et vint en Europe où il tua Lycurgue, roi de Thrace, qui s’opposait à ses projets de bienfaisance. Il y laissa Maron pour présider à la culture de la vigne, et il donna la Macédoine à son fils Macédon. Il établit Triptolème dans l’Attique où il montra la culture du blé. Enfin, après avoir mérité la reconnaissance de tous les peuples par les heureuses découvertes qu’il leur communiqua (130), Osiris revint en Égypte, chargé des présents que l’Univers reconnaissant lui avait faits, et il y reçut les honneurs divins, et l’immortalité pour prix de ses bienfaits. Isis et Mercure s’occupèrent d’y fonder et d’y perpétuer son culte par l’établissement d’un cérémonial religieux, par des mystères et des initiations où l’on célébrait sa puissance bienfaisante.
C’est à son retour en Égypte qu’Osiris fut attaqué par Typhon, son frère et son ennemi, qui lui ravit la vie pendant le mois où le soleil parcourait le scorpion. Les détails et les suites de cette mort seront l’objet de notre travail sur le traité d’Isis, et entreront dans l’explication des aventures et des courses de cette Déesse. C’est pourquoi nous n'en parlons pas ici. Nous nous bornerons à rapporter la phrase par laquelle Diodore finit le récit des voyages d’Osiris et l’histoire de sa vie (131). Les prêtres, dit cet auteur, ont conservé longtemps dans le secret les traditions sacrées qui avaient pour objet la mort d’Osiris ; mais à la fin ce secret a percé, et il s’est trouvé, dans la suite de temps, quelques indiscrets qui l’ont révélé. Ils nous ont appris qu’Osiris, après un règne dirigé tout entier sur les principes de la justice, avait péri en Égypte par les attentats de Typhon, homme violent et impie, qui coupa son corps en plusieurs morceaux. Les débris en furent recueillis par son épouse qui les retrouva tous, excepté les parties sexuelles de ce prince. Elle s’unit ensuite à Horus son fils, et tira enfin, vengeance de Typhon et de ses complices.
Voilà à peu près à quoi se réduisent les détails que Diodore nous a donnés de la vie et des aventures d’Osiris. II est aisé de voir que l’auteur de cette légende solaire n’a eu en vue que de peindre la Nature féconde du bon principe Ormuzd qui agît dans le soleil, en nous le représentant sous les traits d’un prince vertueux, juste et bienfaisant, à qui la terre est redevable de tout ce qui contribue à sa félicité, et qui a enrichi l’Univers de ses dons les plus précieux. Cette conséquence, qui nous parait incontestable, va acquérir un nouveau degré de force et de lumière, par l’examen et l’analyse que nous allons faire de l’histoire des deux frères rivaux, Osiris et Typhon, écrite par Synésius. On y verra évidemment que l'auteur a voulu y mettre en action les deux principes lumière et ténèbres, germes, l’un de bien et l’autre de mal ; et les faire contraster entre eux dans cette fiction, comme ils contrastent dans la Nature. L'auteur même, dès les premières phrases de son ouvrage, annonce assez que son but est de mettre en opposition l’âme de la matière avec l’âme céleste, ou le principe ténébreux avec le principe lumineux, qui se mêlent ensemble dans les organisations sublunaires. Voici un extrait abrégé de cet ouvrage dont la lecture ne peut laisser aucun doute sur la proposition que nous avons mise en avant , savoir que l’histoire d’Osiris et de Typhon n’est qu’une allégorie cosmogonique sur les deux principes, et non pas une tradition ancienne qui eût un fond de réalité historique que le merveilleux ait couvert, ou que le temps ait défiguré.
Synésius (132) commence son récit par nous avertir que toute cette histoire est une fable sacrée des Égyptiens, d’un peuple, dit-il, qui a toujours eu une haute sagesse ; et il conclut qu’on doit y voir un but plus relevé que celui d’une fable ordinaire, et qu’elle est digne de toute notre attention (133).
 
Osiris et Typhon, dit Synésius, étaient deux frères, nés de mêmes parents ; mais la parenté des âmes n'est point celle des corps. Il ne suffit pas d’être né sur la terre des mêmes parents ; il faut encore que les âmes soient émanées de la même source, et on en distingue deux sources dans l’Univers. Voilà bien le système des deux principes et des âmes opposées dans la Nature, que nous avons développé plus haut, ou le système de la double âme du monde, l’une lumineuse, l’autre ténébreuse, dont nous avons parlé dans le dernier chapitre du livre second de cet ouvrage (134). L’une de ces sources est lumineuse, l'autre ténébreuse ; l’une jaillit de la terre dans les abîmes profonds de laquelle se trouve son origine, et d’où elle s'élance pour troubler l’ordre établi par les lois divines ; l’autre, au contraire, part du sommet des cieux d’où elle descend ici-bas pour mettre l’ordre et l’ornement dans la matière sublunaire. Mais, en descendant jusqu'à nos régions pour y ordonner et embellir la matière qui, d’elle-même, n’a ni ordre, ni ornement, il est surtout à craindre qu'elle ne contracte des souillures, et qu’elle ne soit troublée elle-même par l’action trop immédiate de la matière dont elle s’approche. C'est en cela que réside l’origine de la véritable distinction qu’on doit mettre entre les âmes, et qui sépare leur nature par le contraste de la noblesse et de la grandeur d'un côté, et par celui de l’obscurité et de la bassesse de l’autre ; d’où il résulte, continue Synésius, que deux hommes nés en des climats très éloignés, un Parthe et un Africain, peuvent être unis par la fraternité la plus intime ; et que deux frères soient très étrangers l’un à l’autre sous le rapport des âmes. Tels étaient les deux frères, Osiris et Typhon (135).
Ce caractère d’opposition dans la nature de leurs âmes s’était manifesté dès leur enfance, et tout le cours de leur vie l'a prouvé par le contraste de leurs actions et de leurs mœurs (136). C’est ce double caractère, ou plutôt leur opposition, qui forme le fond simple sur lequel Synésius a brodé les événements de la vie d’Osiris et de Typhon, son frère et son rival. Ce but est si évidemment marqué, qu’il est impossible de ne pas y apercevoir qu'il a voulu nous tracer, sous la forme de l’histoire, le système de la Providence universelle, fondé sur les deux principes et le caractère des deux âmes, sources de bien et de mal, qui se croisent et se choquent dans l'administration du monde. Car c’est pour concilier l’existence des maux du monde avec l'idée d’une Providence sage et bienfaisante, que les anciens théologiens imaginèrent le dogme des deux principes si universellement répandus chez les Orientaux, et qui subsiste encore de nos jours.
Synésius a donné à son Osiris toutes les qualités, tous les talents, toutes les vertus qu’on peut désirer dans un prince juste, sage et bienfaisant, et il a composé son caractère de tous les traits qui décèlent un heureux naturel et un bon esprit. Il a, au contraire, peint son Typhon sous les traits les plus odieux : il lui a donné tous les vices qui déshonorent un homme, et il en a fait un prince violent, un tyran farouche, détesté pour ses débauches, pour son impiété et ses forfaits. Tout lecteur, qui voudra lire les détails des aventures et de la vie de ces deux célèbres rivaux, reconnaîtra la vérité de ce que nous avançons. Nous nous bornerons à tracer ici l'esquisse de ces deux tableaux qui offrent un si grand contraste. Doué d’un heureux génie, le jeune Osiris montra un vif désir de s’instruire et d’apprendre les fables qui contiennent les principes de la sagesse que l’on inculque aux enfants ; son amour pour les sciences s’accrut avec les années, et il se montrait, comme Christ, toujours supérieur à son âge.  Non seulement il prêtait une oreille très attentive aux leçons de son père, mais encore il saisissait avec avidité tout ce que d’autres personnes pouvaient dire de sage, de manière à donner de bonne heure les plus grandes espérances. Arrivé à la puberté, il montrait déjà tout le calme et la tranquillité de raison qu’on a dans la vieillesse la plus réfléchie. Il était modeste dans ses discours, et la rougeur de son visage décelait souvent la timidité honnête de sort âme. Quoique né sur les degrés d’un trône, il était très respectueux pour les vieillards,leur cédant le pas dans la rue ou leur donnant ailleurs son siège. Il était plein d’égards pour ceux de son âge, et il n’y avait personne qui ne lui obligation de quelque grâce qu’il avait obtenue de son père.
Typhon, son frère aîné (137), était de caractère et de mœurs tout-à-fait opposés ; il n’avait d’aptitude pour rien. Il avait en horreur les maîtres que son père avait donnés à son frère Osiris ; il disait que la science avilissait l'âme et l’asservissait. Il tournait en ridicule la bonne conduite de son frère et le traitait de lâche, parce qu’il ne le voyait jamais maltraiter personne. Il se donnait toutes sortes de licences et se permettait des indécences de tout genre, dont l'historien fait le récit, et que, pour abréger, nous supprimons ici. Il conçut de la jalousie pour son frère et de la haine pour les Égyptiens (138), parce que celui-ci était devenu l'objet de l’estime publique. Il s’entoura lui-même d’une troupe de jeunes gens tous vicieux comme lui, afin de se faire un parti de tous ceux qui n’aimaient point Osiris. Le mal qu’on disait de son frère était le titre le plus sûr pour être admis dans sa familiarité. Cette différence marquée de caractère, dans ces deux enfants, présageait le contraste qu'il y aurait dans tout le reste de leur vie.
L’historien continue le parallèle des deux caractères, dont l’opposition ne fit que croître avec les années, au point qu’ils arrivèrent aux termes extrêmes, l'un de la vertu, et l’autre du vice. Au sortir de l’adolescence, Osiris entra dans les armées, où sa sagesse servit de guide aux plus anciens généraux. Il passa par tous les grades militaires et civils, de manière à honorer toutes les places qu’il remplissait (139), Son frère, an contraire, avilit les moindres emplois qu’on lui confia, dilapida les finances, et rendit malheureuses les provinces qu’il gouvernait. Sa maison était devenue l’asile de la débauche et de la plus honteuse crapule. Il était lui-même, pour me servir des termes de l’historien, un mal qui se reproduisait tous toutes les formés (140) ; c’est bien là le caractère du mauvais principe. Il était dans sa nature de ne souffrir aucun bien (141) ; il était ennemi né du soleil et de la lumière (142), on ne rendait en conséquence la justice au peuple que la nuit. On ne petit mieux peindre la nature du principe ténèbres, ennemi né d'Ormuzd, d'Ormuzd principe de tout bien et de toute lumière. Typhon, dans son administration, donnait chaque jour de nouvelles preuves de stupidité, d’ignorance et de fureur, et il cherchait ses jouissances dans les maux qu'il faisait aux hommes. Leur père, qui avait depuis longtemps démêlé le contraste des deux caractères, voulut prévenir les maux qui menaçaient l’Égypte et se donner un successeur qui en fit le bonheur ; car il était roi, prêtre et sage en même temps (143) : les Égyptiens le mettent même au nombre de leurs Dieux. En conséquence, il convoqua le conseil des électeurs pour procéder au choix de son successeur. Ces électeurs étaient d'abord tout l'ordre sacerdotal, et ensuite tout l'ordre militaire, qui seuls avaient droit de suffrage ; le reste du peuple avait la liberté d'être spectateur (144), à l'exception des étrangers, ou de ceux qui faisaient métier de garder les pourceaux. On voit ici un exemple des ordres privilégiés, qui unissent la force à l’imposture pour asservir les autres hommes.
Ici l’historien nous décrit la forme de l'élection et de l'inauguration des rois en Égypte. Pendant cette élection, la conduite des deux aspirants, Osiris et Typhon, ne démentit en rien leur caractère, et les suffrages se réunirent en faveur d’Osiris. C’est encore ici les prêtres qui, comme autrefois à Reims, donnent des rois au nom de la divinité qui les inspire ; et le peuple écoute le choix des Dieux dont le prêtre est l'organe. Leur choix ici, entre Osiris et Typhon, ne fut pas incertain ni long à faire, et le jeune Osiris eut la préférence sur son frère (145), qui, impatient du résultat, avait, au mépris de toutes les lois, cherché à corrompre les suffrages que son frère, an contraire, avait attendus modestement. Sa pétulance n’aboutit qu’à le rendre témoin lui-même d’un refus que faisaient de lui les Dieux et les hommes, et des malédictions prononcées contre sa personne par les Dieux eux-mêmes. Osiris est, au contraire, appelé par le vœu universel ; il vient recevoir les marques distinctives de la royauté au milieu des applaudissements et des témoignages de la joie universelle. De grands prodiges dans les cieux annoncèrent son avènement au trône (146), et les espérances de bonheur que l’Égypte devait en concevoir. Nous avons vu, dans le récit de Diodore, quelque chose d'assez semblable, lorsqu’il nous dit qu’à la naissance d’Osiris une voix s’était fait entendre, qui annonçait qu’un roi bienfaisant venait de naître pour l’Égypte. Dès ce moment, les génies malfaisants conçurent le projet de corrompre la félicité de l’Égypte dont ils étaient naturellement jaloux et sur laquelle ils s’affligeaient : des prodiges annoncèrent déjà leurs desseins pernicieux.
 
Osiris, ayant été initié aux mystères de la royauté par son père, apprit des génies une infinité de secrets, et surtout que l’abondance de tous les biens allait se répandre sur l’Égypte pendant son règne. Mais en même temps, ils l’avertirent d’écarter son frère qui était né pour la ruine des Égyptiens et pour celle de sa propre maison, s’il ne voulait pas que son empire fût bientôt bouleversé. Ils lui dirent qu’il était nécessaire que Typhon ne pût ni voir par ses yeux, ni apprendre des autres combien allait être grande la félicité dont jouirait l’Égypte sous la règne d'Omis, ajoutant que toute idée de bien répugnait à sa nature. Ils prennent de là occasion de lui développer le dogme de la double origine des âmes, et de lui expliquer la cause de l'opposition qui existe nécessairement entre celles qui tirent leur origine d’ici-bas, et celles qui la tirent d’en haut. Ils concluent qu'il est important de purger son empire de cette nature ennemie, et de la séparer de la nature divine et bienfaisante qui respire dans les bons princes sans être retenue par le lien apparent d'une consanguinité qui ne peut exister entre leurs âmes. Ils lui font en même temps le tableau des malheurs qu’une indulgence déplacée attirerait sur lui, sur les Égyptiens, sur leurs voisins et sur toutes les provinces soumises à leur empire. Ils ajoutent que les précautions et les mesures ordinaires qu'il pourrait prendre, autres que l'expulsion entière de Typhon hors de ses États, n’aboutiraient à rien. Ils lui dirent qu’il était sous la protection des génies malfaisants qui avaient une nature commune avec lui, et à qui il devait servir d'instrument pour opérer les maux qu’ils se plaisaient à faire aux hommes dont la félicité excite leur envie. Ils ajoutent que ce sont eux qui, dans cette vue, ont fait naître Typhon, l’ont élevé, et l’ont formé dans leurs principes, comptant en tirer grand parti pour leurs desseins pernicieux ; qu’il ne manque rien à leurs désirs, que de le voir investi de la souveraine puissance pour pouvoir faire plus de mal ; que la volonté de nuire, accompagnée de la puissance de le faire, mettra le comble aux maux qu’ils méditent. Vous-même, continuent-ils, leur êtes odieux, et ils voient en vous un ennemi, puisque vous êtes l’ami des hommes ; car ces génies se repaissent du spectacle des maux de l’humanité. C’était par une suite de la connaissance qu’ils avaient du caractère doux d’Osiris, que les bons génies ne cessaient de l’exhorter à bannir son perfide frère et à le reléguer loin de ses États (147), en lui représentant que son indulgence causerait ses malheurs et ceux de ses sujets, et qu’il paierait bien cher les égards qu'il aurait eus pour le nom de frère.
À ces sages discours, Osiris répondait qu'il saurait bien se garder des attaques de son frère sans l’éloigner, ainsi que de la haine injuste des mauvais génies dont eux-mêmes, bons génies, peuvent corriger l’action maligne. Ici commence un superbe discours du père à son fils, où il lui fait voir qu’on ne doit pas laisser tout faire ici-bas à la providence des Dieux ; que la sagesse des hommes doit aussi entrer pour beaucoup dans la conduite des affaires de la vie ; que la Providence se sert souvent d’un bon prince (148) comme d’un agent visible destiné à maintenir l’ordre des choses mortelles. Car on doit regarder connue un effet merveilleux de la Providence la naissance d’un homme qui seul prend soin du bonheur de plusieurs milliers d'hommes. Nous n'extrairons pas ce discours qu’on doit lire en entier dans l’auteur, si on veut avoir une juste idée de la manière dont les anciens concevaient la Providence et la conciliaient avec les opérations de la sagesse humaine. La conclusion du discours du père est la même que celle des bons génies ; savoir : qu’il doit exiler loin de ses États Typhon, son frère, s’il ne veut compromettre sa sûreté et celle de tous ses sujets. Il lui annonce que, s’il montre de la faiblesse et de l’indulgence, il sera réduit à réclamer trop tard l'assistance des Dieux (149), En achevant ces mots, le père s'élève au ciel par la route des Dieux, et laisse son fils à la terre ; présent dont elle n'était pas digne !
Dès ce moment, Osiris s'occupa du bonheur des hommes et du soin d'écarter d'eux tous les maux, sans jamais employer la force pour cela ; mais il eut recours à la persuasion, aux Muses et aux Grâces auxquelles il sacrifia, amenant chacun à une obéissance volontaire à la loi. Les Dieux répandirent sur lui, avec profusion, les plus riches dons de la Nature. Il les distribua aux peuples, ne se réservant que le plaisir de faire des heureux, et soutenant courageusement toutes les fatigues d'une immense administration (150). Il fit naître l'émulation des vertus par des récompenses et surtout par son exemple. Il protégea l'érudition et les talents oratoires, persuadé que l’instruction est la source des vertus. On vit surtout la piété et la religion fleurir sous son règne. Son empire semblait être devenu l'école de tous les arts et de toutes les vertus. Il méprisait les richesses pour lui-même, et ne les aimait que pour les verser dans le sein des autres. Il allégea le fardeau des impôts, répara les établissements qui allaient être détruits ; il agrandit et embellit les villes, en bâtit de nouvelles, ou repeupla celles qui étaient désertes. On ne connut sous son règne ni le deuil ni la mort (151). Il allait au-devant des besoins des indigents ; il accordait aux uns des honneurs, aux autres des pensions, afin d'encourager et de soutenir ceux qui avaient des talents utiles. Aucune espèce de mérite ou de service n'échappa à ses recherches, et ne resta sans récompense. Il chercha à vaincre la résistance des caractères les plus pervers, à force de bienfaits ; il osa même se flatter de pouvoir gagner par là son frère et son parti : en cela seulement il se trompa. Car la vertu, loin d'éteindre l'envie, ne fait que l’allumer davantage. Aussi ses vertus et ses succès affligèrent profondément son frère qui pensa mourir de la douleur qu’il ressentit au moment où il le vit monter sur le trône. L'auteur entre ici dans le détail de toutes les marques qu’il donna de son désespoir et de sa violente frénésie (152). Son épouse partagea ses fureurs et son désir de la vengeance, ne pouvant souffrir l’humiliation dans laquelle elle se croyait plongée par l’élévation d’Osiris au trône.
 
Synésius nous fait la peinture de ses mœurs lubriques et de son caractère ambitieux qu’il oppose à la modestie de l'épouse d’Osiris. Celle-ci vivait retirée dans son palais avec Horus son fils. La femme de Typhon releva le courage abattu de son mari en lui faisant chercher des distractions dans les plaisirs et dans la volupté, ou plutôt dans la débauche (153), pendant qu'elle s’occupait elle-même de projets d'usurpation et de vengeance. L’occasion s’en présenta à elle dans la connaissance qu’elle fit de l'épouse d’un générai scythe qui commandait les armées en Égypte. Elle lui persuada avec beaucoup d'adresse qu'Osiris avait conçu des soupçons sur la fidélité de son époux (154) ; qu'il avait formé le projet de lui ôter le commandement, de le rappeler et de le faire punir ensuite, lui, sa femme et ses enfants. L’artifice réussit. Cette étrangère crut aisément ce qu’on lui disait, et elle recevait tous les jours de nouveaux avis qui tendaient à la confirmer dans cette crainte d'une disgrâce de son mari et de l’expulsion totale des Scythes (155). D’un autre côté, l'épouse de Typhon lui insinuait que son mari, frère d’Osiris, appelé par sa naissance, comme lui, au trône, était vivement affligé des projets désastreux de son frère contre ces étrangers, et qu'il pourrait utilement les servir en cette occasion, et abattre la puissance d’Osiris. Elle lui fit entrevoir de grandes espérances, et l'éblouit par les plus brillantes promesses (156). Dès ce moment, les deux femmes s'unissent pour faire réussir leur projet. Ce général scythe reçoit des avis par écrit, qui lui inspirent des craintes ; sa femme, lui fait apercevoir des dangers, et devant lui on laisse échapper des mots qui donnent beaucoup à entendre par l’air mystérieux qu'on y met. Typhon enfin a une entrevue avec lui ; il hasarde de lui faire cette importante confidence, et s'engage à lui abandonner la souveraineté d'une partie de l’Égypte, à lui et à ses Scythes. Le général fait d'abord, quelques difficultés d entrer dans cette conspiration contre un prince révéré de toute l’Égypte ; mais on finit par décider qu'Osiris serait banni, et cela à la suite d'une harangue que Typhon prononça contre lui, devant l'assemblée des Scythes, dans laquelle il avait demandé sa mort. Les barbares se bornèrent à ordonner son bannissement, avec la liberté d'emporter ses biens qu’ils respectèrent comme une chose sacrée (157). Osiris se retira donc, accompagné des Dieux et des génies bienfaisants, pour revenir ensuite, lorsque le. temps marqué pour son retour, par la fatalité, serait arrivé. L'époque de sa disgrâce fut celle du deuil et des larmes de l’Égypte (158). Dès cet instant les Égyptiens commencèrent à célébrer leurs jours tristes et lugubres. L'historien sacré se refuse à nous décrire les persécutions que ce bon prince éprouva. Il se sacrifia pour sa patrie, pour la religion et pour les lois, en se livrant lui-même aux mains des barbares qui menaçaient de tout ravager si Osiris ne leur était abandonné (159). II fut mis dans un vaisseau qui le transporta au-delà du fleuve, pour y être gardé.
Tant que son âme sacrée et divine, dit l’historien, veilla sur le sort de l’Égypte, les maux ne purent y prévaloir. Mais à peine en fut-il exilé que les génies malfaisants (160), devenus les conseillers de Typhon qui était leur ouvrage, y versèrent les fléaux les plus destructeurs. Les impôts s’accrurent au point que les peuples furent écrasés, et il n’est aucune sorte d’injustice et de vexation que les Égyptiens malheureux n’éprouvassent sous la tyrannie du nouveau roi. Toute l’Égypte poussa des gémissements vers le ciel qui, sensible à ses malheurs, songea à la venger, mais non pas sur-le-champ (161), afin que l’expérience du bien et du mal, de la vertu et du vice, apprit aux hommes les plus grossiers à en faire la différence, à sentir le prix des uns, et à concevoir de l’horreur pour les autres. En conséquence, l'auteur continue le récit des injustices et des malheurs de ce règne désastreux. Un seul homme de lettres osa élever la voix contre le tyran et contre ses amis, et chanter les éloges du vertueux Osiris (162). Cette liberté courageuse déplut à Typhon, qui devint son ennemi particulier, et qui lui fit tout le mal qu’il put. Mais enfin un Dieu favorable vint ranimer sa confiance, en l'avertissant, dans une théophanie, que les malheurs de l’Égypte allaient finir, et que la durée, marquée par le destin, n'était pas mesurée par des années, mais par des mois. Il lui désigne, par une figure énigmatique, l'époque heureuse de cette révolution. Sachez, ajouta le Dieu, qu’au moment où ceux qui sont aujourd’hui revêtus de la toute-puissance, voudront innover quelque chose dans la religion, alors toute cette race de géants (163), c’est-à-dire les barbares, disparaîtront de cette terre. Il lui donna encore un autre signe (164), et il lui dit : Au moment où nous purifierons par l’eau et par le feu l’air souillé par le souffle de cette race impie, sachez qu’aussitôt la vengeance tombera sur eux, et que Typhon sera chassé ; alors attendez-vous à voir rétablir un meilleur ordre de choses. C’est par des coups de foudre que nous chassons de tels maux.
Cette promesse consola le malheureux étranger, quoiqu’il ne pût concevoir comment elle pourrait s’effectuer. Néanmoins, lorsqu'il aperçut des innovations dans la religion, et qu’il vit des temples élevés dans Thèbes à des divinités étrangères, il soupçonna que le temps marqué par les destins approchait. Il s'attendit à tous les événement annoncés pour l’époque du retour d’Osiris et surtout pour le moment où son fils Horus s’associerait, non le lion, mais le loup pour compagnon de guerre (165). Quant au sens de cette énigme, dit Synésius, et à l’interprétation qu'on doit donner au mot loup, c’est un mystère qu'il n'est pas permis de révéler aux profanes, même sous le voile de la fable. Pour nous qui sommes moins mystérieux que l'évêque Synésius, nous donnerons bientôt le mot de cette énigme à notre article Isis.
Depuis ce moment, les Dieux firent éclater leur puissance protectrice par les signes les plus sensibles, et on voyait qu'ils allaient (166) bientôt, par quelque exemple frappant, prouver leur providence dont l'idée était presque entièrement effacée du cœur des Égyptiens ; car tant de malheurs ne leur permettaient plus d'y croire. On désespérait aussi de tout secours humain, depuis que Thèbes était devenue comme un camp rempli d’ennemis, lorsque tout-à-coup les barbares et leurs chefs sont frappés d'une terreur panique et courent çà et là dans les rues, semblables à des furieux. Tantôt ils se précipitent le fer à la main, comme s'ils avaient des ennemis à combattre ; tantôt ils se lamentent et demandent la mort ; tantôt ils fuient, tantôt ils poursuivent comme s'ils avaient une faction intestine qui luttât contre eux, quoiqu'il n'y eût dans la ville d'autres gens armés qu'eux, et que tous les Thébains leur eussent été livrés à discrétion par Typhon (167). C'est ici qu'est le miracle dont nous épargnerons au lecteur tous les détails.

On sent bien que l'auteur n'a voulu nous apprendre rien autre chose, sinon que la délivrance de l’Égypte était un coup de la Providence, et que là était visiblement marqué le doigt du Seigneur. Aussi les miracles ne lui coûtent rien dans cette partie merveilleuse de son histoire, pas plus qu’à l'auteur juif qui a chanté la délivrance des Israélites et l'affranchissement de la servitude en Égypte, fable sacerdotale qu'on peut comparer à celle-ci. J’omettrai le miracle de la bonne femme qui demandait l’aumône (168) à la porte de la ville, et qu’un Scythe vient massacrer, lorsque tout-à-coup un Dieu ou un homme semblable à un Dieu attaque le Scythe barbare, le tue, et avec lui plusieurs autres Scythes qui voulurent le venger. Alors l’effroi et la déroute devinrent générales parmi les barbares que le peuple chargea, faisant arme de tout ce qui se trouva sous sa main (169), La ville est délivrée, et les Égyptiens entonnent les chants de la victoire. Inutilement Typhon emploie l’artifice pour rappeler les barbares dans la ville (170) ; on lui ôte à lui-mème le commandement des portes, et on affaiblit la tyrannie. Dans la première assemblée, convoquée chez le grand-prêtre, on allume le feu sacré et on rend des actions de grâces aux Dieux, tant pour la faveur qu’on venait d’en recevoir que pour les biens qu’on en attendait. Tout le inonde redemande Osiris, et le grand-prêtre annonce son prompt retour ainsi que celui de tous les honnêtes gens qui s’étaient attachés à son sort. Cependant on croit devoir encore ménager Typhon et tromper ce tyran qui, abusant de la clémence du peuple, hâtait lui-même sa chute. Une nouvelle conspiration de sa part découverte le fait arrêter (171) et emprisonner. On décide qu’il sera jugé, et qu’un tribunal déterminera le genre de supplice qu’il doit subir. Déjà les Dieux annoncent qu’aussitôt après sa mort il sera jeté dans le Tartare avec les mauvais génies et avec les Titans, pour y être tourmenté, sans espoir de pouvoir jamais jouir, même en songe, de la lumière sacrée de l’Élysée dont la vue fait le bonheur des âmes vertueuses et des Dieux.
Synésius, en terminant le récit de la vie de Typhon, ajoute qu'il a pu tout dire sur son compte, sans crainte de violer le secret des mystères : car il n'y a rien de sacré ni de mystérieux qui puisse appartenir à un être de nature terrestre et ténébreuse ; au lieu que le secret et le mystère regardent Osiris dont la nature divine ne doit pas être dévoilée dans une narration. Quant aux détails de sa naissance, de son éducation, de son élévation au trône et des conspirations formées contre lui, Synésius dit qu’il les a donnés, et qu'il a pu les donner. Il croit pouvoir également peindre son retour et la joie du peuple qui, la tête ceinte de couronnes, court au-devant de lui, et célèbre ce retour par des fêtes de joie, par des illuminations, par des distributions de présents, et surtout en donnant son nom à l'année, honneur qui naturellement appartient au soleil ; car il en est le chef et le père (172). Osiris n’abusa point de son triomphe, et il usa de clémence envers son frère (173) qu'il sauva de la fureur du peuple ; et en cela, dit l’auteur, on doit plutôt louer sa bonté que sa justice. Ici Synésius s’interrompt dans la crainte d’en trop dire sur Osiris et de trahir le secret des mystères qui ne peuvent être dévoilés sans que l'indiscrétion ne soit punie des plus grandes peines.
Il ajoute seulement à son récit (174) que le retour d'Osiris ramena l’âge d’or et ces siècles heureux qui ne finirent qu'au moment où Thémis, autrement la vierge, qui est, dit-il, au nombre des constellations, eut quitté la terre (175). C’est là, continue Synésius, cet âge d'or chanté par les Grecs, et qui n'est autre chose que la durée heureuse du règne d’Osiris. Cette tradition cosmogonique rentre absolument dans notre théorie, comme on la déjà vu dans notre chapitre sur les deux principes, et comme on le verra encore dans notre explication des premiers chapitres de la Genèse et de la théologie de Zoroastre. Nous y prouverons que l'âge d’or des anciens, le paradis terrestre de Zoroastre et de Moïse ne sont autre chose que l'expression figurée de l'état dans lequel se trouve l'homme des climats septentrionaux, depuis l'équinoxe de printemps jusqu'à celui d'automne, et durant tout le temps que la terre éprouve l'action féconde et bienfaisante du soleil qui enrichit sa surface de productions de toute espèce. C'est alors que l'homme éprouve l'heureuse influence du principe de bien et de la lumière, d'Ormuzd, d'Osiris, du Dieu bon, etc., jusqu’à ce qu'en automne il passe sous l'empire d’Ahriman, de Typhon, du prince des ténèbres, ou du méchant. Alors la balance qui était autrefois entre les mains de la vierge céleste, appelée par cette raison Thémis, montait au ciel, ou se dégageait le matin des rayons du soleil qui alors passait dans les signes inférieurs, tandis qu'au printemps cet astre repassait dans les signes supérieurs, dont le premier était le taureau, auquel succéda ensuite l'agneau, et venait réparer la face de la Nature, ou, comme Osiris, ramener l’âge d’or par son retour. Voilà tout le mystère. C'est une allégorie cosmique sur le système des deux principes. Aussi l’évêque Synésius finit-il son récit comme il l’avait commencé, en mettant sous les yeux de son lecteur le système de la double âne du monde (176), et celui des deux tonneaux de Jupiter, dont l'un contient le bien et l’autre le mal, qui se répandent et se mêlent dans le monde sublunaire. Cette dernière allégorie, empruntée d’Homère, est également rapportée dans le traité d’Isis par Plutarque (177), à l'endroit où il parle de la Providence et du système des deux principes qui fait la base des allégories sacrées de tous les peuples, et principalement de celles des mages et des Égyptiens, ou des fables faites sur Osiris et Typhon, sur Ormuzd et sur Ahriman.

Ormuzd ou Osiris étant le principe bienfaisant qui nous verse la lumière, il n’est donc pas étonnant que les auteurs anciens aient dit, comme nous l’avons vu plus haut, que le fameux Osiris des Égyptiens était l’astre qui rassemble le plus en lui de substance lumineuse, l’astre qui paraît être le foyer de la lumière universelle du monde, ou le soleil. Son ennemi naturel, ce sont les ténèbres. Il n’est donc pas surprenant que Synésius nous ait dit également que Typhon, rival d'Osiris, était, par sa nature, l'ennemi né du soleil et de la lumière du jour (178). C’est la rivalité ou l’opposition nécessaire et éternelle de ces principes qui se chassent mutuellement et qui se détrônent à chaque révolution annuelle aux deux époques, printemps ou sous le taureau, et automne ou sous le scorpion, que les sages d’Égypte ont voulu décrire sous la forme d'une histoire, conformément au génie allégorique de ces peuples et de ces siècles-là. Mais Synésius nous avertit, en commençant son histoire, que c'est la fable sacrée d’un peuple en réputation de sagesse, et qu’on doit lui supposer un but plus élevé que celui d'une fable ordinaire. Quel est ce but, si ce n'est celui d'expliquer la grande énigme du bien et du mal de la Nature dans le système de la Providence? Quel est le héros principal de la fiction ? Le soleil, ou le Dieu qui féconde la Nature par sa chaleur, et qui l'embellit par sa lumière. C’est donc une fable sacrée faite sur le soleil considéré dans ses rapports d'astre bienfaisant à notre égard, par opposition au principe de résistance et de mal qui est attaché et inhérent à la nature de la matière grossière qui compose le monde élémentaire et terrestre où nous habitons. Toute l’histoire d’Osiris, tant celle dont nous avons pris les traits dans Diodore de Sicile et dans Plutarque, que celle que nous avons extraite de Synésius, nous conduit nécessairement à ce résultat, c’est-à-dire, à y reconnaître la description des effets produits ici-bas par l'action féconde et bienfaisante du ciel dont le soleil est censé l’âme ; action dont la durée, dans nos climats, est renfermée dans les six signes supérieurs, ou entre les signes de l'équinoxe de printemps et ceux de l’équinoxe d’automne. La circonstance de sa mort, sous le signe du scorpion, et la forme qu'il emprunte lui-même du taureau dont Apis est l'image, est une observation que nous avons déjà faite et qui ne doit échapper à personne. Ces traits seuls et cet accord marqué avec les formes célestes, sous lesquelles se développe et s’arrête la force féconde et bienfaisante du soleil, forment une démonstration complète. Si nous y ajoutons le concours des constellations principales qui fixent ces mêmes époques du mouvement annuel du soleil, et qui entrent, comme acteurs, dans l’histoire allégorique d’Osiris rapportée par Diodore, il ne pourra rester aucun doute sur la nature de cette fable, ni sur l'objet de la fiction, qui est de peindre les effets produits pendant six mois par le soleil et par les constellations qui se lient à son mouvement. Il suffit de jeter un coup-d'œil sur notre planisphère, ou sur la carte qui retrace la carrière supérieure du soleil avec les constellations qui en fixent les deux termes, pour être frappé de la correspondance qu'il y a entre les tableaux du ciel et ceux de cette allégorie. Cet accord doit avoir lieu nécessairement si Osiris est le soleil, comme toute l'antiquité savante l'a répété, et si ses voyages sont la marche de cet astre dans les signes supérieurs, comme nous croyons l'avoir fait voir en développant les rapports sous lesquels on l'envisage dans cette fiction.
À égale distance des deux équinoxes, est placé le solstice qui alors répondait au lion. À cette époque le Nil se débordait au lever du fleuve du verseau, ou de l’homme qui tient l’urne dont l'eau du verseau s’échappe. Cet homme, dit Théon (179), fait déborder le Nil par le mouvement de ses pieds. Alors Sirius se levait le matin, tandis qu'on voyait au couchant l’ingeniculus, appelé Prométhée, ainsi que l’aigle céleste ou le vautour. Nous avons déjà projeté ce dernier dans notre carte des travaux d’Hercule avec le verseau, parce qu’il est un des paranatellons de ce signe. Il l'est donc aussi du lion, signe opposé au verseau ; ce qui forme une nouvelle correspondance entre cette constellation et le vautour de Prométhée, tué dans ces deux fables. Ces circonstances astronomiques, qui fixent le milieu de la course du soleil ou des voyages d’Osiris, n'ont point été oubliées : car Diodore (180) suppose que, pendant qu’Osiris était en Éthiopie, ou sous le tropique d’été qui passe par ce climat, le Nil se déborda au lever de Sirius. Il ajoute que Prométhée pensa périr dans ses eaux ; que ce fleuve impétueux prit le nom de l'aigle de Prométhée ; mais qu’Hercule le fit rentrer dans son lit, ce qui donna lieu à la fiction du vautour de Prométhée, tué par Hercule. On voit évidemment que l’histoire du vautour de Prométhée et de sa mort ne se trouve liée avec le lever de Sirius et avec le débordement du Nil au solstice, que parce que le lever de la belle étoile Sirius, d'un côté, et le coucher de la brillante du vautour céleste, de l'autre, fixaient l’époque du solstice et celle du débordement du Nil.
Voilà à peu près toutes les apparences astronomiques qui entrent dans l’histoire allégorique d’Osiris, rapportée par Diodore. Comme son récit est très abrégé, on ne compte pas un grand nombre de constellations ; nous en trouverons un plus grand nombre employées dans le poème de Nonnus sur le même Osiris célébré, sous le nom de Bacchus dans les Dionysiaques de ce poète. Le récit de Synésius n’offre presque pas de rapports astronomiques, si ce n’est l'allusion au loup mystérieux, auquel s’associe Horus (181) : nous en parlerons bientôt dans la vie d’Isis.
 
Il parait que Synésius a regardé la partie astronomique de cette fable sacrée comme appartenant au secret des mystères, et qu'il n’a osé en dire davantage. Il s'est étendu plus librement sur la partie morale et sur le tableau des caractères supposés des deux frères ennemis, dans lequel il s'est plu à exposer le contraste des vertus et des vices qui mettent une différence immense entre les bons et les mauvais princes. Car on remarque en général que les anciens n’avaient pas qu'un seul but dans leurs fables sacrées, mais qu'ils tendaient à plusieurs, mêlant beaucoup d’idées morales aux allégories physiques et cosmiques. La partie morale devenait la leçon du peuple (182), et la partie physique ou savante était pour les prêtres et les théologiens qui cachaient la science de la Nature nous ce voile. Les Égyptiens proposaient  à tous les siècles le modèle d’un bon roi dans leur Osiris, et le tableau d’un mauvais prince dans leur Typhon ; et, pour donner plus de force à leur doctrine, ils enseignaient au vulgaire que ces princes, de caractère si différent, avaient véritablement existé, et que le premier, par ses vertus, avait mérité l’immortalité et la reconnaissance de tous les siècles. Annoncer au peuple que ce n'était qu’une fiction théologico astronomique, c était rompre le charme de l’illusion, et manquer le but moral et politique que l’on se proposait d’atteindre. Mais les savants n’ignoraient point que cet Osiris était le soleil fécond et bienfaisant, de qui la terre tenait tous les biens dont elle jouissait. Ce secret, échappé des sanctuaires, a passé jusqu'à nous, et a été conservé par les historiens qui, comme Diodore, Diogène-Laërce et Plutarque, nous disent qu’Osiris est le soleil et Isis la lune. L’examen que nous venons de faire de la vie du premier nous a confirmé la vérité de leurs témoignages. Celui que nous allons faire des aventures de la seconde prouvera qu’ils ne nous ont pas trompés davantage sur cette dernière.
Nous observerons seulement en finissant que, dans Synésius, la retraite du soleil loin de nos climats a été désignée allégoriquement sous le nom d’un exil semblable à celui d’Apollon, lorsqu’il fut chassé du ciel pour avoir tué les Cyclopes qui forgeaient la foudre du Dieu à tête de bélier, ou de Jupiter qui reprend ces mêmes foudres au printemps, après qu’elles lui ont été ravies par Typhon ou par le principe du mal et des ténèbres. Au contraire, dans Diodore et dans Plutarque, et dans les mystères de l’Égypte, cet éloignement était censé être une mort pour la Nature ou pour la terre qui n'éprouvait plus l'action bienfaisante du soleil ; et son retour vers nos climats était appelé insurrection. Nous parlerons dans la suite des fêtes de deuil et de joie qui eurent lieu à ces différentes époques du mouvement du soleil, et on y verra que la fiction de la mort tragique d’Osiris fut généralement répandue, et qu’elle fut la base des cérémonies religieuses des Égyptiens et de tous les autres adorateurs du soleil. Nous allons bientôt avoir lieu d’en parler dans notre examen de la vie d’Isis et de ses courses. Mais cette théorie recevra tout son développement dans notre traité de la religion solaire, telle qu'elle a été adoptée par les Chrétiens, et telle qu'elle existe encore chez eux. Nous y renvoyons le lecteur. Passons maintenant à Isis.

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Notes

  1. Cette doctrine était aussi celle des Stoïciens qui n'admettaient qu'une divinité unique, dont les noms variaient à raison de ses opérations variées, dit Servius (Serv. Com. in Aenaeid., l. 4, v. 638).
  2. Jamblich., c. 39.
  3. Diod. l. 1, c. 11, p. 14.
  4. On remarque en effet qu’Osiris et Isis avaient, dans le culte égyptien, la même prééminence que le soleil et la lune ont dans la Nature. Ces deux divinités étaient communes à toute l’Égypte, comme l'action bienfaisante de ces deux astres l’est à l'Univers (Herod., l. 2, c. 42).
    Le commentateur anonyme de Denis le Voyageur, sur le vers 216, dit que les Éthiopiens donnaient au soleil le nom de Siris, à cause de son éclat brillant ; nom qui fut donné pareillement à la plus belle des étoiles, Sirius, ou à la brillante du grand chien. Si cela est, on sent que les Grecs, ajoutant l'article o, durent faire Osiris, nom du soleil, la grande divinité de l’Égypte,
  5. Diod. l. 1, c. 11, p. 15.
  6. Ce sont les cinq éléments, ou les cinq puissances de la théologie des Indiens. Peut-être répondent-elles aux cinq divinités, Osiris, Isis, etc.
  7. Diod. l. 1, c. 11, p. 15, 16.
  8. Ce sont là les Dieux célestes et éternels, ajoute Diodore (Diod. Sic., l. 1, c. 8, p. 19), après avoir dit que le soleil, la lune et les éléments mus par eux étaient autant de divinités en Égypte ; ce qui est absolument conforme à notre théorie sur les Dieux, ou sur les causes physiques, considérées comme Dieux par les anciens, et comme Dieux dont le culte fait la base de la religion universelle. Diodore fait régner après eux des hommes qui portaient le même nom que les Dieux naturels, et à qui leurs vertus avaient acquis l’immortalité. Ces prétendus personnages apothéosés, dont Diodore nous a conservé les histoires merveilleuses, ne sont autre chose que les héros des légendes sacrées, faites sur les Dieux naturels eux-mêmes. L’explication que nous allons donner de ces aventures merveilleuses, par les Dieux naturels, en sera une preuve complète.
  9. Jamblich., c. 39.
  10. Diod. l. 1, c. 9, p. 17.
  11. Diod. l. 1, c. 9, p. 18.
  12. Diod. l. 1, c. 10, p. 19.
  13. Diod. l. 1, c. 11, p. 22.
  14. Diod. l. 1, c. 12, p. 23.
  15. Diod. l. 1, p. 24.
  16. Diod. l. 1, c. 13, p. 25.
  17. Diod. l. 1, c. 15, p. 29.
  18. De Iside, p. 355.
  19. Le troisième jour des épagomènes, celui où l’on lisait la naissance de Typhon, était placé au nombre des jours funestes, et les rois, ce jour-là, s’abstenaient de rendre la justice (De Iside, p. 356).
  20. De Iside, p. 356.
  21. De Iside, p. 361. 362.
  22. De Iside, p. 376.
  23. De Iside, p. 377.
  24. De Iside, p. 382.
  25. De Iside, p. 383.
  26. Plut. de Iside, p. 368.
  27. Plut. de Iside, p. 359.
  28. C'est ce que Jamblique appelle les raisons de vie et de forme, qui sont en dépôt dans Isis (Jamblich. c. 36).
  29. De Iside, p. 362.
  30. De Iside, p. 368.
  31. De Iside, p. 371.
  32. De Iside, p. 372.
  33. De Iside, p. 371.
  34. De Iside, p. 369.
  35. De Iside, p. 371.
  36. De Iside, p. 371.
  37. Les Égyptiens désignaient leur Typhon, ou le principe de désorganisation de la nature, par le nom de Violent ou de Seth (De Iside, p. 367, 371), qui signifie cela dans leur langue. Ils donnaient le même nom à l’astre Sirius, connu par la violence des ardeurs solsticiales.
    Ils donnaient encore à Typhon les noms de Baebon, de Smy, qui désignent une violente contrariété, une opposition, un rebroussement ; ce qui caractérise parfaitement le mauvais principe Ahriman, qui sans cesse contrarie Ormuzd, et gâte son ouvrage (De Iside, p. 376).
    Cette vérité philosophique, sur l’existence des deux forces contraires qui se choquent dans la nature, et sur les combats de la double âme de l’Univers, sera rendue plus sensible, dit Plutarque (De Iside, p. 371), par l'application que nous en ferons à la théologie égyptienne ou aux aventures d'Osiris et de Typhon. C'est effectivement là le fond de ce roman théologique.
  38. De Iside, p. 369, 370.
  39. Typhon était censé habiter le Tartare (De Iside, p. 374), le lieu où se choquent les élément des corps en discorde, avant qu’Osiris, ou le principe du bien, y eût versé l’ordre et l’harmonie par son union à la matière.
  40. De Iside, p. 355.
  41. Herod. l. 2, c. 48, Plut. De Iside, p. 365.
  42. De Iside, p. 365.
  43. De Iside, p. 366.
  44. De Iside, p. 364.
  45. Horace, l. 1, satire 8.
  46. De Iside, p. 365.
  47. De Iside, p. 364.
  48. La chaleur imprime le mouvement universel d’où résulte la vie, tandis que le froid, enchaînant tous les fluides, donne la mort. Typhon était donc ce principe d’inertie (De Iside, p. 376), qui entrave sans cesse l'activité de la nature mue par Osiris. En conséquence on lui consacra l'animal le plus contrariant et le plus tardif, l’âne, nous dit Plutarque (De Iside, p. 363)·
    C’était à Osiris, suivant Diodore (Diod., l. 1, c. 55, p. 99), qu’on attribuait l'établissement du culte des bœufs, par honneur pour l'agriculture et pour les inventeurs du labourage.
  49. Virg. Georg., l. 1, v. 5.
  50. Jamblich., sect. 6, c. 7.
  51. De Iside, p. 368.
  52. Diog. Laert. Præm., p. 7.
  53. De Iside, p. 362.
  54. Lucian de Astrol., p. 986.
  55. Suid. in voce δσγμα.
  56. Macrob. Saturn., l. 1, c. 21.
  57. Plut. De Iside, p. 371.
  58. Sext. Emp., l. 5, p. 343.
  59. Martian. Capell de Nupt. Philo, l. 2, c. 2.
  60. Macrob. Sat., l 1., c. 20.
  61. Euseb. Præp. Ev., l. 3, c. 15.
  62. De Iside, p. 372.
  63. Euseb. Præp. Ev., l. 3, c. 4.
  64. De Iside, p. 362.
  65. De Iside, p. 377.
  66. Zend-Avest., t. 2, p. 16, 17, 18, 363, 371.
  67. De Iside, p. 368.
  68. De Iside, p. 368.
  69. Lucian de Astr., p. 986.
  70. De Iside, p. 362.
  71. De Iside, p. 370.
  72. De Iside, p. 362.
  73. De Iside, p. 368.
  74. De Iside, p. 368.
  75. De Iside, p. 362.
  76. Diod., l. 1, p. 13.
  77. De Iside, p. 364.
  78. Præp. Ev., l. 3, c. 12.
  79. Plut. De Iside, p. 368.
  80. De Iside, p. 363, 366.
  81. De Iside, p. 363, 366. Plut. Sympos., l. 7, c. 8, p. 369.
  82. De Iside, p. 364.
  83. De Iside, p. 365.
  84. De Iside, p. 364.
  85. De Iside, p. 365.
  86. Zend-Avest. Boundesh., p. 356.
  87. De Iside, p. 366.
  88. Plut. De Iside, p. 369.
  89. Plut. De Iside, p. 371.
  90. Voy. Ci-dessus, l. 2, c. 5.
  91. Typhon, ainsi que tous les géants, était né des flancs de la matière ou de la terre (Apoll. Hesiod. Diod., l. 1, c. 16).
  92. De Iside, p. 373.
  93. Zend-Avest. Boundesh., p. 355.
  94. Nonnus Dyonys., l. 2.
  95. Apocalyps., c. 9, v. 2.
  96. De Iside, p. 374.
  97. Dans la fameuse inscription gravée sur une colonne élevée en Arabie en honneur d’Osiris, ce Dieu se dit né de l’œuf, comme Phanès, et d'un germe dont la substance est de la nature de celle du jour (Diod., l. 1, c. 17).
  98. De Iside, p. 377.
  99. C’est sur ce principe qu’a été composé notre planisphère, destiné à expliquer les voyages d’Osiris. Nous avons consulté l'état général de la nature et de la végétation dans tout l'hémisphère boréal ; et nous n'avons rien désigné de particulier à l'Égypte, que les époques de la sortie et de la retraite des eaux de son fleuve. La végétation, d’ailleurs, y est en sens opposé à celle des autres climats, en grande partie. Ainsi les phénomènes météorologiques, et les opérations agricoles désignées sous chaque signe du planisphère, doivent s’appliquer à tout l'hémisphère boréal pris dans sa généralité.
  100. De Iside, p. 378.
  101. De Iside, p. 362.
  102. De Iside, p. 362.
  103. Lucian de Astrol., p. 986.
  104. De Iside, p. 356.
  105. De Iside, p. 368.
  106. De Iside, p. 366.
  107. Porphyr. de Antr. Nymph., p. 124.
  108. Nonnus Dyonys., l. 3.
  109. Hygin, l. 2, c. 8.
  110. Virgi. Georg., 1, v. 217. Servius, ibid.
  111. Columelle, l. 11, c. 2, p. 415.
  112. Ovid. Fast, l. 5.
  113. Ovid. Fast, l. 5. Columelle, l. 11, c. 2.
  114. Ovid. Fast., l. 5.
  115. Germ. Cæs. sub Finem.
  116. Hygin., l. 2.
  117. Hygin., l. 4, c. 13.
  118. Columelle, l. 11, c. 2.
  119. Diod., l. 1, c. 10 et 11, p. 20, 21.
  120. On se rappellera ce que nous avons dit de Busiris dans la vie d'Hercule, et de ses amours avec les pléiades, et comment nous avons prouvé qu'il est Orion. Aussi avons-nous casé Orion dans les deux planisphères, avec les Atlantides, sous le taureau. Cet accord des deux fables, qui se réunissent à placer Busiris et ses aventures sous le lieu du passage du soleil aux signes supérieurs, et à les lier au taureau, et à un prince qui a des cornes du taureau, prouve la vérité de notre conjecture, qu’effectivement Orion a été désigné sous le nom de Busiris dans ces deux histoires merveilleuses.
    C’est à la suite de la défaite de Busiris qu'Hercule bâtit la Thèbes aux cent portes, dont ici on attribue la fondation à Osiris. Voilà donc un trait de rapprochement entre ces deux divinités. Il en est encore un autre, c'est qu’Hercule fut mis à mort par Typhon, comme Osiris, et qu'il ressuscita comme lui. Cet accord ne se trouverait pas dans deux fables, en apparence si différentes, si elles n'avaient pas pour objet le même être, le soleil. D’autres attribuent la fondation de Thèbes à Busiris lui-même, ou à un de ses descendants qui portait ce même nom (Diod., l. 1, c. 29, p. 54). Il est à remarquer que la Thèbes de Grèce fut bâtie par Cadmus, dans l’endroit où se couchait un bœuf qui avait le croissant de la lune sur son épaule ; le même bœuf qui enleva Europe, et qui est placé au ciel sur Orion, dans le signe qui, suivant Nonnus (Nonnus Dyonis., l. 3), monte aux cieux, et y brille au printemps, lorsque Cadmus conçoit le projet de bâtir Thèbes. Toutes ces traditions sont bonnes à rapprocher ; car c’est aussi sous le taureau qu’Hercule est censé bâtir Thèbes, dans l'histoire d'Hercule. Il n'y eut pas réellement de roi appelé Busiris, qui immolât des étrangers, observe Diodore (Diod., l. 1, c. 56, p. 99) ; c'était, dit cet historien, le nom du lieu où fut enterré Osiris. Ceci nous reporte aux cieux près d’Orion, ou prés de la fameuse vache dans laquelle Isis renferma les membres de son époux, lorsqu’elle lui donna la sépulture, comme nous verrons ailleurs.
  121. Diod., l. 1, c. 9, etc., p. 18.
  122. Diod. Sic., c. 11.
  123. Germ. Cæs., c. 18. Hygin., l. 2.
  124. Germ. Cæs., c. 19.
  125. Ceci est un nouveau trait de ressemblance entre Bacchus et Osiris. Le lierre était consacré à Osiris (Diod., l. 1, c. 10, p. 21) ; on l'appelait même en Égypte la plante d'Osiris. On préféra la feuille de cet arbuste à celle de la vigne, parce que le lierre est toujours vert, et que la vigne se dépouille de ses feuilles, et n'est pas, comme le lierre et le laurier, un symbole de perpétuité.
  126. Germ. Cæs., c. 11.
  127. On verra bientôt, dans l’explication des aventures d'Isis, que ce furent les Pans qui habitaient Panople, qui les premiers s'aperçurent de la mort d’Osiris.
  128. Diod., c. 11.
  129. On verra dans notre ouvrage, à l’article des Cycles, que le débordement du Nil, qui arrive au solstice d’été régulièrement, au lever du matin de Sirius, et au lever du soir du verseau, a été chanté sous le nom de déluge de Deucalion. La position des cieux, pour cette époque allégorique, nous est donnée par Nonnus, et elle suppose que le soleil était au solstice. Le poème sur Osiris, connu sous le nom de Dionysiaques, s'accorde donc ici avec la légende d’Osiris, conservée par Diodore. Cet auteur nous apprend que le fleuve d’Égypte porta successivement les noms d’Océan, d’Aigle, d’Egyptus, et enfin de Nil.
  130. Diod., c. 12, p. 24.
  131. Diod., c. 12, p. 24.
  132. Synesius, de Provident., l. 1, p. 89.
  133. On observera que Synésius a intitulé l'ouvrage qui contient cette fable, ou plutôt que cette fable remplit tout entier : Livre de la Providence. Ce qui prouve bien qu’il s’agit d'y examiner la manière dont la divinité agit dans le monde, dans lequel se mêlent les biens et les maux. Ainsi Plutarque expose la théorie des deux principes (Plut. De Iside, p. 369), en parlant de l'opinion sur la Providence, qu’il dit être une opinion très ancienne, universellement répandue, et qui entre dans toutes les légendes religieuses.
  134. Voy. ci-dessus, l. 2, c. 7.
  135. Ibid., c. 5.
  136. Synes., l. 1, de Provid., p. 90.
  137. Synes., l. 1, de Provid., p. 90.
  138. Synes., l. 1, de Provid., p. 91.
  139. Synes., l. 1, de Provid., p. 92.
  140. Synes., l. 1, de Provid., p. 91.
  141. Synes., l. 1, de Provid., p. 96.
  142. Synes., l. 1, de Provid., p. 96.  
  143. Synes., l. 1, de Provid., p. 93.
  144. Synes., l. 1, de Provid., p. 94.
  145. Synes., l. 1, de Provid., p. 95.
  146. Synes., l. 1, de Provid., p. 96.
  147. Synes., l. 1, de Provid., p. 97.
  148. Synes., l. 1, de Provid., p. 99.
  149. Synes., l. 1, de Provid., p. 102.
  150. Synes., l. 1, de Provid., p. 103.
  151. Synes., l. 1, de Provid., p. 104.
  152. Synes., l. 1, de Provid., p. 105.
  153. Synes., l. 1, de Provid., p. 107.
  154. Synes., l. 1, de Provid., p. 108.
  155. Synes., l. 1, de Provid., p. 109.
  156. Synes., l. 1, de Provid., p. 110.
  157. Synes., l. 1, de Provid., p. 111.
  158. Plutarque observe qu'à la même époque où les Égyptiens célébraient des fêtes de deuil, les Grecs en célébraient aussi ; et cela en automne, à l'approche des semailles, au lever du soir des pléiades, dans le même mois où l’on supposait que Typhon avait renfermé Osiris dans un coffre. Il parle, entre autres, des fêtes du deuil de Cérès qui venait de perdre Proserpine sa fille, que Pluton emmenait avec lui aux enfers. Cette correspondance n’a rien d'extraordinaire ; car les Grecs empruntèrent leurs mystères et la plupart de leurs fêtes religieuses, des Égyptiens qui ont été les pères de presque toutes les religions (Plut. De Iside, p. 378).
  159. Synes., l. 1, de Provid., p. 111.
  160. Plutarque (Plut. De Iside, p. 361) suppose pareillement que Typhon, par l’effet de sa malignité naturelle et de la jalousie qu’il concevait de la félicité des hommes, troubla tout, et répandit les maux de toute espèce sur la terre et sur la mer, jusqu’à ce qu'il en eût été puni, et qu’Osiris et Isis eussent vengé la terre. Au contraire, il place Osiris et Isis au nombre des bons génies, qui exercent une grande puissance sur la terre et dans les Cieux.
  161. Synes., l. 1, de Provid., p. 112.
  162. Synes., l. 1, de Provid., p. 113.
  163. Synes., l. 1, de Provid., p. 114.
  164. Le signe énigmatique que le Dieu lui indique, c’est qu’au moment où le temps marqué par les destins sera arrivé, "les sceptres de l'Égypte porteront élevées des griffes d’animaux féroces, et les oiseaux sacrés baisseront la tête." C’était un symbole mystérieux, gravé sur les obélisques et sur les temples, mais dont il n’était pas permis de révéler le sens.
  165. Synes., l. 1, de Provid., p. 115.
  166. Synes., l. 2, p. 116.
  167. Synes., l. 2, de Provid., p. 117.
  168. Synes., l. 2, p. 118.
  169. Synes., l. 2, de Provid., p. 119.
  170. Synes., l. 2, de Provid., p. 121.
  171. Synes., l. 2, de Provid., p. 123.
  172. L'auteur ajoute qu’Osiris, dans sa retraite, s’était livré à la contemplation, et s'était fait initier aux mystères de tous les Dieux célestes ; en sorte qu’il avait profité même de son exil. Ceci nous rappelle une tradition égyptienne (Plut. De Iside, p. 376) rapportée par Eudoxe, savoir, que Jupiter avait aussi vécu dans la solitude, parce que ses jambes s'étaient tellement réunies, qu'il ne pouvait marcher, et que ce fut Isis qui lui rendit le jeu facile de ses mouvements ; allusion manifeste à la lenteur de son mouvement au tropique d'hiver.
  173. Synes., l. 2, p. 124.
  174. Dans le récit de Plutarque, Isis, après avoir mis aux fers Typhon, ne le tue pas (a) ; elle le remet même en liberté ; ce qui indigne Horus, son fils, qui craint de nouveaux outrages de la part de son ennemi. Cette fiction porte sur ce dogme-ci, que, dans la Nature, le principe du bien, en lutte avec celui du mal, peut le vaincre et l'enchaîner, mais qu'il ne le détruit pas entièrement. Le monde, dit Plutarque (b), forme un ensemble composé du mélange de facultés contraires, mais dont les forces sont inégales. La meilleure force a bien le dessus ; mais elle ne peut extirper entièrement la mauvaise, qui est fortement enracinée dans le corps et dans l'âme de l'Univers, où elle contrarie sans cesse le principe du bien.
  175. Synes., l. 2, p. 124.
  176. Synes., l. 2, p. 126.
  177. Plut. De Iside, p. 369.
  178. Synes., p. 93.
  179. Theon, p. 136.
  180. Diod., c. 16, p. 22.
  181. Synes. de Provid., l. 1, p. 115.
  182. C’est ainsi que les prêtres, qui ont fait la légende du soleil adoré sous le nom de Christ homme, dont la vie devait servir de modèle aux autres hommes, l'ont peint humain, bienfaisant, et enseignant par son exemple la morale, que, sous son nom, le prêtre voulait enseigner.

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