ASTRONOMICON LIVRE CINQUIÈME, par Marcus MANILIUS

Marcus Manilius, le poète et astrologue latin du début de notre ère, détaille avec inspiration la façon de relier l'Ascendant et les constellations, dans le cinquième livre de son Astronomicon.

À voir également sur De Sphæris : ASTRONOMICON LIVRE PREMIER

Un autre eût ici terminé sa course céleste; après avoir traité des signes dont le mouvement est contrarié par celui des cinq étoiles errantes, de Phœbus porté sur un char à quatre chevaux, et de Diane se promenant sur le sien attelé de deux coursiers, il s'abstiendrait de toute recherche ultérieure; il descendrait du ciel, et sur sa route il visiterait les orbes inférieurs de Saturne, de Jupiter, de Mars et du Soleil, et après avoir traversé ceux de Vénus et de Mercure, il étudierait les errances de la Lune. Le ciel veut que je poursuive ma course: il m'a fait monter sur un char éthéré, et prendre mon vol jusqu'à sa cime la plus élevée; il me défend de le quitter avant que de l'avoir parcouru en entier, avant que d'en avoir visité toutes les constellations.

D'un côté, je me sens appelé par Orion, partie très étendue du vaste firmament; par le Navire qui a porté tant de héros, et qui vogue encore parmi les astres; par le fleuve (1) qui serpente au loin dans le ciel; par le Centaure et par la Baleine écailleuse, qui présente sa gueule menaçante; par le gardien vigilant du jardin des Hespérides et de ses pommes d'or (2); par le Grand Chien dont l'univers entier ressent les feux; par l'Autel des dieux, auquel l'Olympe paye le tribut de son hommage. Je vois de l'autre côté le Dragon qui se replie entre les deux Ourses; le Cocher roulant encore son char, et le Bouvier conduisant sa charrue; la couronne d’Ariane, présent vraiment céleste; Persée armé de son glaive et vainqueur de l'horrible Méduse; Céphée et son épouse, qui semblent méconnaître leur fille Andromède; le Cheval ailé (3), tout rayonnant d'étoiles; le Dauphin disputant de vitesse avec la Flèche; Jupiter sous l'enveloppe d'un oiseau (4); et plusieurs autres astérismes qui roulent dans étendue ciel (5). Tels sont les objets que j’entreprends de chanter: je décrirai leurs propriétés, leurs influences, soit à leur lever, soit lorsqu'ils se précipitent dans l'Océan; je déterminerai quel degré des douze signes ramène chacune de ces constellations sur l'horizon. C'est le créateur de l'univers qui leur imprima dans l'origine leur énergie particulière, et qui détermina le temps où cette force devait être déployée.
Le chef du troupeau, vainqueur de l'Hellespont, auquel il procura ce nom, en s'y déchargeant d'une partie de son fardeau, qui y perdit même sa précieuse toison, et qui donna occasion à la princesse de Colchos (6) de porter à Iolcos l'art funeste des empoisonnements, et de le répandre de-là sur toutes les parties de la terre; le Bélier, comme s'il naviguait encore, traîne à suite la Poupe du Navire Argo, voisine de lui, et à la droite de laquelle il est situé (7). Cette Poupe commence à hisser ses premiers fanaux, lorsque le quatrième degré du Bélier monte sur l'horizon. Quiconque naîtra sous un tel ascendant, sera capitaine de vaisseau; fermement attaché au timon, il préférera la mer à la terre; les vents seront les dépositaires de sa fortune, il parcourra, s'il est possible, toute l'étendue de l'Océan, désirant rencontrer à l'embouchure de quelque nouveau fleuve une nouvelle armée d'Argonautes, intimider son pilote Typhis, et le forcer de chercher son salut au milieu des plus dangereux écueils. Que le Navire ne produise point de tels navigateurs, il n'y aura plus de guerre de Troie; l'effusion du sang ne sera plus le prix, tant du départ d'une flotte, que de son arrivée au lieu de sa destination; Xerxès n'embarquera pas toute la Perse, il ne creusera pas de nouvelles mers, il ne construira pas de pont sur les anciennes; le succès des Athéniens à Salamine n'amènera pas leur ruine entière à Syracuse; les débris des flottes de Carthage n'encombreront plus les mers: le monde ne paraîtra pas balancer à la journée d'Actium, et le fort du ciel ne semblera pas dépendre de l'inconstance des flots. C'est sous la conduite de tels chefs qu'on voit des vaisseaux courir toutes les mers, rapprocher toutes les parties de la terre, et nous procurer à l'aide des vents toutes les commodités que notre globe peut fournir.


À la gauche du Bélier, et avec son dixième degré, Orion se lève: c'est la plus belle des constellations, elle paraît embrasser toute l'étendue de l'Olympe: lorsqu'elle est sur l'horizon, traînant comme à sa suite le ciel entier, la nuit, émule du jour, semble ne pas vouloir déployer ses ailes ténébreuses. Orion procure un génie vif, un corps alerte, un caractère prompt à obliger, un courage infatigable dans les plus fâcheuses circonstances. Un seul homme de cette espèce vaut tout un peuple, il habite tous les quartiers d'une ville, il est à toutes les portes, il est ami de tout le monde, ses visites du matin sont générales, tout citoyen reçoit de lui le même salut.
Mais lorsque le quinzième degré du Bélier se montre à l'orient, le Cocher sort du sein des ondes, son char gravit de la partie inférieure du ciel, on le voit paraître vers la plage d'où le glacial Borée nous fait sentir le froid piquant de son haleine. Cet astérisme inspire ses propres inclinations, ce goût qu'il avait sur terre pour la conduite d'un char, et qu'il conserve encore dans le ciel. On aimera cet exercice, on se plaira à guider le frein écumeux qui retient la bouche de quatre coursiers attelés, à modérer leur trop grande vivacité, à les faire caracoler à propos. Ou, dès que la barrière sera ouverte, et que les chevaux l'auront franchie, on saura hâter leur course; penché en devant, on semblera vouloir devancer les coursiers, les roues toucheront à peine la superficie de l'arène, on surpassera la vitesse du vent. Ou, parvenu à la tête de ceux qui disputent le prix de la course, on leur coupera le chemin, pour les empêcher de prendre l'avantage; on emploiera mille ruses pour retarder leur marche, et leur fermer en quelque sorte toute la largeur du cirque. Ou, si l'on se trouve au milieu de la troupe, assuré de la qualité du sol, on saura tourner à droite, aussitôt qu'il en sera temps, s'approcher de la borne le plus près qu'il sera possible, tenir jusqu'à la fin les esprits indécis sur celui qui remportera la palme. On aura aussi le talent de conduire deux chevaux accouplés, de sauter de l'un sur l'autre, de se tenir alternativement debout sur chacun des deux, de voler de l'un à l'autre, et d'accompagner cet exercice de mille tours d'adresse. Ou plusieurs, montés chacun sur un seul cheval, tantôt feront l'exercice de leurs armes, et tantôt entrecouperont leur course dans le cirque, en offrant l'image d'un combat simulé. En un mot, on aura tous les talents qui peuvent avoir trait au maniement des chevaux. C'était sous le Cocher sans doute qu'était né Salmonée, qui faisant rouler un char à quatre chevaux sur un pont d'airain, croyait imiter le ciel, et s'imaginait qu'en contrefaisant la foudre, il pouvait se faire passer pour Jupiter descendu sur terre. L'insensé s'aperçut bientôt qu'il n'était pas facile d'imiter le tonnerre, et renversé par un foudre véritable, il éprouva combien son pouvoir était inférieur à celui de Jupiter. Ne doutez pas que cette même constellation n'ait présidé à la naissance de Bellérophon, qui se frayant au ciel une route nouvelle, vola jusqu'aux étoiles. Le ciel était sa carrière; il voyait la Terre et l'Océan sous ses pieds: il ne laissa dans sa course aucun vestige de la route qu'il avait tenue. Telles sont les influences du Cocher au moment de son lever.

Lorsque le degré ascendant du Bélier doublera le nombre de dix, les Chevreaux commenceront à nous montrer leurs ondoyants mentons, et leurs dos hérissés monteront bientôt après au-dessus de l'horizon vers la partie boréale du ciel. N'attribuez pas à cette constellation la naissance de ces hommes graves et sévères, austères comme des Caton, qui punissent de mort leur propre fils, comme Manlius, qui aient le courage d'un Horace; la charge serait trop pesante pour un tel astérisme; les Chevreaux pétulants ne sont pas capables d'inspirer des sentiments si nobles, ils s'amusent à des objets légers, ils sont l'image des cœurs lascifs, ils sont ardents à toute sorte de jeux, ils aiment à faire parade de leur intrépide agilité. Ils engagent la jeunesse dans des amours illicites; guidé non par la vertu, mais par la passion, on affronte mille dangers; la mort même n'a rien de terrible, pourvu qu'on se satisfasse. Et cette mort en effet est le moindre des malheurs; le plus grand est le crime qui y a conduit. Les Chevreaux donnent aussi de l'inclination pour la garde des troupeaux; ils président à la naissance de ceux qui chargés de les conduire aux pâturages, portent toujours au cou un tendre pipeau, dont ils tirent successivement des sons mélodieux.
Mais lorsqu'à deux fois dix degrés du Bélier il en sera joint sept autres, les Hyades se lèveront. Ceux qui naissent alors sont ennemis du repos; l'inaction ne leur paraît être d'aucune utilité: ils sont donc partisans du peuple, ils aiment le trouble: les tumultes séditieux, les disputes bruyantes sont de leur goût, ils se plaisent à entendre les Gracques haranguer du haut de la tribune, à voir le peuple retiré sur le mont sacré, et Rome presque sans citoyens; ces petites guerres intestines les flattent; ils tiennent en haleine la vigilance des magistrats. D'autres gardent à la campagne des troupeaux d'animaux immondes: c'est sous ces étoiles sans doute qu'était né le fidèle porcher (8) du fils de Laërte. Tels sont les penchants que les Hyades inspirent, lorsqu'elles se lèvent à l'instant de quelque naissance.
Lorsque le Bélier, montrant son dernier degré à la terre, est entièrement levé, totalement sorti du sein des ondes, on commence à voir la Chèvre; elle veille à la garde de ses Chevreaux, qu'elle a fait passer devant elle: elle se lève du côté du pole glacé, à la partie droite du ciel. Nourrice de Jupiter, elle lui tint en quelque sorte lieu de mère: faisant couler son lait dans les veines de ce dieu encore enfant, elle lui donna la force de lancer la foudre. Ceux qui naissent sous elle sont naturellement timides; leur esprit craintif prend l'alarme au moindre bruit, et s'effraie des plus vains fantômes. Ils sont d'ailleurs portés à visiter des terres inconnues: telle la Chèvre gravit sur les rochers, pour y chercher de nouveaux arbustes, et se plaît à avancer toujours, pour paître en des lieux qu'elle n'a pas encore fréquentés.
Lorsque le Taureau, reculant d'un pas précipité, nous montre la sixième partie de l'espace qu'il occupe (9), il fait lever les Pléiades, sœurs célestes, égales en éclat. Ceux dont elles éclairent alors la naissance, sont amis de Bacchus et de Vénus. Dans la joie des festins, ils se livrent facilement à la pétulance, ils égaient les convives par le sel mordant de la plaisanterie. Ils ont toujours le plus grand soin de leur parure: curieux d'une propreté recherchée, ils disposent leurs cheveux en boucles flottantes, ou ils les retiennent avec des bandelettes, pour en former un toupet épais et relevé, ou enfin ils changent de têtes, en s'adaptant une fausse chevelure. Ils emploient la pierre-ponce, pour adoucir la peau de leurs membres hérissés; ce qui tient en eux de l'homme, leur est en horreur; ils désireraient que leurs bras ne se chargeassent jamais d'aucun poil. Ils s'habillent en femme; s'ils sont chaussés, ce n'est pas pour l'usage, mais pour la parure; leur démarche est efféminée, et comme entrecoupée. Ils ont honte d'être hommes, et leur aveuglement est tel, qu'avec ces défauts ils ambitionnent de passer pour honnêtes. C'est peu pour eux d'aimer, ils veulent qu'on les tienne pour véritablement amoureux.
Les Gémeaux présentent ensuite au-dessus des eaux de l'Océan leurs étoiles, unies par les liens de la fraternité. Le septième degré de ce signe amène le Lièvre: ceux qui naissent sous cette constellation, ont presque reçu de la nature des ailes et le don de voler, tant est grande l'agilité de leurs membres, égale presque à celle des vents. Ils ne sont pas encore partis de la barrière, et ils ont déjà remporté le prix de la course; par la souplesse de leurs mouvements, ils parent les rudes atteintes du ceste, aussi industrieux à esquiver les coups de l'adversaire qu'à lui en porter d'assurés. Qu'une balle leur échappe, ils sont singulièrement adroits à la reprendre d'un pied léger, qui fait alors l'office de la main; ils sautent continuellement, en jouant à ce jeu, et leurs mains sont perpétuellement en action, toujours promptes à renvoyer la balle. Un autre jette en l'air tant de balles, qu'en retombant elles le couvrent presque tout entier; alors ses mains agiles se trouvent à toutes les parties de son corps, prêtes à recevoir et à renvoyer les balles; lesquelles instruites en quelque sorte de la route qu'elles doivent tenir, obéissent à l'ordre, et retombent autour du joueur. Ces sortes de gens veillent en dormant (10); ils sont industrieux à écarter tout sujet d’inquiétude; dans un paisible loisir, ils ne s'occupent que de varier leurs amusements.
Passons aux astérismes voisins de l'Écrevisse; à sa gauche se lèvent les étoiles du Baudrier d'Orion (11). Ceux qui les ont pour ascendant, vous affectionnent particulièrement, Méléagre, vous qui avez été consumé par des flammes éloignées de vous, vous qui par votre mort rendîtes la pareille à votre mère (12), vous qui perdîtes peu à peu la vie, avant que de rendre le dernier soupir. Ils ont une égale vénération pour celui (13) qui soulagea Atlas du poids de son fardeau; pour l'héroïne (14) combattant sur les rochers de la Calédonie, surpassant les hommes en courage, portant le premier coup à un monstre, qu'il semblait qu'une fille ne pouvait pas même impunément regarder; pour Actéon enfin, quant à la partie de sa vie passée dans les forêts, et qu'on peut proposer pour modèle, avant que par un événement tout-à-fait extraordinaire il devînt la proie de ses chiens. Ils chassent de même aux filets; de vastes montagnes sont environnées d'épouvantails de plumes; on prépare des fosses frauduleusement recouvertes; on dispose des pièges perfides; les bêtes sauvages au milieu de leur course, se trouvent arrêtées dans les cordes qui leur sont tendues; le fer ou les chiens terminent la chasse, et l'on emporte la proie. D'autres se plaisent à poursuivre dans la mer toute espèce de poissons, et à étaler sur la grève les animaux monstrueux qu'ils ont tirés des gouffres de l'Océan: ils portent la guerre sur l'eau et jusque dans les bras de mer les plus orageux; ils coupent par des filets le courant des fleuves; ils suivent avec ardeur leur proie, partout où ils soupçonnent qu'elle s'est retirée. La terre ne suffit plus au luxe de nos tables, nous sommes dégoûtés de ce qu'elle fournit; il faut, pour satisfaire nos goûts, que Nérée nous procure des productions d'un autre élément.
Procyon (15) paraît, lorsque le vingt-septième degré de l'Écrevisse sort de l'onde. Il ne forme pas à la vérité des chasseurs, mais il fournit les instruments nécessaires à la vénerie: il enseigne à former les jeunes chiens à la quête, à distinguer leur espèce par la race dont ils sortent, leurs qualités par le lieu de leur naissance; à faire des filets, de forts épieux garnis de leur fer, des javelots souples et noueux; à fabriquer en un mot toutes les armes, tout l'équipage convenables à un chasseur: on en fera commerce, et ce sera l'objet d'une profession lucrative.
Lorsque le Lion commence à nous montrer sa terrible gueule, le Chien se lève, la Canicule vomit des flammes (16): l'ardeur de son feu la rend furieuse, et double la chaleur du Soleil. Quand elle secoue son flambeau sur la terre, et qu'elle nous darde ses rayons, la terre, prête à être réduite en cendres, paraît être à son dernier moment, Neptune languit au fond de ses eaux, les arbres des forêts sont sans sève, les herbes sans vigueur. Tous les animaux cherchent un asile en des climats lointains; le monde aurait besoin d'un autre monde, où il pût se réfugier. La nature, assiégée de feux brûlants, éprouve des maux, dont elle-même est la cause, et vit en quelque sorte sur son bûcher. Tant est grande la chaleur répandue par tout le ciel ! Les feux de tous les astres semblent concentrés dans un seul. Lorsque cette constellation, sortant des eaux, commence à gravir sur le penchant du globe, celui que l'eau de la mer effleure alors au moment de sa naissance, sera d'un caractère violent et impétueux; livré à ses fureurs, il sera la terreur et l'objet de la haine du public: il précipite sans jugement ses paroles; il n'a pas encore parlé, et il a déjà manifesté son emportement: le sujet le plus léger le met hors de lui-même, il écume, il hurle au lieu de parler; il se tord la langue, et ne peut achever son discours. Un autre défaut rend celui-ci plus redoutable encore: Bacchus augmente la fureur de cet homme, et sa rage indomptée est poussée aux derniers excès. La nuit des forêts, la raideur des montagnes, la vue d'un Lion terrible, les défenses d'un sanglier écumant, les armes dont les bêtes sauvages sont pourvues, rien n'est capable de l'intimider; il déploie sa fureur contre le premier ennemi qui se présente. Au reste ne soyez pas surpris qu'une telle constellation inspire de telles inclinations. Ne voyez-vous pas qu'elle chasse elle-même dans le ciel? Elle cherche à atteindre dans sa course le Lièvre qui fuit devant elle.
Lorsque le dernier degré du vaste signe du Lion monte sur l'horizon, on voit paraître la Coupe, qui semble comme ciselée par l'éclat des étoiles qui la décorent. Celui qui est redevable à cet astérisme de ses mœurs et de ses inclinations, doit aimer les plaines arrosées de ruisseaux, les rivières et les lacs: il se plaira à vous marier, ô Bacchus, avec l'ormeau, à vous donner sur les coteaux des dispositions et un ordre symétriques; ou se confiant sur vos forces, il vous étendra en treilles, et vous abandonnera à vous-même; ou du principal cep il retranchera des provins, qu'il soutiendra avec des échalas, et dans les intervalles des plants, il sèmera des légumes. Et comme les façons de culture varient infiniment suivant les lieux, il étudiera et suivra les usages de chaque contrée. D'ailleurs il ne ménagera pas le vin qu'il aura recueilli; il jouira des fruits que la vigne lui a procurés; il boira avec plaisir son vin sans mélange, il noiera volontiers sa raison dans son verre. Il ne se contentera pas des fruits que la terre lui fournira chaque année; il prendra à ferme les impôts sur les denrées; il fera commerce de marchandises, de celles surtout qui doivent à l'eau leur production et leur accroissement. Tel est le caractère de ceux qui naissent sous la Coupe, constellation amie de tout ce qui a rapport à l'humidité.
Érigone paraît ensuite: lorsque ses cinq premiers degrés auront été soustraits à la mer, on verra au-dessus des eaux le monument éclatant de la Couronne d'Ariane. Elle inspirera du penchant pour des occupations douces et tranquilles: cela doit être; on voit se lever d'un côté les dons de la Vierge, de l'autre la Vierge elle-même (17). On cultivera des parterres embellis de fleurs; on y fera naître la pâle violette, la jacinthe pourprée, le lys, le pavot, émule des brillantes couleurs de Tyr, la rose dont la tendre beauté est si agréablement relevée par un beau rouge incarnat: on ornera les coteaux de bosquets agréables et de gazon toujours vert; on embellira les prairies des couleurs les plus naturelles: ou bien assemblant diverses fleurs, on en formera des guirlandes, on imitera sa constellation dominante (18). De plus, on en distillera les sucs, on y mêlera des parfums extraits des bois odoriférants de l'Arabie; on en composera des pommades, qui pour la douceur de l'odeur ne le céderont point au laurier de Médie (19), et que le mélange de tant de sucs exquis rendra bien plus utiles. On recherchera la propreté, la bonne grâce, l'élégance de la parure, tout ce qui fait l'agrément et le plaisir de la vie: l'âge tendre encore de la Vierge, et les fleurs dont est formée la Couronne, semblent commander ces inclinations.
Lorsque l'Épi hérissé (20) se levant au dixième degré de la Vierge, fera voir les barbes qui le défendent, il inspirera le goût de la campagne et de l'agriculture: on confiera son grain aux sillons, pour en recueillir de grosses usures; on en obtiendra des intérêts, qui par l'abondance de la récolte excéderont de beaucoup le principal; on préparera des greniers pour recevoir la moisson. C'est en effet là le seul métal que l'homme eût dû chercher dans le sein de la terre; il n'y eût eu sur terre ni famine ni indigence; chacun ayant abondamment son nécessaire, tous eussent été également riches. Si l'on ne peut s'appliquer aux travaux de la campagne, on exercera des arts, sans lesquels les faveurs de Cérès et le produit des moissons deviendraient inutiles (21): on mettra le blé sous le caillou qui doit le broyer, on donnera le mouvement à la pierre circulaire sous laquelle il sera placé, on détrempera la farine, on la fera cuire au feu, on préparera la nourriture ordinaire de l'homme, avec la même pâte on fera des compositions infiniment variées. De plus, comme l'Épi renferme plusieurs grains, rangés dans un ordre symétrique, et assez semblable à celui que les hommes observent dans leurs constructions, chaque semence ayant sa cellule, son habitation particulière; l'Épi de la Vierge donnera le talent d'orner de sculptures les lambris des temples, et de décorer de compartiments les lieux où le maître du tonnerre est honoré. De telles somptuosités étaient autrefois réservées pour les dieux; elles sont aujourd'hui partie de notre luxe: la pompe de nos buffets ne le cède en rien à celle des temples; couverts d'or, nous voulons que nos tables en soient pareillement couvertes.
Voyez maintenant la Flèche se lever avec le huitième degré de la Balance: c'est d'elle qu'on tiendra l'art de lancer le javelot avec la main, la Flèche avec l'arc, le caillou avec la fronde; d'atteindre un oiseau dans la plus haute élévation de son vol, de percer avec un triple harpon le poisson qui se croit en sûreté. Sous quelle autre constellation placerais-je la naissance de Teucer? À quelle autre partie du ciel, ô Philoctète, serait-il possible d'attribuer la vôtre? Teucer avec son arc et ses Flèches écarta les feux qu'Hector lançait contre la nombreuse flotte des Grecs: Philoctète portait dans son carquois le sort de la guerre et la destinée d'Ilion: réduit à l'inaction d'un triste exil, il était un ennemi plus redoutable que tous les Grecs armés contre Troie. Ce fut probablement sous la Flèche que naquit ce père qui eut le courage de tirer et l'adresse de tuer un serpent étendu sur le visage de son fils endormi, et qui lui suçait le sang et la vie. L'amour paternel est un grand maître; la nature fut plus forte que le danger; elle arracha en même temps au sommeil et à la mort cet enfant, qui renaissant une seconde fois, fut soustrait en dormant aux ciseaux de la Parque.
Mais lorsque l'imprudent Chevreau (22), errant dans des plaines écartées, paraît chercher à rejoindre ses frères, et qu'il se lève longtemps après le troupeau dont il fait partie, il préside à la naissance de gens d'un esprit souple et inquiet: capables de tout, ils s'immiscent dans toutes les affaires; les leurs propres ne leur suffisent pas, ils se chargent de celles du public; ils sont perpétuellement chez les magistrats, ils fréquentent tous les tribunaux. Partout où ils seront, il ne manquera jamais d'enchérisseur aux ventes publiques (23), d'adjudicataire à la criée des biens confisqués, de délateur contre les coupables de péculat, ou contre les banqueroutiers frauduleux. Ils sont les agents de toute la ville. Ils sont d'ailleurs ardents pour les plaisirs de l'amour, et Bacchus leur fait oublier les affaires contentieuses; ils s'exercent à la danse, et s'amollissent sur le théâtre.
Lorsque la Lyre se lève, on voit paraître au-dessus des ondes la forme de la Tortue qui rendit des sons après sa mort sous les doigts du dieu qui en avait hérité (24). Ce fut par elle qu'Orphée, fils d'Éagre, fut donner de l'intelligence aux animaux, du sentiment aux rochers, des oreilles aux forêts; il attendrit même Pluton, et mit un terme à la mort. De-là naissent l'harmonie de la voix, celle des instruments, l'expression de la flûte, qui sous des formes différentes, produit de si douces modulations, en un mot, tout ce qui parle sous les doigts, tout ce qui est mis en mouvement par le souffle. On chantera agréablement dans un repas; on ajoutera par le charme de sa voix de nouvelles grâces à Bacchus; on y emploiera des nuits entières (25). Quoique occupé d'affaires sérieuses, on répétera quelque chanson, on murmurera des airs à voix basse; étant seul, on chantera pour soi-même, sans être entendu d'autres oreilles que des siennes propres. C'est la Lyre qui inspire ces inclinations; elle commence à montrer ses bras au lever du vingt-sixième degré de la Balance.

Mais avec le Scorpion, montrant à peine son huitième degré, l'Autel paraît; le groupe de ses étoiles représente le feu qui doit consumer l'encens dont il est chargé. Ce fut au pied de cet autel que les géants furent autrefois terrassés: Jupiter ne s'arma de son foudre vengeur, qu'après y avoir exercé la fonction de prêtre des dieux (26). Quels hommes formera cette constellation, sinon ceux qui sont destinés au culte des autels, et qui admis au troisième degré de ce saint ministère (27), presque dieux eux-mêmes, chantent d'une voix majestueuse les louanges de la divinité, et peuvent lire dans l'avenir.
Ajoutez quatre degrés (28), le Centaure fait paraître ses étoiles, et donne des inclinations analogues à sa nature. L'un conduira des mulets ou des chevaux de somme; il mettra sous le joug des quadrupèdes de race mêlée; il sera adroit à gouverner un char; il ajustera les harnois de son cheval, et le conduira au combat. Un autre possédera le secret de guérir les maladies des chevaux: c'est un grand art que de pouvoir se passer de la déclaration du malade, d'appliquer des remèdes aux maladies d'animaux qui ne peuvent les manifester, de pressentir leurs incommodités longtemps avant qu'ils les ressentent eux-mêmes.
Le Sagittaire suit; avec son cinquième degré on voit lever la brillante étoile Arcturus. La fortune ne craint pas de confier ses trésors à ceux qui naissent sous cet astre; ils sont destinés à être les dépositaires des finances des rois et du trésor public, à régner sous l'autorité de leurs princes, à être leurs principaux ministres, ou à être chargés des intérêts du peuple, ou à être intendants des grandes maisons, à borner leurs occupations aux soins qu'ils prendront des affaires d'autrui.
Lorsque le Sagittaire sera totalement sorti du sein des eaux, au lever du trentième degré de ce signe, le Cygne, décoré de ses brillantes étoiles, déploiera ses ailes éclatantes, et prendra son vol vers le ciel. L'homme qui abandonnant le sein maternel, voit alors le jour, s'occupera des habitants de l'air, et de toutes les espèces d'oiseaux qui peuplent le ciel; il en fera commerce. De là découlent mille sortes d'exercices: on fera la guerre dans les airs; on arrêtera les oiseaux au milieu de leur vol, on les surprendra dans leurs nids, on les engagera dans des filets, soit lorsqu'ils sont perchés sur la branche, soit lorsqu'ils prennent à terre leur nourriture. Et tout cela n'a que notre luxe pour objet; celui de la table nous fait pénétrer jusqu'aux contrées que nos armes n'ont pu subjuguer; nous mettons à contribution les extrémités de la Numidie, les bois qui bordent le Phase; on expose dans nos marchés des denrées apportées du pays d'où des navigateurs hardis enlevèrent autrefois la toison d'or. On aura de plus le talent de former les oiseaux à notre langage, à nos expressions, de leur apprendre à s'entretenir avec nous, de leur enseigner à faire de leur langue un usage que
la nature leur a interdit. Le Cygne nous cache un dieu (29); cette divinité lui prête une espèce de voix, il est plus qu'oiseau, il murmure des paroles au-dedans de lui-même. N'oublions pas ceux qui s'occupent à élever l'oiseau de Vénus (30) dans les parties les plus élevées de leur maison, et qui après l'avoir mis en liberté, savent le rappeler par de certains signaux, ou qui portent par toute la ville des cages renfermant des oiseaux, dressés à obéir au commandement: souvent leurs richesses ne consistent qu'en quelques vils passereaux. Tels sont les arts auxquels on est porté par la brillante constellation du Cygne.
Le Serpentaire, environné des replis de son Serpent, paraît avec le signe du Capricorne, il rend ceux qui naissent alors invulnérables aux traits des serpents; ils les mettent dans leur sein, ils les cachent sous leurs robes traînantes; ils baisent impunément ces sales et venimeux reptiles.
Mais lorsque le Poisson (31), sortant de l'Océan sa vraie patrie, se lève au-dessus de l'horizon, pour entrer dans un élément étranger, celui qu'animera pour lors un principe de vie, passera son temps sur le bord des fleuves, sur le rivage de la mer: il surprendra le poisson nageant au fond de l'eau; plongeant lui-même dans la mer, il en retirera les perles cachées sous leur nacre, enlevant avec elles les maisons qui les recèlent. Il ne reste plus à l'homme de nouveaux périls à braver. On risque de se noyer, pourvu qu'on entrevoie quelque intérêt. Quelquefois avec les perles on retire le corps de celui qui a péri dans cette pêche. Mais c'est qu'ordinairement le profit qu'on en retire est très considérable: les perles sont autant estimées que les plus riches domaines: à peine peut-on passer pour riche, si l'on ne l'est en pierreries; sur les richesses de la terre on accumule celles de l'Océan. Tel est donc le sort de celui qui naît sous le Poisson; il exerce ses talents le long des rivages; ou il emploie à prix d'argent d'autres pêcheurs, profite de leur travail, et fait commerce de toute espèce de marchandise maritime.
Lorsque les étoiles de la Lyre (32) commencent à paraître au ciel, elles président à la naissance de celui qui est préposé pour informer des crimes, pour en ordonner la punition, pour rassembler les preuves de ceux qui ont été commis, pour faire paraître au grand jour ceux qu'on espérait tenir perpétuellement cachés. Il y faut aussi rapporter l'inexorable bourreau, les autres ministres de la justice, ceux qui aiment la vérité, qui haïssent le mal, qui apaisent les querelles, et déracinent du cœur les inimitiés.
Au moment que l'azuré Dauphin quitte l'Océan pour paraître entre les astres, et qu'il fait briller ses étoiles qui semblent lui tenir lieu d'écailles (33); on voit naître des hommes d'une nature amphibie; la terre et l'eau sont également leur élément. Le Dauphin de ses alertes nageoires fend rapidement les flots, tantôt sillonnant leur surface, tantôt plongeant au fond des eaux: la sinuosité de ses mouvements lui fait reprendre de nouvelles forces; elle nous représente l'inégalité des flots. Pareillement celui qui lui est redevable de la vie paraît voler dans l'eau. Celui-ci, agitant lentement ses bras, et leur donnant un mouvement alternatif, tantôt frappe de ses mains l'eau avec bruit, tantôt les écarte et les plonge sous l'eau; il les emploie comme des avirons cachés qui le dirigent: tantôt il est debout dans l'eau, il nage et paraît marcher; on dirait qu'il est sur un gué, et que la mer est pour lui une plaine unie: tantôt couché tranquillement sur le dos ou sur le côté, il ne pèse point sur l'eau, il n'enfonce point, c'est un lit sur lequel il repose; on le prendrait pour une nacelle qui n'a pas besoin de rameurs. Celui-là se plaît à chercher la mer dans la mer même, à plonger au fond de l'eau, à visiter Nérée et les nymphes de la mer dans leurs grottes profondes: il en rapporte les dépouilles de la mer, les richesses que les naufrages y ont déposées; il fouille avec avidité jusqu'au fond de ses gouffres. C'est de part et d'autre la même inclination, mais appliquée différemment; quoique partagée entre deux effets, on voit qu'elle part d'une seule et même cause. À ces arts on en peut ajouter d'autres qui leur sont analogues: tels sont ceux de ces voltigeurs, qui placés sur une balançoire (34), s'élèvent et retombent alternativement, et font en retombant monter ceux contre lesquels ils se balancent. Tels sont aussi ceux de ces gladiateurs qui traversent des flammes ou des cerceaux enflammés, retombent à terre aussi doucement qu'ils retomberaient dans l'eau, et qui par la flexibilité de leurs mouvements imitant l'agilité du Dauphin, volent sans ailes et se jouent dans les airs. S'ils ne s'appliquent pas à ces exercices, ils y auront du moins la plus grande aptitude; la nature leur aura donné toute la force nécessaire, une grande souplesse dans les membres, une extrême légèreté à la course.
Céphée sortant des eaux, en même-temps que les étoiles de l'humide Verseau, n'inspirera point de goût pour les jeux; il donnera un front grave, un visage où se peindra l'austérité du caractère. On se nourrira de soins et d'inquiétudes, on n'envisagera que les exemples du vieux temps, on fera sans cesse l'éloge des maximes de l'ancien Caton, on prendra l'air sourcilleux d'un tuteur, ou la morgue d'un oncle sévère. Ce même astérisme forme aussi des gouverneurs pour la tendre jeunesse (35): établis maîtres, pour diriger l'enfance de ceux qui sont véritablement les leurs, éblouis de cette autorité précaire, ils semblent se persuader qu'ils sont véritablement ce qu'ils ne font que représenter. Il produit aussi ces écrivains éloquents, l'appui du cothurne tragique, dont le style, quoique sur le papier seulement, ne respire que le carnage. Ils se plairont au récit des forfaits, des révolutions les plus étranges, à tracer les funèbres images d'un affreux tombeau, à représenter un père rassasié des membres de son fils, le Soleil reculant d'effroi, le jour changé en nuit. Ils mettront volontiers sur la scène deux frères s'égorgeant sous les murs de Thèbes; un père qui est en même temps le frère de ses fils; les enfants, le frère et le père de Médée, ici une robe empoisonnée, là des flammes qu'elle envoie pour présents nuptiaux, sa fuite à travers les airs, son char enlevé par des dragons; et Céphée lui -même pourra figurer aussi dans leurs tragédies. Ils traceront enfin dans leurs vers mille autres images aussi terribles. Si un style plus modéré flatte quelqu'un de ces écrivains, il cherchera à plaire au spectateur par les grâces de la comédie: il introduira sur le théâtre une jeunesse entraînée par la fougue de l'âge, des jeunes filles enlevées par leurs amants, des vieillards trompés, des valets hardis à tout entreprendre. C'est par-là que Ménandre s'est fait une réputation immortelle; profitant de la beauté de sa langue, il fut le précepteur de ses concitoyens; en traçant dans ses écrits la vie de l'homme telle qu'elle était, il montra ce qu'elle devait être (36). Mais si les forces de ces élèves de Céphée ne leur permettent pas d'exécuter de pareils ouvrages, ils auront au moins le talent de seconder les poètes dramatiques, soit par leurs voix, soit par par des gestes muets; leur visage représentera toutes les passions; ils se les approprieront par l'expression: un seul d'eux suffira pour rendre tous les rôles, il fera trouver en lui seul une troupe de comédiens. Il jouera tantôt le rôle des plus célèbres héros, tantôt celui d'un simple bourgeois. Il prendra l'air et le ton convenable à tous les états; par son geste il rendra tout ce que dit le chœur; il vous fera voir Troie en cendres, et Priam expirant à vos yeux.

Je passe à la constellation de l'Aigle; elle vole à la gauche du jeune échanson (37) qu'elle enleva elle-même à la terre; elle couve sa proie de ses ailes éployées. Cet oiseau rapporte les foudres lancées par Jupiter, et combat ainsi pour le ciel: son lever détermine celui du douzième degré du Verseau. Celui qui naît au même instant que lui, se livrera au vol, au brigandage, n'épargnant pas même la vie de ceux qu'il veut dépouiller. Après avoir exercé sa fureur contre les hommes, il l'étendra sur les bêtes sauvages. Pour lui point de différence entre la guerre et la paix, entre l'ennemi et le citoyen; il n'a d'autre loi que sa volonté; il déploie son caractère violent partout où le porte son caprice; il se fait un mérite de disputer toute possession. Mais son feu l'engage-t-il par hasard dans le bon parti, son emportement deviendra courage, il se distinguera dans l'art militaire, il sera capable d'acquérir à sa patrie l'honneur des plus éclatants triomphes. Et comme l'Aigle ne combat pas elle-même, mais qu'elle fournit des armes, en rapportant à Jupiter les feux et les foudres qu'il a dardés; celui qui naît sous elle sera ministre d'un roi ou d'un général d'armée, et par son mâle courage, il lui rendra les services les plus importants.
Mais lorsqu'après le lever de deux fois dix degrés du Verseau, Cassiopée se montrera à la droite de ce signe, elle fera naître des orfèvres, qui auront le talent de donner à l'or toutes les formes possibles, d'ajouter par leur travail un nouveau prix à ce précieux métal, de relever son éclat par les brillantes couleurs des pierreries. De-là ces présents augustes qui décorent nos temples sacrés, ces lambris dont la splendeur égale celle de l'astre du jour, cet éclat des pierres précieuses, ces feux éblouissants des diamants; de-là ces monuments encore subsistants de l'ancien triomphe de Pompée, et ces trophées ornés du portrait de Mithridate. De-là ces parures recherchées pour relever la beauté: on a eu recours à l'or pour s'embellir; on a orné sa tête, son cou, ses mains de pierreries, des boucles d'or ont étincelé sur des pieds d'une blancheur éblouissante. À quel art une dame de distinction (38) peut-elle appliquer ceux qui lui doivent l'être, si ce n'est à celui dont elle peut faire un aussi grand usage pour sa parure? Mais pour fournir la matière nécessaire à cette profession, Cassiopée inspire encore de chercher l'or dans les entrailles de la terre, d'arracher du sein de la nature les richesses qu'elle veut nous dérober, de bouleverser notre globe pour en ravir ces dépouilles, de tâcher de découvrir des trésors dans des monceaux de sable, et de les produire comme malgré eux, au grand jour. On comptera avec avidité tous les grains du sable qui recèle l'or, on le lavera dans plusieurs eaux, et de la réunion de plusieurs grains d'or on formera des masses précieuses. On rassemblera même les richesses de la mer, dont l'écume peut contenir de l'or, et dans le dessein de se procurer quelques parcelles de cet éclatant métal, on portera ses regards avides jusque dans les gouffres les plus profonds. On mettra aussi l'argent au creuset, après l'avoir extrait de la mine, et l'avoir purifié dans quelque ruisseau d'eau saillante. Ou enfin l'on fera commerce de l'un et l'autre métal préparé par ces deux sortes d'ouvriers (39), et l'on échangera l'un contre l'autre pour un usage réciproque. Telles seront les inclinations de ceux à la naissance desquels Cassiopée préside.
Elle est suivie d'Andromède, qui toute rayonnante d'or, paraît à la droite du ciel, lorsque douze degrés des Poissons se sont élevés sur l'horizon. La faute de ses coupables auteurs l'exposa autrefois à un cruel supplice, lorsque la mer débordée inondait tous les rivages, et que la terre craignit de faire un naufrage universel (40). On proposa pour prix du salut public d'abandonner Andromède à la fureur des flots; ses membres délicats devaient être la pâture d'un monstre hideux. Tel était l’hyménée auquel on la destinait. Victime désignée pour mettre fin par son seul supplice au malheur de tout un peuple, on la pare pour ce sacrifice, on la revêt d'habillements qui avaient eu une destination bien différente. Sans aucune pompe funèbre, on traîne cette jeune princesse, encore vivante, au lieu de sa sépulture. Dès qu'on est arrivé sur le rivage de cette mer terrible, on étend ses tendres bras sur un dur rocher; ses pieds y sont liés, on la charge de chaînes; elle est comme attachée à la croix sur laquelle elle doit expirer. Dans cet appareil de supplice, on a soin cependant que rien ne puisse offenser la décence, alarmer sa pudeur, sa situation ajoute à sa beauté. Sa tête est mollement penchée sur un sein d'une blancheur éblouissante; abandonnée de tous, elle est seule gardienne d'elle-même. Ses habits ont coulé de dessus ses épaules; ses bras sont découverts, ses cheveux épars flottent autour de sa tête. Les alcyons volant autour de vous, infortunée princesse, témoignèrent leur douleur, dans leurs tristes concerts ils déplorèrent votre destinée, et joignant leurs ailes, ils vous mirent à l'abri des ardeurs du Soleil. La mer à votre aspect retint ses flots, et n'osa les porter jusqu'à leurs limites ordinaires. La Néréide éleva sa tête au-dessus des ondes, et sensible à votre malheur, elle arrosa la mer de ses larmes. Le zéphyr rafraîchissant de sa douce haleine vos membres étendus, fit retentir d'un triste sifflement les rochers d'alentour. Mais enfin cet heureux jour ramène sur ce rivage Persée, vainqueur de l'horrible Méduse. Il voit la princesse enchaînée sur le rocher; il est glacé d'horreur, lui que n'avait pas épouvanté le hideux aspect de la Gorgone: la dépouille qu'il en a remportée échappe presque de ses mains: vainqueur de Méduse, il est vaincu par l'état d'Andromède. II est jaloux du roc sur lequel elle est attachée, il envie le bonheur des chaînes qui la retiennent. Instruit par elle des causes de son malheur, il se propose, pour acquérir le titre de son époux, de combattre la mer même, prêt à tout entreprendre, dût-il avoir en tête une seconde Gorgone. Il fend l'air avec rapidité, il rassure Céphée et Cassiopée, en s'engageant à sauver la princesse; Andromède lui est promise, il retourne au rivage. Déjà la mer avait commencé à s'enfler; ses flots, cédant à l'impétuosité du monstre qui les pousse, fuient en mugissant devant lui: sa tête s'élève au-dessus des ondes qu'il divise, il revomit les eaux qu'il a absorbées, les flots battent avec bruit contre ses dents, une mer orageuse paraît rouler dans son énorme gueule; sa croupe se redouble en une infinité de replis immenses, et couvre presque la mer entière. Les Syrtes (41) retentissent du bruit qu'il fait en s'avançant; les rochers, les montagnes frémissent à son approche. Princesse infortunée, quelle fut alors votre situation, malgré le puissant défenseur, armé pour vous secourir? Quelle pâleur fut la vôtre ! Quelle défaillance ! Quelle glace dans tous vos sens, lorsque du rocher où vous étiez retenue, vous vites la mort s'avancer vers vous, votre supplice apporté sur l'aile des flots ! Faible proie, hélas, pour un monstre si énorme ! Persée abaisse son vol; planant dans l'air, il s'élance tout-à-coup contre le monstre, et plonge dans son sang cette épée terrible, teinte encore de celui de Méduse. Le monstre se défend contre le jeune héros, dresse sa tête au-dessus des flots, et s'appuyant sur les replis immenses de sa queue, il bondit et s'élève de toute sa hauteur. Inutiles efforts ! À chaque fois qu'il s'élance, Persée prend son vol plus haut, et semble se jouer dans les airs. Le monstre ne cède cependant point, il exerce sa rage contre l'air; on entend le craquement de ses dents, consumées en des morsures inutiles; l'eau sort à gros bouillons de ses naseaux, il inonde Persée d'un fleuve ensanglanté, et fait rejaillir la mer jusqu'au ciel. À la vue de ce combat, dont elle est l'objet, Andromède oublie son propre péril, et n'envisage en soupirant que celui de son généreux défenseur; son esprit agité est moins libre que son corps. Enfin percé de coups, le monstre se plonge dans la mer, il ne peut plus rejeter l'eau qu'il respire, il revient à la surface de l'eau, et couvre de son énorme cadavre une vaste étendue de mer, trop redoutable encore pour être vu sans effroi par une jeune princesse. Persée se lave dans le cristal liquide d'une eau pure, et plus grand qu'avant le combat, il vole à la cime du rocher, et dégage la princesse de ses liens: il s'était assuré sa main par la défaite du monstre; l’hyménée suivit, le succès du combat tint lieu de dot (42). Persée obtint pour Andromède les honneurs du ciel, elle fut mise au nombre des constellations; digne issue d'un combat glorieux, où un monstre, non moins redoutable que Méduse, périt et soulagea la mer de son poids odieux. Quiconque naît au moment où Andromède sort du sein des eaux, sera sans pitié, il sera ministre de la justice pour la punition des criminels; la garde de la prison publique lui sera confiée, il verra avec dédain les mères des malheureux prisonniers prosternées contre terre à ses pieds, les pères passant les nuits entières à sa porte, demandant la grâce d'embrasser leurs enfants pour la dernière fois, et de recevoir leur dernier soupir en les tenant serrés entre leurs bras. On voit encore paraître ici ce bourreau qui fait trafic de la mort qu'il donne, des bûchers qu'il allume, des haches qu'il teint de sang; les supplices sont ses revenus: il serait capable d'envisager sans frémir la vertueuse Andromède garrottée sur la cime de son rocher. Quelquefois chargé de la garde des captifs, associé en partie à leurs chaînes (43), il veille sur les innocentes victimes de l'iniquité, pour qu'elles ne puissent échapper au supplice.
Lorsque les Poissons étant à l'orient, leur vingt-unième degré déterminera l'horizon, et se montrera à la terre, le Cheval céleste (44) se lèvera et prendra son vol vers le ciel. Ceux qui naîtront alors seront d'une agilité extrême; leurs membres alertes seront susceptibles de toute espèce d'exercice. Celui ci fera tourner et caracoler un cheval en mille manières; fièrement monté sur son coursier, dans un jour de bataille, général et soldat tout ensemble, il se jettera dans la mêlée. Celui-là franchira la carrière avec une vitesse qui ne sera pas croyable; sa course en impose au spectateur, l'espace semble, disparaître sous ses pas. En un instant il vous rapporte des nouvelles même de l'extrémité de la terre; il fait deux fois le voyage, s'il est nécessaire. Il aura aussi le talent de guérir les maladies des quadrupèdes, en employant le suc des herbes les plus communes: il connaîtra la vertu des plantes médicinales, soit de celles dont on se sert dans les maladies des chevaux, soit même de celles qui sont réservées pour l'usage de l'homme.
À la droite du ciel, et conjointement avec le dernier degré des Poissons, se lève l'astérisme agenouillé; les Grecs le nomment Engonasin (45): son attitude est certaine; quelle en est la cause, on l'ignore. Celui qui naît au même instant sera fugitif, fourbe, toujours au guet pour tendre des pièges, brigand redoutable dans l'intérieur des villes. Si le cœur lui dicte de se vouer à quelque profession, il préférera celles qu'on ne peut exercer sans danger; les périls lui paraîtront un prix digne de ses talents. Hardi à poser ses pieds, où rien ne semble pouvoir les soutenir, il appuiera fermement ses pas le long d'une corde horizontalement tendue: il paraîtra les perdre au contraire, et gravir inutilement vers le ciel, lorsque suspendu à une corde verticale, il tiendra les yeux du spectateur arrêtés sur lui.
La Baleine se levant à gauche avec le dernier degré des Poissons, suit Andromède dans le ciel, après l'avoir poursuivie sur le bord de la mer. Elle engage à faire une guerre sanglante aux Poissons, à tout animal portant écailles, à embarrasser le fond des eaux par des filets, à enchaîner en quelque forte les flots furieux. On arrête, on enferme dans des prisons maillées les veaux marins qui s'y croient en sûreté comme en pleine mer; on surprend les thons, déçus par la largeur des mailles des filets. Ce n'est pas assez de les avoir pris; on les laisse s'agiter en s'efforçant de rompre les nœuds qui les retiennent, on attend que la proie devienne plus abondante; on les tue alors, et les eaux de la mer rougissent de leur sang. Lorsque toute la grève est couverte du produit de la pêche, on procède à une nouvelle boucherie (46): on Coupe le Poissons en morceaux, et ces membres divisés sont réservés pour des usages différents. Telle partie est meilleure desséchée; telle autre conservée avec tous ses sucs. De celles ci on extrait une saumure précieuse, c'est la partie la plus pure du sang; relevée avec le sel, elle fournit un assaisonnement délicat. Celles-là paraissent trop faciles à se corrompre, ce sont les intestins, on les rassemble, ils se communiquent par leur mélange une fermentation réciproque, et forment un autre assaisonnement d'un usage plus général. Ou lorsqu'on voit sur l'eau une nuée de poissons, dont la couleur azurée se distingue à peine de celle de la mer (47), et que leur multitude même rend immobiles, on les environne d'une vaste seine; et l'on en remplit des caques et des tonneaux; ces poissons renfermés se communiquent mutuellement leurs sucs, et de leur chair corrompue on obtient encore une nouvelle espèce de saumure. Une autre profession de ceux qui naissent sous la Baleine, est de travailler aux grandes salines, de procurer à l'eau de la mer une chaleur suffisante, et de la dépouiller de son venin. Pour cela, ils préparent une aire assez vaste, et l'entourent d'un rebord élevé: ils y font entrer l'eau de la mer par une ouverture qu'ils referment, pour empêcher l'eau de s'échapper. L'aire reste exposée à la chaleur de l'été: l'humidité, dissipée par l'ardeur du Soleil, dépose une matière brillante et desséchée, que l'on recueille, une production blanche de la mer, que l'on réserve pour le service de la table, une écume solide dont ils remplissent de vastes greniers. C'était un vrai poison, son amertume ne permettait pas de faire usage de l'eau qu'il corrompait; ils en ont fait un sel vivifiant et salutaire.
La Grande Ourse, la tête penchée vers la terre, termine sa révolution autour du pôle, et recommence à parcourir une carrière qu'elle ne cesse jamais de fournir, ne se couchant point, mais décrivant sans cesse la même orbite sur l'horizon; et les premiers feux de la Petite Ourse commencent pareillement à se relever; lorsque respectivement le vaste Lion et le violent Scorpion, sortant du séjour des ténèbres, se relèvent au-dessus de l'horizon (48). Celui qui naît alors sera respecté des bêtes féroces; il empêchera qu'elles ne nuisent au commerce pacifique des nations. Il aura le talent d'apprivoiser les lions farouches, de caresser les loups, d'arrêter les panthères, et de jouer avec elles; il n'évitera pas la rencontre des ourses, elles ont trop de rapport avec sa constellation. Il montera sur le dos de l'éléphant, il le conduira à sa volonté, lui fera faire des exercices qui lui sont étrangers, et ne paraissent convenir qu'à l'homme; cette masse énorme obéira honteusement à un léger aiguillon. Il domptera la fureur du tigre, et le rendra doux et paisible: il se fera aimer de tous les autres animaux féroces, qui dévastent les forêts. Les chiens dont l'odorat est si subtil…
Il manque ici plusieurs vers. Manilius y parlait sans doute des influences du Dragon. Il distinguait ensuite les étoiles en six classes, relativement à leur éclat ou à leur grandeur apparente. Il faisait l'énumération des étoiles du premier et du second ordre. Il ajoute:

Le troisième ordre renferme les pléiades, unies entre elles par les liens d'une commune origine: leur éclat est tempéré d'une tendre rougeur convenable à leur sexe. On remarque cette même couleur dans vos étoiles, ô Cynosure (49), dans les quatre qui étincellent sur le Dauphin, dans les trois du Triangle; l'Aigle et les Dragons (50) dans leurs replis glissants offrent de pareilles étoiles. Celles du quatrième et du cinquième ordre se sont facilement reconnaître par tout le ciel; l'éclat seul distingue ces deux ordres. Enfin le plus grand nombre des étoiles forme la dernière classe: celles-ci, dispersées dans la plus haute région du ciel, ne brillent ni toutes les nuits, ni en tout temps. Mais lorsque la déesse de Délos (51) a plongé son char au-dessous de notre hémisphère, que les étoiles errantes nous refusent leur lumière, que le brillant Orion ne nous montre plus ses étoiles éclatantes, et que le Soleil, après avoir parcouru tous les signes, renouvelle l'année, ces étoiles percent les ténèbres, et leur feu devient visible dans l'obscurité de la nuit. Alors vous voyez la céleste voûte semée de flambeaux sans nombre; le ciel renvoie de toutes parts l'éclat des étoiles, leur nombre n'est pas moindre que celui des fleurs, que celui des grains de sable rassemblés sur le rivage inégal de l'Océan: comptez, si vous le pouvez, le nombre des flots qui se succèdent sur la surface de la mer, celui des feuilles qui tombent par milliers dans les forêts; vous n'approcherez pas du nombre des feux qui circulent dans le ciel. Comme dans le dénombrement des habitants d'une grande ville, on met les sénateurs au premier rang, l'ordre équestre au second, le citoyen après le chevalier, enfin après le citoyen le vil peuple, la populace sans nom: pareillement il existe dans le monde une espèce de république établie par la nature, qui du ciel a fait une grande ville. Là, des étoiles représentent les chefs; d'autres approchent fort près de ces premières: tous les honneurs, tous les droits sont réservés pour ces astres principaux. Le peuple vient ensuite, il est très nombreux, il roule au haut de la voûte céleste: si la nature eut accordé à ces petites étoiles des forces proportionnées à leur nombre, la région éthérée ne pourrait supporter ses propres feux, et les flammes du ciel embrasé consumeraient tout l'univers.
 

 
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Notes
  1. L'Éridan.
  2. C'est de l'Hydre qu'il s'agit ici: Manilius lui attribue la garde du jardin des Hespérides; suivant d'autres mythologistes, ce soin fut confié au Dragon, qui entoure et sépare les deux Ourses. Hercule tua ce Dragon, et enleva les pommes d'or du jardin. C'est probablement en conséquence de cette fable qu'on a depuis donné le nom d'Hercule à la constellation agenouillée, qui est représentée comme écrasant la tête du Dragon.
  3. Pégase.
  4. Le Cygne.
  5. Tels sont, entre autres, le Serpentaire, le Serpent, et l'agenouillé, ou Hercule, trois grandes constellations, dont je suis étonné que Manilius n'ait pas ici fait une mention particulière.
  6. Médée. Iolcos était une ville de Thessalie, où régnait Éson, père de Jason.
  7. Nous avons vu ailleurs qu'un signe qui en précède un autre est censé être à sa droite. Mais de plus, selon le savant évêque d'Avranches, la partie boréale du ciel est censée être à droite et la partie australe à gauche. Il paraît en effet que dans toute cette combinaison du lever des constellations avec celui des douze signes, Manilius suit assez fidèlement cette nomenclature. Au reste, cette concomitance du lever des signes avec celui des autres constellations, tant australes que boréales, telle qu'elle nous est donnée par Manilius n'est point du tout exacte, ainsi que Scaliger l'a remarqué. Par exemple, le poète nous dit que la Poupe du vaisseau se lève avec le quatrième degré du Bélier. Quelle monstrueuse astrologie, s'écrie Scaliger: du temps de Manilius, les premières étoiles du Navire se levaient avec le onzième degré de l'Écrevisse. Nous ne relèverons pas toutes les autres erreurs de cette espèce, elles ont été assez fidèlement copiées par Firmicus, et Scaliger n'en a laissé tomber aucune. Mais si Manilius est ici mauvais astronome, ses erreurs sont de la plus petite conséquence, et d'ailleurs il nous en dédommage bien par la beauté des descriptions et des épisodes dont ce cinquième livre est tissu.
  8. Eumée, chez lequel Ulysse descendit à son arrivée à Ithaque, auquel il se fit reconnaître, et duquel il apprit tout ce qu'il lui importait de savoir, pour rentrer en possession de son royaume.
  9. C'est-à-dire, ses cinq premiers degrés.
  10. Suivant Huet, ils tiennent cela du Lièvre, qui, dit-on, dort les yeux ouverts.
  11. Ou, selon d'autres, les Ânes de l'Écrevisse.
  12. Althée, mère de Méléagre, avait occasionné la mort de son fils, en jetant au feu le tison fatal, auquel était attachée la vie de ce prince. Elle conçut tant de chagrin de cette mort, qu'elle s'étrangla elle-même.
  13. Hercule, pour soulager Atlas, porta quelque temps le ciel sur ses épaules.
  14. Atalante blessa la première le sanglier qui ravageait la Calédonie.
  15. Procyon, ou l'Avant-Chien, ou le Petit Chien. Firmicus le nomme Argion. Scaliger veut qu'on lise Procyon, au lieu d'Argion; Huet croit que ce dernier nom a pu très légitimement être attribué au Petit Chien. Ulysse, suivant Homère, avait un chien nommé Argus, et le nom d'un des chiens d'Actéon était Argo. Argion est un diminutif d'Argus ou d'Argo: on aura donc pu donner ce nom au Petit Chien, pour le distinguer du Grand Chien, qui aura peut-être, dit Huet, porté le nom distinctif d'Argo ou Argus. Selon Théon sur Aratus, le Grand Chien était appelé, le Chien d'Orion.
  16. À la lettre, la Canicule aboie des flammes. La Canicule, dans la gueule du Grand Chien, est la plus belle des étoiles fixes: on la nomme aussi Sirius. Quelques écrivains ont confondu la Canicule avec le Petit Chien. Selon Scaliger, le nom de Chien représente la constellation entière du Grand Chien, et celui de Sirius ou de Canicule est restreint à signifier la belle étoile de sa gueule. Huet, toujours prompt à contredire Scaliger, prouve, par une foule d'autorités, que les noms de Chien, de Canicule, de Sirius ont été appliqués assez indifféremment et à la belle étoile de la gueule, et à la constellation entière: en cela Huet a raison. Mais il est certain d'un autre côté qu'on a souvent distingué l'une et l'autre, que Manilius nommément, dans le vers qui nous occupe, autorise cette distinction; que par le Chien, il désigne la constellation entière, et par la Canicule, l'étoile la plus brillante de cette constellation. Ainsi Scaliger n'a pas tout-à-fait tort. Bentley ne convient pas que Manilius distingue ici le Chien de la Canicule; et en effet, notre poète, l. I, v. 392, paraît donner à la constellation entière le nom de Canicule. Mais Manilius était poète et non Astronome; il revêt, comme nous l'avons dit ailleurs, des ornements de la poésie, ce qu'il a rassemblé de divers auteurs: il n'est pas étonnant qu'il se contredise quelquefois. D'ailleurs c'est une bien légère erreur, que de donner le même nom à une constellation et à la principale étoile de cette constellation.
  17. Ceci suppose que les étoiles de la Couronne ont primitivement fait partie de la constellation de la Vierge; ou, plus probablement peut-être, qu'on a confondu le signe de la Vierge avec Ariane.
  18. C'est-à-dire, qu'on en fera des couronnes.
  19. Voyez la description de cet arbre dans Virgile, Georg. II, 126 et suiv.
  20. L'Épi de la Vierge est une belle étoile de cette constellation.
  21. Nous suivons l'interprétation d'Huet: la ponctuation de Bentley semblerait en supposer une autre, qui ne nous paraît guère admissible.
  22. On ne fait ce que c'est que cette constellation du Chevreau, manifestement distincte de la Chèvre et des Chevreaux du Cocher: Manilius, et son copiste Firmicus, sont les seuls qui en fassent mention, Huet soutient vivement contre Scaliger qu'il s'agit ici des deux Chevreaux de la constellation du Cocher. Le savant prélat avait apparemment oublié que Manilius, v. 102 et suiv. de ce même Livre, fait lever ces Chevreaux avec le vingtième degré du Bélier; et celui-ci se lève avec la Balance.
  23. À la lettre: Partout où ils seront, la pique ne manquera pas de doigts. Dans les ventes publiques, on enfonçait une pique en terre, et celui qui voulait enchérir élevait un doigt, ou l'étendait vers cette pique.
  24. Mercure est, dit-on, l'inventeur de la Lyre; il forma la première avec une écaille de tortue, et c'est cette première Lyre que les Mythologistes ont placée dans le ciel.
  25. Le sens serait, suivant Bentley: il prolongera les nuits, il les fera trouver plus longues, en ce qu'il empêchera les convives de s’apercevoir du retour de l'aurore, et de quitter la table.
  26. Théon, d'après Ératosthène, témoigne que les dieux se jurèrent sur l'autel une alliance contre les géants: c'était donc devant les dieux, en leur présence, que Jupiter exerçait les fonctions sacerdotales, Ante Deos.
  27. Les trois degrés étaient celui des æditui, chargés du soin de tout ce qui appartenait au temple, tels que seraient aujourd'hui nos sacristains; celui des simples prêtres, et celui des hiérophantes ou souverains pontifes, ceux-ci prédisaient l'avenir. Il est clair que Manilius parle ici des hiérophantes, et non des æditui, comme l'a rêvé Dufay.
  28. Au huitième degré du Scorpion, avec lequel l'Autel s'est levé, et vous aurez le douzième degré du même signe.
  29. Apollon, selon les uns; ou plus probablement Jupiter selon les autres. Voyez Livre 5, v. 25.
  30. Le pigeon ou la colombe.
  31. Le poisson austral, constellation distinguée de celle des Poissons.
  32. Voici une autre Lyre inconnue à tous les astronomes anciens et modernes. La Lyre est appelée par les grecs, lyra; par les latins, fides. Est-ce que Manilius a vu dans ces deux noms deux constellations différentes? Firmicus, son copiste, ne fait mention que d'une seule Lyre; il la fait lever avec le dixième degré du Capricorne, et lui attribue les mêmes influences que Manilius départit à sa seconde Lyre. L'unique Lyre, connue des astronomes, précède le Capricorne, et d'ailleurs elle est d'environ soixante degrés plus boréale que ce signe: il y a donc longtemps qu'elle est levée, lorsque le Capricorne commence à paraître au-dessus de l'horizon.
  33. Scaliger fait ici une vive sortie contre notre Poète, sur ce qu'il donne des écailles au Dauphin. Mais Manilius n'était pas naturaliste: il s'est véritablement trompé ici, et il n'est pas le seul des anciens poètes qui ait donné dans cette erreur. Ovide, Métam. III, 665, représentant les Tyrrhéniens changés par Bacchus en dauphins, couvre leur peau d'écailles. Voyez Huet.
  34. Ces sortes de balançoires étaient faites comme nos roues de fortunes, mais sans sièges: deux personnes seules s'y soutenaient en des points diamétralement opposés.
  35. On confiait cet emploi à des affranchis, souvent même à des esclaves.
  36. Tel doit être le but de la bonne comédie. Je n'assurerai cependant pas que j'aie rendu complètement le sens de Manilius. Suivant Scaliger, qui prend vitæ pour un génitif, Ménandre a enseigné quelle était la véritable vie de l'homme ou de la vie humaine, et cette vie de la vie est l'amour, dit-il. Huet et Bentley pensent que le sens de Manilius est que Ménandre a montré à son siècle quelles étaient les mœurs de son siècle, qu'il les a représentées fidèlement. Ce sens nous paraît plus admissible que le premier; il est renfermé dans celui que nous avons cru devoir adopter.
  37. Ganymède; c'était avant le règne de l'empereur Adrien le nom de la constellation qu'on a nommée depuis Antinoüs. Elle est représentée sur nos cartes célestes sous la figure d'un jeune homme que l'Aigle tient de ses serres; ce qui conviendrait mieux à Ganymède qu'à Antinoüs. D'autres entendent ceci du Verseau. Mais quoique l'Aigle se lève, suivant Manilius, avec le Verseau, ces deux constellations sont trop distantes l'une de l'autre, pour que l'on puisse dire que l'Aigle couve le Verseau de ses ailes. D'ailleurs, l'Aigle en tout sens est à la droite du Verseau, elle le précède, elle est plus boréale que lui. D'un autre côté cependant Manilius faisant dans son premier livre l'énumération des constellations, n'y renferme pas le Ganymède, dit aujourd'hui Antinoüs. Concluons avec quelques interprètes qu'il s'agit ici de Ganymède, il est vrai, mais que ce Ganymède de Manilius n'est autre que le Verseau; et que quant aux difficultés qu'on pourrait proposer, il faut toujours se souvenir que comme nous l'avons dit plusieurs fois, Manilius était meilleur poète qu'astronome. Sa plus grande erreur est ici de faire lever le douzième degré du Verseau avec l'Aigle; et de son temps l'Aigle se levait quatre ou cinq heures au moins avant le douzième degré du Verseau. Il faut bien lui passer cette erreur: pourquoi ne lui passerions-nous pas les autres?
  38. On conçoit que cette dame de distinction n'est autre que Cassiopée.
  39. L'ouvrier en or et l'ouvrier en argent.
  40. La faute des auteurs d'Andromède, ou plutôt celle de sa mère Cassiopée, avait été de préférer la beauté d'Andromède à celle des Néréides. Aratus insinue, et Cicéron dans ses Aratées dit clairement que c'était sa propre beauté qu'elle avait prétendu plus accomplie que celle de ces Déesses. Les Néréides, outrées d'un juste dépit, en portèrent des plaintes amères à Neptune, et ce Dieu punit l'orgueil de Cassiopée par des débordements qui firent les plus grands ravages dans les terres voisines de la mer. De plus, un monstre marin d'une taille énorme était apporté par les flots et désolait toute la campagne: hommes, femmes, enfants, bestiaux, tous les êtres vivants qu'il rencontrait, étaient une faible proie pour sa voracité. On consulta l'oracle: il fut répondu que ces fléaux ne pouvaient cesser que lorsqu'on aurait abandonné Andromède à la fureur du monstre. Tel est le prélude de l'histoire plutôt de la fable dont Manilius va nous raconter la fuite. On fait ordinairement Céphée roi d’Éthiopie; la scène aurait été sur la mer rouge. Manilius n'était apparemment pas de cet avis; il donne, vers 552, à Andromède une blancheur éblouissante, qui cadrerait mal avec la noirceur des Éthiopiens. De plus, il fait mention, v. 583, des Syrtes qui étaient bien certainement situées sur la côte septentrionale de l'Afrique. Il s'agit donc ici de la mer méditerranée.
  41. La Syrte, dont parle ici Manilius, ne peut être qu'une des deux Syrtes situées sur la côte septentrionale. C'étaient deux golfes de la mer méditerranée, que des bancs de sable rendaient fort dangereux. Ils étaient entre la Byzacène, la Tripolitaine et la Cyrénaïque. On les nomme aujourd'hui les Seiches de Barbarie, ils sont entre le royaume de Barca et celui de Tripoli. On les distingue en grande et petite Syrte. La grande était entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine, elle porte maintenant le nom de golfe de Sidra. La petite séparait la Tripolitaine de la Bysacène; son nom moderne est golfe de Gabè du nom d'une ville du royaume de Tunis, dont elle arrose les murs.
  42. À la lettre, Andromède devait se marier, dotée par son époux. Suivant l'usage ordinaire, Andromède aurait dû porter en mariage une dot à Persée; ici c'est au contraire Persée qui la dote, en la défendant du monstre, et lui conservant la vie, sans laquelle toute autre dot lui devenait inutile.
  43. Scaliger remarque que le criminel et celui auquel on en confiait la garde étaient liés souvent d'une même chaîne. Cela se pratiquait surtout à l'égard des soldats.
  44. Pégase.
  45. En gonasin à la lettre signifie, à genoux: cette constellation est plus connue sous le nom d'Hercule, qu'on lui a donné depuis. On ne laisse pas cependant de le représenter toujours sur nos cartes célestes fléchissant un genou, et appuyant son autre pied sur la tête du Dragon. Mais on couvre sa tête et ses épaules de la dépouille d'un Lion; on lui met à la main droite une massue, à la gauche un rameau et le chien Cerbère: les anciens astronomes, qui ne lui donnaient pas le nom d'Hercule, ne lui reconnaissaient probablement pas ces attributs.
  46. Sur cette manière d'habiller le thon, et d'en extraire diverses saumures, voyez la note de Huet sur le v. 670.
  47. La pêche dont parle maintenant Manilius, est celle du maquereau. Les Turcs, les Grecs, les Italiens retirent de ce poisson une saumure qui était autrefois très recherchée. C'est celle dont parle Horace, Serm. II, Sat. VIII, 46. Dans le texte, Manilius parle de poissons à écailles: mais celui qui, v. 417, a donné des écailles au Dauphin, en peut bien maintenant gratifier le maquereau.
  48. En termes simples et didactiques: Au lever du Lion la Grande Ourse est au plus bas de sa révolution et commence à remonter; et pareillement au lever du Scorpion, la Petite Ourse, parvenue au méridien sous le pôle, commence également à se relever. Celui qui naît sous ces dispositions du ciel, etc. Du temps de Manilius, et à plus forte raison au siècle d'Eudoxe, la Petite Ourse n'était pas si voisine du pôle qu'elle l'est actuellement.
  49. La Petite Ourse.
  50. Le Dragon et le Serpent, suivant Bentley. Je pense qu'on y peut joindre l'Hydre, qui comprend aussi plusieurs étoiles de la troisième grandeur. L'Hydre et le Dragon sur nos globes célestes sont représentés comme de simples serpents. Au reste Manilius n'a pas prétendu sans doute faire ici une énumération exacte des étoiles de la troisième grandeur: il s'en trouve dans presque toutes les constellations.
  51. La Lune.

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