LE MOMENT D'ASTROLOGIE : L'HOMME QUI A L'ŒIL OUVERT, par Geoffrey CORNELIUS

L’objectif est de permettre à l'astrologie de se révéler comme une divination, ou plus précisément, de découvrir dans le "moment d'astrologie" le "moment de divination". Pour y parvenir, il est nécessaire, mais pas suffisant, de déconstruire l'explication non divinatoire dominante offerte par la tradition ptolémaïque. Ce qui est en outre nécessaire, c'est de faire la lumière sur les principaux phénomènes de l'expérience astrologique dans un cadre descriptif dérivé d'une pratique divinatoire non ambiguë en dehors de l'astrologie. Ce n'est qu'alors que nous pourrons être sûrs que l'astrologie peut être décrite significativement comme une divination.


Une série d'articles consacrés à la pensée de Geoffrey Cornelius



La perspective divinatoire en Astrologie selon Geoffrey Cornelius, par Kirk Little

L’article d’Oslo  : astrologie et divination, par Geoffrey Cornelius

Le moment d'astrologie :

    Partie 1 : Rétablir l’attitude divinatoire

    Partie 2 : La question soulevée par l’Astrologie Horaire

    Partie 3 : Katarche

    Partie 4 : Le coup d’état métaphysique de l'astrologie natale
  
    Partie 5 : La divination et la fracture sujet/objet

    Partie 6 : L’homme qui a l’œil ouvert

L’astrologie est une divination ? Quelle importance… par Geoffrey Cornelius

La nature divinatoire de l'astrologie est généralement déguisée, bien que dans certaines parties, le voile est si mince qu'il est transparent. C'est particulièrement le cas avec l'astrologie horaire, qui a servi de point focal dans notre projet (partie II). Retracer les origines de l'astrologie horaire met en lumière des caractéristiques saillantes de terrain divinatoire dans le katarche, l'astrologie des initiatives. Dans la partie III, le cadre descriptif a été développé à partir du "moment de divination" implicite dans l'augure antique. Cela a mis en jeu la notion de signification participative, par laquelle le sens d'un présage est uniquement enraciné dans son apparence "pour nous, ici, maintenant" et résiste ainsi à la théorisation, à l’écart de la participation concrète de ceux qui interprètent le sens, y compris le devin.
On a suggéré qu'une imagination participative a façonné les premières attitudes envers la famille katarchique des moments et des doctrines non-conceptifs ou non-natals, dont le représentant moderne le plus important est l'astrologie horaire. Pour corroborer cette suggestion, les pratiques inceptionnelles, électionnelles et horaires ont été brièvement décrites sans les parties traitant des augures (1). Je crois que ce thème touche un écho d'expériences qui n'est par ailleurs pas articulé dans notre tradition, et permet une voie de discussion fructueuse pour discuter de phénomènes que l'on rencontre régulièrement dans la pratique.
La signification participative contraste avec le développement ultérieur de la signification théorique si brillamment imaginée dans la pensée grecque, par laquelle les lois universelles sont invoquées comme explication de tout phénomène naturel. Ces généralisations logiques appartiennent à un observateur universel abstrait. Puisqu'elles appartiennent à "tout le monde", elles ne répondent à "personne en particulier". Les deux conceptions occidentales classiques et modernes de la science se sont finalement développées à partir de cette puissante abstraction, ainsi que notre croyance, tenue pour acquise, en une astrologie rationnelle ou scientifique. Le schéma de Ptolémée fournit la justification de l'astrologie dans ce sens.
De nombreux astrologues pourraient se sentir plus à l'aise si le katarche et l'augure étaient rangés dans une catégorie historique, tout comme l'astrologie horaire peut être traitée comme un "cas spécial" et isolé du courant principal. L'élargissement de la description divinatoire à l'ensemble de notre pratique semble saper la revendication de l'astrologie à la faisabilité et à l'acceptation moderne. Les astrologues semblent sujets, comme tout le monde, à la tendance bien ancrée de dévaloriser toute description qui n'est pas directement et manifestement enracinée dans une position théorique d'objectivité. La "séparation sujet-objet" étaye cette position et tend à rendre la divination dénuée de sens, comme cela a été indiqué dans la partie V. En vertu de cela, la divination n'est généralement pas prise au sérieux du point de vue de la philosophie et ne peut même pas être "considérée"par la science. Dans un sens bien réel, elle n'a pas sa place dans la pensée occidentale. Parmi les praticiens, l'accent est, naturellement, mis sur le fait de continuer et de le faire, plutôt que d'en parler : le cadre des concepts par lesquels une analyse de la divination pourrait être menée semble ne pas exister. Nombreux sont les textes élémentaires qui prétendent nous dire comment faire de la divination - et très peu dans le sens d’une critique réflexive de la pratique, et encore moins de discuter de ce que cela signifie quand nous faisons l'expérience de la divination.
Ainsi, malgré le fait que ce phénomène est sans doute l'un des plus omniprésents et enrichissants parmi les expériences humaines en tous temps et en toutes cultures, aussi fondamental que les cinq sens, il n’a presque jamais été abordé comme un problème à part entière. En place, il est soumis à une quantité d'autres préoccupations, le comparatisme religieux, l'anthropologie, la structure sociale et les systèmes de croyances, la psychologie de la perception, la parapsychologie, l'"inconscient" : tous organisent de grandes manœuvres pour ne pas prendre la question au sérieux.
Jusqu'à présent, la discussion n'a fait que suggérer la possible étude de l'ensemble de la structure de l'horoscopie en tant que véhicule de signification participative. Pour explorer cette possibilité, notre préoccupation doit s'élargir pour inclure l'astrologie natale moderne. Dans le même temps, le cadre descriptif tiré de la pratique divinatoire en dehors de l'astrologie nécessite d'aller au-delà des limites de l'augure ancienne. Avant que toute autre comparaison avec l'horoscopie ne soit entreprise, une description plus large de la divination sera suggérée, dans le sens de ce qu'on appelle parfois la "seconde vue". Ce que la seconde vue "perçoit" est avant tout la vérité de la métaphore et du symbole.
Le mot "divination" est utilisé pour indiquer un large éventail de pratiques, et il est défini de différentes manières dans différents contextes. En allant plus loin, la définition devient problématique. Devons-nous inclure la révélation prophétique, l'interprétation des rêves, l'intuition et les suppositions inspirées sous la même bannière que la chiromancie, la lecture de l'aura et la radiesthésie ?
Pour le propos actuel, il n'est pas essentiel d'arriver à une phénoménologie exhaustive. Je ne cherche ni explication ni théorie générale. L'intention est de faire ressortir des catégories descriptives utiles pour le phénomène de l'astrologie, tirées d’une pratique divinatoire incontestable, telle qu’elle est comprise communément et de manière proximale. Comme point de départ de définition, je vais ici limiter mon usage du terme "divination" à "un moyen non littéral de connaître l'inconnu". La plus grande des inconnues est l'avenir, et la divination est donc généralement associée à la prédiction et aux prévisions. La principale caractéristique distinctive des formes "non littérales" de divination est l'emploi de la métaphore et du symbole. La signification de l'expression "non littérale" deviendra claire au fur et à mesure que nous aborderons la description de la métaphore.

La métaphore

Les termes métaphore et symbole se chevauchent souvent. Cependant, ils sont si importants pour arriver à une description de l'astrologie et de la divination en général que je les différencierai et m’attarderai sur leurs définitions. Je prends la métaphore dans son sens habituel, pour indiquer une référence ou un sens non littéral. Nous parlons de la "face" de la Lune et du "pied" des escaliers, nous avons la "tête"d'une organisation. Nous considérons le "point de vue" de quelqu'un d'autre, nous déclarons que cette personne "pointe son nez dehors" bien que nous puissions permettre que ses idées sont "brillantes", ou même qu’elles ont une " étincelle" de génie.
Un tel usage est répandu dans tout langage, y compris le langage de la science et de la technologie. C’est des moyens principaux par lequel les concepts abstraits sont construits à partir d'analogies concrètes ; c’est ainsi que le langage évolue, de sorte que la métaphore évidente d'une époque se concrétise dans le sens littéral d’un langage ultérieur. C'est une des tâches de l'étymologie que de récupérer les merveilleuses métaphores cachées dans le sens littéral des mots ayant l’apparence de faits. Il est évident, en y réfléchissant un peu, que les analogies dérivées du corps humain et des organes sensoriels prédominent sur toutes les autres formes de métaphores. Pourtant, qui soupçonnerait ordinairement que le simple mais immense mot "world" (monde) trouve son origine dans les mots pour homme + âge (germanique wer-aldh), et donc "littéralement" l'âge ou la vie de l'homme, ou selon une autre interprétation, le "vieil homme" (2). Rien ne pourrait mieux illustrer le fait que l'homme prend son corps et son être comme métaphore d'un monde de signification révélé à son image.
Il est caractéristique de la métaphore que  de prendre comme point de départ pour l'analogie un objet, un fait ou une relation qui est traité comme établi et relativement sans problème, afin de décrire un autre objet, un fait ou une relation. De cette façon, la compréhension littérale de l'objet original est transférée et devient une compréhension métaphorique de l'objet analogue. Par une utilisation régulière, la signification transférée peut se renforcer en une signification effectivement littérale : il n'y a rien de très métaphorique dans les pieds de page et les chefs d’établissement.
Cela nous amène à un point qui s'avérera important dans la description de l'astrologie, dans la mesure où l'astrologie - comme la divination dans son ensemble - révèle la réalité comme une métaphore. Y a-t-il des phénomènes d'expérience qui échappent à la description littérale et nécessitent le langage de la métaphore pour leur donner une voix ? C'est un problème épistémologique que je n'ai heureusement pas à résoudre. Il suffit d'observer que même si les états de toutes choses pouvaient être soumis à une définition "littérale" - qui doit rester une possibilité logique et théorique, même si elle est vraie (ce dont je doute) - c’est un fait évident que bon nombre de nos expériences significatives trouvent une expression satisfaisante dans l'imagerie poétique, aussi conventionnelle soit-elle, et sont plus difficiles à mettre dans une forme plus littérale. Cela ne se limite pas aux tendres sensibilités du poète. Combien de phrases ennuyeuses sont nécessaires pour définir sans métaphore explicite l'expérience d'"avoir le cœur brisé" ? Même si une description physiologique et comportementale littérale en apparence était construite, il est peu probable qu'elle porte les subtiles associations métaphoriques et symboliques du "cœur" qui donnent de la profondeur et de la pertinence à la phrase chaque fois qu'elle est prononcée de manière formelle.
Nous pouvons suspecter que dans d’importants domaines d'expérience, la métaphore appropriée est la vraie et la meilleure expression : ce n'est pas une forme abrégée pour une description supposée littérale que nous n'avons pas pris la peine d'articuler. Avec ceci en tête, il est possible de faire ressortir une différence importante entre la métaphore employée dans le langage de la science et de la technologie et la métaphore couramment utilisée dans l'art et la divination. Le langage commun de tous les jours peut disposer de notes de bas de page et des chefs d’établissement d'une manière parfaitement littérale ; de même, lorsque le langage de la science utilise une métaphore, son intention n'est en aucun cas de conserver un ensemble d'associations lâches, mais de trouver un "renforcement précis dans le littéral". La science est fondée sur des métaphores qui se sont renforcées avec le temps telles que l'accélération (pour l’accroissement des pas de quelqu’un) et l'inertie (indolence), et encore des usages plus évidents comme le champ, l'onde et le courant. Parfois, une métaphore plus vaste est utilisée, comme l’adoption par Bohr du Soleil et des planètes comme modèle pour le proton entouré d'électrons en orbite (3).
L'intention de la métaphore employée dans la poésie et la littérature mystique se déplace dans la direction inverse d’un tel littéralisme. Là où il est utilisé pour révéler des états subtils ou ambigus, il est alors peu probable que cet usage se renforce dans le littéral apparent. La "nuit obscure de l'âme" est une image profonde employée par Saint Jean de la Croix pour parler d'une expérience religieuse indéniable qu’il est difficile ou même impossible d’exprimer de manière adéquate, sauf par le langage du mysticisme et de la poésie. Si nous poussons plus loin la description, nous pouvons soit jouer sur cette imagerie, soit trouver une autre métaphore. La vérité de l'image du saint est réelle - c'est-à-dire que, parce qu’elle est une description convaincante, elle peut être réalisée par d'autres dans leur propre expérience. Cependant, nous n'oublierons pas facilement que la vérité de cette expression est métaphorique et non littérale.

Le symbole et l'attitude symbolique

Dans l'utilisation particulier de St. Jean de la Croix, le mot "nuit" est une métaphore ou un symbole ? Là où la métaphore est utilisée d’une façon telle qu’il n’y a aucune intention de la renforcer dans le littéral, il est difficile, sinon inutile, de la distinguer finalement du symbole. Comme la métaphore, le symbole existe par interprétation non littérale. Cependant, même s'ils appartiennent à la même famille, l'usage du symbolisme radicalise ou catalyse le métaphorique.
Le symbole doit d'abord être distingué de la fonction d'un "signe" simple (au sens non astrologique du mot), comme "x" en algèbre ou le logo d’une entreprise, qui sont destinés à faire une référence unique et concrète à une entité bien définie, pour laquelle il "passe". À moins qu'un tel signal ne soit aussi conçu pour porter des nuances symboliques, ce qui est parfois le cas avec un design intelligent, il n'y a pas d'ambiguïté particulière d'interprétation, que ce soit dans le signe ou dans ce qu’il signifie. D'autre part, un vrai symbole peut remplir en même temps la fonction d'un signe : la Croix est un signal ou un indicateur de la présence d'une communauté de culte chrétien, tout comme il montre une église sur une carte d’état major.
Dans la mesure où un objet ou un événement est reconnu et engagé selon ses propres termes en tant que symbole, il annonce ouvertement sa propre intention et notre intention symboliques, et existe pour servir ou manifester cette intention. En d'autres termes, lorsque nous rencontrons quelque chose que nous reconnaissons comme "symbolique", la seule affirmation littérale que nous pouvons faire est du type "voici un symbole". Sinon, il nous renverrait de l'interprétation littérale, et nous serions jetés dans le non littéral. Ceci est particulièrement manifeste avec les artefacts culturels que nous avons appris à reconnaître comme des symboles, ou qui, par leur étrangeté ou leur contexte, nous suggèrent qu'ils sont nés de l’intention symbolique de leurs créateurs. La Croix chrétienne, la Vénus astrologique et Le Pendu du Tarot en sont des exemples. Pour la plupart des observateurs, le pied humain reste, d'abord et avant tout, littéralement et sans problème, le pied humain. En revanche, le symbole n'a pas de signification fixe et concrète en tant que point de départ, il ne dépend pas du littéral. La signification d'un symbole est son propre symbolisme, qui l’entoure comme un brouillard de nuance et de suggestion. Le Pendu du Tarot est un événement littéral si improbable qu'il exige une interprétation métaphorique immédiate de sa présence.
On peut avoir l’intuition de ce qu'un symbole "signifie", ou le retracer de manière indistincte, à travers les associations métaphoriques auxquelles il donne lieu. Il y a généralement une ligne d’interprétations conventionnelles (= métaphores) pour le symbole, souvent assez évidente, en accord avec le système dans lequel le symbole apparaît. Ainsi, les lecteurs de Tarot voient dans le Pendu une métaphore de la vie en suspension ou en transition, et la question du sacrifice. Une fois que le symbolisme est compris dans ces métaphores, d'autres associations se développent, dont certaines seront particulière pour le devin individuel. Bien qu'il y ait donc un noyau plus ou moins distinct d'associations pour la plupart des symboles, appris comme on apprend un langage, il n'existe pas d’ancrage définitivement établi sur lequel la signification "correcte" puisse être ferme ou arbitrée ; le symbole demeure sa propre origine et la meilleure expression de lui-même et de ses possibles manifestations. Toute métaphore particulière dérivée du symbole ne sera seulement qu'une démonstration possible de ce symbole. Libéré de l'autorité primordiale d'une seule référence littérale, le symbole est polyvalent : il promet perpétuellement de conduire par un domaine inconnu d'associations métaphoriques possibles dont chacune enrichit et élargit à son tour la « signification » du symbole, certaines d’entre elles pouvant même menacer de transformer radicalement notre compréhension antérieure. C’est la qualité, remarquée parmi d’autres par Jung, de la nature inépuisable du symbole.
En vertu de cela, le symbole s’ouvre largement sur la frontière de la compréhension, la plus ineffable et la plus paradoxale des perceptions. De même, comme aucune expression ne pourrait s’y substituer, le symbole est particulièrement résistant à la littéralisation qui peut dépasser les métaphores ordinaires : pendant qu’il reste "vivant", il est trop fluide pour se renforcer dans le littéral.
En considérant le symbolisme astrologique, il est utile de faire une distinction supplémentaire entre ce qui peut être appelé symboles naturels et symboles artificiels. L'astrologie construit ses principales métaphores à partir de symboles naturels - les objets observés littéralement, le Soleil, la Lune et les planètes. D'autres systèmes également contiennent de tels symboles naturels, mais mettent souvent en avant des constructions culturelles imaginatives, comme certaines images du Tarot. Cela ne devrait pas nous fourvoyer en pensant que le symbolisme naturel est, d’une certaine façon, plus littéral.
L'interprétation astrologique du Soleil, bien qu’une grande part de sa signification soit guidée par notre expérience physique du Soleil, évolue toujours bien au-delà de l'établissement littéral d'un cadre d'associations. Ceci peut être corroboré par l'insistance commune parmi les astrologues sur le fait que le luminaire physique n’est qu’une manifestation du principe, le Soleil. Ainsi, nous pouvons dûment distinguer le Soleil astrologique pris comme symbole et, en contraste, le Soleil littéral de l'expérience non symbolique et de l'astronomie.
Une signification métaphorique ou symbolique est-elle un "fait" au même titre que les faits littéraux apparents du monde ? La métaphore d'un homme est la signification littérale d'un autre homme : c’est-à-dire, l'attitude ou l'intention portée sont décisifs dans la détermination de l'existence de la métaphore. Jung parle de l'attitude symbolique comme déterminant nécessaire :

"Qu'une chose soit un symbole ou non dépend principalement de l'attitude de la conscience qui le considère" (4)

J'adopterai cette phrase concernant l'attitude symbolique de Jung pour englober à la fois l'intentionnalité du symbolisme et de la métaphore non littérale comme dans l'image de "la nuit obscure de l'âme" de Saint Jean de la Croix. Nous comprenons le monde littéral comme public, objectif et ouvert à tous, selon les cinq sens. Ceci dit, quels que soient les questions qui peuvent être soulevées quant à la nature de la perception sensorielle littérale et de la cognition, cela n'altère pas la nette distinction qui peut être faite entre ce monde public, le monde ouvert à tout le monde en général, et le monde tel qu'on le voit à la lumière du symbole. Puisque d'autres, avec nous, ici, maintenant, peuvent avoir besoin d'en parler avant qu'ils ne la "voient" - et quand bien même ne pourraient-ils la voir totalement - la réalité symbolique ne peut pas être réduite à la notion d’une réalité théorique distincte de l'acte de perception. Nous abordons la distinction qui a déjà été faite, entre la signification théorique et la signification participative, et nous soulignons l'attitude symbolique en tant qu'instrument de cette participation.
À notre époque, le monde du littéral a une emprise qui s’exprime dans le langage de la préoccupation quotidienne moyenne et dans le langage de la science instructionnelle postérieure aux Lumières (5). Derrière cette science se cache une théorie générale ou une attitude à l'égard de la réalité qui semble tout expliquer, ou s'imagine être sur le chemin d'une telle explication. En cohérence avec cette attitude, l'imagination moderne est la proie d'un littéralisme mal placé qui déclasse la métaphore à moins qu'elle ne soit acceptée comme substitut pratique à un énoncé exact dont on pense qu’il existe en principe. La divination et l'astrologie sont particulièrement en danger de distorsion par ce caractère fallacieux du littéralisme, quand leurs praticiens se plient à l’humeur du jour l'époque et essaient de justifier leur réalité symbolique. Il n’est pas conséquent pas facile de garder ouverte l'attitude symbolique, même dans la pratique de la divination. Il y a peu de raisons de croire que l'astrologie moderne est équipée pour cette tâche, surtout dès lors qu’elle tourne le dos à la divination.
La vision symbolique est réelle et transmissible pour ceux qui la partagent, mais elle n’est pas une vision littérale. À titre d’exemple, on peut recourir à la métaphore de la vision et de la parole de la "seconde vue" ; ou encore la métaphore des cinq sens peut être utilisée pour aboutir à un "sixième sens". Ces descriptions sont généralement limitées à la clairvoyance, à la perception extra sensorielle et à des phénomènes similaires. Je suggérerais qu'elles s'appliquent de manière égale à l'exercice de l'attitude symbolique employée dans la vision de la divination.

Seconde vue, seconde audience

Dans une étude sur la divination en Israël antique, l’auteur, J. R. Porter, fait une comparaison directe entre les méthodes utilisées par les prophètes hébreux, comme en témoigne la Bible, et les formes de divination connues pour avoir été pratiquées par les voyants dans tout le Proche-Orient antique. À partir d’un texte arabe du Xe siècle, nous avons un rapport de l’une des formes les plus simples et des plus fondamentales de toutes, ici employée par un devin bédouin : 

"il regarda le premier objet sur lequel son regard se portait et il en tira une idée qu’il appliqua à la question à laquelle il devait apporter une réponse". (6)

Porter montre qu’une forme de prophétie de l’Ancien Testament est étroitement conforme à ce modèle . Il cite la prophétie de Balaam :

"D’abord, Balaam vit quelque chose de façon parfaitement naturelle et ordinaire ; en revanche, il se tourna du côté du désert et, en levant les yeux, il vit Israël qui campait par tribus ; c’était "l’objet sur lequel son regard se portait". Mais ensuite, la vision se transforma immédiatement en seconde vue".

Balaam, "dont les yeux s’ouvrent, discerne dans une transe la vision du Tout-Puissant". Il rend un oracle, construit sur les bases de la métaphore. Il commence :

"Qu'elles sont belles, tes tentes, Jacob, tes habitations, Israël ! Elles s'étendent comme des vallées, comme des jardins près d'un fleuve, comme des aloès que l’Éternel a plantés, comme des cèdres le long de l’eau." (7)

Balaam utilise la métaphore de la fertilité dans le désert pour prophétiser la prospérité d’Israël. Le passage est en vers, une caractéristique partagée avec la divination arabe pré-islamique. En outre, il introduit un jeu de mots au cœur de la métaphore : les consonnes pour le mot hébreu "tente" et pour "aloès" sont identiques, les deux mots paraissent et sonnent de façon très semblable. Ce jeu de mots, suggère Porter, fait ressortir "le lien entre la vision et la seconde vue". Le double sens littéral est certainement le moyen le plus clair par lequel le transfert de signification peut être obtenu par la métaphore, et c'est une expérience commune de divination.
Les visions d'Amos, présentées dans la même étude, illustrent encore plus directement l'utilisation prophétique de la métaphore. Voici deux des cinq visions :

"Le Seigneur me fit voir encore ceci : il se tenait debout près d’une muraille verticale et tenait à la main un fil à plomb. Le Seigneur me dit : que vois-tu, Amos ? Je répondis : un fil à plomb. Alors le Seigneur continua : Voici que je mets un fil à plomb au milieu de mon peuple d’Israël : Je ne lui passerai plus rien..."
« Alors, le Seigneur Dieu m'a dit : et voici un panier de fruits d'été. Puis le Seigneur m'a dit. La fin est arrivée pour Israël, mon peuple ; Je ne lui passerai plus rien..."

(Lit : "le temps est mûr pour mon peuple Israël".) (8)

Ces visions sont apparemment dérivées, comme des métaphores de seconde vue, de la vision littérale d'un fil à plomb, d'un mur vertical et d'un panier de fruits mûrs.
Cette même expérience - ou quelque chose qui lui ressemble - est connue par tous ceux qui n'ont pas occulté leur sens de la poésie ou du symbole. Pour un instant, souvent de manière inattendue, le gradient de l'émotion et de l'attention se déplace, on est fasciné, un objet trivial, une feuille portée par le vent, la forme d'une cruche, est empli-de-lui-même et significatif. Ou peut-être que nous nous surprenons nous-mêmes en attention ou non-attention, et c'est cela empli-de-lui-même. Alors, l'expérience peut, si nous y sommes enclins, parler au-delà de sa signification de fait. C'est le point d'origine de la poésie et de la divination, c'est une ouverture révélée dans la méditation et la prière (9).
Nous pouvons présumer que les oracles des prophètes de l'Ancien Testament faisaient autorité à travers le caractère, la réputation ou la fonction sacerdotale du prophète, et non en vertu de la pertinence de la métaphore employée - bien que celles-ci soient souvent fortes et évocatrices. Cette forme de divination est assez singulière, de fait que l'expérience divinatoire n'est pas elle-même partagée. D’autres peuvent croire ou ne pas croire la parole de leur prophète, ils ne seront pas inspirés de la même façon en regardant un panier de fruits. La même singularité et la non-communicabilité est une caractéristique de la seconde vue du devin bédouin et de la plupart de nos moments de fascination, bien qu’il est possible que des mots inspirés aient occasionnellement le don d’être communicants.
Malgré cette dimension individualiste, la divination semble se développer de manière caractéristique selon des formes partagées et assumer les qualités du langage. Les présages qui sont rendus pour une tribu seront connus par tous comme signifiants. Ils sont susceptibles de faire l'objet d'une interprétation métaphorique communautaire, même si un lecteur de présage autorisé est appelé à en être le juge final. Je soupçonne que la divination prend toute sa plénitude quand elle est partagée, bien que je n'essaierai pas ici de justifier cette croyance.
Les formes divinatoires qui sont d’une pertinence particulière dans toute comparaison avec l'astrologie utilisent des systèmes de symboles comme base de l'association métaphorique. Deux systèmes bien connus en dehors de l'astrologie sont ceux du Tarot et du Yi Ching. L'usage d'un système de symboles ayant des significations interdépendantes et comprises conventionnellement garantit que l'expérience de la divination est très largement communicable avec d'autres qui connaissent le même système. En outre, la capacité de réflexion et de discussion permet à un processus intellectuel conscient de servir et d'articuler l'expérience divinatoire.
Nous ne devrions pas permettre à la sophistication des systèmes développés de symboles de détourner l'attention de la vision primitive de l'acte divinatoire, qu'ils partagent avec les formes les plus basiques et les moins développées. Ces systèmes offrent une voie à la pratique ordonnée et assurent la communication et l'articulation de l'attitude symbolique, et en cela, leur fonction est précieuse : mais ils ne sont pas eux-mêmes la source ou la garantie de la vision. Ils demeurent vides jusqu'à ce qu'ils soient comblés au moment de la divination.

La description de la divination

Nous en avons maintenant suffisamment dit pour permettre à la nature de la tâche descriptive de se démarquer. La deuxième vue du sens métaphorique dans les présages et les symboles est une expression humaine universelle, couvrant une gamme allant de la superstition triviale jusqu’aux langages symboliques hautement articulés, et sélectionnant comme son medium un domaine illimité d'objets et d'occurrences. Il n'y a rien qui ne puisse être un moyen de divination. Toute tentative de description se confondra elle-même si elle prend comme tâche principale une classification des objets et des occurrences utilisés dans la divination. Cela ne conduit qu'à une lassante liste de "mancies", cartomancie, aéromancie, géomancie, de chrommiomancie, etc. (10).
La description échoue si elle ne prend pas comme fondement la participation de celui qui voit, ou de celui qui, consultant le divin, sera amené à voir. La signification réside dans la vision, et elle est encadrée dans le contexte dans lequel le divin ouvre les yeux. Même en autorisant la véritable spontanéité du phénomène, c’est la fonction d'une attitude à l’égard de la vie - l'attitude symbolique - et donc : la divination se faite, elle ne se produit pas. Ou pour utiliser le langage des premiers écrivains, la divination ressortit de "l'art" plutôt que de la "nature" : c’est une fabrication de l'homme. Ainsi, l'acte de divination est récupéré de la littéralisation et de l'obscuration par les objets manipulés dans la divination. Ce que la seconde vue voit est sans aucun doute divulgué dans le monde, mais n'est pas adéquatement décrit comme expérience d'un phénomène "objectif". Cela doit être une prémisse fondamentale de l’herméneutique de la divination (11).
En reconnaissant la participation de celui qui voit ou entend, nous sommes en mesure d'explorer les phénomènes de divination sans être submergés par la laborieuse non plausibilité des explications littérales et matérialistes déplacées. Je vais le démontrer en fournissant une description de la divination du Tarot, indiquant en même temps le point critique auquel l'analyse succombe souvent au caractère "fallacieux du littéralisme".
Un individu décide de faire de la divination avec le Tarot. Il examinera quelle tirage utiliser, peut-être quel ensemble de cartes utiliser parmi plusieurs. Il composera lui-même, gardant l’interrogation à l’esprit. Peut-être énoncera-t-il sa question à haute voix. En accord avec les règles particulières du tirage, il pourra choisir une carte, placée face vers le haut au centre, pour se symboliser lui-même. Les cartes restantes seront mélangées et coupées, face cachée. Elles pourront ensuite être retournées dans l'ordre selon des positions pré-assignées par les règles du tirage, ou laissées dans la pile pour être retournées une par une. Nous sommes maintenant au centre du rituel. Découvrons la description littérale pendant un certain temps. Que se passe-t-il ici ?
La mécanique est terminée. Les cartes sont dans l'ordre dans lequel elles apparaîtront, en attente. Il est facile de se placer dans l'hypothèse que la divination a déjà été faite, que tout ce qu'il reste à faire est de faire retourner les cartes qui révéleront la divination qui s'est maintenant produite. Cette façon de pensée tiendrait pour acquis que le mélange aléatoire des cartes est la divination, et que l'acte d'interprétation qui doit encore être fait est une opération supplémentaire distincte, nécessairement mais logiquement secondaire. En nous basant sur notre habitude d'imaginer une explication théorique derrière n'importe quelle situation, nous pourrions alors déduire que les objets manipulés dans la divination rassemblent ou enregistrent ou s'inscrivent ou résonnent sympathiquement selon ce modèle de signification. Une fois cette étape effectuée, l'interprétation consiste à fouiller le sens encodé ou enfermé dans les objets. Le "moment de divination" est considéré comme ayant eu lieu et se trouve séparé de tout acte d'interprétation qui pourrait être fait ensuite.
Le modèle existait-t-il avant qu'il ne soit vu par le devin ? Du point de vue de la signification participative, tenter de répondre par oui ou non est de toute façon inutile : la question entière a perdu son support, puisque la divination a divorcé de l'interprétation. Cela peut être mieux mis en évidence en considérant un cas marginal typique : jouer aux cartes avec des amis, la reine de pique peut sortir après un traitement maladroit. C'est un événement qui se produit. Cela ne signifie rien en particulier au-delà du fait littéral de son apparition, le fait d'une mauvaise donne. Quant à l'image sur la carte, elle ne signifie rien, "ça aurait pu être n'importe quelle autre carte". Cependant, connaissant la tradition attachée à ce symbole, moi ou quelqu'un d'autre autour de la table, ou quelqu'un qui en entendrait parler le lendemain, peut se demander si l'apparence de cette image "signifie" quelque chose, et si elle fait référence à quelque chose au-delà des circonstances physiques du moment. Si, même pour un instant, cette carte est perçue de façon symbolique, alors l'acte de divination est fait. C'est peut-être une superstition commune dans ce cas, mais c'est quand même un acte de création. D'un autre côté, si elle n’est considérée comme significative par aucun des participants à ce moment-là ou après, qui va dire qu'il existait un sens ?
De la même manière, il doit être clair que les paquets de cartes sont mélangés à d'innombrables occasions sans qu'il soit fructueux de se demander si un modèle divinatoire en constante évolution "existe invisible" derrière ces cartes. Ce point de vue est infructueux parce que cela ne fait au mieux aucune différence avec un tirage de Tarot réel étalé devant nous. Au pire, cela peut renforcer une notion prédéterminée du "comment fonctionne la divination" qui limite l'expérience plutôt qu’il ne l’élargit.

L’adoption formelle de la divination


L'acte de manipuler des objets pour faire de la divination doit être distingué des symboles et de l'interprétation qui en résultent. Ce sont comme le deux moitiés d’un ensemble, offrant et offert. L’adoption formelle de la divination englobe le processus physique qui consiste à saisir les cartes de Tarot ou à sortir les tiges d'achillée de l'armoire. Elle couvre également la structure des décisions par lesquelles le devin crée un cadre pour la démonstration de divination - son choix du tirage du Tarot, et quelle position dans ce tirage désigne par convention quelle partie de l’enquête. Cela ne dépend pas seulement de l'intentionnalité de l'attitude symbolique, c'est aussi une déclaration et une expression de cette attitude. Même les événements apparemment mécaniques deviennent chargés de moments symboliques à moitié réalisés - les cartes sont coupées trois fois, les tiges sont comptées par quatre pour les saisons, le pot d'encens bascule et trouble le devin.
Les événements de l’adoption formelle sont portés vers leur accomplissement dans l'expérience symbolique. Le moment de la divination est un centre vide dans lequel cette expérience survient, c’est le pôle de l’adoption. Sous de nombreuses formes, le Hasard entre en jeu à ce point crucial, dans la coupe des cartes, le tirage au sort, la division des tiges. Le hasard joue un rôle rituel qui illustre la condition nécessaire de la divination, à savoir le sacrifice de l'intention consciente de ce qui est dissimulé pour être révélé. En fonction de nos croyances métaphysiques, l’agent qui dissimule ou révèle sera appelé le Divin, les Dieux, la Providence, ou de nos jours l’Inconscient. Ce qui serait alors montré sera la réponse d’un Autre-hors-de-notre-fabrication.
Il est de la nature du rituel d’orienter l’attitude, et le rituel de l’adoption de la divination est destiné à réformer la prise consciente au point où il tourne sur lui-même et laisse un espace clair pour la démonstration de symbole.

Réalisation


Il y a une progression dans la structure intentionnelle de la divination, de sorte que chaque partie du processus n'est intelligible qu'en vertu de ce vers quoi elle entend mener. La promulgation formelle de la divination n’a de sens qu'à partir de la coupe, du jet ou du niveau de confiance. Cette étape n'en sera une que dans la mesure où une réponse attendue à l'interrogation est donnée pour être interprétée. La réponse n’aura une incidence réelle sur l'interrogation que si le devin est véritablement prêt à être touché par la manifestation du symbolisme, de sorte que sa compréhension et son action seront réorientées par la divination. C’est pourquoi, pour une divination authentique, le devin a la foi, il est engagé à l’avance dans un projet pour lequel il donnera à l’inconnu une certaine puissance, ordinairement détenue en possession consciente. Sur cette base d’engagement, les symboles fournis par la divination sont susceptibles d’atteindre un résultat significatif. 

Les symboles sont interprétés au moment de leur apparition. Parfois ils peuvent rester ambigus, donner une "possibilité d’interprétation", et le devin interprètera par allers et retours. À d’autres moments, ce qui est montré est direct et sans équivoque, l’interprétation est immédiatement donnée, elle ne demande pas à être travaillée. Cette expérience nourrit la foi en la divination. Quand elle est achevée, elle a la tonalité d’une intensité psychique. C’est le phénomène du symbole qui se réalise dans la situation à laquelle il fait référence, de façon que se produise une identité indivisible du symbole et du monde qu’il révèle métaphoriquement. Pour revenir simplement aux métaphores d’Amos, sa seconde vue porte un objet en plénitude vers la réalisation parfaite : la rectitude du mur vertical est dans sa verticalité la rectitude du Seigneur, la maturité du fruit est la maturité du temps, le fruit est le peuple d’Israël.

L’expérience d’une identité indivisible entre le symbole et la métaphore prend d'assaut la barrière sujet-objet. Le symbole est vu avec un choc de révélation, il est qualitativement différent d'une simple "interprétation plausible" des choses observées, il est montré à 100% tout comme ces choses. Les astrologues le savent bien : parfois, lorsque vous voyez le Soleil ou le Capricorne, vous les "connaissez" simplement par une révélation merveilleuse et solide. C'est à partir de ce type de connaissance que les prédictions fortes sont faites, car des prédictions réussies transportent le même phénomène de "rendre réel" le symbolisme, amenant le monde symbolique à la réel-isation. Bien sûr, la plupart des divinations ne sont pas simplement comme ça. Dans toute un tirage de cartes de tarot avec diverses parties du tirage allouées à des aspects de l'interrogation, le devin serait heureux d'obtenir un aperçu de cette révélation avec trois ou quatre de ces images. Les autres seraient alors à travailler ou à pondérer, diverses voies seraient tentées, et elles pourraient aboutir. Certains des symboles peuvent presque défier la réalisation, et donc rendre leur interprétation laborieuse ou arbitraire. Une grande part de l'habileté de divination repose sur l'apprentissage à distinguer le degré de réalisation des symboles qui se présentent.

Lorsque les principaux éléments d'une représentation symbolique ont été "réalisés", alors l'interprétation s'élabore elle-même. Le devin "a" une compréhension à partir de la divination. À ce stade, l'ensemble du projet, incluant à la fois l'adoption formelle et l'interprétation, peut devenir une chose finie. Alors le devin retiendra cette compréhension comme sa ligne sur la question, et toute la discussion ultérieure ne se fera pas par la voie du symbolisme mais à la manière d'un rapport. La divination devient passée. Un rapport sur la divination passée de quelqu'un n'est en aucun cas pareille à la divination elle-même ; une réflexion plus approfondie ne fera que répéter la ligne établie. Il faudra un certain revirement de perspicacité, peut-être par une autre divination, ou peut-être par des échanges de vue avec une autre personne sur les mêmes symboles, pour rouvrir le "moment de la divination". Le fait que d'autres peuvent "réaliser" le symbolisme propre à quelqu'un est la clé de la communicabilité des formes de divination sophistiquée.

Les observations précédentes montrent clairement la nécessité de distinguer l'"adoption formelle" du "moment" de divination. L'adoption formelle est un rituel circonscrit, mais la représentation à laquelle il invite est ouverte. Longtemps après l'adoption, après que les cartes ont été rangées ou que les oiseaux se sont envolés, une signification ultérieure ou une connexion peuvent survenir, une compréhension première peut être transformée. Ou, avec le recul, un événement traité tout d'abord de façon ordinaire est perçu comme "ayant été" symbolique, ce qui signifie qu'il est alors un symbole. De tels moments font toujours partie de la divination, ce qui les étend ensuite bien au-delà de leur adoption formelle. De plus, une divination ultérieure reprendra l'imagerie d'une première divination, de sorte que l'une est comprise à nouveau à la lumière de l'autre, et les deux divinations se combinent ensemble dans les domaines de la vie auxquels elles ont été assignées. De cette façon, un style personnel unique se développe, une histoire d'interprétation efficace, qui se forme par la tradition partagée et qui vient l'enrichir.

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Qu'il y ait une vérité dans les symboles et une lumière dans la divination émerge comme un datum primordial d'expérience. Il surgira partout où il y a un être humain, indépendamment de toute explication. La pensée moderne s'est joué elle-même un tour curieux. Dans le riche chaos de l'être, elle a sélectionné  une certaine signification théorique qu'elle a appris à manipuler et à tenir fermement. Ensuite, elle a oublié ses origines qu'elle déclare être "infantiles" ou "primitives". La divination apparait comme faisant partie de la réalité mythopoéique et symbolique originale qui a été écartée de l'attention et qui fonctionne de façon déguisée. Il reste à enlever le déguisement des principaux éléments de la pratique astrologique, afin de révéler son fondement divinatoire.

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Notes

  1. Description augurale de l'astrologie horaire, des élections, etc. : partie III.
  2. World (le monde) = Wer + aldh : voir le "Oxford English Dictionary" (Dictionnaire anglais d'Oxford). La ligne de la métaphore peut ne pas s'arrêter ici, car il est spéculé que "aldh" remonte à la racine "al", comme en latin "alere", pour nourrir. Ce qui est nourri a de l'âge.
  3. La métaphore scientifique, discutée dans "The origin of consciousness in the breakdonw of the bicameral mind" (L'origine de la conscience dans la rupture de l'esprit bicaméral) - Julian Jaynes (Alien Lane 1979), voir pp. 50-3. La vision qu'a Jaynes de la conscience en tant que métaphore a contribué à façonner mon sujet. Sa théorie de la divination est pertinente pour l'astrologie et mérite un traitement complet.
  4. Attitude symbolique : C. G.Jung "Psychological types" (Types psychologiques), Coll. Wrks 6. Section 51.
  5. Science instructionelle : note 3, partie V.
  6. Devin bédouin : p. l99 de "Divination & Oracles" op. cit. note 4, partie III.
  7. Balaam : ibid p. 200, citant Numéro XXIV (traduction de Porter). Le titre de cette partie VI a été inspiré par la description de Balaam de la seconde vue. Ce n'est pas comme un rêve, c'est ensemble avec la "première vue" ordinaire. Alors Balaam insiste (version du roi Jacques) : "Parole de Balaam, fils de Beor, Parole de l’homme qui a l’œil ouvert, Parole de celui qui entend les paroles de Dieu, De celui qui voit la vision du Tout-Puissant, De celui qui se prosterne et dont les yeux s’ouvrent. Qu’elles sont belles, tes tentes, ô Jacob ! "
  8. Ibid. p. 200 : AMOS VII 7 & 8 ; VIII 1 & 2.
  9. Méditation et prière : l'érudit bouddhiste Michael Hookham a parlé à La Loge du chemin des Boddhisatvas exprimé en ouverture spontanée à la représentation divinatoire (Conférence du 26/2/79 "Divination & Buddhism"). Je me rappelle également l'affirmation frappante de Chris Maunder selon qui "l'acte d'astrologie est un acte de prière" (Conférence du 25/4/83 "La qualité du moment").
  10. "mancies" : pour une liste remarquable de mancies, voir le glossaire de "The Prediction Book of Divination" (Le livre de prédiction de la divination) - Jo Logan & Lindsay Hodson (Blandford 1984). La Cromniomancie est la divination par les oignons.
  11. Herméneutique de la divination : L'herméneutique est l'étude de l'interprétation, à l'origine dans les problèmes des Écritures. La divination pose la "question herméneutique" par excellence. La philosophie moderne n'a pas encore reconnu cet aspect.

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