LES TROIS CROIX ET L'ARBRE GÉNÉALOGIQUE FAMILIAL, par Annick PINEAU

La quête inconsciente des parents par rapport à l’enfant attendu est en lien avec le mythe familial, avec les croyances communes autour desquelles se regroupe la famille. Pour survivre et s'adapter le mieux possible au monde qui l'entoure, l'enfant devra, dés sa vie intra-utérine, absorber toute l'histoire de la lignée auquel il tente d'appartenir. Il viendra au monde porteur des rêves et des idéaux projetés inconsciemment sur lui. Cet investissement imaginaire sur l’enfant à venir constitue une forme de projet qui répond à la question : quel sens a pris notre naissance au sein de notre arbre généalogique ?


La croix des maisons succédentes : co-naître


Cette croix nous parle de l’esprit dans l’homme avec le sens qui est porteur de transformation. Elle nous enseigne que la vie est un mouvement perpétuel et que par notre ouverture aux incitations extérieures, notre disponibilité au monde, notre capacité à resituer notre histoire personnelle dans une logique de sens, nous pouvons transformer ce que nous avons reçu au niveau de notre famille biologique pour le réutiliser autrement. Nous trouverons dans cette croix nos capacités de transformation et de transcendance.




L’axe VI/XII et le projet-sens familial : Le sens de notre naissance au sein de l’arbre généalogique

Le projet-sens familial est une attente posée inconsciemment sur l’enfant et qui vise à réparer les souffrances de l’arbre généalogique.

"Family tree of life"
 par 
Broderick sur FlickR
Les parents attendent un enfant en fonction de leur histoire personnelle et familiale, histoire qui a fait d’eux ce qu’ils sont, avec leurs idéaux, leurs peurs, leurs regrets, ce qu’ils aiment ou non, ce qu’ils connaissent, ce qu’ils espèrent, leur propre regard sur la vie, etc. Par exemple, certains parents rêvent de donner à leur enfants ce qu’ils n’ont pas eu, voulant ainsi faire mieux que leurs propres parents, alors que d’autres auront à cœur de reproduire fidèlement (et loyalement...) l’éducation reçue. Quand ils s’inquiètent au sujet du bébé à venir c’est donc en fonction de leurs propres problématiques et ce sera d’autant plus fort qu’eux-mêmes se seront sentis rejetés ou non désirés ou non conformes au désir familial.

Finalement, l’être humain met des enfants au monde dans un subtil mélange d’amour, de besoins, de craintes, d’espérances, de loyautés, comme autant de sentiments contradictoires la plupart du temps inconscients mais qui cherchent à maintenir une certaine cohérence dans le tissu familial.

Cette quête inconsciente des parents, et de tout l’arbre généalogique, par rapport à l’enfant attendu est en lien avec le mythe familial, c'est-à-dire avec les croyances communes autour desquelles se regroupe la famille.

Pour survivre et s'adapter le mieux possible au monde qui l'entoure, l'enfant devra, dés sa vie intra-utérine, absorber toute l'histoire de la lignée auquel il tente d'appartenir. Il viendra au monde porteur des rêves et des idéaux projetés inconsciemment sur lui avec tout ce que cela évoque parfois en terme de culpabilité, de sentiment d’infériorité, de quête de perfection etc. en face dans la maison VI…
Cet investissement imaginaire sur l’enfant à venir constitue une forme de projet qui répond à la question : quel sens a pris notre naissance au sein de notre arbre généalogique ?

La maison XII et l’environnement prénatal

"Dreaming on" 
par Eva theWeaver sur FlickR
Il peut se passer beaucoup de choses durant les neuf mois de la vie fœtale, des événements heureux ou stressants peuvent survenir, or nous savons que le fœtus capte les ambiances qui l’entourent… Selon la qualité de l’environnement prénatal, l’enfant sera plus ou moins disposé à s’ouvrir au monde avec confiance, se sentant plus ou moins attendu et bienvenu. Certains spécialistes expliquent que durant la vie intra-utérine, il s'imprègne des rêves et des fantasmes de sa mère, ce qui lui permet dès sa naissance de se glisser dans un lien d'attachement sur mesure avec elle. Il reconnaît son désir et y répond d'une manière appropriée pour assurer sa survie.
Ce qu'éprouve la mère durant cette période est particulièrement important : l’âge de la mère, avec les transits correspondants, peut éclairer notre compréhension de ce moment de sa vie.

Le prénom 

Celui-ci est bien souvent choisi durant la gestation et fait donc partie du projet-sens. Il y a toute une dimension fantasmatique attachée au choix du prénom. Même si celui-ci ne représente pas tout un destin en lui-même, toutes les associations de pensées, conscientes ou inconscientes, qui ont présidé à son choix par les parents auront, elles, très probablement des influences dont l'effet peut se faire sentir sur les identifications de l’enfant et la place qu’il prendra dans la famille.

Du projet-sens familial vers le sens profond de notre existence…

"People swinging silhouette"
par Pink Sherbet, sur FlickR
Il nous faudra, dans la maison XII, clore et mener à terme ce qui est en cours : dissoudre pour recycler, extraire l’essentiel, sublimer les valeurs exprimées par le signe de la maison XII ainsi que des planètes qui y logent, grâce au discernement de la maison VI.

Ainsi, pour ne pas tourner en rond dans les loyautés familiales invisibles de notre axe VI/XII, nous pouvons être attentifs à laisser ces processus s‘achever en nous, comme un déconditionnement permettant de se libérer du passé et de vivre ici et maintenant.
Il en restera bien sur toujours une sorte de sève à l’origine de nouveaux désirs, d’élans tout neufs, qui comme des étincelles porteuses de renouveau auront, du fait de cette acceptation de clore un passé, la possibilité de naître à la vie et de nous permettre de tout recommencer par nous-mêmes, dans notre maison I.

La maison XII peut-être autant folie que sagesse, ce sont nos yeux intérieurs. Car le travail de cette maison suggère de lever le voile pour, derrière ce projet qui fait sens pour notre famille, mais pas toujours pour nous, découvrir une autre fécondité qui constitue le sens profond qui préside à notre vie.
Le monde invisible de la maison XII trouve sa réplique dans le visible de la maison VI, là ou dans le quotidien de nos vies on peut tenter de retrouver ce sens originel : cette sixième maison peut alors devenir un atelier ou chaque jour nous travaillons à nous différencier.

Après cela, et seulement après, cette croix, en offrant à chacun de retrouver en soi un sentiment d’appartenance qui transcende les liens du sang, nous enseignera que la généalogie de chacun est liée avant tout à l'éternité des hommes, et ensuite seulement à la paternité et à la maternité humaines qui se réalisent dans le temps. Mais sans ce que manifeste la croix des maisons angulaires nous n’aurions pas accès à la conscience de cette appartenance invisible qui témoigne du réel sens de notre vie.

La croix des maisons succédentes nous apprend donc que notre histoire familiale, comme toutes les autres, croise la grande histoire humaine. Elle nous demande de ne pas omettre la présence divine au creux de toute histoire y compris l’histoire de nos racines. Elle nous raconte l’agencement millénaire des choses, agencement que chacun nomme en fonction de sa propre philosophie : Dieu, volonté divine, projet de l’univers, karma, destinée, dessein émanant du ciel, hasard, appel intérieur, etc.

L’axe III /IX : conscientisation et transmission

Notre vécu de cet axe III/IX sera différent selon la manière dont nous vivons l’axe VI /XII : soit de manière conditionnée par le projet-sens familial, soit dans la conscience du réel projet qui est en soi, du sens profond de notre vie.
Mais en pratique les choses ne sont pas aussi tranchées et nous vivons tous cette croix dans sa dynamique de transformation et de mutation permanente, l’important étant que ceci émane d’un processus conscient.

Si nous sommes encore pris dans les loyautés invisibles de l’axe VI/XII 

"Conformism" par just.Luc, sur FlickR
Il sera difficile en maison III de mettre des mots bien à soi sur l’impensable de la maison XII et donc de s’extraire de l’univers matriciel suggéré par ce lieu. Nous respecterons ce qu’il est jugé bon de penser dans le milieu familial et nous oublierons ce qu’il est convenu d’y oublier. Nous savons que la maison III, sur le plan psychologique, représente une étape importante du processus de séparation mère /enfant (qui s’achève en maison IV) puisque c’est le moment ou l’enfant ose s’aventurer hors des bras de sa mère pour explorer le monde environnant.
Nous risquons en maison IX de nous conformer aux principes transmis par l’éducation, que ceux-ci nous conviennent ou non, et de confondre le projet sens familial avec le véritable sens à donner à notre vie. Ceci ayant une influence sur nos conceptions, notre sociabilité, notre intégration sociale et surtout sur ce que nous transmettons aux générations suivantes à qui nous risquons de repasser le même plat en perpétuant le passé. En effet, la fonction de transmission, en IX est comme un outil de ralliement et a pour but de perpétuer les souvenirs familiaux mais aussi les particularités familiales (codes, lois, rites, loyautés, devoir de mémoire, etc.) d’une génération à l’autre.

Si nous avons initié le processus pour nous distancier des loyautés et dévoiler le réel sens caché de notre incarnation

Nous pouvons alors en maison III, par la distanciation et la parole ou toute forme d’expression, mettre en lumière le réel de la maison XII. Car « dire » c’est déjà mettre de l’ordre dans le désordre de la maison XII et lui attribuer un début de signification. Nous pouvons aussi nous aventurer par la pensée, par les mots etc. hors des sentiers familiaux tout en gardant un sentiment de sécurité intérieure.

Alors en maison IX offre d’explorer d’autres mondes et d’y trouver notre juste place, de rencontrer sans peur qui nous est différent, ce qui est étranger à notre famille. Et, puisque nous avons intégré le sens de notre histoire, nous pouvons transmettre en conscience aux générations suivantes un sentiment d’appartenance délesté des loyautés familiales. La mémoire a une mission socialisatrice (Jupiter = sociabilité), car en transmettant nous donnons des modèle, des repères, de rôles, des statuts, des positions dans le groupe familial.

Au-delà de notre arbre généalogique, la mémoire familiale nous relie aussi à un collectif plus large, car en fonction du sens donné à notre histoire personnelle, nous pouvons rejoindre ce collectif et lui transmettre notre expérience.

La croix des maisons angulaires : naître

Dans cette croix dite « croix d’incarnation », chaque maison suggère un seuil à franchir pour aller vers la vie (maison I), vers soi (maison IV), vers les autres (maison VII) et vers la société (maison X). Chacun de ces angles marque donc la fin et le début d’un mode de relation à la vie avec la nécessité de prendre une direction fondamentale.

En inaugurant un changement vers une nouvelle maturité qui se révélera dans la croix des maisons cadentes, cette croix évoque donc un processus très saturnien de séparation vers la conquête de l’autonomie.


L’axe maison IV/maison X 

Il est considéré comme l’axe parental, au delà du désaccord astrologique fréquent quand à l’attribution des maisons IV et X au père ou à la mère. Ce qui nous intéresse dans cet axe, c’est de discerner la place et la fonction octroyées à l’enfant.

Dans l’axe IV/X l’enfant intègre en lui le projet sens, et ses ambivalences, ayant précédé à sa naissance dans la maison XII. Il l’intègre notamment en maison IV à partir du langage familial qui est constitué du verbal et du non verbal. Car même quand il y a des mots, le langage est toujours accompagné d'une gestuelle corporelle qui, par sa mobilité expressive, tente de compléter la signification, et le petit enfant est particulièrement réceptif, comme un petit animal, à ces signaux. Les psychologues admettent aujourd'hui que ces 2 fonctions du langage (verbal et non verbal) sont étroitement liées au cours du développement, tout se transmettant par ces deux modes de langage.
La maison IV : la place que le groupe familial nous octroie en son sein et la manière dont celui-ci accueille ce que nous sommes. Il y a une donc une notion de territoire dans cette maison : c’est le territoire psychique par lequel chacun décide par lui-même de donner ou non son affection, forge ses opinions et son libre arbitre, ouvre la porte de son intimité à qui il veut.

La maison X : la fonction attribuée par la famille, ce qu’elle attend inconsciemment de nous sur le plan de nos orientations dans le monde, ceci pouvant influencer nos choix sociaux-professionnels.

L’axe maison I/maison VII

"Dreaming is permitted" par Ozyman sur FlickR
Tout le jeu moi/l’autre propre à l’axe I/VII est étroitement lié aux représentations parentales contenues dans l’axe IV/X. En effet, la manière dont nous nous élançons dans le monde, dont nous déployons notre espace personnel et dont nous rencontrons les autres s’origine de ce qui nous a été inculqué l’axe IV/X.

Ce qui veut dire que les premiers liens créés, le choix du partenaire ou du conjoint, au moins au départ de la vie et dans la jeunesse, sont très souvent influencés par ce qui s’est passé dans notre famille. C’est la raison pour laquelle les stratégies d’alliance sont fréquentes : stratégie inconscientes qui à notre insu nous ferons rencontrer en maison VII des êtres dont l’histoire personnelle aura par exemple des ressemblances ou des complémentarités avec la nôtre. Ou bien ces rencontres nous permettront de perpétuer la tradition familiale en « répétant » les mêmes situations….

Travailler l’arbre généalogique permet donc de comprendre en profondeur ce qui dans notre histoire familiale, sous-tend nos choix et attitudes sur le plan relationnel, avec notamment la place que nous prenons parmi les autres, place qui dépendra, au moins au départ de la vie, de celle qui nous a été octroyée dans l’axe IV/X.

La croix des maisons cadentes : re-naître

Nous avons vu que les énergies figurant dans la croix cardinale cherchent à initier un élan nouveau (quand elles ne sont pas retenues dans les filets du passé) et que les énergies de la croix mutable proposent une relecture de notre histoire, pour lui donner du sens.

Nous avons vu que, quand elles ne sont pas retenues dans les filets du passé, la croix des maisons succédentes proposent une relecture de notre histoire en direction du sens et que la croix des maisons angulaires cherche à initier de nouvelles directions de vie.

Entre ces deux croix il y a la croix des maisons cadentes : ces maisons médianes sont prises donc entre les interrogations /réorientations des maisons succédentes et les impulsions/décisions des maisons angulaires.

Cette croix nous propose d'être créateurs de notre vie et non plus dépendants des conditionnements du passé. Elle est le creuset individuel ou chacun peut se recréer : c’est un espace de liberté ou tout bouge tout le temps dans un flux continu et une recherche permanente d’équilibre (toujours à recréer) entre :
l’héritage spirituel (croix succédente) avec le sens profond que nous donnons à notre vie sur terre, et ce que nous en retransmettons à nos descendants (en fonction de ce que nous en avons conscientisé).
l’héritage biologique (croix angulaire) avec le passé sur lequel nous pouvons nous appuyer si nous pouvons en extraire ce qui fera pierre d’angle.

Affronter le vide

"Child walking" par Pink Sherbet sur FlickR
Le passage, le retournement de l'être, s’offre donc à nous dans cette croix avec la création d'un troisième terme qui serait l'être unifié. Mais pour « se recréer » dans l’axe V/XI il va falloir « passer par » la maison VIII qui se trouve au double carré de cet axe. Cette maison étant d’ailleurs au sens propre du terme, un lieu de "passage" … or, « passer par » la maison VIII c’est tout d’abord affronter le vide.

Nous savons que vie existentielle ne peut être constituée que d’une alternance de vides et de pleins et c’est bien ce que nous enseigne l’axe II/VIII. Mais il ne faudrait pas confondre ce vide avec le « néant » dont parlait Sartre dont la métaphysique a souvent conclut à un « non-être » évoquant l’absurdité d’une existence privée de sens, avec l’angoisse de l’humain face à sa propre liberté de créer (croix des maisons cadentes) dont il ne sait pas quoi faire parce qui ne lui trouve pas de direction (croix des maisons succédentes).

Si nous donnons une signification à notre histoire alors ce vide ne peut pas être confondu avec le néant. Et, puisqu’il est vide et qu'il n’attend que nous pour se remplir, il met donc à notre disposition une créativité sans limite. C’est d’ailleurs cela qui parfois nous fait peur….
C’est donc l’énergie créatrice de cette croix qui parvient à nous faire rompre avec de vieilles habitudes sur le plan de la pensée, du comportement, des relations, tout ce qui est vécu de manière conditionnée et donc répétitive.

Se retourner 

Notre conscience tournée jusque là vers la famille, le milieu d’origine, nos croyances, etc. peut, à un moment donné, porter son attention au-delà de ses frontières habituelles (le Saturne parental) pour ne plus se situer dans cette vie uniquement en tant que « moi appartenant à une famille biologique » ou « moi rejetant la famille biologique » mais aussi en tant qu’individu relié à l’univers. Individu qui certes respecte ses racines et prend appui dessus, mais ressent en lui un sentiment d’appartenance également plus large.

Alors, Saturne « se retourne » vers Uranus : il se fait filtre et contenant des valeurs uraniennes porteuses d’individualité. Et là se crée le « Saturne nouveau » : c'est à dire des re-pères, des règles et un cadre de vie non plus soumis aux schémas parentaux mais qui représentent désormais un contenant pour notre Uranus natal. On retrouve bien ici Saturne en tant que maître du Verseau.
Ce changement de point de vue, pour être authentique et libérateur, nécessite le lâcher prise suggéré par la maison VIII et donc la traversée de toutes les émotions, parfois violentes mais libératrices, retenues par nos aïeux. Il nécessite d’arracher du fond de soi les croyances en désaccord avec notre nature profonde pour accepter, et non subir, les pertes de l’arbre généalogique, les traumatismes familiaux douloureux. Ce serait « accepter » dans le sens de cesser de lutter « contre » un passé, qui de toute façon nous constitue et ne changera pas, et tenter de faire « avec ».
Ce serait donc finalement pardonner dans le sens de renoncer à avoir eu une autre histoire que la nôtre. Il n’est pas question de faire table rase de ce terreau, mais de se dégager de ce qui nous retient et entrave notre entrée dans le monde radicalement nouveau d’Uranus.
Ce basculement peut permettre de réamorcer, en maison II, d’autres formes de vie car il est alors possible de retrouver l’audace de vivre (dans le sens de « prendre pleinement corps ») et de forger notre vie en utilisant les talents de la maison II pour actualiser le précieux de nos héritages.
 
Retrouver Annick Pineau sur le site Entre ombre et lumière 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire