LES RUNES SCANDINAVES ET L'ASTROLOGIE, par René-Maurice GATTEFOSSÉ

Au sein du magnifique musée préhistorique et archéologique de Stockholm se trouvent des calendriers qui semblent être plus ou moins la reconduction utilitaire et prosaïque des tambourins des chamanes nordiques. Ils portent, au lieu du nom des saints chrétiens, des figurations astronomiques comme si les hommes de ces pays aux longues nuits d'hiver étaient des familiers du monde stellaire, comme s'ils en connaissaient tous les aspects, comme si les constellations étaient, pour eux, aussi parlantes que, pour nous, les noms de nos éphémérides. Dans certains calendriers, les dessins de constellations deviennent des runes.
  

Article paru dans "Les cahiers astrologiques" n°4

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"Uppsala Rune Stone"
par Marie Vilaro, sur Flickr
On appelle « runes » les caractères alphabétiques dont se servaient les anciens Scandinaves et avec lesquels sont écrites les très nombreuses inscriptions rupestres et sur dolmens d'une région très étendue de l'Europe septentrionale. « Les Germains, dit Tacite, consultent le sort au moyen de petites branches d'arbre sur lesquelles on grave certains signes et qu'on jette pêle-mêle sur un linge blanc. On les prend ensuite au hasard par trois, en successions diverses, et la combinaison des signes sert à formuler les présages. » Cette indication classique faisait présumer que les runes avaient une valeur divinatoire, comme les caractères hébreux, et il devenait intéressant d'en connaître la nature et l'origine.

Le touriste, désireux de se renseigner, visite le magnifique musée préhistorique et archéologique de Stockholm. Il est tout d'abord frappé par la splendeur des collections d'objets des âges du bronze et de la pierre polie, puis il recherche les tambourins lapons et les calendriers de bois pyrogravé qui représentent les premiers chaînons de son enquête. Les calendriers, dont les plus récents sont d'ailleurs du XVIIIe siècle, semblent être plus ou moins la reconduction utilitaire et prosaïque des tambourins des chamanes nordiques. Ils portent, au lieu du nom des saints chrétiens, des figurations astronomiques comme si les hommes de ces pays aux longues nuits d'hiver étaient des familiers du monde stellaire, comme s'ils en connaissaient tous les aspects, comme si les constellations étaient, pour eux, aussi parlantes que, pour nous, les noms de nos éphémérides.

Dans certains calendriers, les dessins de constellations deviennent des runes. Il y a donc filiation entre dessins de constellations et runes; du moins c'est l'impression qu'on éprouve, et elle éveille immanquablement des réminiscences: l'archéologue se souvient de certaines pierres gravées d'Europe et même de France qui portent, à côté de cupules, de bassins, de croix, de pieds humains, de rouelles, de sabots, d'équidés, des caractères runiques, comme en Scandinavie même on les rencontre à côté de figurations d'animaux, d'hommes ou de vaisseaux.

Quant aux tambourins magiques lapons, ils donnent généralement l'image renversée d'un planisphère céleste plus ou moins incomplet mais facilement identifiable: les dessins en sont plus archaïques que ceux des calendriers, mais leur parenté n'est pas discutable. On connaît assez bien les pratiques magiques et mantiques des chamanes, et les auteurs les plus réputés n'hésitent pas à affirmer qu'un grand nombre de traditions extrême-asiatiques ont pour origine les méthodes chamaniques qu'il faut faire remonter aux âges les plus lointains puisque, pour certains d'entre eux, Lapons et Esquimaux sont des Magdaléniens attardés, et pour nous, des paléolithiques.

Tambour runique de Shaman - copie d'un tambour catalogué en 1837
Norvège 2005 - The Schoyen collection
Aussi bien la réputation magique et surtout divinatoire des runes est-elle fort ancienne. On la retrouve signalée dans maintes traditions des peuples circumméditerranéens: plusieurs alphabets archaïques de nos régions présentent des analogies si frappantes avec les runes qu'il est permis de se demander si ces dernières sont, comme le disent les encyclopédies, copiées sur les anciens caractères grecs ou phéniciens ou si, au contraire, ces derniers sont inspirés des runes ou de caractères archaïques encore plus anciens.

Les découvertes de Niébla, en Andalousie, ont apporté de nouveaux éléments à cette discussion: les ruines cyclopéennes qu'on y a dégagées et dont les fondations reposent sur un niveau paléolithique, comportent en effet des caractères ibériques jusqu'à leurs bases, bien au-dessous des couches puniques et phéniciennes. Il semble donc désormais plus probable que les caractères alphabétiques du type runique sont antérieurs à l'histoire et peut-être néolithiques si on ne tient pas compte de ce qu'on n'ose encore appeler des « inscriptions » relevées sur les os des grottes de la Dordogne et dont l'aspect est extrêmement voisin.
Ici comme là sont utilisées des « ligatures », c'est-à-dire des caractères assemblés par deux ou par trois, en doublets ou en triplets, pour former un mot dissyllabique ou trisyllabique.





Classiquement, il existe 16 runes tandis qu'il existe 22 caractères hébraïques, indice supplémentaire de haute antiquité. Les 22 caractères hébraïques représentent 22 arcanes majeurs; ils étaient eux-mêmes primitivement des dessins de constellations; notamment dans leurs formes archaïques dites « Céleste, Malachim ou Passage du fleuve ». Si les 22 caractères hébraïques ont pour origine la carte céleste, rien ne s'oppose à la recherche d'une origine analogue pour des caractères au moins aussi anciens, sinon davantage. Parallèlement; la tradition nordique donne des valeurs tarotiques aux runes; c'est ainsi que leur traduction semble être la suivante: 



Il suffisait de les superposer aux valeurs cabalistiques pour trouver leur ordre et pour les attribuer aux signes du zodiaque et aux planètes, en tenant compte qu'il y a six caractères de moins qu'en hébreu. 
Ce dernier alphabet présente trois caractères transcendantaux, non astronomiques, en revanche il y a, dans les runes, trois lettres « doubles.», c'est-à-dire correspondant à la fois à un signe planétaire et à un signe zodiacal.
J'ai fait figurer sur ce cadran les signes zodiacaux tels qu'on les représente actuellement, et les signes runiques correspondants, mais nous avons dessiné également les aspects des constellations tels qu'ils étaient notés par les Scandinaves. 
Ces aspects sont scrupuleusement respectés dans la forme des lettres si bien que tout lecteur avait à la fois devant les yeux, en lisant une rune, le son alphabétique et la valeur astrologique. Cette singularité explique la formation des noms quotidiens susceptibles d'être inscrits dans un calendrier. 
En inscrivant les aspects célestes à un jour donné, on obtient, avec le système runique, une succession de lettres qu'il est possible de lire phonétiquement et par conséquent de traduire par un mot qui devient le nom du jour. Autrement, dit, il existe pour chaque jour de l'année un nom ou prénom (notre « nom de baptême ») indiquant le thème astrologique de l'individu né ce jour-là et qui est proprement son véritable « nom de naissance ». 
Bien entendu, chaque individu peut porter successivement plusieurs noms chaque fois qu'un important événement devient un avènement, c'est-à-dire modifie ou oriente à nouveau le sens de sa vie: il peut porter un nom d'homme marié, celui du jour de son mariage, un nom de chef, un nom de prêtre, etc.

Gravure extraite des « Sages Écritures », 1 vol. chez Derain, éditeur à Lyon
Cette coutume est d'ailleurs explicitement notée par divers historiens pour des peuples très éloignés les uns des autres. Les valeurs tarotiques des runes expliquent par ailleurs le renseignement donné par Tacite: gravées sur des morceaux de bois, il était possible de les « tirer » comme on tire cartes ou tarots, et par conséquent d'en tirer des présages. Il est permis, par surcroît, d'imaginer qu'à côté des noms « thèmes » il était possible de composer les noms « vénéfiques », c'est-à-dire indiquant les influences nécessaires à tout individu pour améliorer les « inclinations » indiquées par les astres horoscopiques.

Cette possibilité correspond d'ailleurs plus parfaitement au nom de baptême qui est un nom favorable; il indique (depuis le christianisme) le nom d'un personnage influent capable d'influencer favorablement la destinée. 

Autrefois, ce nom, comme l'indique expressément Cornélius Agrippa, était un nom fabriqué de toutes pièces au moyen de signes qu'il dit abraxas et qu'il ne peut pas toujours déchiffrer, justement parce qu'écrits en runes, comme en témoignent les talismans de Grégoire le Grand où les runes sont généralement fort mal dessinées et à peine déchiffrables.

Un point nouveau nous a paru, par surcroît, digne d'être noté: si, actuellement, les runes sont au nombre de seize, il existe sur les rochers gravés et sur les dolmens scandinaves, comme d'ailleurs dans les inscriptions ibériennes ou analogues, d'autres caractères que l'on considère généralement comme des variantes des premiers, mais qui ne nous paraissent cependant pas utilisés arbitrairement. 

Peut-être étaient-ils prononcés d'une façon un peu différente, en tous cas ils ne semblent pas représenter les mêmes constellations. Tout fait supposer que ces lettres n'étaient pas zodiacales ou planétaires, mais qu'elles correspondaient, par exemple, aux paranetellons ou à des constellations diverses susceptibles d'être observées dans les régions nordiques et dont les valeurs ne sont plus connues et les influences ne sont plus déterminées ou utilisées dans les thèmes modernes. 

Nous en puisons l'assurance dans l'examen des calendriers scandinaves et des tambourins chamaniques. Pourquoi des familiers du ciel n'auraient-ils pas donné une importance, secondaire peut-être mais utile, aux constellations dont ils observaient la position et dont ils faisaient usage pour la notation quotidienne et sans doute pour celle du nom de naissance ou du nom vénéfique?

N'ayant étudié que superficiellement la question, nous la livrons tout entière aux méditations des spécialistes. Il serait possible de tirer de cette étude une conclusion inattendue sur l'antiquité de l'astrologie: il semble de plus en plus probable que les animaux peints, sculptés ou gravés des grottes de la Dordogne, au moins pour un certain nombre, ont la même valeur que les animaux des cartes célestes des dolmens et des rochers scandinaves. Les uns et les autres sont des représentations de constellations.

Certains groupes peuvent, en effet, être assimilés à des portions d'une carte céleste, les animaux y sont gravides comme ceux que figurèrent, des millénaires plus tard, les artistes égyptiens et grecs. Les représentations d'hommes, de navires, d'animaux ont, en Scandinavie, des significations astronomiques, et par voie de conséquence, astrologiques puisque toute l'astronomie lapone n'a pas d'autre valeur pratique.

Les nordiques sont des paléolithiques attardés, successeurs authentiques des hommes des cavernes qui suivirent, vers le Nord, les rennes et les bœufs musqués à la fin de la dernière glaciation. Leurs coutumes furent, il y a un siècle à peine, celles de nos ancêtres de la Dordogne. Leur astrologie était encore, il y a peu de temps, ce qu'était celle des Magdaléniens français il y a 20.000 ans. L'astrologie semble donc avoir été la première création de l'esprit humain à partir de l'observation du ciel et tendant à élever leur connaissance vers un monde qui n'était pas celui de la stricte matérialité, premier indice de pensée métaphysique ou religieuse. Il devient ainsi possible de dire de cette science parfois décriée ce qu'on dit de la Culture égyptienne et de la Sagesse: plus on remonte dans le passé et plus on la trouve parfaite... À nous d'essayer de renouer le fil ténu et peut-être rompu qui nous relie à cet Age d'Or dont on parle, hélas, comme d'un Paradis perdu et qu'on n'espère plus atteindre, que ce soit dans ce monde ou dans l'autre.


Les Sept Qualités de la Personne des ésotéristes arabes (la Vie, la Connaissance, la Puissance, la Volonté, la Parole, l'Ouïe et la Vue) sont les sept qualités planétaires, car la Vie appartient au Soleil, la Connaissance à Saturne, la Puissance à Jupiter, la Volonté à Mars, la Parole à Mercure, l'Ouïe à Vénus et la Vue à la Lune.

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