L'ASTROLOGIE MONDIALE, par Patrice GENTY

Jadis, le soin de prédire l'avenir des individus était laissé à des devins inférieurs. L'astrologie aujourd'hui se particularise ; on néglige les prédictions générales et on s'occupe surtout des nativités, on s'attache à l'équateur et au mouvement diurne, délaissant le point de vue universel. Nous ne possédons que des bribes des secrets connus des anciens sages pour prévoir la destinée des peuples, notamment les conjonctions de Saturne et de Jupiter, qui sont capitales.
 
 
Numéro 68-69
Au centre de la création est l'Empyrée, Monde de la Gloire, Séjour des Bienheureux. Ses influences rayonnent sur toutes les créatures, à travers tous les mondes, distribuées par les agents de la Divinité.
Pour étudier les résultantes de ces influx dans notre domaine terrestre, il est préférable de suivre l'ordre inverse : les anciens astrologues plaçaient donc au centre la terre supposée fixe, huitième sphère, domaine de la nature naturée, comprenant tout le monde matériel et non pas uniquement notre planète. À l'extérieur, l'Empyrée, fixe également. Entre les deux, les sept cieux mobiles. Un zodiaque forme la limite de chacun de ces mondes.
Entre les 7 cieux et l'Empyrée se trouve la sphère des Étoiles fixes, neuvième sphère, sphère d'Uranie, mobile également, distribuant à travers les 7 cieux les influences de l'Empyrée. Les étoiles, sont gouvernées par les Anges.

Les Anciens les avaient groupées en constellations ; 12 dans la zone zodiacale, 18 dans l'hémisphère boréal, 18 dans l'hémisphère austral [Certains auteurs indiquent 36 constellations dans chaque hémisphère]. On comptait 360 astérismes dans la région zodiacale et 360 dans chaque hémisphère, soit 1080 en tout [c'est le nombre donné par Hipparque]. Parmi ces étoiles, il y en avait 22 principales. Signalons l'importance particulière des 3 étoiles sacerdotales Fomalhaut, Sirius et Arcturus, et des 4 étoiles royales : Fomalhaut, Aldébaran, Régulus, Antarès.
Certains astronomes modernes admettent que notre Soleil fait partie d'un amas comprenant plusieurs centaines d'étoiles. Le grand cercle de cet amas, incliné de 20 à 25 degrés sur la Voie lactée, comprend les étoiles les plus brillantes des constellations Orion, le Grand-Chien, la Colombe, la Poupe, la Carène, la Croix du Sud, le Centaure, le Loup, le Scorpion. Indistinct dans Ophiucus et Hercule, sa direction générale est indiquée par les étoiles les plus brillantes des constellations : la Lyre, le Cygne ou Croix du Nord, Céphée, Cassiopée, Persée et le Taureau. Il coupe la Voie lactée dans la Croix du Sud et Cassiopée. Son pôle boréal est environ à 11 h. d'A. R. et 30° degrés décl. [Les coordonnées de Fomalhaut sont environ 23 h. A. R. et 30° décl. Sud ; le Pôle Nord de la Voie lactée est à 12 h. 40’ A. R. et 28° décl.] 

L'Origine de la Voie lactée, Le Tintoret - National gallery, Londres

Les influences venant de l'Empyrée par l'intermédiaire des étoiles sont donc distribuées par les 7 cieux mobiles, suivant des cycles zodiacaux et planétaires. La connaissance de ces cycles et de leurs combinaisons formait la base de l'astrologie ésotérique [Fabre d'Olivet, Examen des Vers dorés de Pythagore, 16° examen]. Cette connaissance est presque entièrement oubliée. L'astrologie naturelle, la seule étudiée aujourd'hui, nous vient des Grecs, qui la constituèrent d'après certaines traditions recueillies par les Alexandrins et peut-être par les Babyloniens. Cette astrologie naturelle ne s'occupe que des planètes [au sens général du mot : corps-errants] du monde matériel, c'est-à-dire de la 8° sphère, le monde sublunaire des Anciens, la Terre au sens le plus général du mot. Les 7 cieux des Anciens étaient tout autre chose que les planètes connues aujourd'hui sous les mêmes noms ; on ne saurait trop le répéter. Ptolémée et bien d'autres ont confondu.
Il est cependant un cycle qui a été conservé par les Grecs. C'est la Grande Année et ses fractions, la moitié, le tiers, le quart, le sixième. Cette dernière, de 4 320 ans, était le plus communément employée, ainsi que ses sous-cycles : 4 320 mois ou 360 ans, et 4 320 jours ou 12 ans.
[La semaine de la Grande Année est la période magnétique de Brück.]
Cette période de 4 320 ans était le fondement de la chronologie sacrée de tous les peuples [Dr Sepp, Vie de Jésus]. L'abbé Trithémius et le moine Franciscus Allæus l'ont prise pour base de leurs prophéties. Chaque signe du zodiaque correspond à 360 ans. On commence par le Cancer et Saturne, le Lion et Jupiter, etc. Le degré vaut 12 ans.
Si l'on prend le quart de la précession, soit 6 480 ans, le signe vaut 540 ans et le degré 18 ans. Signalons également les cycles de 60 ans et de 60 mois, ou 5 ans et 60 jours ; le cycle de 1200 ans et ses multiples, et sous-multiples. On employait également des cycles formés par les conjonctions des planètes entre elles ou avec le Soleil, particulièrement au début du Bélier.
Mais les astrologues grecs et leurs successeurs étudiaient tout particulièrement, en astrologie mondiale, les phénomènes célestes visibles. Les uns sont calculables d'avance : les principaux sont les conjonctions de Saturne et de Jupiter, et les éclipses. Les autres sont imprévus ; ce sont les météores; étoiles nouvelles et comètes en particulier.

Données générales

Les pronostics sont tirés de la couleur du phénomène, du lieu du zodiaque où il est situé, des étoiles qui y sont conjointes, de celles qui se lèvent et culminent au même moment. [La nature intrinsèque est indiquée par le symbole du signe, et non par la planète domiciliée]. Une très grande importance est attachée aux décans. Le compilateur brouillon que fut Firminus Maternus nous a transmis une liste de décans soi-disant chaldéenne, en réalité fantaisiste. Les décans ont une nature zodiacale - indiquée par Manilius - et planétaire. En voici la liste :

La couleur du phénomène indique le génie planétaire qui le gouverne. L'aspect du ciel est très important, les Anciens l'examinaient avec beaucoup de soin. [Ils voyaient. Aujourd'hui on calcule.] Il semble que dans les temps antiques on ne tenait pas compte des planètes, sauf en cas de conjonction avec le phénomène observé. Quoi qu'il en soit les planètes en astrologie mondiale doivent être considérées comme significateurs généraux, ainsi que nous l'a transmis Ptolémée.
[Voir pour les significations : la Lumière d’Égypte, l'Almanach astrologique de Barlet pour 1910, les Signes du zodiaque, par Wirth et un important article : "L'Astrologie dans l'Histoire", paru dans la Science astrale d’octobre 1904, 491-494].
Si l'on recherche une détermination plus précise par le moyen des maisons, il est bon de s'en tenir à la domification dite de Porphyre, qui est basée sur l'écliptique. Les méthodes inventées par les mathématiciens Campanus, Régiomontanus et Placidus, basées sur l'équateur et le mouvement diurne, sont remarquablement adaptées à l'astrologie individuelle. Je persiste à n'en pas voir l'utilité en astrologie mondiale. La méthode de Porphyre est la plus ancienne et fut la plus répandue, aux Indes aussi bien qu'en Grèce ; plus près de nous, Luc Gauric, qui n'était certes pas le premier venu, l'employait de préférence à tout autre.
Tenir compte, évidemment, de toutes les planètes et se garder d'imiter certains astrologues modernes qui, sous prétexte que les Anciens ne les connaissaient pas, négligent Uranus et Neptune, dont l'action est fort importante. Malheureusement, les deux planètes transneptuniennes, Pluton et Proserpine, n'ont pas encore été découvertes astronomiquement, bien que leur existence soit extrêmement probable. Leurs qualités astrologiques ont été déterminées par Caslant [tout comme la classification périodique des corps simples permit de déterminer a priori les propriétés d'éléments encore inconnus].
Mais il ne faut pas tomber dans l'excès contraire. Parler de l'influence des satellites, des planètes et  des astéroïdes prouve simplement qu'on ignore l'astrologie. Quant à Vulcain, la pseudo-planète infra-mercurielle, elle n'existe ni astronomiquement m astrologiquement.

Durée des influences et lieux où elles sont ressenties

Les modernes admettent en général que de la durée des phénomènes dépend la durée de leur action. Pour les Anciens, celle-ci dépendait de la position du phénomène dans le zodiaque. Dans les signes cardinaux, l'effet commence rapidement et est de courte durée ; dans les signes fixes, l'effet commence tardivement, mais soudainement, et dure longtemps ; dans les signes communs, l'effet commence rapidement et dure longtemps, mais avec des périodes d'arrêts brusques et des reprises soudaines.
Malheureusement, nous ignorons les cycles correspondants. Les Anciens les gardaient soigneusement secrets. D'ailleurs pendant la période d'action d'un phénomène, il s'en produit souvent d'autres, ce qui complique singulièrement les pronostics.
Quoi qu'il en soit, le phénomène doit être dirigé suivant le cycle correspondant. Par exemple, si la durée d'une éclipse est de 60 mois - ou 5 ans- on devra la diriger dans l'écliptique à raison d'un signe par 5 mois. Les événements se produiront lorsque le phénomène dirigé atteindra les planètes par corps, aspect ou parallèle.
Les très anciens astrologues procédaient sans doute autrement. L'observation du phénomène, de sa couleur, de sa position, etc., leur indiquait la nature et la durée des événements. L'observation des ingrès (entrée du Soleil dans les saisons) et des lunaisons leur permettait de préciser l'époque de réalisation.
Il est également indispensable de préciser le lieu du globe où se produiront les événements prévus.
La tradition antique indiquait la corrélation des 72 anges, des 72 constellations et des 72 peuples issus de Noé. Au-dessus de ces derniers, les 12 tribus d'Israël, en relation avec les 12 constellations zodiacales et 12 grands Anges. Ces données cabalistiques sont à peu près oubliées aujourd’hui.
Voyons ce que les astrologues anciens nous ont transmis.
D'une façon générale, l'Asie est gouvernée par le Soleil, l'Afrique par la Lune, les deux Amériques par Mercure. L'Europe est gouvernée par Mercure, avec prédominance tantôt solaire, tantôt lunaire.
Divers systèmes de chorographie astrologique ont été proposés. Le seul dont il y ait lieu de tenir compte est celui qui nous a été transmis par Ptolémée. Certes je ne suis pas de ceux qui considèrent l'Almageste comme définitif, et n'admettent pas qu'on y ajoute quoi que ce soit. Où en serions-nous en astronomie et en géographie si l'on s'en était tenu à Ptolémée ? Mais il ne faut pas oublier qu'il était un homme très instruit dans toutes les connaissances de son époque, et qu'il avait mérité d'être surnommé Ptolémée le Chaldéen - dont on a fait depuis Claudius Ptolémée.
Je crois donc qu'il est bon de s'en tenir au système de Ptolémée, développé et complété par certains de ses successeurs. Cela en ce qui concerne les peuples. Quant aux gouvernements, aux empires, groupements plus ou moins artificiels et temporaires, la méthode traditionnelle est celle indiquée plus haut en parlant du cycle de 4 320 ans.
Dans les ouvrages modernes, les relations des signes du zodiaque avec les pays et les villes sont indiquées assez empiriquement ; on semble s'être basé surtout sur des considérations sentimentales. Par exemple,la Prusse - à tout Saigneur tout honneur - était placée par les anciens astrologues sous le signe du Cancer. Aujourd'hui, on lui attribue le Verseau. Le Verseau, l'Homme… - rien que cela! En réalité, la Prusse joue en Europe le rôle du bourreau dans la société ; rôle nécessaire, après tout. La Prusse est gouvernée par le deuxième décan du Cancer.
On place la France sous le signe du Lion. Pourquoi ? Depuis Ptolémée jusqu'à Fludd et Villon, le Bélier gouverne entre la Seine et la Loire et Outre-Manche ; le Sagittaire au sud de la Loire - jusqu'à la Garonne - et à l'ouest du Rhône et une partie de l'Espagne ; le Lion à l'est et au sud du Rhône : Gaule narbonnaise, Gaule cisalpine et Gaule transalpine. Cette division, si on se donne la peine de l'étudier de près, apparaît comme très exacte. Il serait curieux de savoir qui le premier - et pour quelles raisons - a décidé que désormais la France entière serait gouvernée par le Lion. Parce que le Lion est le domicile du Soleil ? Fort bien. Mais il y a un autre aspect des choses. Si l’on considère le symbolisme des signes, le Bélier est le conducteur du troupeau ; le Taureau, le défenseur; les Gémeaux, les gardiens. Le Cancer symbolise la demeure du troupeau et la Vierge les pâturages, sa nourriture. Quant au Lion, c'est l'ennemi du troupeau. Le Lion a toujours été pris par les mystiques et les Rosicruciens comme le symbole du Prince de ce monde.
Ce n'est pas flatteur pour le pays qu'on veut lui faire gouverner. Mais on ne saurait penser à tout.
Il est bon, je le répète, de s'en tenir au système chorographique de Ptolémée, qui a été reconnu exact pendant plus de quinze cents ans, ce qui commence à compter.
En ce qui concerne les gouvernements successifs, les Mérovingiens ont commencé sous le signe du Cancer, les Carolingiens sous celui du Lion, les Capétiens sous celui de la Vierge. Le régime républicain s'est établi sous le signe de la Balance, qui gouverne donc la France d'aujourd'hui. Barlet, par des voies différentes, était arrivé aux mêmes conclusions. Le gouvernement des ouvriers et des paysans est venu sous le signe du Scorpion.
On voit par tout ce qui précède qu'il nous reste fort peu de choses sur l’apotélesmatique catholique, alors que la généthlialogie est solidement constituée.
Jadis, c'était tout le contraire ; on ne s’occupait pas des individus, le soin de prédire leur avenir était laissé à des devins inférieurs. L'astrologie se particularise ; on néglige les prédictions générales et on s'occupe surtout des nativités ; on s'attache de plus en plus à l'équateur et au mouvement diurne, pour la partie mathématique, négligeant le point de vue universel.
Les secrets connus des anciens sages pour prévoir la destinée des peuples sont perdus ; nous n'en possédons que des bribes, et on néglige d'appliquer les quelques règles qu'ils nous ont transmises. Au lieu d'étudier les conjonctions de Saturne et de Jupiter, qui sont capitales, on ne s'occupe que de l'entrée du Soleil dans les saisons et des transits des planètes. Il n'est pas surprenant que les prédictions faites dans ces conditions échouent presque toujours. Ce qui surprend, au contraire, c'est qu'on réussisse quelquefois à tomber juste.

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