LA PRÉHISTOIRE DES DEGRÉS MONOMÈRES, par Alexandre VOLGUINE

Si l'exposé d'une doctrine astrologique date seulement du début de notre ère, on peut facilement trouver des preuves de son existence plusieurs siècles auparavant. Les renvois constants de Claude Ptolémée aux Anciens ne sont pas un vain mot, ni le désir de parer une théorie nouvelle par l'auréole de l'ancienneté. Cette remarque est particulièrement juste en ce qui concerne les symboles attachés à chaque degré zodiacal. M. Pierre Gautier, qui s'avère de plus en plus comme un digne continuateur du regretté André Costesèque, fait remonter dans l'étude qu'on lira plus loin, l'origine des monomères à un millénaire avant l'ère chrétienne. Il me semble donc intéressant d'apporter quelques autres preuves de l'antiquité de ces symboles qui sont vraisemblablement beaucoup plus anciens que le début de l'histoire romaine.

À voir également sur De Sphæris : 

Article original paru dans "Les Cahiers astrologiques" n°31, 1951

Nigidius Figulus, Firmicus Maternus, Manilius et bien d'autres plus près de nous (comme Scaliger) nomment Myriagenesis (liste des significations particulières des degrés) la Sphère barbarique (Sphaerae Barbaricae Apotetesma). Or, le mot barbare signifiait à l'époque tout simplement étranger, s'appliquant à tout ce qui n'était ni grec, ni latin. A. Bouché-Leclercq a tenté d'identifier cette mystérieuse sphère barbarique à la sphère céleste égyptienne (2). 

Aucun document archéologique ne confirme ni n'infirme cette origine des monomères, mais on trouve chez les auteurs anciens plusieurs mentions des cercles astrologiques de l'Égypte servant à la fois de tables astronomiques et de moyens divinatoires, tel le cercle d'or d'Osymandias lequel, selon Diodore, régna environ 800 ans avant Sésostris, – ce qui rend nos monomères autrement plus anciens qu'ose supposer M. Pierre Gautier. Notons qu'on pense que ce pharaon légendaire n'est autre que Ramsès II et que le cercle d'or astronomique couronnant son tombeau et reproduisant celui qui porte ce nom, se trouvait donc dans le Ramesseun de Médinet-Habou, mais il n'est pas parvenu jusqu'à nous (3). 

Le fait que la Tradition attribue au cercle d'Osymandias 365 divisions (au lieu de 360 – nombre des monomères) ne prouve nullement qu'il s'agit d'autre chose que de la Sphère barbarique; de nos jours, plusieurs auteurs (comme par exemple, Ely Star) donnent la nature des degrés zodiacaux exprimée en dates correspondant au passage du Soleil sur chaque degré. 

Et ne doutons pas que toutes les correspondances anciennes des jours avaient une base autrement plus solide que la fameuse liste du Calendrier Républicain établie par Fabre d'Églantine (comme on sait, voulant remplacer les vieux saints chassés par la Révolution, ce dernier a placé au petit bonheur tout le long de l'année soit des noms de fleurs, soit ceux de fruits, soit encore d'animaux: vache, âne, dindon, oie, etc.). 

On sait, d'autre part, que l'ancien degré chinois était de 59'8,25" seulement puisqu'on divisait le cercle équatorial, en autant de degrés qu'il y a de jours dans l'année, et que chaque degré avait une signification astrologique particulière dès la haute antiquité (début de la IIIe dynastie; c'est-à-dire XIe siècle avant J.-C.), – ce qui prouve qu'à côté du cercle des 360 monomères, il y avait celui de 365 et même 366. 


On peut trouver des allusions aux sphères semblables dans toutes les civilisations anciennes. 

En Chaldée, ce sont les murailles mêmes de Babylone qui formaient le cercle zodiacal. Diodore de Sicile rapporte d'après Crésias qui fit un long séjour à Babylone que "Sémiramis environna cette ville d'une muraille de 360 stades, afin que son enceinte eût autant de stades qu'il y avait de jours dans l'année", (4). L'énorme ville, grande comme le département de la Seine (5), était plus tard entourée par 360 tours larges de 8 m. 30 et distantes de 44 m. l'une de l'autre (6). Connaissant la passion de la Babylonie pour notre science, d'une part, et la conception universelle d'une ville (et d'un pays) comme un zodiaque complet, d'autre part, il est vraiment naïf de supposer qu'il ne s'agit que de tours symbolisant chacune une journée et ne contenant ni hiéroglyphes, ni dessins propres au degré représenté. Autant construire un temple qui ne doit contenir ni autel, ni aucun accessoire du culte.

Les sphères zodiacales souvent gigantesques, et ce nombre fatidique des 360 degrés jalonnent à partir des temps légendaires de Sémiramis toute l'histoire ancienne. Les traditions comme celles de 360 coupes de lait versées sur le tombeau d'Osiris et de 360 urnes fêlées des prêtres de Libye, ne se rapportent-elles pas aux monomères?... Et la mystérieuse mer du temple de Salomon n'était-elle pas une sphère céleste?... Car cette "mer" avait une forme circulaire et mesurait 30 coudées comme circonférence et 10 comme diamètre (7). 

"Ce sont des légendes invérifiables; ce ne sont pas des documents certifiant indubitablement la nature individuelle et hiéroglyphiée de chaque degré", objecteront vraisemblablement certains esprits critiques. Certes, mais ces légendes valent l'histoire biblique de la femme du lévite découpée par son mari en 12 morceaux; de même que cette dernière prouve que la théorie de l'homme-zodiaque a existé au temps de la rédaction du Livre des Juges, de même ces légendes attestent que vingt siècles avant notre ère (et peut-être même plus) les hommes matérialisaient déjà les degrés zodiacaux, c'est-à-dire travaillaient les monomères. 

Rappelons également que les Chaldéens divisaient la journée en 360 parties, – ce qui suggère aussi l'emploi constant des monomères à l'Ascendant et au Milieu du Ciel. Les assyrologues affirment que ces parties avaient "une valeur religieuse et magique", – leur façon à eux d'attester l'existence d'autres raisons que la simple division numérique du temps. 

Enfin "une tablette de la bibliothèque de Ninive nous a conservé la liste des principaux dieux assyriens, représentés chacun par l'un des 60 premiers nombres" (8), – ce qu'on prend généralement pour une "mystique des nombres", mais qui peut se rapporter directement aux monomères. 

Je n'ai pas la prétention de réunir ici toutes les allusions aux 360 et 365 figurines, symboles ou influences particulières, car au fur et à mesure qu'on descend l'échelle des siècles, ces allusions deviennent de plus en plus nombreuses et leur simple énumération devient prodigieuse. Ce sont 365 cieux de Basilide, le fameux grand Abrasax ou Abraxas, – nom fait avec des chiffres dont la somme vaut 365 (a1+b2+r100+a1+s200+a1+x60=365). D'ailleurs, les allusions gnostiques à 360 et 365 sont particulièrement nombreuses. Les 366 livres d'Hénoch écrits sous la dictée de l'ange Vretil (Uriel), se rapportent aussi visiblement à ces symboles journaliers qui sont l'adaptation au cercle de l'année des hiéroglyphes des 360°. 

Enfin, 360 stèles-autels ou idoles, – dit-on, – entouraient extérieurement la Kaaba préislamique de la Mecque (9), et ces stèles-autels ou idoles correspondant certainement aux degrés, semblent être en rapport avec la divination au moyen des 7 flèches sans pointes, qui était exercée devant le dieu Hobal occupant la Kaaba dès le IIIe siècle. Si ces stèles, autels ou idoles n'avaient pas été anéantis par les musulmans en janvier 630, nous aurions eu un cercle des monomères autrement plus ancien que la liste d'Eben Ezra à laquelle nous sommes réduits actuellement. 

Souhaitons pour finir que les fouilles archéologiques nous apportent un jour une sphère barbarique du premier ou deuxième millénaire avant notre ère, mais ne doutons pas de la haute antiquité des monomères.

P.S.: Je me permets de reproduire ci-dessous une lettre particulièrement intéressante et documentée de Jean Hiéroz au sujet des monomères 

"La grosse erreur de Costesèque a été de confondre les nombres cardinaux et les nombres ordinaires et d'attribuer à une pointe ce que ces prédécesseurs attribuaient à un arc. Quand Christian ou Scaliger disent: degré 1, il s'agit de l'espace du 1er degré; c'est-à-dire compris entre 0° et 1°; quand ils disent: degré 30, cela veut dire: 30e degré. Un Ascendant à 29°25', par exemple, est dans le 30e degré; de même que quand vous avez 29 ans et demi, vous êtes dans votre 30e année. 

"Or, Costesèque considère que 30e degré, c'est le point 30° ou 0° du signe suivant. Il a donc remplacé les degrés 30e d'un signe de Christian ou de Scaliger par 0° du signe suivant; comparez son livre (10) et "L'Homme Rouge" et vous verrez. 

"Pour utiliser son livre conformément à la tradition, il faut admettre que ses indications s'appliquent aux 30 minutes d'arc précédentes. C'est d'ailleurs cette erreur grammaticale (étonnante chez un professeur) qui fait qu'il a besoin de recourir à la confusion du degré voisin pour tomber juste.

"Personnellement, je suis étonné de la justesse des monomères à la condition de les appliquer seulement à l'Ascendant, Milieu du Ciel, Soleil, Lune et au maître de l'Ascendant"...

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Notes

  1. La Bible et l'Astrologie, dans les Cahiers Astrologiques. n° 30. 
  2. L'Astrologie Grecque, Paris, 1899, p. 125. 
  3. Court de Gébelin (Du Monde primitif, t. IV, p. 9) dit au sujet de ces cercles: "les tables astronomiques étaient de vulgaires almanachs; ainsi on en a eu de temps immémorial chez les Égyptiens. Tel était le cercle d'or d'Osymandias, roi d'Égypte qui avait une coudée de large de 365 coudées de tour; chacune de ces coudées répondait à un jour de l'année... C'était un Almanach ou Calendrier vraiment royal, et qui remonte au temps des patriarches antérieurs à Moise, au temps des anciens rois de Thèbes"...
  4. Livre II chap. VII. 
  5. Ménant: Babylone et la Chaldée, Paris, 1875, p. 193. 
  6. R. Koldewey: The excavations at Babylon, cité par G.-R. Tabouis, Nabuchodonosor, Paris, 1931, p.43. 
  7. "C'est admettre 3 comme valeur de Pi", dit Abel Rey (La Science Orientale avant les Grecs, Paris, 1930, p. 19): "Et cela nous rappelle la figure géométrique rencontrée fréquemment sur les monuments assyro-chaldéens: la circonférence partagée également par trois diamètres, c'est-à-dire la connaissance que le rayon porté six fois sur la circonférence sous-tend six arcs égaux qui épuisent exactement cette circonférence"... Selon l'opinion unanime, c'est précisément de cette figure que vient la division de la circonférence en 360°. 
  8. Lévy-Bruhl: Les jonctions mentales dans les sociétés inférieures, Paris, 1910, p. 235
  9. Émile Dermenghem: "La vie de Mahomet", Paris, 1950, p. 55. 
  10. "La prédétermination de l'avenir".

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