URANUS, par Ferdinand DAVID

Avec le recul que nous avons désormais, nous pouvons dire que la découverte de la planète Uranus en 1781 faisait entrer l'astrologie dans l'ère moderne, de même d'ailleurs que l'humanité en tous domaines. L'évolution s'accéléra et alla s'amplifiant. L'Esprit prenait le pas sur la Matière, est de bien des façons. Un seuil était atteint. Rejets, ruptures, réformes, inventions, vitesse. Aujourd'hui, nous pouvons mesurer l'intensité, la densité et la rapidité de ces siècles par rapport aux précédents. Nous pouvons aussi, et c'est peut-être très nouveau, mesurer combien cette victoire (ou cette Aventure) nous pose des problèmes… impossibles à solutionner par un retour en arrière.


Cet article est paru dans la revue "Urania Magasine ", n° 15

L'esprit sorti de la matière

L'Esprit va vite quand il peut sortir de la Matière pour tenter de rejoindre son Univers d'origine, et les alchimistes avaient bien raison de faire bouillir le vieux Saturne dans leurs cornues. Les hommes ne peuvent rêver qu'à ce qui sera un jour à venir, et les intuitions fulgurantes des Uraniens devraient toujours être étudiées et conservées.

Mais pour que le rêve devienne réalité, il faut que des préalables aient été accomplis. L'expansion est une bulle, non une ligne. Ainsi la planète Uranus, invisible par la seul sens physique de l'être humain (la Matière), à la différence des précédentes, bases de l'astrologie traditionnelle, ne fut découverte que grâce à l'œuvre inventive de l'Esprit. Le télescope, en effet, comme toutes les grandes inventions, ne fut possible qu'à la faveur de tout un ensemble de découvertes et de réalisations précédentes. Ce sont les préalables nombreux absolument indispensables à toutes les inventions et les croissances. Et ces préalables signent l'évolution accomplie de l'humanité, sa croissance, son nouveau printemps, n'en déplaise à tous les pessimistes nostalgiques des passés. Ainsi en est-il pareillement de la plante et de la personnalité humaine : l'une comme l'autre, pour être reconnues, distinguées, doivent accomplir de nombreuses réalisations, notamment des racines et une tige solide. Il en fut ainsi pour notre Soleil au milieu des étoiles, du moins selon l'apparence des choses.

Déjà voici donc autant d'éléments pour comprendre Uranus et pour l'interpréter dans les ciels de naissance. Ces éléments sont puisés dans l'observation de l'œuvre de la vie, et non dans les livres écrits, eux, par des hommes. La vérité existe donc dans le naturel : « Et la vie était la lumière des hommes », explique l'auteur du Quatrième Évangile, l’évangile de l'Esprit, pour dire où son Maître avait puisé sa science des lois universelles, ou divines si l'on veut. N'est-il pas bon en notre époque d'intellect trop exclusif de revenir à l'observation des lois de la vie en regardant comment « cela » se passe dans la nature, là où elle n'a pas encore été trop asservie par l'intellect humain. Le Soleil sans l’humidité de la Terre brûle et ne féconde rien : les astrologues connaissent bien cette symbolique.

Orage par webermat  sur FlickrR
La place qu’Uranus occupe dans la suite planétaire alignée entre le Soleil de notre Univers et la source cosmique de toute énergie est un autre élément d'interprétation. Ainsi notre difficulté à interpréter Pluton tient au fait que nous ignorons la planète qui se situe après elle. Par contre, nous savons que c'est Neptune qui suit Uranus. Connaissant l'énergie symbolisée par Neptune et par Saturne, il est facile de comprendre que l'énergie uranienne aura pour rôle de nous arracher à Saturne pour nous conduire à Neptune, fascinés que nous sommes inconsciemment par celle-ci. Ici, ce n'est plus sur Terre que l'astrologue fait sa lecture, mais dans le Ciel. À la différence de l'animal, l'homme peut regarder aussi bien en bas qu'en haut. Disons aussi en passant que toute énergie différenciée en planète est d'abord vécue négativement par l'homme, puisqu’il commence d'abord par ressentir celle-ci, et ressentir n'est pas maîtriser, loin de là.

Il est également intéressant de nous arrêter au nom donné à la planète : Uranus vient d'Ouranos. Ouranos était né de Gaïa, la Terre, après son émergence du chaos originel sans le recours au principe mâle, donc né de l'Esprit. Éternellement né, pourrait-on dire, selon la symbolique du serpent qui avale sa queue comme un cercle n'ayant ni début ni fin.

Sans doute né de l'Esprit comme l'enseigne la Bible, de l' « Esprit de Dieu » qui, avant la création du monde, « planait au-dessus des eaux ». L'idée de différenciation si uranienne est déjà annoncée. Uranus représente bien l’énergie située entre la Terre et le Ciel, l'énergie de scission, de séparation, de brisure, d'autonomie, de greffe… que l'énergie neptunienne viendra adoucir par la suite. Le technocrate inhumain est déjà présent mythologiquement dans Ouranos qui repoussait ses propres enfants dans les profondeurs de la Terre. Ouranos ne fut guère accepté par les Grecs pas plus que l'uranien ne l’est par le monde qu'il bouscule.

Ouranos fut le Dieu qui sortit, qui émergea, du chaos originel, de l’indifférencié, tout comme l'énergie uranienne, qui vient après celle de Saturne, tend à sortir les hommes du monde limité par la dernière planète terrestre. La personne marquée à sa naissance par une dominance uranienne tendra également à émerger rapidement et soudainement de son point de naissance (milieu d'origine), pour le transformer ou pour le fuir ; mieux même, elle tendra sans cesse à émerger de sa personnalité antérieure. Uranus symbolise la facette cosmique de l'énergie d'individuation : l’être sort du collectif, de l'anonymat, de l'espèce ; il commence sa grande aventure personnelle d'être soi et pas un autre, c'est-à-dire de manifester la richesse diversifiée de la vie ; et la vie lui accorde la joie sans égal de pouvoir s'affirmer, se différencier, se construire comme il entend, et, à partir de cette individuation, de posséder tous les pouvoirs qui lui seront nécessaires pour accomplir son œuvre.

Le plus impressionnant, et aussi le plus sécurisant pour l'astrologue, n'est-il pas de regarder les grands transits opérant sur une dominante uranienne pour comprendre la puissance de cette énergie d'individuation et d'arrachement au saturnien ayant fait son œuvre, donc à dépasser ? Et déjà cette même puissance apparaît lors des transits opérés par le passage d'Uranus sur les points sensibles du ciel de naissance.

 Une énergie entre Ciel et Terre

 Mont St Michel - France
Je voudrais dire combien il est magnifique que Mars et Uranus se retrouvent ensemble dans le signe du Scorpion, l’une comme Maître, l'autre y étant exaltée. Mars dans le Scorpion, et Pluton pareillement, travaillent à l'exaltation d'Uranus. Le signe du Scorpion correspond à la Maison VIII qui est celle de la nouvelle naissance après l'association à l'autre en VII ; renaissance par le passage à un autre type d'existence, un renouvellement de l'existence précédente, par la mort, hélas, elle est nécessaire ; la nôtre ou celle de nos tuteurs conservés. Le signe du Scorpion est aussi celui de l’aigle qui voit loin, d’en haut, et qui fonce sur son objectif comme une flèche. Il est bien facile de comprendre que le meilleur traitement de la peur qu'inspirent parfois Pluton et le Scorpion, ainsi que Mars à une plus petite échelle, est de développer Uranus, Uranus l'énergie qui donne envie et moyens d'aller au-delà. Et si Neptune dans le ciel de naissance est beau à voir, le voyage sera merveilleux.

J'ai toujours été frappé de l'intelligence, de la sagesse et de la connaissance que recèle la science astrologique : il faut une grande connaissance des lois de la vie pour avoir composé ne serait-ce que la Maison VIII et toutes les facettes de l'énergie cosmique qui permettent de la vivre dans la joie créative. Dans les temps actuels, par rapport à la Tradition, Uranus et Pluton sont entrés dans ce huitième Secteur. Quel apport ! Les astrologues modernes n'ont pas du tout démérité par rapport aux Anciens. Mais sommes-nous, en astrologie, dans une science qui relèverait exclusivement de l'intelligence humaine ? La question vaut d'être posée, même si elle surprend. Il y a dans les énergies vitales une Intelligence autre que celle de l'homme, et l'intelligence humaine n'est qu'une participation à celle-là. On dit que l'uranien est soucieux du collectif avant de l’être de lui-même. C'est là un niveau d'interprétation. Mais, à un niveau supérieur encore, l'uranien pense au cosmos tout entier, et non seulement à la Terre et au Ciel. Un grand nombre d’uraniens ne se disent-ils pas dépassés par leur propre force intérieure quand ils regrettent de s'être « mis dans une telle galère » ? Uranus ressort de l'énergie qui conduit l'homme de la Terre au-delà de la simple relation Soleil-Terre, donc au-delà du monde limité par ce que l'on   voit à l'œil nu

La spécificité et la finalité de l'énergie uranienne nous renseignent encore sur la violence qui s'exprime un peu partout dans notre monde. Ce que je viens d'écrire sujet de la Maison VIII qui à travaille l'exaltation d'Uranus peut nous aider à comprendre que cette violence n'est qu'une énergie mal utilisée. Une énergie qui ne trouve pas sa voie, son utilisation, le devenir vers où elle veut conduire celui qu'elle anime.

"Revolution", par Chris Corwin sur FlickrR
L'astrologie à vocation et moyens pour expliquer les crises de croissances du monde comme elle explique celles des personnes. Mais pour une telle tâche, il faut regarder longuement à la fois le Ciel et la Terre. C'est ce que firent les hommes qui fondèrent l'astrologie, et ils étaient des uraniens d’avant notre ère à coup sûr. Uranus n'est-elle pas la planète maître de la Maison XI, celle des projets au service de la croissance ? Et, pour cette expansion, ne faut-il pas comprendre et intégrer les exigences de la Terre et du Ciel, donc partir de Saturne et de Neptune ? Nous pouvons dire qu'avec Uranus recommence une nouvelle séquence planétaire, ou, plutôt, transpose la séquence traditionnelle à un niveau de conscience plus élevé. L'être humain est donc bien attiré par une force que le tire en avant de son présent : la suite planétaire jalonne cette route. Une telle perspective nous aide à trouver l'interprétation juste en astrologie, et, de plus, l’astrologie peut être étudiée comme base de toutes les sciences humaines, mais il sera indispensable que les astrologues se battent durement pour répandre dans la société une autre image de l'astrologie. La crise de ces dernières années nous montrent combien nombreux ont été et sont les dérapages allant du solide vers le gadget, de l'essentiel sans cesse à repenser vers le futile, de la profonde et lente réflexion vers le coup médiatique bricolé en dernière heure.

J'ai évoqué le problème de la violence dans le monde actuel à propos de l'énergie uranienne, mais il faudrait parler également de la masse de personnes qui sont mal dans leur peau malgré des budgets de santé considérables. Un être humain ne peut être en bonne santé s'il n'a aucune perspective d'avenir, aucune possibilité d'expansion : il fabriquera alors une dépression, un cancer, une spasmophilie, etc. L'énergie uranienne est arrêtée en lui ; elle ne circule plus ; cette personne n'est plus un relais correct de l'énergie cosmique. À l'origine, le saturnisé n'a pu être dépassé ; l'énergie uranienne n'a pu être utilisée, et la maladie s'installe. Pour vivre les énergies de Neptune et de Pluton, il faut avoir usé d'Uranus. Elle est la porte.

En l'être humain, univers miniature

Parler d'Uranus en cette fin de la civilisation Poissons et en ce début de l'ère du Verseau, nous impose de reconsidérer notre outil astrologique pour tenter d’en retrouver les bases. Ce n'est pas une mince affaire que de vouloir travailler à cette relation étroite qui existe entre l'astrologie et la vie, entre elle et la psyché humaine, donc entre elle et les événements qui nous construisent. Ce n'est pas une mince affaire qui sollicite sans doute en priorité les uraniens, et je ne prends pour preuve de cette difficulté que les contre-vérités et banalités sans cesse réaffirmées par de « grands esprits » intellectuels dont de nombreux Nobel de toutes disciplines. Il nous faut retrouver la vérité qui fonda notre science quelque part dans une lointaine civilisation. Il nous faut tordre le cou aux vieux clichés qui veulent que les planètes influencent les individus. C'est un peu comme si c'était l'horloge de la cuisine qui réglait la marche journalière (apparente) du Soleil. Un esprit peu ouvert à la dimension cosmique de la vie pourrait le croire tant la synchronisation entre l'une et l'autre est parfaite et constante. Les planètes sont les aiguilles d'une grande horloge, un effet, non une cause. Les facettes de l'énergie cosmique une qui fabriquent et rythment Mars, Mercure ou Neptune agissent pareillement en l’être humain qui est un univers miniature.

Avec les poussières célestes, ces énergies différenciées, pour être davantage créatives, créent les astres ; avec d'autres matériaux, elles créent les facultés humaines, à leur tour structurées par la conscience pour que l'unité soit retrouvée.
Notre vision du monde n'est pas matérialiste et celle des astronomes qui nous critiquent l’est.
Si nos sens étaient davantage affinés, nous pourrions retrouver pareillement dans les règnes minéral, végétal et animal, des individus marsiens, d'autre mercuriens, etc. et dresser leur ciel de naissance pour établir leurs transits de croissance.
L'important est de retrouver la finalité de la vie : c'est cette finalité qui a engendré l'ordre du monde, les lois universelles. L'homme y est soumis et, par manque de connaissance, s’y conduit en aveugle.
Bien entendu, il pourrait en être tout autrement, c'est dire la perspective qu’ouvre l'astrologie restée vaille que vaille encore en contact avec les cycles de la nature.
Pour cela, il faut oser quitter Saturne inférieur et se mettre à l'écoute des appels de Neptune : l’énergie uranienne est alors disponible.

" Les Planètes : Symbolisme et signification en signes et en maisons" par Ferdinand DAVID aux éditions Bussiere - ISBN-10 : 28509014581