Texte original en anglais disponible sur Cosmocritic.com et sur Astrology in the year zero
À lire également : "Astrologie causale ou ésotérique" par André Barbault
Depuis une trentaine d’années, des astrologues et des écrivains, parlant d’astrologie, évoquent couramment les récents développements de la science comme potentiellement capables de valider l’astrologie :
"Désormais, c’est précisément parce que l’astrologie se révèle comme un ensemble continu que les scientifiques auront de plus en plus de difficulté à nier sa logique. La raison en est que la physique elle-même a découvert l’interdépendance sous-jacente de toutes choses." (Elwell, 1999, p. 6)
"... l’avant-garde d’une grande partie de la nouvelle science confirme l’ancienne vision du monde des astrologues." (Marshall, 2004, p. 374)
"Nous voyons que les scientifiques, avec les cris d’étonnement qui conviennent,reviennent à tâtons à l’idée de hiérarchies d’ordre... L’étape suivante doit être la réalisation que les corps cosmiques sont les unités primaires du cosmos manifesté..." (Addey, 1987, p. 47).
Charles Harvey apporte une note plus prudente lorsqu’il écrit : "Bien que nous ne puissions être certains qu’il faudra effectivement une "nouvelle science" pour accommoder l’astrologie, nous ne pouvons pas éluder la nécessité d’une preuve démontrable et quantifiable des effets astrologiques." (Harvey, 1987, p. 74)
Quand, à la recherche de cette preuve, l’astrologie réalise des tests, elle échoue à livrer le moindre élément digne de ce que Charles Harvey et ses contemporains espèrent. Il ne s’agit pas de négliger l’importance des recherches qui semblent soutenir l’astrologie selon les termes de la science - dont l’exemple principal est sûrement encore l’œuvre de Gauquelin (1). Mais, aussi intéressantes que soient ces découvertes, je les passerai sous silence ici. Ceci est dû au fait que les preuves qui en ressortissent sont loin de former une explication complète ; elles ne valident pas l’astrologie telle qu’elle est pratiquée par la plupart des astrologues. Elle a donc peu d’importance quant à la grande question à laquelle (on l’espère) la "nouvelle science" répondrait : l’astrologie peut-elle être prise en compte, voire validée, dans le cadre de la science ?
Cet article vise à examiner si (et comment) la science moderne aide à rendre l’astrologie plus plausible. Bien qu’il soit généralement tenu pour acquis que, si la science moderne avait aidé à donner un sens à l’astrologie, c’est selon les termes de la science qu’elle l'aurait fait, je suggérerai que ce n’est pas le cas et qu’elle tient en fait l’affaire de l’astrologie comme une chose qui n’est pas une science, et incapable d’être comprise en termes de méthode scientifique. Au cours de cette étude, j’espère également jeter un peu de lumière sur le débat contemporain concernant l’autorité de la science. On peut esquisser ce point en juxtaposant les commentaires qui suivent, tout d’abord celui de Mole dans "Skeptical inquirer" :
"S’il n’y a pas de critères valides pour accepter la vérité de la science, alors pratiquement toute idée du monde empirique est valide, et il n’y a pas de raisons faisant autorité pour rejeter ou accepter une idée particulière. Il n’y a qu’une seule idée que les étudiants croient objectivement vraie, et c’est l’idée que toute vérité est relative. Et dans un climat de relativité, ils se sentent libres de faire campagne pour leurs propres visions subjectives de la réalité et d’accepter ces idées qui correspondent le mieux à leur sens intuitif de ce que le monde devrait être. Ils rejettent les questions sur ce que le monde est réellement comme désespérément naïf ou comme les symptômes de la redoutable maladie de l’élitisme." (Mole, 2004) (2)
Et ensuite, celui de deux grands penseurs de l’astrologie :
"La recherche scientifique repose sur une pratique socioculturelle institutionnalisée et sur le consensus idéologique qu’elle influence... De ce point de vue, la rationalité scientifique n’est pas plus "objective" que la cosmologie sumérienne ou la mythologie bantoue. Comme toute connaissance, c’est en partie une fiction, une présomption de l’esprit humain, un artefact de conscience." (Guinard, 2001, 1/4)
"Je me suis rendu compte que la science elle-même dépendait de diverses hypothèses qui étaient non seulement très discutables, mais elles-mêmes insensibles à la validation scientifique. En d’autres termes, la science a été suivie par autant de mystères et autant d’incertitudes ultimes que l’astrologie..." (Curry, dans " Willis & Curry", 2004, p. 12)
Il est clair, je pense, que Guinard et Curry avancent des arguments du type de ceux auxquels Mole s’oppose. Il convient également de noter que ce qui est en cause passe parfois du plan purement philosophique au plan politique, ainsi "les critiques modernes de la science... sapent activement les fondements mêmes de la société démocratique qu’ils prétendent chérir." (Mole, 2004) Dans le cadre de cet article, j’espère, en objectif secondaire, élucider ce que peut signifier la description du projet scientifique comme étant "en partie une fiction, une présomption", et d’examiner s'il est nécessairement destructeur de la science, de la démocratie et de la société.
Il s’agit d’un projet énorme, alors permettez-moi de préciser d’emblée que je n’ai aucunement l’ambition d’en prononcer les derniers mots. J’espère toutefois que ce qui suit pourra être utile pour définir certaines des questions en jeu et pour encourager une discussion constructive à leur sujet.
Une nouvelle science?
Le terme "nouvelle science" figure dans deux des citations en introduction. Il demande certainement à être défini, car l’expression peut avoir une très grande portée. Par exemple, la théorie du chaos est parfois décrite comme la base d’une nouvelle science (3), mais pour cet article je ne prendrai pas ce domaine en compte, aussi fascinant soit-il. Je m’intéresserai plutôt aux implications de la théorie quantique - l’ensemble des lois concernant les atomes et les particules subatomiques, en particulier les concepts d’incertitude et de dualité onde-particule. Il s'agit du point de concentration de l’influent livre de Fritjof Capra "The Tao of physics" et de nombreux livres de vulgarisation ultérieurs, écrits par Capra ou d’autres auteurs. Voyons le genre de déclarations qui se trouvent dans ces livres :
"La théorie quantique révèle une unité fondamentale de l’univers. Elle montre que nous ne pouvons pas décomposer le monde en petites unités existant de façon indépendante. Au fur et à mesure que nous pénétrons dans la matière, la nature ne nous montre aucun "élément de base" isolé, mais apparaît plutôt comme un réseau complexe de relations entre les différentes parties de l’ensemble." (Capra, 1976, p. 71).
"ce que la mécanique quantique dit, c’est que rien n’est réel et qu’on ne peut rien dire sur ce que font les choses quand on ne les regarde pas." (Gribbin, 1991, p. 2)
"L’univers peut-il, dans un sens étrange, être "amené à l’existence" par la participation de ceux qui y participent ? De ce point de vue, l’acte vital est l’acte de participation. "Participant" est le nouveau concept incontestable donné par la mécanique quantique ; il annule le terme "observateur" de la théorie classique, l’homme qui se tient en sécurité derrière l'épais mur de verre et regarde ce qui se passe sans y participer. Ce n’est pas possible, dit la mécanique quantique. Même avec un modeste électron, on doit participer avant de pouvoir donner un sens quelconque à sa position ou à son élan. Ce résultat bien établi est-il la pointe minuscule d’un iceberg géant? L’univers tire-t-il aussi son sens de la "participation"?
Un réseau de relations reliant tout dans l’univers ; un monde dont l’existence même dépend en quelque sorte de notre participation. Cela ressemble certainement à des concepts qui pourraient être du côté de l’astrologie. Mais il serait naïf de prétendre que la physique quantique montre l’interconnexion, et donc que l’astrologie - qui repose également sur l’interconnexion - est prouvée. C’est le début de la discussion, pas la fin ; ce qui est nécessaire, c’est de démêler les implications qu’ouvre la "nouvelle science" de la vision du monde.
Les implications
Capra laisse entendre que les développements récents de la science nous laissent dans le besoin d’un nouveau paradigme, qu’il caractérise en disant qu’il "implique un passage de l’objectif à la science épistémique" (Capra, 1997, p. 40). Il l'illustre en citant Heisenberg : "Ce que nous observons n’est non pas la nature elle-même, mais la nature exposée à notre méthode de questionnement". (Capra, 1997, p. 40) Et il suggère que cela s’applique non seulement en physique quantique mais aussi en biologie, en psychologie et en écologie. La portée de cette thèse, qu’il qualifie de "changement de pensée systémique", est beaucoup trop vaste pour être englobée ici. Afin de me concentrer sur la manière dont l’argument de Capra a un impact sur l’astrologie précisément, je tiens à souligner une seule citation (c’est l’axe de cet article), autour de laquelle tout tournera :
"Dans le paradigme cartésien, les descriptions scientifiques sont considérées comme objectives, c’est-à-dire indépendantes de l’observateur humain et du processus de connaissance. Le nouveau paradigme implique que l’épistémologie (la compréhension du processus de connaissance) doit être incluse explicitement dans la description des phénomènes naturels." (Capra, 1997, p. 39)
Deux éléments sont cruciaux dans cette citation au regard de notre discussion :
- Premièrement, l’inclusion explicite de l’épistémologie dans le cadre de référence. Des questions philosophiques sur la nature de la connaissance sont donc en jeu.
- Deuxièmement, l’identification de Descartes et du cartésianisme comme définissant une vision du monde qui a prévalu au point d’être indiscutable pour les trois ou quatre siècles derniers.
Une parenthèse sur le post-modernisme : bien qu’il n’y aura pas de discussion directe de la philosophie post-moderne dans cet article, un auteur a résumé ce mouvement comme suit : "Ce n’est pas un mouvement ou une tendance facile à définir, mais on peut le caractériser négativement : il est contre le fondamentalisme cartésien." (Bracken, 2002, p. 121). C'est pourquoi un certain nombre de motifs post-modernes seront implicitement abordés ici.
Pour articuler les questions aussi précisément que possible, je m’inspirerai fortement de la critique de l’astrologie présentée dans la "Phillipson interview" (5) par Geoffrey Dean, Suitbert Ertel, Ivan Kelly, Arthur Mather et Rudolf Smit, ainsi que dans d’autres articles des membres de ce groupe. Partir de ces sources s’explique par le fait qu’elles fournissent un compte-rendu approfondi et finement argumenté des défauts de l’astrologie, constatés par des personnes ayant une formation scientifique, et surtout, parce que Dean et al sont suffisamment familiers avec l’astrologie pour pouvoir établir une critique éclairée de la pratique astrologique.
Compte-tenu de la teneur de nombreux commentaires dans le monde de l’astrologie, il semble nécessaire de souligner ce point : alors qu’ils ne dédaignent pas utiliser un dispositif rhétorique occasionnel, Dean et al soulèvent des arguments dignes d’une attention particulière. Ce sont des arguments que les astrologues doivent traiter de manière convaincante si des progrès doivent être faits dans la clarification de la nature de l’astrologie. Par conséquent, je suggère que les astrologues perçoivent ces arguments comme une occasion de répondre et, en répondant, de progresser vers la clarté.
La science moderne soutient-elle l’astrologie? Les arguments contre
En réponse à la proposition selon laquelle les divers développements de la science moderne rendent l’astrologie plus plausible, Dean et al ont fait remarquer :
"Prétendre que de telles idées rendent l’astrologie plus plausible, ou qu’elles expliquent pourquoi les Lion sont généreux, c’est comme prétendre que la rhubarbe explique pourquoi les avions volent. Jusqu’à ce que les étapes de l’argumentation soient précisées, elles demeurent circulaires - l’astrologie est rendue plausible par une sorte de chose qui, si elle existait, rendrait l’astrologie plausible. Pour apporter un soutien à l’astrologie, nous devons savoir exactement sur quoi l’astrologie s'appuie, mais les astrologues ne nous le disent jamais. Leurs arguments ne s’amorcent même jamais." (Dean et al, 2003, p. 50/16.2)
Certains lecteurs reconnaîtront ici un dispositif rhétorique que Dean et al utilisent assez fréquemment : la croyance en astrologie est comparée à une croyance en quelque chose d’absurde, comme "les avions utilisent la rhubarbe comme carburant". Cependant, un point sérieux est généralement établi sous l’hyperbole, et c'est le cas ici, dans le fait que, si l’astrologie venait à être soutenue en termes de principes premiers, ce ne serait pas suffisant pour que les astrologues fassent vaguement signe à la "science moderne". Je pense que Dean et al concéderont probablement qu’ils posent pour la galerie lorsqu’ils utilisent l’hyperbole de cette façon ; après tout, trois d’entre eux ont été des astrologues, alors on peut supposer qu’ils ne voient pas l’astrologie comme aussi manifestement improbable que leurs remarques ne le suggèrent ici. En fait, il est très pertinent de considérer la façon dont les trois membres du groupe devenus astrologues ont pensé la plausibilité du sujet au départ : "Nous avons commencé de la même façon que n’importe quel astrologue ; nous avons calculé des cartes du ciel, nous avons vu qu’elles semblaient fonctionner... nous sommes devenus de plus en plus convaincus que l’astrologie fonctionne" (Dean et coll., 2003, p. 3). Après cette première phase de lune de miel, "nous avons commencé à faire nos propres tests. C’est-à-dire que nous avons contrôlé les artefacts et autres sources d’erreur, une chose que les astrologues font rarement... Nous avons été consternés de constater que les artefacts et les erreurs semblent tout expliquer. À ce moment-là, notre beau monde de l’astrologie a commencé à s’effondrer." (Dean et coll., 2003, p. 3)
Ce jugement nous amène à une distinction, que Dean et al introduisent, et pratiquent beaucoup, c’est-à-dire la distinction entre "subjectif" et "objectif". Examinons leurs définitions des termes en détail :
"En astrologie subjective, seules les valeurs subjectives comptent. L’exactitude d’une déclaration particulière, ou d’une lecture de thème astral, ou même du thème astral lui-même, n’est d’aucune préoccupation directe. Quels sont les enjeux de questions telles que : L’astrologie donne-t-elle une direction et un but à notre vie ? Apporte-t-elle des avantages, la compréhension de soi, la perspicacité, l’autonomisation ? Les astrologues sentent-ils que cela fonctionne toujours ? Les clients sont-ils toujours satisfaits de l’astrologie ? Enrichit-elle nos vies d’une manière que le rationnel n’accorde pas ? Comme la religion, le mythe, la poésie et la fiction ? Pour être acceptée, l’astrologie subjective n’a pas besoin d’être vraie."
"En astrologie objective, nos valeurs subjectives n’ont pas d’importance. Que des millions de personnes puissent se sentir dynamisées ou consternées par l’astrologie n’est pas une préoccupation directe. Quels sont les enjeux de questions telles que : Les déclarations de l’astrologie sont-elles vraies ? Les Lion sont-ils plus léonins que ceux qui ne sont pas Lion ? Quelles sont les techniques les plus précises ? Les temps rectifiés concordent-ils avec les temps réels ? Les astrologues peuvent-ils repérer le véritable thème astral lors d’un test ? Les clients peuvent-ils repérer leur propre interprétation lors d’un test? L’astrologie fournit-elle une information qui n’est pas disponible ailleurs? Pour être acceptée, l’astrologie objective doit être vraie." (Dean et al, 2003, p. 8/4.1) (6).
En ces termes, leurs premières expériences avec l’astrologie leur ont fait croire qu’elle avait une forte composante objective, alors que, lorsqu’ils l’ont analysée, elle s’est avérée être entièrement subjective. Des membres du groupe (Dean, Kelly et Mather dans la citation suivante) soulignent parfois le fait qu’ils voient encore de la valeur dans l’astrologie, considérée comme un art subjectif :
"À l’instar de la religion, du mythe, de la poésie et de la fiction, elle peut enrichir nos vies d’une certaine manière, ce que le rationnel ne peut pas." (Dean et coll., 1996, p. 95)
Mais en même temps, dans l’interview, Dean et al insistent sur le fait que la science ne traite que de l’objectif, et pas du tout du subjectif :
"... pour que l’astrologie change les croyances actuelles sur le monde, il faudra une astrologie objective basée sur des arguments solides, des preuves convaincantes et une théorie sous-jacente acceptée par les astrologues du monde entier, ce qui précisément lui manque actuellement… Une astrologie subjective est bien sûr incapable, par définition, de changer les croyances scientifiques sur le monde. Cependant, cela pourrait ne plus s’appliquer si les croyances devenaient une religion fondée comme au Moyen Âge, comme cela pourrait arriver si les fondamentalistes islamiques réalisaient leur but de conquérir le monde." (Dean et al 2003, p. 35/11.6)
La pertinence de la religion, et l’attitude de Dean et al envers elle, émergera comme un point intéressant plus tard. Pour l’instant, après avoir illustré le rôle clé joué par la distinction subjectif/objectif dans l’évaluation et le jugement de Dean et al sur l’astrologie, je voudrais examiner la pertinence de la citation centrale de Capra, mentionnée plus haut, en commençant par l’héritage de Descartes.
Descartes était, comme on le sait, un dualiste, qui faisait une distinction absolue entre l’esprit et le corps au centre de sa philosophie "mon âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement et véritablement distincte de mon corps..." (Descartes, version anglaise mentionnée par l'auteur, 1968, p. 547). À ce sujet, Capra écrit : "La division fondamentale de Descartes entre l’esprit et la matière, entre le moi et le monde, nous a fait croire que le monde pouvait être décrit objectivement, c’est-à-dire sans jamais mentionner l’observateur humain." (Capra, 2002, p. 37)
Et en effet, l’intention avouée de Descartes était d’atteindre ce sommet de l’objectivité : "Archimède... ne demandait rien qu'un point qui fût fixe et assuré. Ainsi j'aurai droit de concevoir de hautes espérances si je suis assez heureux pour trouver seulement une chose (par expérience) qui soit certaine et indubitable" (Descartes, version anglaise mentionnée par l'auteur, p. 547). Il proposa en effet de poser les bases d’une connaissance totalement objective du monde, à partir de ce seul point de certitude archimédien (qu’il décida d’être son célèbre et tristement célèbre "je pense donc je suis). Cette image d’un penseur isolé, explorant rationnellement le reste du monde selon un point d’observation en totale objectivité et certitude (la première impliquant la seconde) a été un facteur important dans la façon dont la philosophie et la science se sont développées au cours des quatre cents années suivantes.
En termes philosophiques, tout cela place Descartes dans la position philosophique du réalisme (9). L’importance du réalisme dans ce contexte est que l’on croit que :"La science ne décrit pas seulement le monde observable, mais aussi le monde qui se cache derrière les apparences." (Chalmers, 1999, p. 226) Dans la vision réaliste, il y a un monde extérieur objectivement réel composé de choses objectivement réelles existant indépendamment de nous ; et si nous nous y employons correctement, nos sens nous fourniront des informations précises sur ce monde (objectivement réel).
C’est sûrement dans les rangs des réalistes que nous devrions compter Dean et al. C’est-à-dire que leur travail consiste à appliquer à l’astrologie "l’idée réaliste ou positiviste que nos croyances (objectivement) erronées sont dûment corrigées par nos rencontres avec une réalité de résistance autonome, au moins quand tout va bien, comme dans la (bonne) science." (Hernstein-Smith, 1997, p. xxi)
J'anticiperai une autre objection : Dean et al pourraient vouloir objecter qu’il n’est pas exact ou pertinent d’identifier leurs idées comme les plaçant dans un camp philosophique particulier. Ils pourraient vouloir le faire en proposant que je prends leurs définitions de "subjectif" et "objectif" dans des domaines qui, selon eux, ne s’appliquent pas. Ainsi, quand je leur suggère que beaucoup d’astrologues voient l’astrologie comme faisant partie d'une zone située entre subjectif et objectif, ils répondent :
"Pour ces astrologues, la distinction est d’ordre philosophique, quand, par exemple, nous créons ou non le monde dans lequel nous vivons. Mais ce n’est pas la distinction que nous voulons signifier." (Dean et al, 2003, p. 7/4.1)
Prendre position sur la question "si oui ou non nous créons le monde dans lequel nous vivons" est un élément clé pour définir la position réaliste (les réalistes disent que nous ne le faisons pas, les anti-réalistes disent que nous le faisons), et cette objection est donc tout à fait pertinente. Dean et al peuvent-ils prétendre rester à l’écart de ces distinctions philosophiques? Je pense qu’on peut répondre à cette question en posant la question suivante : quand ils utilisent le terme "objectif", objectif pour qui? Il semble clair que "objectif", tel qu’ils l’utilisent, signifie objectif pour tous, c’est-à-dire "objectif" au sens réaliste d’une objectivité absolue et immuable. Qu’on le veuille ou non, leur utilisation de "subjectif" et "objectif" les enracine dans l’épistémologie réaliste. (10)
Le débat entre réalistes et anti-réalistes est une question épistémologique majeure dans la philosophie de la science. En effet, et cela n’a pas toujours de prolongement, elle a également suscité beaucoup d’introspection chez les scientifiques. Par exemple, nous pouvons voir Einstein défendre désespérément sa position réaliste instinctive dans le souvenir qu’avait Wolfgang Pauli d’une conversation qu’ils ont eu un an avant la mort d’Einstein :
"À l'instar la lune qui a une position définie", m’a dit Einstein l’hiver dernier, "que nous regardions ou non la lune, il en va de même pour les objets atomiques, car il n’y a pas de distinction nette possible entre eux et les objets macroscopiques. L’observation ne peut pas créer un élément de réalité telle qu’une position, il doit y avoir quelque chose contenu dans la description complète de la réalité physique qui correspond à la possibilité d’observer une position, et ce avant que l’observation ne soit réellement faite." (Laurikainen, 1988, p. 164) (11)
Ainsi, Einstein s’oppose, bien sûr, à l’interprétation "participative" que les événements semblent exiger au niveau quantique. Nous avons vu auparavant la position participative adoptée par John Wheeler. Donc, ici, nous avons la viabilité de la position philosophique "Réalisme", qui apparaît comme une question de grande importance pratique et personnelle pour les scientifiques. Ceci est déjà significatif dans la mesure où cela montre que la position épistémologique du réalisme n’est pas une simple importation académique (dans le sens péjoratif), mais qu’elle a des implications pratiques là où les blocs de construction fondamentaux (ou, comme il semble désormais, des tendances de bloc) de notre réalité sont concernés. Bien plus, il est intéressant de noter que la seule façon pour Einstein de justifier une position réaliste est d’insister sur le fait que, d’une manière ou d’une autre, les choses doivent être autres que ce que les résultats scientifiques proposent, en d’autres termes, de se rabattre sur la croyance. C’est exactement de cela que les opposants au réalisme sont souvent accusés. Ces derniers temps, les preuves se sont accumulées contre Einstein quand il laisse entendre que l’observation joue effectivement un rôle crucial dans la détermination de la "réalité physique" (cette expression mérite bien ses guillemets).
Ainsi le physicien K.V. Laurikainen écrit :
"Il est naturel, sur le terrain du dualisme cartésien, de conclure que l’effet de l’observateur sur les résultats de ses tests peut toujours être éliminé. L’objet principal en science est l’idée que l’on peut supposer que le "monde extérieur" de la matière est totalement indépendant du "je", c’est-à-dire de l’observateur… (cependant) selon la philosophie de l’école de Copenhague concernant l’interprétation de la mécanique quantique, chaque observation doit être considérée comme une interaction entre "l’observateur" et le "monde extérieur". Cette idée détruit la base de la distinction cartésienne." (12) (Laurikainen, 1988, p. 57-8)
Laurikainen cite également Heisenberg pour un effet similaire :
"Si l’on regarde la grande difficulté qu’avaient même d’éminents scientifiques comme Einstein à comprendre et à accepter l’interprétation de la théorie quantique par l’école de Copenhague , on peut situer les racines de cette difficulté à la partition cartésienne. Cette partition a pénétré profondément l’esprit humain au cours des trois siècles qui ont suivi Descartes et il faudra beaucoup de temps pour qu’elle soit remplacée par une attitude vraiment différente à l’égard du problème de la réalité" Laurikainen, 1988, p. 58).
Dans le cadre de sa stratégie pour fortifier un observateur détaché, Descartes écrit : "Il n’existe pas de forces occultes dans les pierres ou les plantes. Il n’y a pas d’étonnantes et merveilleuses sympathies et antipathies, en fait il n’existe rien dans toute la nature qui ne puisse s’expliquer en termes de causes purement corporelles totalement dépourvues d’esprit et de pensée." (13). Pourtant, en dépit de cette dénonciation de toutes les choses occultes, comme le dit Lynn Thorndike, "l’astrologie, en particulier, a cherché le soutien et la justification du cartésianisme" (Thorndike, 1958, vol. VII, p. 559). Cela implique inévitablement de chercher une explication physique causale pour l’astrologie, comme par exemple dans l’opinion, se voulant cartésien, de l’astrologue Gadroys "Il est important de noter les positions des planètes au moment de la naissance, car immédiatement après, les parties du cerveau se fixent et conservent tout au long de la vie les premières impressions qu’elles ont reçues." (14)
Je vais maintenant proposer qu’il est utile, peut-être même important, de permettre un modèle d’astrologie qui ne se conforme pas aux principes cartésiens/scientifiques/réalistes. Le fait que l’idéal cartésien d’un observateur détaché s’écroule n’établit pas la production de quelque chose d’utile ; mais le fait que les astrologues se sont précipités pour adapter leur sujet à un cadre de référence qui s’est avéré ne pas être la vérité ultime de toutes choses, suggère au moins que le sujet pourrait avoir besoin d’une occasion de se réorganiser et de reconsidérer sa nature. Le "problème de la réalité" auquel Heisenberg fait référence peut encore s’avérer pertinent.
Le fait qu’il y ait un "problème de réalité" ne semble pas trop préoccuper Dean et al lorsque je mentionne :
"C’est un lieu commun en philosophie de penser que nous créons notre propre réalité dans une certaine mesure" :
"Est-ce important? Tout comme les clients, nous nous préoccupons seulement de savoir si les astrologues peuvent faire ce qu’ils prétendent faire. En quoi la réalité est-elle pertinente?" (Dean et al, 2003, p. 57/18.5n.)
La raison de ce rejet du "problème de la réalité" apparaît lorsque (dans l’interview de Phillipson) je soulève le spectre de l’anarchie épistémologique (15) – soit que toute notre connaissance du monde pourrait être due à des erreurs de raisonnement. Dean et al répondent :
"On peut prendre un stylo pour un crayon ou, par erreur, oublier de commander un repas, mais peut-on se tromper en disant que d’autres personnes existent ou que le monde existe? Votre commentaire laisse entendre que notre raisonnement est toujours à ce point erroné que nous pouvons en arriver à n’importe quelle conclusion, auquel cas les réparations de voitures seraient effectivement niées. De toute évidence, ce n’est pas le cas. Nous pouvons soigneusement éviter les erreurs de raisonnement, réparer les voitures et tirer de bonnes conclusions." (Dean et al, 2003, p. 58/18.8)
Ainsi, nous savons si un modèle de "comment sont les choses" est bon ou pas, soit en permettant une action efficace dans le monde, soit, dans cet exemple, parce qu’il nous permet de réparer des voitures. Cela rappelle le philosophe allemand Hans Vaihinger, qui écrit : "Il faut se rappeler que l’objet du monde des idées dans son ensemble n’est pas la représentation de la réalité, ce serait une tâche tout à fait impossible, mais plutôt de nous fournir un instrument pour trouver notre chemin plus facilement dans ce monde." (16) (Vaihinger, 1935, p. 15) Cela a des conséquences intéressantes.
Dans "The Web of Life", Capra fait largement référence aux travaux des neuroscientifiques Humberto Maturana et Francisco Varela, dont le modèle d’organisation des organismes vivants est appelé autopoïèse. "Les activités des cellules nerveuses ne reflètent pas un environnement indépendant de l’organisme vivant et ne permettent donc pas la construction d’un monde extérieur existant de manière absolue." (Capra, 1997, p. 9617) Encore une fois, nous voyons la recherche scientifique contredire le modèle réaliste. Leur travail mène Maturana et Varela à un récit pragmatique de la vérité, semblable à celui de Vaihinger. Comme Varela le dit :
"D’un point de vue pragmatique, une chose ne peut être fausse que si elle vous tue. Tout ce qui fonctionne est vrai… Les oiseaux et les humains expérimentent des objets colorés [différemment] ; leurs différentes vérités, cependant, ne sont pas dues à une correspondance entre leurs vues de la réalité et de la réalité elle-même, mais à la détermination mutuelle du sujet et de l’objet. Les perceptions des oiseaux et des humains et d’innombrables autres êtres vivants sont toutes viables parce qu’elles permettent le couplage continu avec le monde." (Varela, 2004)
C’est pourquoi un modèle pluraliste de la réalité n’a pas besoin de mener à la réalisation du cauchemar de Mole, à savoir "... pratiquement toute idée sur le monde empirique est valide et il n’y a aucune raison de rejeter ou d’accepter une idée particulière." (Mole, 2004) Dans l’approche pragmatique préconisée ici par Varela, il est admis qu’un modèle de réalité ne suffit pas ; mais cela ne signifie pas que la vision scientifique du monde sera écartée ; simplement que, comme toute autre carte intellectuelle de la réalité, elle est "vraie" parce que, et dans la mesure où, elle est utile. Le fait qu’elle s’est avérée très utile dans de nombreux domaines ne signifie pas qu’elle est devenue une vérité infaillible et absolue (comme si elle était donnée par Dieu) qui devrait être appliquée à tous les domaines de la vie. Capra le dit ainsi : "La science est une façon particulière d’acquérir des connaissances, à côté de bien d’autres façons. Et l’un des aspects de la nouvelle pensée scientifique est que la science n’est pas la seule voie, pas nécessairement la meilleure, mais seulement l’une des nombreuses autres voies." (Capra et al, 1992, p. 11). La vérité de la science, donc, est une fonction de son utilité, pas l’inverse. C’est, comme on l’a déjà remarqué, un récit pragmatique de la vérité.
Il est à noter qu’en fait, Dean et al adoptent souvent une approche pragmatique, par exemple, à un moment de l’entrevue de Phillipson où ils répondent à la proposition que l’astrologie pourrait ne pas être invérifiable en disant : "C’est comme dire que nous ne savons pas comment la gravité fonctionne, donc nous ne pouvons pas tester la chute des pommes." (Dean et al, 2003, p. 24/8.3) Avec ce commentaire, Dean et al tentent de définir toute la question de la validité de l’astrologie comme se tenant hors de portée de toute théorie sur la réalité. La proposition est que nous pouvons nous rabattre sur une approche pragmatique : oublier la "réalité", juste regarder ce que fournit l’astrologie. Il y a cependant ici un problème pour eux : comme ils le soulignent, l’astrologie semble souvent fonctionner. Mais leur évaluation est que ce n’est qu’une apparence ; cela ne fonctionne pas vraiment, et nous sommes abusés si nous pensons que c’est le cas. D’où vient cette distinction entre la façon dont les choses semblent être et la façon dont elles sont réellement ? Ma proposition est qu’elle peut être retracée, via leur distinction subjective / objective, jusqu’aux hypothèses réalistes sur le monde. De sorte qu’il y a un incompatible mélange d’approches pragmatistes et réalistes dans leur travail ; et leur évaluation, qui était censée être indépendante de toute théorie de la réalité, dépend en fait d’une théorie de la réalité.
Cela dit, je pense qu’il faut reconnaître que Dean et al sont aux prises avec une question très difficile. Certains d’entre eux ont fait l’expérience directe de la nature insaisissable de l’astrologie, comment elle peut sembler fonctionner étonnamment bien, mais se révéler inutile lorsqu’elle est testée. Face à cela, ils sont arrivés à la conclusion que, pour la comprendre, une division en deux catégories distinctes, deux prises en comptes différentes de ce qu’est l’astrologie, est nécessaire. Cela me semble une approche utile, et j’ai l’intention de m'en servir dans ce qui suit.
Deux modèles d’astrologie
Permettez-moi donc d'opérer une distinction légèrement différente entre deux approches de l’astrologie. Il s’agit, d’une façon générale, d’un modèle cartésien/réaliste (modèle 1) et d’un modèle qui ne respecte pas ces critères (modèle 2 – l' astrologie en tant que divination). La représentation de ces deux positions polarisées ne signifie pas que les astrologues sont confrontés à un choix simple entre ces deux modèles. Mais tenter de délimiter les nuances et les ombres possibles des positions intermédiaires nous éloignerait trop du sujet de la notre discussion.
Modèle 1 : L’astrologie en tant que science empirique
Ce point de vue est que l’astrologie dans son ensemble est une science, basée sur l’observation empirique et la corrélation subséquente des événements célestes avec les événements humains : je vois quelqu’un entrer en collision avec sa voiture et également que Saturne transite le maître de sa maison III ; je vois des événements similaires coïncider plusieurs fois, et c’est ainsi qu’une règle naît. Et ce type de procédure tient compte de chaque situation dans laquelle l’astrologie "fonctionne".
Cette position est fondamentalement celle qui voit toute l’astrologie comme une astrologie naturelle (18). En fait, j’aurais utilisé ce terme si des variations historiques dans son utilisation n’avaient rendu son sens inutilement flexible. Une autre façon d’aller au cœur du modèle de "l’astrologie en tant que science empirique" est de dire que l’évaluation de Dean et Mather de 1977 s’y applique tout à fait : "... il est clair que les tests en aveugle significatifs n’ont pas démontré que l’astrologie fonctionne, mais seulement que les astrologues travaillent. Par conséquent, pour bien tester l’astrologie, il faut éliminer la participation de l’astrologue." (Dean et Mather, 1997, p. 554) Si l’astrologie est une science empirique, alors cela doit continuer car "... si les astrologues peuvent observer les corrélations revendiquées, les chercheurs scientifiques aussi, et vice versa." (Dean et al, 2003, p. 6/3.8e)
Ainsi, le défi auquel font face les astrologues qui adhèrent strictement à ce modèle d’astrologie est de répondre à la critique de Dean et al, qu’ils doivent accepter comme largement valide (compte tenu de ce modèle). Par exemple, ils auraient besoin d’expliquer pourquoi l’astrologie n’a pas donné de meilleurs résultats dans les tests menés jusqu’à présent ; pourquoi la vie des jumeaux et des jumeaux-temporels ne suit pas des cours plus manifestement similaires ; pourquoi différents astrologues utilisent des systèmes d’astrologie très différents ; et ainsi de suite. La tâche, pour autant que je puisse voir, est impossible. Et je dirais que la communauté astrologique devrait montrer beaucoup plus de gratitude qu’ils n’en manifestent à Dean et al pour avoir démontré que ce modèle d’astrologie n’est tout simplement pas viable comme explication complète.
Modèle 2 : L’astrologie comme divination
La vision divinatoire de l’astrologie semble avoir toujours été avec nous. Caractériser l’astrologie de cette façon a cependant souvent été considéré comme un acte d’accusation : typiquement parce qu’il implique des forces obscures (19), ou représente une banalisation du sujet (20). Le récit divinatoire de l’astrologie a tout de même gagné du terrain au cours des 25 dernières années (21). Ceci peut être dû à une combinaison de deux choses : la critique de l’astrologie empirique/scientifique présentée par Dean et al ; et la croissance de l’intérêt pour l’astrologie horaire, qui, depuis la création de ses cartes du ciel, se réfère uniquement au processus subjectif d’aborder une question, est naturellement moins prometteuse en tant que candidat au statut scientifique que l’astrologie natale, où les cartes du ciel correspondent au moins à la naissance des entités physiques.
Afin de caractériser la différence entre l’astrologie du modèle 2 et celle du modèle 1, Geoffrey Cornelius explique : "... le terrain pour la concrétisation des effets astrologiques ou des indices n’est pas fondé sur une coïncidence dans le temps objectif entre les cieux en haut et des évènements en bas... nous devrions (plutôt) regarder dans la direction d’une présentation significative du symbole à la conscience." (Cornelius, 2003, p. 38)
L’accent est donc fortement subjectif, un fait qui est renforcé lorsque Cornelius fait remarquer : "... les horoscopes avec lesquels nous travaillons ne sont pas des enregistrements astronomiques d’un événement dans le monde physique. Ce sont des symboles dans un monde d’importance humaine. (Cornelius, 2003, p. 253) Ceci positionne l’astrologie comme similaire (par exemple) à la lecture du tarot ou du Y King. L’apparence de l’objectivité qui a été conférée par les planètes est, alors, considérée comme n'ayant été en grande partie, ou entièrement, qu'une apparence.
Dans les termes utilisés jusqu’à présent, il s’agit - clairement, je pense - d’une vision non réaliste et participative du travail de l’astrologie. Il devrait également être assez clair que l’astrologie sous ce modèle ne peut pas prétendre être empirique. Pour illustrer ce point, considérons cette définition : "L’empirisme a ses racines dans l’idée que tout ce que nous pouvons savoir sur le monde est ce que le monde se soucie de nous dire ; nous devons l’observer de façon neutre et impartiale, et toute tentative de notre part de façonner ou d’entraver le processus de réception de cette information ne peut qu’entraîner des distorsions et des imaginations arbitraires." (Lyon, 1995, p. 226) Il ressort clairement du récit de l’astrologie divinatoire de Cornelius que la tentative n’est pas du tout d’observer les données de façon neutre, mais plutôt de permettre à l’esprit de travailler de façon créative avec les données, dans ce qu’il a qualifié "d’acte d’attribution imaginative." (Cornelius, 2003, p. 241)
Il me semble que la critique de Dean et al tombe carrément, et à juste titre, sur les épaules de n’importe quel astrologue qui adopte une approche de type modèle 1 ; il y a une réponse claire à apporter à cette affaite, et les découvertes de la "nouvelle science" (au moins celles mentionnées ici) n'y changent pas grand chose. En ce qui concerne le modèle 2, la "nouvelle science" et ses implications sont (je proposerais) plus pertinentes, et c’est de cette version de l’astrologie que je me préoccuperai dans ce qui suit.
La pertinence de la science
On peut se demander si l’astrologie du modèle 2 pourrait être comprise scientifiquement. Les signaux ne semblent pas favorables. Cornelius suggère que penser la divination comme à une façon de "prédire l’avenir" est erroné, qu’il est préférable de penser qu’il s’agit de demander aux dieux "ce qui devrait être fait." (Cornelius, 2003, p. 130) Cela permet de faire la distinction entre un jugement rendu et la façon dont les choses se déroulent. Par exemple, si un client demande "Est-ce que j’obtiendrai ce poste?" et que l’astrologue dit "Oui", cela ne veut peut-être pas dire "vous obtiendrez le travail", mais plutôt "ce sera une bonne chose si vous agissez comme si vous alliez obtenir le travail."
Maintenant, compte tenu de ce scénario, comment la science fera-t-elle ses évaluations? Dean et al suggèrent, assez raisonnablement, que cela n’est pas possible : "Si aucune observation ne peut écarter une allégation particulière, l’allégation n’est pas vérifiable et la recherche scientifique n’est pas pertinente. C’est aussi simple que cela." (Dean et al, 2003, p. 7/3.8e). Et donc, semble-t-il, un accord est proche. Le sceptique et l’astrologue se serreront simplement la main et conviendront que "ce dont nous ne pouvons pas parler doit être passé sous silence." (Wittgenstein 1961, p. 74)
Mais non. Dean et al concluent en fait que si l’astrologie n’est pas vérifiable, elle est aussi ipso facto non viable :
"... si l’astrologie est presque impossible à tester alors il est presque impossible de découvrir en premier lieu, ou de prétendre, que certaines techniques fonctionnent mieux que d’autres, ce qui ... anéantirait les manuels d’astrologie... l’idée que l’astrologie est presque impossible à tester ne peut être vraie quand les astrologues sont si facilement convaincus que cela fonctionne..." (Dean et al, 2003, p. 60/18.12)
Dean et Kelly ont récemment soulevé un point similaire :
"L’incapacité des astrologues à obtenir des réponses correctes lorsqu’ils lisent des cartes de naissance en aveugle... ne peut pas, comme certains astrologues le prétendent, être dû à une certaine propriété de l’astrologie qui la rend non vérifiable par la science, parce que cela nierait immédiatement leur expérience que l’astrologie fonctionne, tout comme notre expérience d’un téléviseur qui fonctionne serait niée si nous ne pouvions pas dire "fonctionne" à partir de "ne fonctionne pas." (Dean et Kelly, 2003, p. 190)
Ces arguments reposent sur l’hypothèse que la méthode scientifique peut et doit être appliquée à tout type d’activité : si nous savons quelque chose, nous le savons parce que nous avons formé une théorie et l’avons testée, agissant en proto-scientifiques. D’où l’affirmation de Dean selon laquelle "l’interprétation d’une carte natale exige une théorie du fonctionnement de l’astrologie." (Dean, 1996, p.18) Ceci, cependant, est problématique dans la mesure où elle écarte simplement la possibilité que l’astrologie pourrait fonctionner sans que l’astrologue ait un modèle intellectuel exact de ce qu’ils sont en train de faire. Les tortues de mer vertes, après l’éclosion, creusent leur chemin vers la surface dans un effort collectif, attendent que la nuit tombe avant d’apparaître (afin de prendre moins de risques avec les prédateurs), et dès qu’elles atteignent la surface, se dirigent vers la mer. En quelque sorte, les tortues savent comment faire ce qu’elles doivent faire, sans (il semble raisonnable de le dire) former et tester des théories. La proposition peut être faite (et elle l’est, par Geoffrey Cornelius, dans la citation suivante) que la connaissance de l’astrologie (sous le modèle 2) est également innée : "La perception symbolique me semble être une faculté humaine naturelle, ou une faculté d’esprit, et toutes les superstructures techniques qui s’y rattachent ne font pas avancer cette perception d’un pouce. C’est comme dire "Comment pouvez-vous améliorer votre vue?" On voit, et tout ce que nous faisons à ce sujet pourrait compliquer l’acte de voir. C’est comme la conscience elle-même - il ne peut y avoir de technique pour cela." (22)
La critique la plus notable de l’affirmation selon laquelle l’astrologie doit être fondée sur la théorie est peut-être celle de Mike Harding (Harding, 2000) qui demande si, par exemple, les enfants doivent avoir une théorie sur la brûlure des doigts avant de retirer leur main de la flamme. On a probablement suffisamment insisté sur ce point au cours de cette discussion : la tentative d’expliquer toute la connaissance humaine comme étant arrivée par un processus d’observation d’une réalité indépendante, de formation de théories à son sujet, puis de test, ces théories semblent intenables. C’est l’approche que Descartes a préconisée, mais à la fin, même lui a dû avouer que beaucoup de choses sont douteuses et incertaines. La voie qu’a trouvée Descartes pour ce problème était d’affirmer "toutefois, de cela seul que Dieu n'est point trompeur, et que par conséquent il n'a point permis qu'il pût y avoir aucune fausseté dans mes opinions qu'il ne m'ait aussi donné quelque faculté capable de la corriger, je crois pouvoir conclure assurément que j'ai en moi les moyens de les [les choses douteuses] connaître avec certitude."(Descartes 1968, p. 158) (23) Ceci, je dirais, est le point où la structure de la religion sortante a passé le relais de l’omniscience à la science ; au fil du temps, Dieu a été oublié, mais l’hypothèse tacite est restée que toutes les choses peuvent être connues, avec certitude, en appliquant la méthode scientifique.
État des connaissances dérivées de l’astrologie
Ainsi (en gardant toujours un œil sur la menace de l’anarchie épistémologique), que peut-on dire sur l’état de la connaissance relative au modèle 2 de l’astrologie ? Pour répondre à cette question, je pense qu’il faut d’abord se demander ce que l’astrologie nous apprend. Cette question n'attire généralement pas beaucoup l’attention. Et, en effet, ce n’est pas une question évidente à poser. Mais voyons ce qui suit :
Une plus grande image
Un homme va voir un médium qui lui dit : "Ta mère me parle de l’autre côté, et elle dit qu’elle sait que tu as sa photo dans ton portefeuille." Si nous devions analyser cet événement simplement du point de vue de l’homme à qui deux éléments d’information ont été donnés : (a) votre mère est morte ; (b) une photo d’elle est dans votre portefeuille, nous serions à côté du sujet. Bien qu’il s’agisse là d’une information ostensible, le fait qu’elle soit transmise signifie que des renseignements beaucoup plus importants et implicites sont communiqués, ce qui a à voir avec l’existence post-mortem et un lien personnel continu.
Le parallèle est le suivant. Dans le modèle 2 de l’astrologie, on considère que l’astrologue est en quelque sorte en communion avec le divin - après tout, il pratique la "divination". Le modèle sous-jacent est que, comme un medium qu’on supposerait capable de se connecter avec un parent décédé, l’astrologue se connecte avec l’univers. L’information implicite en astrologie est donc toujours la même : qu’une telle connexion est possible en premier lieu ; qu’il y a une sorte de sympathie ou de résonance entre l’individu et le monde. Et cela peut en soi être la plus grande partie de ce que l’on apprend de l’astrologie, plus important, par ordre de grandeur, que toute information spécifique sur l’emplacement de clés perdues, etc. tout comme l’information explicite fournie par un medium sur les petits détails de la vie quotidienne est compensée par l’information implicite qu’il y a la vie après la mort. Le fait que la communication soit possible est plus important que tous les détails transmis ; le moyen, pourrait-on dire, est le message.
Rien de tout cela n’est destiné à empêcher la discussion sur l’utilité, la validité ou la vérité des mediums ou des astrologues. Dans l’une ou l’autre des disciplines, le praticien doit fournir des renseignements qui touchent le client d’une certaine façon et qui lui paraissent étonnamment exacts ou appropriés. Sans cela, la perception d’être en contact avec un parent décédé, ou avec "quelque chose de plus grand", est peu susceptible de surgir en premier lieu. Mais analyser l’interaction comme si la fourniture de cette information en était le point central, peut conduire à manquer la plus grande partie de l’image. Évaluer l’astrologie du modèle 2 comme s’il s’agissait simplement d’une version céleste de Google, fournissant des informations sur demande, est inadéquat.
Des signes descriptifs ou consultatifs
La relation entre l’astrologie du modèle no 2 et une réalité consensuelle vérifiable est encore plus compliquée si l’on considère la remarque de Geoffrey Cornelius selon laquelle l’astrologie ne "prédit pas l’avenir", mais est mieux considérée comme demandant aux dieux "ce qui devrait être fait". Sous ce modèle, les signes que donne l’astrologie ne sont pas simplement descriptifs. Un signe donné par l’astrologie n’est donc pas la même chose qu’un panneau d’information routière, comme par exemple, "Pont bas devant.". Au lieu de cela, les signes de l’astrologie sont comme des panneaux de signalisation qui représentent, par exemple, des cerfs qui traversent la route. Il ne s’agit pas de dire au conducteur que le chevreuil traversera la route en courant, mais qu’il est préférable qu’il fasse comme si un animal sauvage était sur le point de le faire.(24) Ceci, si j’ai bien compris, est très semblable à ce que disait Héraclite, et que Jamblique a répété : l’obscurité des oracles est une caractéristique du dessein, les dieux "ne parlant ni n’occultant… (mais) donnant des indications par des signes". (25) Et les signes ne sont pas des faits, ils sont à la fois moins, et plus. (26)
Prédictions et interventions
S’appuyant sur le point précédent, l’espoir qu’il soit possible d’évaluer scientifiquement l’astrologie dans le cadre de ce modèle est encore davantage érodé par l’observation de Curry selon laquelle "toute prédiction est nécessairement une intervention." (27) Si la lecture d’une thème astrologique est prise comme indiquant comment on devrait agir, et que l’on agit de cette façon, alors l’état des affaires avec lequel elle devrait être comparée (c’est-à-dire sa vie, moins l'action de suivre les signaux astrologiques) ne vient jamais dans l’existence. Il n’y a donc pas de base possible pour une évaluation objective de savoir si une lecture astrologique "a fonctionné" ou non.
Dans un univers interconnecté, l’interconnexion est omniprésente
Comme on peut le voir maintenant, l’astrologie du modèle 2 s’inscrit dans le domaine de la religion. C’est ce qui est démontré très clairement par John Frawley dans ce qui suit : "C’est une conséquence inévitable des prémisses mêmes de l’astrologie horaire, à savoir que le jugement rendu sera le bon, qu’il soit "correct" ou non." (Frawley, 2000, p. 45) "Si la q[uestion] ne peut tomber qu’à son moment opportun, elle doit aussi tomber à son endroit approprié, c’est-à-dire sur la tête de l’astrologue approprié dans quelque état de bonne ou de mauvaise forme soit-il à ce moment-là. Comme le dit Al-Ghazali "... chaque goutte de pluie a son propre ange désigné pour la guider vers sa destination" (c’est-à-dire, l’essence de la vie de cette chose, qu’il s’agisse d’une goutte de pluie, d’une question ou d’un être humain, ne peut se dérouler que comme elle est destinée à se dérouler.). (28)
Ce dont Frawley parle ici, c’est la providence "Dieu prévoit la protection et le soin de ses créatures." (29) L’étymologie du mot (comme avec son précurseur grec pronoia) est celle de voir avant (pro videre) et donc de pourvoir. Si c’est ce que Dieu (ou les dieux) font, alors cela signifierait que la pratique de la divination devrait impliquer le devin comme, en quelque sorte, participant à ce processus. Frawley conclut : "La nécessité d’éviter cette illusion pernicieuse que la consultation astrologique est en quelque sorte en dehors de la vie" (30), un sentiment très semblable à celui de Curry, cité précédemment, selon lequel "toute prédiction est nécessairement aussi une intervention." Permettez-moi de rappeler la comparaison faite par Dean et Kelly (cités plus haut) qui compare l’astrologie à un téléviseur. Ceci concrétise la vision de l’astrologie comme "en quelque sorte en dehors de la vie", c’est-à-dire quelque chose dont le fonctionnement est compris, qui peut être regardé "objectivement" en termes de fonctions bien définies. C’est, en somme, un modèle cartésien, réaliste. Quand il s’agit du fonctionnement de la providence, le fait est que c’est précisément la situation dans laquelle nous ne sommes pas. L’idée même de providence est, bien sûr, facile à ridiculiser (je pense au professeur Pangloss de Voltaire). La question ici n’est pas de savoir si l’on devrait ou non croire en un univers providentiel ; seulement que cette décision ne relève pas de la science. Et il peut aussi être utile de rappeler l’affirmation de Descartes, selon laquelle "Dieu n'est point trompeur, et ... n'a point permis qu'il pût y avoir aucune fausseté dans mes opinions qu'il ne m'ait aussi donné quelque faculté capable de la corriger" (Descartes, 1968, p. 158). Croire que ce monde est finalement connaissable par la science est aussi une position qui repose sur la providence divine.
Des variantes de vérité
Supposons que je dise que l’astrologie du modèle 2, si on s’y engage, et qu’on choisit activement d’y croire, a le potentiel d’être une force bénéfique dans la vie. Ce n’est pas quelque chose avec lequel Dean et Kelly pourraient contester, puisqu’ils ont fait presque exactement le même argument. Ils écrivent :
"[De l’astrologie] Vous obtenez un confort émotionnel, un soutien spirituel et des idées intéressantes pour stimuler l’auto-examen. Dans une société déshumanisée, l’astrologie fournit un soutien à l’ego à un prix très bas. Où d’autre pouvez-vous obtenir ce genre de choses de nos jours? En bref, il y a plus dans l’astrologie que d’être vraie ou fausse. Mais notez le dilemme : pour en tirer les avantages vous devez croire en quelque chose qui est faux. Le même dilemme peut s’appliquer ailleurs, comme en psychothérapie et même en religion, de sorte qu’il n’est pas propre à l’astrologie." (31)
Alors l’astrologie, comme la fée clochette, n’existe que tant que vous y croyez ? Mon sentiment est qu’il y a une vérité importante dans cette proposition. Et l’astrologie du modèle 2 est certainement plus proche de la religion que de la science. Il est à noter, cependant, que dans le passage qui vient d’être cité, Dean et Kelly décrivent l’astrologie comme "quelque chose de faux". L’argument que je présente dans la dernière partie de cet article est que l'astrologie du modèle 2 est non vérifiable. Ce qui n’est pas la même chose que de dire qu’elle est fausse. Le déplacement de "non vérifiable" à "fausse" repose sur une vision particulière (réaliste, rationaliste) du monde, qui ne peut être considérée comme faisant autorité et définitive. On peut choisir de croire en un récit réaliste et rationaliste du monde ; on peut choisir de croire en un monde participatif. Compte tenu de l’état actuel de nos connaissances, cela ne peut être qu’un choix personnel. Par conséquent, les astrologues doivent reconnaître que les sceptiques ont pleinement le droit de maintenir leurs croyances et de pratiquer en accord avec elles.
Je me moque encore ?
À ce stade, nous devrions revenir sur les préoccupations de Phil Mole, mentionné au début de cet article ; l’auteur actuel est-il tombé dans le piège des "... âmes "marginalisées" qui se moquent des critères de jugement et dénoncent l’élitisme de quiconque prétend avoir une connaissance réelle du monde empirique ?" (Mole, 2004)
Bien qu’il n’y ait aucun moyen de légiférer sur les façons dont les gens vont mal interpréter et mal appliquer les idées, je ne vois rien dans la ligne de pensée proposée ici qui doive conduire à l’anarchisme épistémologique dont traite Mole. Remettre en question l’adéquation de la méthode scientifique en tant que philosophie globale de la vie et solution pour chaque problème n’implique pas de remettre en question son utilité dans de nombreux domaines. Un brin de pragmatisme suggérerait que l’on peut évaluer différentes approches en termes de leur efficacité : quelle méthode est la plus appropriée, et donne les meilleurs résultats, en essayant de donner un sens à une situation donnée? Jusqu’à présent, il y a peu de choses que les sceptiques puissent critiquer.
En ce qui concerne l’astrologie du modèle 2, la question axiomatique, il me semble, est de savoir quel rôle l’individu est censé jouer. Si nous parlons de "l’homme qui se tient en sécurité derrière le mur de verre épais et regarde ce qui se passe sans y participer" de Wheeler (Zukav, 1979, p. 54), une série de conséquences s’ensuivent. Mais observer de cette façon revient déjà à nier implicitement la validité de l’approche divinatoire de l’astrologie. En ce qui concerne la connaissance divine, un énoncé paradigmatique est celui d’Anselme : "Je m’engage moi-même afin que je puisse comprendre." (32) Sans investir un engagement personnel (ou une foi), on ne récoltera pas la compréhension. Fait intéressant, Descartes était en grande partie responsable du développement de l’idée opposée, qu’il est possible de tout comprendre tout en restant à l’écart, sans engagement. Comme le dit Foucault, "avant Descartes, une personne ne pouvait avoir accès à la vérité qu’en accomplissant au préalable un certain travail sur elle-même qui la rende susceptible de connaître la vérité." (33)
Un principe central de l’astrologie pourrait être mentionné ici. La phrase attribuée dans la Table d’émeraude (34) à Hermès Trismégiste "Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut" a été adoptée comme exprimant l’essence de l’astrologie pendant longtemps. Au XXe siècle, cela a été en grande partie dû à l’influence des textes théosophiques de H. P. Blavatsky où elle est citée (comme ci-dessus) de nombreuses fois. (35) Alan Leo l’a ensuite citée quelques fois dans ses livres (36) et il semble probable que c’est la route principale par laquelle elle a atteint son actuel statut omniprésent parmi les astrologues - bien qu’elle était certainement familière à quelques astrologues antérieurs. (37) Le point important ici est que dans le texte intégral de la Table d’émeraude, l’expression apparaît comme suit : "Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose." (Shumaker, 1972, p. 179) Comme Robert Hand l’a souligné, dans cette version complète, "non seulement nous sommes créés, mais nous créons." (Phillipson, 2000, p. 186) En d’autres termes, le modèle n’est pas celui d’un ensemble d’influences existant indépendamment qui joue sur le monde, mais plutôt d’un cosmos participatif.
Cela ne prouve évidemment rien. La provenance de la Table d’émeraude est trop obscure pour qu’il soit possible même d’être certain des intentions de l’auteur (s) original (aux). (38) Mais elle est mentionnée ici en raison du rôle emblématique de l’expression,qui reflète, dans ses formes abrégée et complète, les modèles 1 et 2 de l’astrologie, respectivement. En faisant cette remarque, je reconnais que cela peut être plus satisfaisant pour ceux qui valorisent les signes que pour ceux qui insistent sur les faits. Peut-être que ceux du second camp préféreront les mots d’un physicien, ce qui suit étant tiré d’une lettre écrite par le physicien Wolfgang Pauli en 1948, et préfigurant de nombreux thèmes abordés dans cet article :
"Quand le profane dit "réalité", il pense habituellement qu’il parle de quelque chose qui est connu de lui-même ; tandis que pour moi, travailler à l’élaboration d’une nouvelle idée de la réalité semble être précisément la tâche la plus importante et extrêmement difficile de notre temps. C’est aussi cela que je veux dire quand je souligne que la science et la religion ont quelque chose à faire l’une avec l’autre. (Je ne veux pas dire "religion à l’intérieur de la physique", ni "physique à l’intérieur de la religion", puisque l’une ou l’autre serait certainement "unilatérale", mais je veux plutôt dire le placement des deux ensemble dans un tout.) Je voudrais tenter de donner un nom à ce qui me vient à l’esprit concernant la nouvelle idée de la réalité : l’idée de la réalité du symbole. D’une part, un symbole est le produit d’un effort humain, d’autre part, il est un signe pour un ordre objectif dans le cosmos dont l’homme n’est qu’une partie. Il contient quelque chose de l’ancien concept de Dieu ainsi que quelque chose de l’ancien concept de la matière ... Le symbole est comme un dieu qui aurait une influence sur les hommes mais qui leur demanderait aussi d’avoir une influence en retour. "(39)
Conclusion
Les progrès de la science moderne ne prouvent pas l’astrologie, pas plus qu’ils ne prouvent l’existence d’une intelligence et d’un but qui sous-tendent l’univers. Ce qu’ils peuvent offrir, je le suggère, est un cadre de compréhension dans lequel la question de la validité de l’astrologie est, pour l’individu, de s’adresser à lui-même, avec l’espoir d’une réponse faisant autorité provenant d’une Science omnisciente venant de se briser.
Postscript
Les commentaires que j’ai reçus au sujet de cet article sont généralement positifs, mais il pourrait être utile, compte tenu de quelques thèmes récurrents, de réitérer les arguments suivants, qui n’étaient peut-être pas suffisamment clairs dans l’original :
Les deux "modèles" d’astrologie ne sont pas destinés à être exhaustifs, définitifs ou à déterminer exactement comment les astrologues pensent et pratiquent. Ce sont des stéréotypes extrêmes, introduits pour les besoins de la discussion, et il est entendu qu’il y a beaucoup de positions intermédiaires entre eux.
Je ne dis pas que la recherche scientifique en astrologie est un exercice inutile. Je ne pense pas qu’il produira jamais des résultats à l’échelle souhaitée par ses défenseurs les plus enthousiastes, mais je pense qu’il a un rôle à jouer.
De plus, j’aurais dû souligner qu’il existe un parallèle direct entre la philosophie "comme si" de Vaihinger et la philosophie pragmatique de William James. J’espère accorder une certaine attention à cette dernière dans la thèse sur laquelle je travaille actuellement.
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Thorndike, L. (1958), A History of Magic and Experimental Science, Columbia University Press, New York.
Vaihinger, H. (tr. Ogden, C.K.) (1935), The Philosophy of ‘As If’, Londres, Kegan Paul, Trench, Trubner & Co.
Varela, F. (2004) The Certainty of Uncertainty - Dialogues Introducing Constructivism http ://www.uboeschenstein.ch/texte/varela-poerksen.html
Willis, R. & Curry, P. (2004) Astrology, Science and Culture. Oxford : Berg.
Wittgenstein, L. (1961) Tractatus Logico-Philosophicus. Londres : Routledge & Kegan Paul.
Zukav, G. (1979) The Dancing Wu Li Masters. Londres : Rider.
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Notes
- Pour une introduction à l’œuvre de Gauquelin, voir Ertel, S. & Irving, K. (1996) The Tenacious Mars Effect, Londres, Urania Trust. Pour la controverse en cours concernant la source des effets mesurés par Gauquelin, voir la section consacrée à ses travaux sur www.astrology-and-science.com et sur http://www.psych.uni-goettingen.de/home/ertel/ertel-dir/downloads/geffectsbroughtdown.pdf
- Merci à Geoffrey Dean d’avoir attiré mon attention sur l’article de Mole.
- Par exemple chez Gleick, J. (1993) Chaos - Making a New Science, London, Abacus. Le mémoire final de Bernadette Brady pour sa maîtrise au Bath Spa University College (présenté au moment de la rédaction - octobre 2004) porte sur la théorie du chaos et l’astrologie.
- Zukav, G. (1979) The Dancing Wu Li Masters, Londres, Rider, p. 54. Source originale : Charles W. Misner, Kip S. Thorne, John Archibald Wheeler dans : Gravitation (Freeman, New York, 1973, 20e impression 1997). Les mêmes citations, ou des citations similaires, de Wheeler figurent, par exemple, chez Goswami, A. (1993) The Self-Ware Universe, New York, Jeremy P. Tarcher/Putnam, p. 75 ; Capra (1976) p. 145 ; Gillott J. et Kumar M. (1995) Science and the Retreat from Reason, Londres, Merlin, p. 256.
- Dean, G. ; Ertel, S. ; Kelly, I. ; Mather, A. ; Phillipson, G. ; Smit, R. The Phillipson Interview - Cinq chercheurs de premier plan face à 150 questions sur la recherche scientifique en astrologie (Désormais "Dean et al, 2003"). À noter que cette interview est une version très étendue de celle comprise dans les chapitres 9 et 10 de "Astrology in the year zero" de Phillipson (2000, Londres, Flare) et, bien que beaucoup de matériel est commun aux deux, environ la moitié seulement se retrouve dans la version en ligne.
- L'accentuation est dans l’original.
- "Discours de la méthode", Discours quatre.
- "Méditations métapphysiques", Seconde méditation.
- Il serait controversé de décrire Descartes comme un réaliste. Mais, en ce qui concerne le statut de la connaissance scientifique, la philosophie de Descartes a eu des implications très réalistes, comme, par exemple, dans ce qui suit " Dans le cas de ces trois penseurs, Galilée, Campanella et Descartes ... il ne fait aucun doute que la "nouvelle science" est vraie, et vraie sur la nature réelle du monde physique. Il n’y a pas de pyrrhonisme épistémologique, mais une sorte de réalisme. La science n’est pas la question constructive du doute complet, mais une sorte de connaissance qui n’est pas non plus sujette à remettre en question le niveau théorique ou philosophique." Popkin, R. H. The History of Scepticism - from Erasmus to Descartes, New York, Harper, 1968, p. 153.
- Une digression sur les - ismes : il serait possible, au lieu de discuter du réalisme et de l’anti-réalisme (qui sont les termes que j’utiliserai principalement dans ce document) de discuter du fondationnalisme et de l’anti-fondationnalisme. Le fondationnalisme est "la théorie selon laquelle la connaissance du monde repose sur des croyances indubitables à partir desquelles d’autres propositions peuvent inférer pour produire une superstructure de vérités connues". (O. R. Jones dans Honderich T. (1995) The Oxford Companion to Philosophy, Oxford, Oxford University Press, p. 289). De toute évidence, le chevauchement de cette position avec le réalisme est considérable, et en fait, le document intitulé "Aside on Post-Modernisme" mentionné plus haut dans cet article identifie spécifiquement Descartes à un fondationnaliste. Cependant, j’ai tendance à penser qu’il est préférable de réduire au minimum les préjugés philosophiques, aussi je me limiterai désormais au "réalisme" et à "l’anti-réalisme."
- Cité à la lettre 0014.51 dans la Collection de lettres de Pauli de Laurikainen (1988) p. 169.
- L'accentuation est dans l’original.
- Cité dans Midgley, M. (2001) Science and Poetry, London, Routledge, p. 43. La référence donnée est "Descartes Principles of Philosophy in Alquie (éd.) Œuvres philosophiques, p. 502, note."
- Thorndike (1958) p. 561 - Il est à noter que la phrase citée est le résumé de la position de Gadroys. Thorndike mentionne également Kirchmaier (p.559) et Magerlinus (p.562) comme astrologues qui ont essayé d’établir des bases cartésiennes pour leur sujet.
- Cf. Feyerabend P. (1993), Against Method (3e éd.), Londres, Verso, p. 9 : "... l'anarchisme... est certainement une excellente médecine pour l’épistémologie et la philosophie des sciences"
- L'accentuation est dans l’original.
- Citant Paslack, R. (1991), Urgeschichte der Selbstorganisation, Viewig, Braunschweig, Allemagne, p. 155.
- Pour une définition plus poussée : Cornelius, G. (2003) p. 74-5 ; Curry, P. (1989) Prophecy and Power, Cambridge, Polity Press, p. 8-9.
- "... lorsque les astrologues donnent des réponses souvent étonnamment vraies, ils sont inspirés, d’une manière mystérieuse, par des esprits, mais des esprits du mal... Ces vraies prédictions ne viennent d’aucune compétence dans la notation et l’inspection des horoscopes ; c’est un art fallacieux." Saint Augustine (tr. en anglais O’Meara, J.) (1984) La cité de Dieu, Penguin, Londres, p. 188.
- Les astrologues qui insistent sur le fait que l’astrologie n’est que divination ne se distinguent pas des lecteurs de tarots et des lanceurs de runes, ma vision de l’avenir de l’astrologie est bien plus tangible et objective." Dennis Elwell dans Phillipson (2000) p. 182
- Pour un compte rendu approfondi du développement de l’approche divinatoire en astrologie, avec une référence particulière à Geoffrey Cornelius, voir Little, K. (2004) Defining the Moment : Geoffrey Cornelius and the Development of the Divinatory Perspective, http://www.astrozero.co.uk/articles/Defining.htm
- Phillipson (2000) p. 183. À noter qu'ici la dernière phrase est apparue dans l’entretien original, mais pas dans l’extrait publié dans le livre.
- "Méditations métaphysiques", Sixième méditation.
- Je sais que cette caractérisation de l’astrologie sera vue par certains astrologues comme, au mieux, partielle. Par exemple, certains peuvent reconnaître que ce modèle "comme si" est un facteur dans les jugements astrologiques, mais soutiennent qu’il y a un noyau dur d’information objective à trouver au-delà de cela. Certains diront que cela s’applique aux jugements horaires, mais que les lectures natales transmettent un profil psychologique précis. Dans les termes que j’emploie ici, une telle approche comprend des éléments de l'astrologie du modèle 1 et de l’astrologie du modèle 2, et, dans la mesure où une base d’information objective a été revendiquée, elle serait ouverte à la mise à l’essai dans le cadre du modèle de base de Dean et al.
- Jamblique (traduction en anglais Clarke E. C., Dillon J. M., Hershbell J. P.) (2003) On the Mysteries, Atlanta, Society of Biblical Literature, p. 157 (sect. 135-6) ; Jamblique cite Héraclite, réf. donnée frg. 93 dans Marcovitch, M. (1967) Heraclitus : Texte grec avec un court commentaire, Venezuela, Mérida.
- Cf. Wood, M. The Road to Delphi, 2004, Londres, Chatto & Windus passim ; par exemple, p. 59 : "le signe n’est que le début du travail d’interprétation. L’ambiguïté, pourrions-nous dire, est le nom que les gens impatients donnent à la langue sur laquelle ils ne veulent pas travailler."
- Curry, dans Willis, R. & Curry, P. (2004), p. 55. Voir en fait pages 55-8 pour la discussion de nombreux points soulevés ici.
- Courriel de John Frawley à l’auteur, 18 septembre 2004, cité avec permission. Je n’ai pas encore pu retracer la citation d’Al-Ghazali, mais cf Matthieu 10, 29-31 : "Ne vend-on pas deux passereaux pour un sou? Cependant, il n'en tombe pas un à terre sans la volonté de votre Père. Et même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc point : vous valez plus que beaucoup de passereaux."
- Collins Dictionary of the English Language (1979), Londres, Collins, p. 1176
- Également tiré du courriel de Frawley à l’auteur du 18 septembre 2004.
- Ces commentaires figurent dans un résumé de Dean & Kelly (2003) à l’adresse suivante : http://www.butterfliesandwheels.com/articleprint.php?num=32
- Armstrong, K. (1999) A History of God, Londres, Vintage, p. 235. Armstrong soutient que "m’engager" est une traduction anglaise plus exacte que "avoir foi" ou "croire". Elle mentionne aussi l’injonction d’Isaïe : "Si vous n’avez pas la foi, vous ne comprendrez pas", sur laquelle Anselme réfléchit.
- Cité : Hadot, P. (tr. Chase, M.) (2004) What Is Ancient Philosophy? Cambridge Mass, Belknap Press, p. 263. Hadot est un représentant notable de la thèse selon laquelle la pratique de la philosophie exige d’un individu qu'il s’engage non seulement intellectuellement, mais à travers son style de vie tout entier, comme cela est sous-entendu par le titre d’un autre de ses livres, La philosophie en tant que mode de vie.
- Pour une bonne introduction à la Table d'émeraude avec des références à de nombreuses autres sources, voir : van den Dungen, W. (2002) Tabula Smaragdina - The Emerald Table à l’adresse www.sofiatopia.org/equiaeon/emerald.htm
- Par exemple, Blavatsky H. P., (1877) Isis Unveiled, Londres, W. J. Bouton, p. 35 et bien d’autres endroits. Divers livres de Blavatsky, dont Isis Unveiled, peuvent être téléchargés à l’adresse http://blavatskyarchives.com/contents.htm. Merci à Kim Farnell pour les références à Blavatsky.
- Par exemple, Leo, A. (1912) The Art of Synthesis (3e édition), Londres, L. N. Fowler, p. 29. Merci à Kirk Little & Maurice McCann pour avoir trouvé des références chez Leo.
- Par exemple : Nicholas Culpeper le cite (en latin) dans The Judgement of Diseases from the Decumbiture of the Sick (réimprimé vers 2000 par Ascella), p. 7 ; l’ami et partisan de William Lilly, Elias Ashmole, le cite (également en latin) à la p. 446 de son texte d’alchimie Theatrum Chemicum Britannicum (1652). Ce texte peut être consulté à l’adresse http://dewey.library.upenn.edu/sceti/printedbooksNew/index.cfm?textID=ashmole&PagePosition=1. Ce serait un projet majeur que de tenter de creuser l’histoire complète, à la fois de la phrase de la Table d’émeraude comme de l’idée sous-jacente, dans son évolution et pour son influence sur l’occultisme occidental. Si quelqu’un veut ajouter quelque chose, qu'il n’hésite pas à communiquer avec moi.
- Par exemple, Joseph Needham suppose que la table pourrait provenir de Chine : Needham, J. (1980) Science and Civilisation in China (Volume 5), Cambridge, Cambridge University Press, p. 370-2.
- Laurikainen (1988) p.20. La traduction de la dernière phrase est opaque dans le texte original ; elle a donc été re-traduite de l’allemand ici, avec mes remerciements à Brigitte Friedrich et Silvia Pannone pour leur éclaircicement du texte original.
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