L'astrologie catastrophiste et dramatisante attribue au carré les pires méfaits, des douleurs d'enfance aux pertes de situation en passant par les crises personnelles, sans parler des folies mystiques ni des morts physiques accidentelles et traumatisantes. Et, si tout cela reste vrai et a déjà mille fois été vécu comme tel, faut-il pour cela oublier que ces mêmes aspects, natals ou momentanés, constituent surtout les étapes d'évolution et de structuration les plus importantes de la personnalité.
Cet article est paru dans la revue "Urania Magazine", n°19
Aline Apostolska ne pratique désormais plus l'astrologie et se consacre exclusivement à la création littéraire. Pour apprécier ses activités et ses publications, consultez le site d'Aline Apostolska
"Ces fauves ne s'attaquent qu'à ceux qu'ils ont réussi à effrayer."
Eliphas Levi - La Magie des Mages
Carré - carrément - caresser. De préférence dans le sens du poil...
Car, comme tous les caractères revêches, le carré livre le meilleur de lui même après avoir mené une juste et digne bataille, destinée à tester la force du partenaire plus encore que la sienne propre...
L'astrologie catastrophiste et dramatisante attribue au carré les pires méfaits, des douleurs d'enfance (ah! comment survivre à l'image maternelle mortifère d'une Lune carré Pluton!), aux pertes de situation (qui ne savait encore qu'un carré Jupiter-Soleil barrait la route de toute ascension sociale... ) en passant par les crises personnelles (un bon carré Mars-Saturne décapant à souhait...) sans parler des folies mystiques (rien de tel qu'un carré Neptune-Soleil) ni des morts physiques accidentelles et traumatisantes (que reste-t-il de vos ancêtres après un transit de Saturne sur la IV au carré d'Uranus... ).
Et, si tout cela reste vrai et a déjà mille fois été vécu comme tel, faut-il pour cela oublier que ces mêmes aspects, natals ou momentanés, constituent surtout les étapes d'évolution et de structuration les plus importantes de la personnalité, les challenges à travers lesquels s'exprime non pas une destinée toute tracée mais, au contraire, la part de liberté la plus appréciable qui vous soit offerte pour transformer et transmuter une énergie inconfortable en fruits que l'on ne devra qu'à sa seule conscience, force et maturité individuelles.
Un carré vous largue seul(e) contre tous, seul(e) face à vous-même, malgré tout, et grâce à l'ensemble des pièges qui semblent vous cerner comme autant de nœuds gordiens que vous êtes invité(e) à trancher, sans autre soutien que votre énergie vitale et votre désir d'autonomie.
"Life is a roller coaster" par Reto Fetz sur FlickR |
Eh bien non, pas du tout! C'est le moment ou jamais de faire appel à sa part de libre arbitre et à ses capacités d'individuation. Les étudiants sont bien déçus autant que les consultants qui voudraient que l'astrologie prenne en charge toute la part d'ombre qu'en eux-mêmes ils ne veulent pas, ou ne peuvent pas, affronter et contre laquelle leur "petitesse" humaine ne pourra leur être d'aucun recours. Il s'agirait donc de l'admettre mais, surtout, de s'y soumettre. De là à y voir le signe d'une punition divine, il n'y a qu'un pas, à la tentation duquel il est si vain d'échapper...
Or, selon moi, l'inconfort est justement la dynamique spécifique de carré comme le confort est celui du trigone. Vouloir y échapper dans une fuite passéiste et soumise est donc un contre-sens. Se priver de la dynamique de ses carrés, c'est n'en pas mériter les dons. Reste à savoir comment faire et là, seule la vastitude de l'astrologue-conseil et le travail de l'individu sur lui-même peuvent donner les clés.
En effet, considérant qu'un thème offre la carte des différentes forces mises en présence, on peut, suivant le mouvement de la vie, prendre tel ou tel voie (verte pour les trigones et sextiles et rouge pour les carrés et oppositions) pour aller d'un point de son parcours individuel à un autre. Se tenant à un point (une planète) du parcours, on peut prendre telle ou telle voie ou y être précipité. Parfois on n'a pas le choix, parfois il s'agit de se le donner.
Dans cette optique dynamique et mobile du thème, un trigone (ou un sextile à moindre effet), c'est comme si, pour se rendre vers un autre point (planète) du parcours, on avait la voiture, neuve, impeccable, le réservoir est plein, on a les clefs, l'autoroute est déserte, les péages inexistants, le paysage magnifique. On roule sans réfléchir pas plus qu'on ne réfléchit à la destination. Le confort est présent partout mais l'endormissement guette et le plaisir d'arriver à bon port avec autant de chance n'est pas forcément évident. Bien sûr, il vaut mieux connaître de temps à autre, au moins, ce genre de période idyllique où l'on est comme "poussé par plus loin que soi-même" sans grande conscience de l'effort. Et il vaut mieux avoir une telle possibilité, un tel turbo de rechange quelque part dans son parcours. Ce serait ingrat de dire le contraire.
Une opposition témoigne de la mise en relation de deux forces opposées qui mobilisent l'être et le polarise en alternance. Un coup à Marseille, un coup à Lille, sans cesse de Lille à Marseille, toujours sur la route, quelle déperdition d'énergie sans ancrage et sans fixation véritable. Finalement on passe plus de temps à rouler qu'à construire, jusqu'au jour où l'on s'aperçoit que le bon lieu pour le faire c'est peut-être... Clermont-Ferrand. Mais en attendant de trouver le lieu pour vivre une telle énergie à double face, le pire serait que l'on soit tiré entre Marseille et Lille et qu'on craque en route. C'est ce que Joëlle de Gravelaine décrit dans l'allégorie de l'élastique...
"Staircase square" par Reto Fetz sur FlickR |
Qui dit problème dit résolution et donc prise de conscience et action personnelle. C'est l'occasion inespérée de comprendre la part d'explosivité de son véhicule, de nommer sa nuit, de lever les voiles du brouillard, de réfléchir à l'absence de visibilité intérieure, de trouver la clef de contact. Cela comme dans une urgence, dans le non-choix, dans l'amour et le respect de soi aussi. Surtout. Une expérience dont on ne sort pas du tout ou dont on sort grandi, sans autre troisième alternative. Et qui fait que peut-être, la prochaine fois, on décidera de prendre le train...
En transit, le carré est structurant également car il marque les étapes du cycle complet d'une planète, selon le modèle des phases lunaires chères à l'école humaniste.
- Retour de la planète sur elle-même (Nouvelle Lune), nouveau cycle occulte et encore invisible aux autres comme à soi.
- Premier carré (Premier Quartier), il est temps de jeter les bases d'une nouvelle dynamique, d'une nouvelle étape, d'initier le mouvement vers la visibilité.
- Opposition (Pleine Lune), première phase de maturation de l'étape débutée lors du retour (Nouvelle Lune), accomplissement et distribution des fruits qui s'en suit dans le collectif.
- Dernier carré enfin (Dernier Quartier), on arrive en fin de cycle, on se désintéresse des fruits qui sont pourtant abondants et mis à portée. Il s'agit de trier, de mettre de l'ordre, de structurer pour passer à une autre étape, lors du prochain retour de la planète sur elle-même.
Bien sûr, ces phases-là sont surtout très intéressantes avec Jupiter et Saturne en regard de la durée de leur cycle mais également, de façon beaucoup plus profonde et étendue, avec Uranus, Neptune et Pluton, lorsque ces planètes transitent en carré les planètes natales. Autant de défis, autant de chances de franchir les différentes portes qui mènent vers soi-même. Avec le carré nul cadeau en dehors de ceux que vous vous offrez à vous-même.
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