LES SIGNIFICATEURS DU PÈRE ET DE LA MÈRE EN ASTROLOGIE CLASSIQUE, par Rafael GIL BRAND

Les Grecs voyaient la quatrième maison comme la maison des parents. Ils ne distinguaient pas une maison pour la mère et pour le père. Les Arabes et les Perses, quant à eux, enseignaient que la quatrième maison appartient au père et la dixième maison à la mère. Comme il est cependant question d’une forme de société patriarcale, on a parfois l'impression que c'est principalement le père, le "pater familias" ou le "chef de famille", qui a été identifié à la quatrième maison. Ce n’est toutefois pas aussi clair avec la mère. 



Article paru surle site Astrologie Zentrum et publié avec l'aimable autorisation de l'auteur
Traduit de l'allemand par Didier Castille


Les classiques hellénistique, arabe, indien et européen sont unanimes quant au choix des significateurs naturels du père et de la mère:
  • Pour une naissance diurne, le Soleil est le significateur du père, pour une naissance nocturne, c’est Saturne,
  • Pour une naissance diurne, Vénus est le significateur de la mère, pour une naissance nocturne, c’est la Lune.
L’astrologie indienne Jaimini (une branche classique particulière) ajoute que l'existence physique du père se repère dans le Soleil ou Vénus (le plus fort de ces deux astres) et celle de la mère dans la Lune ou Mars (selon la force de chacun d'eux). Ces significateurs dits " fixes" (qui ne fonctionnement qu’entre personnes apparentées) sont en particulier appliqués pour le moment de la mort du père ou de la mère.
Cette attribution de Vénus au père et de Mars à la mère a pour conséquence ce qui suit, et qui est hors de portée pour les classiques occidentaux: Vénus représente le sperme masculin et Mars représente l’ovule (ou le sang menstruel). L'astrologie Jaimini voit ici l'aspect physique du père et de la mère. Mais tenter une explication de ce que l’on appelle les "significateurs variables" en astrologie védique nous mènerait trop loin de la tradition occidentale.
Chez les Grecs, il serait plus intéressant de chercher à savoir si le mécanisme naissance de jour/naissance de nuit est toujours vrai. Il existe des passages dans la littérature grecque qui font plutôt référence à la maison IV, ou à Saturne/Soleil et à Vénus/Lune comme significateurs respectifs du père et de la mère.

Ceci qui nous conduit aux maisons où là, les opinions diffèrent:

Les Grecs voyaient la quatrième maison comme la maison des parents. Ils ne distinguaient pas une maison pour la mère et une autre pour le père. Comme il est cependant question d’une forme de société très patriarcale, on a parfois l'impression que c'est principalement le père, le "pater familias" ou le "chef de famille", qui a été identifié à cette maison. Ce n’est toutefois pas aussi clair pour la mère.
"Honour Thy Father And Mother"
par Caro Wallis sur FlickR
Les Arabes et les Perses enseignaient que la quatrième maison appartient au père et la dixième maison à la mère. Je suis personnellement très sceptique, un malentendu se serait peut-être glissé ici.
Vettius Valens en parle à un moment donné, dans un passage où il attribue la neuvième maison – la Joie du Soleil - au père et la troisième maison - la Joie de la Lune - à la mère. Mais il semble qu’on ne puisse pas en faire un usage réaliste.
D’un autre côté, la tradition Indienne mentionne la neuvième et la dixième maison pour le père et la quatrième pour la mère. De là, la neuvième maison s'est imposée plus généralement pour le père. Personnellement, je peux nettement mieux comprendre ce qui précède, à la fois sur le plan théorique et sur le plan pratique: la quatrième maison est en relation avec notre première expérience de la sécurité. La personne qui a procuré cette expérience à l'origine (ne serait-ce que par la grossesse) est la mère. La maison IX, quant à elle, représente notre expérience avec les maîtres et ici le père est, d’une façon archétypique, celui qui apprend à l'enfant et l’initie. Néanmoins, il y a beaucoup de sens à voir la dixième maison comme une maison dérivée de la maison IV (= l’époux de la mère).
Les classiques européens du XIXe siècle et du XXe siècle, vraisemblablement influencés par les Indiens (à travers la Théosophie) ont accepté la cession de la maison X au père et la maison IV à la mère. En conséquence de quoi, les planètes qui maitrisent ces maisons (selon le système) sont devenues les significateurs accidentels du père et de la mère.

Enfin, nous avons les parts arabes:
  • Part de la mère: Ascendant + Lune - Vénus pour une naissance diurne ; Ascendant + Vénus – Lune pour une naissance nocturne,
  • Part du père: Ascendant + Saturne - Soleil pour une naissance diurne ; Ascendant + Soleil – Saturne pour une naissance nocturne.
Certains Grecs disent que si Saturne est brûlé, il doit alors être remplacé par Jupiter.
Concernant l’hypothèse que j’ai mentionnée ci-dessus, à savoir que l’attribution de la maison X à la mère serait le produit d'une traduction erronée, je voudrais maintenant l’étayer avec quelques citations.
L'astrologie hellénistique souligne à maintes reprises que la quatrième maison est la maison des parents et il existe un consensus à ce sujet. Les quelques significateurs du père ou de la mère qui sont sans équivoques selon les conceptions de cette époque sont les planètes que j'ai énumérées tout à l’heure.
Toutefois, il y a une exception chez Thrasylle et une autre chez Valens ; je les traiterai à la fin de l’article car elles sont très spéciales. Je cite ici des sources d’information qui sont à ma disposition:

Antiochus: "... Le quatrième lieu s’appelle maison ou foyer, il serait l’indicateur des trésors et de l’origine noble, du souterrain et, de même... le dixième lieu s’appelle le sommet de la vie, il favorise la gloire et l'activité (ou mieux: la vie professionnelle), la compétence, le Milieu de la vie et le bonheur de vivre."

Paul d’Alexandrie: "Le quatrième signe de l'horoscope... désigne la période de la vieillesse, de la fin de la vie, l’exposition des corps et toutes les choses après la mort. C'est l'endroit où sont concernés la terre et ses fondements, et c’est un indicateur de tout ce qui concerne les parents, la patrie, le foyer, la durabilité et les biens ménagers. Parfois, il favorise l'acquisition de navires et des lieux aquatiques."

Firmicus Maternus (traduction en allemand de Hagall Thorsonn): "Le quatrième lieu nous montre les parents, la fortune héritée, les bases meubles de la naissance et tout ce qui a trait à l'héritage du côté des parents, même s’il est latent dans le temps"

La traduction alternative de Jean Rhys Bram nous dit: "Le quatrième lieu montre les biens familiaux, le capital, la propriété, les biens domestiques, tout ce qui se réfère à la richesse cachée ou retrouvée."

Thrasylle: "Le lieu souterrain (la quatrième maison) a trait aux parents" (aucune information sur la maisons X dans ce chapitre.)
Thrasylle cite également une source d'Hermès Trismégiste qui dit (et c'est ici une partie ambigüe): "...Le quatrième signe est appelé le fondement du bonheur, le déroulement des circonstances paternelles et l'acquisition d'esclaves,... le Milieu du Ciel, dit-il, est la subsistance et la vie, il montre les enfants et la procréation ainsi que les honneurs, le pouvoir et la direction à prendre."

Dans quelle mesure les "circonstances paternelles" se rapportent-elles en réalité au père dans le texte original? Je ne peux pas juger.

Et maintenant Vettius Valens: dans le septième chapitre du second livre intitulé "Le Milieu du Ciel", ni le père ni la mère ne sont mentionnés. Il ne s’agit que de succès et, en complément, de fertilité. Voici quelques extraits: "Si les bénéfiques se trouvent dans ce lieu... il en résultera des souverains et des rois... Si le maitre de ce lieu est en bonne position, il fera en sorte qu’ils le soient effectivement... S’il se trouve dans la septième maison et qu’un maléfique se trouve près de lui ou en opposition, il génèrera ceux qui font le mal et ceux qui sont stériles ou sans enfants."
Dans le treizième chapitre "la quatrième, le lieu souterrain", il s’agit des activités sacerdotales et des messages divins ; vient ensuite une indication sur Mars dans ce lieu puis: "Il faut noter soigneusement que ce lieu produit des louanges après la mort et des héritages envers la famille propre. Si des maléfiques se trouvent dans ce lieu, les natifs lèguent leurs biens à qui ils veulent."
Dans le quatrième livre, Vettius Valens écrit ensuite (et c’est là que se trouve l'exception): "Le quatrième (lieu): la réputation, le père, les enfants, la femme en propre et les personnes âgées, ce qui fait l’individu, la ville, le budget du ménage, les possessions, la sédentarité, la vengeance, le changement de lieu, les dangers, la mort, les restrictions, les choses mystiques... Le dixième: le lieu de ce qu'on fait, la réputation, le progrès, les enfants, l’épouse, le changement, le renouvellement des choses."
Mais il faut se rappeler toutefois que cette dernière attribution se réfère au quatrième livre sur les Profections, à savoir sur le dixième lieu et le quatrième lieu en partant d'un facteur spécifique - pas seulement de l'Ascendant. Comme on peut le voir, des éléments provenant de la maison IV et de la maison X se mélangent à l'évidence. Il s’explique ensuite: "Tout lieu produit donc ce qu’il signifie, mais il est également partenaire de la nature du lieu des signes qui se font face". Je pense donc que ce passage de Valens ne devrait pas être considéré comme la preuve que les Grecs attribuaient la quatrième maison exclusivement au père (et non à la mère).
Dorothée, Ptolémée et Héphaistion ne font aucun inventaire de la signification des maisons. Mais pour tous les trois, il est clair que les significateurs des parents sont uniquement des planètes (Soleil, Lune, etc.)
Et maintenant, voici un passage qui, peut-être, aboutit  à l’attribution de la dixième maison à la mère.

Ptolémée a écrit dans le troisième livre, dans le chapitre "Sur la fratrie", d’après la traduction de Robbins: "... On devrait naturellement retenir, quand il s'agit de la question des frères et sœurs de sang, le lieu culminant, le lieu de la mère, c’est-à-dire le lieu qui comprend Vénus le jour et la Lune la nuit ; alors ce signe et celui qui le suit est le lieu des enfants de la mère..."
Robbins a noté la difficulté de ce passage et a précisé que Proclus et Camerarius avaient placé un "et", ce qui produit chez eux "le lieu culminant et le lieu de la mère". Il le tient cependant évidemment pour une corruption de l'original.
"Baby Black and White"
par Sjoerd van Oosten sur FlickR
Robert Hand dit que la traduction minutieuse de Ptolémée devrait être la suivante: "en ce qui concerne les enfants d’une mère, il faudrait naturellement se référer au douzième lieu culminant à partir du lieu de la mère, c’est-à-dire le lieu qui contient Aphrodite le jour et la Lune la nuit. C'est ce qui explique pourquoi ce signe et celui qui lui fait suite sont des lieux qui affectent les enfants de la mère."

Héphaistion en a certainement tiré ceci: "... le nombre d'enfants d’une même mère se trouve à partir du lieu culminant et du lieu qui le suit, car ils comprennent tous deux à la fois le lieu de la mère et le lieu des enfants."
Il faut savoir qu’Héphaistion cite abondamment Ptolémée, notamment dans ce passage, mais dans une variation modifiée - et simplifiée. Et il faut aussi savoir que chez les Grecs la dixième et la onzième maison sont les maisons des enfants. La traduction de Robbins et, avant tout, celle de Robert Schmidt et Robert Hand me semblent donc très concluantes: les dixième et onzième maisons de Vénus ou de la Lune sont les enfants de la mère, et donc de leurs propres frères et sœurs. C’est de là qu’est venue la mauvaise tradition qui prétend que la dixième maison est la maison de la mère.
Je tiens pour très probable que ce passage corrompu de Ptolémée, qui a été propagé à tort par la suite, a conduit les Arabes (et les Perses) à affecter la dixième maison à la mère. Mais la vision patriarcale dominante selon laquelle le père est justement le chef de famille y a certainement contribué. Et à partir de l’attribution générale de la quatrième maison à la famille, on a facilement pu identifier la maison X avec le père. Peut-être que cette citation ptolémaïque a conduit les astrologues à l'idée et à la compréhension du père comme le personnage principal de la famille, ou alors la prise en compte de la X comme la septième maison de la quatrième a rendu cette interprétation des textes de Ptolémée plausible. L’une comme l’autre sont vraisemblables.
Néanmoins, la cession de la dixième maison à la mère demeure, chez les Arabes, un complément secondaire. Des éléments frappants découlent de l’examen approfondi de cette question dans les livres de Ali ben Ragel sur les nativités:
  • Le thème de la mère est traité ensemble avec celui du père dans le chapitre sur la quatrième maison. Le chapitre intitulé "Sur la signification de la quatrième maison", commence lui aussi par ces mots: "Cette maison signifie, avant tout, la condition des parents, etc."
  • Les significateurs principaux de la mère sont, ici aussi, clairement la Lune et Vénus, ainsi que le point de la mère. Le Milieu du Ciel n’est effectivement mentionné qu'en rapport avec les directions, afin de sonder la durée de vie de la mère ; sinon il ne joue aucun rôle.
  • Les chapitres sur la dixième maison ne traitent nulle part de la mère et elle n'est pas non plus mentionnée dans les significations spécifiques de la dixième maison.
J’ai trouvé quelque chose d'analogue chez Albubather: dans les chapitres sur la quatrième maison, il est beaucoup question des affaires des deux parents. Dans la section "À propos de l'état de la mère" le Milieu du Ciel apparaît comme l'un des endroits d'où on extrait l’Almuten de la mère. Et plus tard, dans les chapitres sur la dixième maison, il est question exclusivement de pouvoir et d’honneur.
Il semble donc que, pour les Arabes, le Milieu du Ciel et la dixième maison ne sont pas considérés comme des significateurs importants de la mère ; celle-ci serait plutôt signifiée d'une façon mineure par la dixième maison.
Personnellement, je préfère l'interprétation traditionnelle selon laquelle la quatrième maison représente la maison de la famille mais avec un accent particulier sur la mère. Sinon, je tiens pour très cohérente l’attribution indienne de la neuvième maison au père, en complément de la maison IV.

Astrologie Centrum Hamburg