ZODIAQUES ET PLANÈTES SUR LA ROUTE DE BÂLE À BERNE

Les rues des villes de Suisse sont riches d'illustrations zodiacales et astrologiques : la fontaine de Coire, les horloges de Diessenhofen, de Sion ou de Bremgarten, le globe céleste de Genève ou encore le vitrail de Lausanne... Blottie entre le Jura et les Alpes, la route qui passe par Bâle, Soleure et Berne ne déroge pas à cette tradition venue du Moyen-âge. Non seulement les douze signes du zodiaque y sont richement représentés mais on peut également y admirer des fresques anciennes mettant en scène les sept planètes du système solaire dans leurs figurations mythologiques. 



Les Dieux astrologiques de Bâle

La cour intérieure de
l'hôtel de ville de Bâle
Bâle est située à quelques dizaines de kilomètres à l'aval des chutes du Rhin de Schaffhouse, à l'angle de trois pays ("Dreiländereck"), au nord-ouest de la Suisse, là où le fleuve bifurque vers le nord, et à quelques kilomètres de la France et de l'Allemagne. Son agglomération englobe notamment les villes frontières de Saint-Louis et Huningue en Alsace et de Weil-am-Rhein et Lörrach au Bade-Wurtemberg. 
La ville,  reconnue dès le début de notre ère, doit son importance à sa position sur le grand fleuve européen. Son nom, d'après des documents datant de 374, viendrait du latin Basilea. La construction d'une cathédrale y débuta dès le XIe siècle.
  
Aujourd'hui, Bâle est une importante ville industrielle, spécialisée notamment dans l’industrie chimique et pharmaceutique. Elle est aussi l'un des centres culturels les plus importants de Suisse par ses nombreux théâtres et musées ; on y trouve la plus ancienne collection d'art accessible au public du monde.
  
L'Hôtel de ville de Bâle, situé sur la Place du Marché, est très caractéristique par la couleur de sa façade, d'un rouge à la fois vif et sombre. Les plus anciennes de ses parties ont déjà cinq siècles.
  
La cour intérieure de l’hôtel de ville de Bâle, richement décorée de figures mythologiques et historiques.
Sur un intense fond pourpre, trompe l'œil de temple antique, les dieux apparaissent en figures d'or et de graphite.

C'est en 1501 que Bâle intégra la Confédération Helvétique. Il fut alors décidé qu'un bâtiment emblématique de cette jeune identité serait construit. Les travaux débutèrent dès 1504 d'après les plans de Ruman Faesch et, dix années plus tard, la nouvelle mairie dévoilait ses pourpres au centre de la ville.

Vénus, au cœur ardent, accompagnée de Cupidon

De cette période charnière, l'édifice a gardé à la fois des éléments gothiques et d'autres Renaissance. Les décorations murales et les nombreux trompe-l'œil ont été réalisés en grande partie par Hans Bock.
Sur les murs de la cour intérieure, on peut admirer quelques figures mythologiques accompagnées de leurs attributs. Apollon, Vénus et Mars, mais aussi Diane, un croissant de Lune dans les cheveux et l'arc à la main, Mercure avec un caducée et coiffé d'un pétase ailé, Jupiter tenant un sceptre et la foudre, Saturne dévorant un enfant... On croit y voir l'Olympe rassemblé mais ce n'est pas le cas : les douze dieux n'y sont pas tous alors que Saturne n'en fait pas partie. Il s'agit en fait des figurations des sept planètes connues à l'époque, munies de leurs symboles.    
    
Saturne, dévorant un enfant

La tour de l'horloge de Soleure
La tour de l'horloge
de Soleure

Soleure (Solothurn, dans son orthographe alémanique) est une ville suisse située entre le Weissenstein, l'un des plus beaux points de vue de la chaîne du Jura, le le fleuve Aar, un affluent du Rhin.

La ville était déjà connue des Romains pour sa position sur les grands axes routiers et commerciaux, entre vallées, cols, fleuves et lacs. Elle intégra la Confédération en 1481, un peu avant Bâle. Bien qu'ayant eu des sympathies pour la Réforme dans ses débuts, elle demeura fidèle à la foi catholique. Elle est également connue pour être la pus belle ville baroque de Suisse par ses  influences italiennes et françaises. Avec les 70 000 habitants que compte aujourd'hui son agglomération, Soleure est un important centre industriel, commercial et culturel. 

Dans la vieille ville, derrière d'épaisses murailles, les monuments se concentrent sur quelques rues charmantes et égayées de onze fontaines aux couleurs vives et naïves : les tours de Bâle de Bienne, la cathédrale néoclassique Saint-Ours et Saint-Victor, l'église des jésuites ou le Palais Besenval. La tour de l'horloge est remarquable à bien des points de vue.



Le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne et le Verseau

La tour de l'Horloge, encore appelée "Zeitglockenturm" ou "Zitgloggen", est le monument le plus ancien de Soleure. Elle daterait du XIIe ou du XIIIe siècle. C'est au milieu du XVe siècle que l'horloge y a été installée, une centaine d'années avant le réalisation du mécanisme zodiacal. Ce grand cadran indique le jour, le mois et le cycle saisonnier.  Une de ces spécificités tient à la course de son aiguille principale, celle qui pointe l'heure d'un doigt, et qui en fait le tour en une journée complète. Une autre aiguille, munie d'un Soleil, en fait le tour en sens inverse pendant toute une année et désigne les signes du zodiaque. Un autre encore indique le signe dans lequel se trouve la Lune.

Toutes les heures, un groupe d'automates, placés dans une niche entre les deux cadrans, s'anime : un vigoureux guerrier au casque ailé, la mort, dont le sablier se retourne, le roi des fous... Au milieu de ces trois figures, un petit cadran complète le plus grand en indiquant les minutes. Au dessus, sur un ciel bleu et étoilé, une sphère indique la phase de la Lune.

Les automates de Soleure et, au-dessus d'eux, les phases de la Lune. 
Ici un mince croissant doré apparaît, la Nouvelle Lune vient de se produire.

Sur les places ou au coin des rues, les très anciennes fontaines de Soleure contribuent largement à son charme. Elles sont d'un style traditionnel fréquent dans cette partie de la Suisse ou de l'Allemagne. On en trouve également à Berne, à Fribourg-en-Brigsau, à Diessenhofen ou à Bâle... Elles sont surmontées d'une colonne, peinte de couleurs vives et d'ors, qui supporte un animal, un héros légendaire ou un homme d'armes tenant une bannière aux armes de la cité.  Soleure en compte onze, toutes différentes et richement décorées.
Celle qui se trouve à l'angle de la Friedhofplatz et de Stalden représente la premier des douze travaux d'Hercule qui, selon Antoine Court de Gébelin, est en relation avec le signe du Lion. 

L'une des onze fontaines décorées de Soleure représente Hercule dans son premier travail, la maîtrise du lion de Némée. On remarque l'effigie du Soleil que ce héros solaire porte à la ceinture. Le Soleil, en astrologie, maîtrise le signe du Lion.

Les planètes et les anges de Berne

La tour de l'horloge de Berne
Cinquième ville de Suisse, Berne en est, depuis 1848, la ville fédérale. Fondée au XIIe siècle au-dessus des méandres étroits de la rivière Aar, elle est parvenue à maintenir à travers les siècles un patrimoine médiéval urbain exceptionnel. Avec ses arcades du XVe siècle et ses fontaines du XVIe siècle, la large et majestueuse rue principale, qui prend tout à tour les noms de Gerechtigkeitgasse, Kramgasse et Marktgasse, s’étire sur six kilomètres ; c’est la plus longue promenade couverte d'Europe.

C’est sur cet axe que se trouve la Tour de l’horloge, l’une des principales attractions de la ville avec son impressionnant cadran, son célèbre carillon aux ours et son jaquemart. Toutes les heures, les automates renouvellent leur manège : le fou fait tinter ses clochettes et la ronde des sept ours démarre, l’un à cheval pour le dimanche, les autres avec un métier différent pour chaque jour.

Les indications du cadran y sont extrêmement précises. On peut y lire le jour de la semaine, l'heure et les minutes mais aussi le mois (dans une version ancienne : Herbstmonat, Christmonat, Hornung, etc.). Un Soleil doré indique le signe zodiacal qu'il occupe et un petit globe sombre montre le signe où se trouve la Lune ainsi que sa phase. On y remarque également l'axe des nœuds lunaires. 

Le cadran de l'horloge de Berne : le Soleil en Balance et la Lune, en phase de Nouvelle Lune, à la fin du Sagittaire

Au dessus du cadran, à un ou deux mètres sous la grande horloge noire, et presque trop discrète tant l’attention du spectateur est attirée par les ornements zodiacaux et la joyeuse mécanique du carillon, une fresque murale un peu délavée apparaît sous un rebord de pierre qui la dissimule à moitié.

Elle représente cinq personnages debout et qui n’ont pour seul costume qu’une étoile dorée à six branches posée sur le pubis. Il s’agit de cinq divinités mythologiques qui sont ici, dans cet endroit qui mesure le temps à partir des rythmes spatiaux, pour figurer les cinq planètes classiques du système solaire. 

De gauche à droite, on distingue Saturne campé sur une faux et une massue, Jupiter maîtrisant la foudre, Mars armé d’un glaive et d’un bouclier ardent, Vénus, le cœur sur la main, accompagnée d’un Cupidon, Mercure tenant un caducée et une bourse.

Mercure tenant d'une main une bourse et de l'autre l’ancêtre du caducée,
un bâton autour duquel s'enroule un serpent.

Au plus haut du portail central de la cathédrale de Berne :
les astres et les hiérarchies angéliques
Placée sous le patronage de Vincent de Saragosse, la collégiale de Berne, le "Berner Münster", se profile loin à la ronde avec sa tour de cent mètres de haut et sa silhouette élégante. Elle a été classée, avec toute la Vieille Ville, dans le patrimoine mondial recensé par l’Unesco.

À l’ouest de l’édifice, le portail central loge une riche représentation du Jugement Dernier. Cette exceptionnelle réalisation de la sculpture de la fin du Moyen Âge comprend près de trois cents personnages, élus et damnés. Il a été entièrement rénové au cours de la première décennie du XXIe siècle et s’offre désormais aux passants comme aux premiers jours (au filet anti-pigeons près), dans sa remarquable composition polychrome.

Au dessus du paradis et de l’enfer, à chacun des nœuds d’un élégant entrelacs de pierre, d’étranges personnages décorés d’or semblent flotter au plus haut de la voûte, derrière les voussures. Vingt-et-une figures célestes s’y côtoient, les cinq planètes classiques, le Soleil et la Lune, les évangélistes, le Saint-Esprit et les neuf classes de la hiérarchie des anges.

Le Soleil, flamboyant, accompagné de Vénus et de Mars, tous deux posés, comme d'ailleurs Mercure, Jupiter ou Saturne,  sur des étoiles d'or à sept branches, comme pour rendre plus explicite leurs natures planétaires.

© Didier Castille, Francis Perrin