Chacune des techniques de prévision employée en astrologie se
rapporte à un niveau d’expérience différent. Le problème ne consiste donc pas à
trouver quel système de prévision donne les résultats les plus exacts par
rapport aux événements de la vie. Il
faut plutôt comprendre que ce que l’on mesure grâce aux directions
primaires, au d’un être humain.
Article paru dans Trigone n° 18-19
"Light" par shospace, sur FlickR |
Seul Dane Rudhyar a montré comment chaque technique employée se rapporte à un niveau d’expérience différent. Le problème ne consiste donc pas à trouver quel système de prévision donne les résultats les plus exacts par rapport aux événements de la vie. Il faut plutôt comprendre que ce que l’on mesure grâce aux directions primaires, aux progressions secondaires, aux directions ”symboliques” ou aux transits n’est pas une seule et même chose : l’arrivée d’un événement. Chaque système est un moyen de déterminer, non pas un événement extérieur ou psychologique, mais les phases successives du processus que nous appelons une vie, qui commence à la naissance et vise l’accomplissement relatif d’un être humain.
L’astrologie est un système de connaissance qui utilise des facteurs basés sur l’espace et le temps. L’élément spatial est fourni par le thème natal qui établit symboliquement la condition et la structure de l’individu. Il représente un ensemble de potentialités et rien d’autre même si, implicitement, il définit tout ce qu’on trouverait dans l’homme parfait. Le thème est purement abstrait puisqu’il ne représente que des potentialités. Il est aussi purement symbolique puisqu’il n’est constitué que de facteurs astronomiques (planètes, horizon, etc.). Un thème ne représente rien de concret, de précis, de déterminé, il ne montre que ce que la personne pourrait être si elle parvient à actualiser pleinement la promesse archétypique contenue en elle.
Rien dans un thème n’indique de manière absolue qu’une personne donnée va s’accomplir ou rester, comme la plupart d’entre nous, une esquisse sur le fond de son passé racial et collectif. C’est une des raisons pour utiliser plusieurs façons de mesurer le temps avec les étapes d’actualisation des potentialités de naissance. Personne ne naît individu (au sens psychologique du terme). Nous sommes tous d’abord des êtres humains, des exemplaires du type biologique homo sapiens. Nous respirons, mangeons, marchons, aimons, procréons, ressentons plaisir et douleur, tous plus ou moins de la même manière. Ainsi, avant de nous individualiser, nous vivons et possédons selon une structure de vie qui est générique puisqu’elle est identique pour tout homme. Ce n’est que petit à petit et lentement que nous pouvons acquérir une structure individuelle, un comportement nerveux, émotionnel et mental qui nous est propre.
Cette structure générique ne concerne pas uniquement le corps et son évolution biologique, mais aussi, nous le savons grâce à Jung, la psyché. Cette structure psychique qui sous-tend toute individualité, toute expression de “génie”, est, sous l’un de ses aspects, l’Inconscient Collectif de Jung ou ce que Rudhyar appelle “l’humanité commune des hommes”. Nous plongeons nos racines dans cette fondation commune d’où monte toute expression individuelle, créatrice, spirituelle. Cette fondation commune, que l’on trouve astrologiquement dans la Maison IV, est symboliquement le centre de notre Terre où convergeraient toutes les épines dorsales des êtres humains debout sur la surface de la terre, si l’on prolongeait ces épines dorsales vers le bas.
Cycles génériques
Notre destinée générique évolue en fonction de notre âge, facteur que j’ai longuement développé dans mon livre “Les Cycles du Devenir” (Ed. du Rocher, Monaco, 1981). Elle évolue aussi selon les cycles génériques des planètes : ces cycles de transit partent de leur position dans le thème natal pour y revenir après avoir fait le tour du zodiaque. Chaque planète étant à considérer selon son rythme et en fonction des aspects qu’elle fait avec sa position natale. Un exemple : l’adolescence. Un garçon ou une fille peut passer par cette crise générique de croissance - psychologique et physiologique - quelques années avant ou après la moyenne. Mais cette moyenne est établie par le fait que le garçon et la fille sont des spécimens du règne humain, ils doivent passer par cette crise de croissance à un âge donné. Astrologiquement, la crise correspond à l’opposition de Saturne à sa position natale.
Il y a d’autres changements structuraux dans la vie de tout être humain. Ces changements ont lieu à tous les niveaux de l’être et concernent le développement physique et psychologique complet de l’organisme humain tel qu’on le connaît actuellement. Ils sont fondamentaux et ne concernent pas les particularités relativement superficielles du développement du corps. Ils n’ont rien à voir non plus avec l’hérédité et l’environnement particuliers ni avec les frustrations ou les dons innés qui semblent différencier un être humain d’un autre.
C’est la raison pour laquelle l’astrologue peut les assimiler aux cycles génériques de certaines planètes dont Saturne et Uranus en particulier : leurs phases correspondent à des âges basés sur une division septénaire de la vie humaine. Ainsi, vers quatorze ans, tout être humain va faire l’expérience à la fois de l’adolescence et de la première opposition de Saturne, en transit, à sa position natale. La correspondance est générique, commune à tout le monde, mais selon la position natale de Saturne, son signe, sa maison et ses aspects dans le thème, l’astrologue peut avoir une idée sur la façon dont une personne spécifique va faire l’expérience générique de l’adolescence. On comprend mieux ainsi l’importance de l’âge du consultant.
Transits
Dans son livre “La Prévision de l’Avenir par l’Astrologie”, André Barbault avait fait une étude très complète de la façon dont on étudie traditionnellement les transits, sous toutes leurs formes. Cette approche concerne la destinée existentielle d’un être humain en fonction des valeurs socioculturelles qui le dominent encore. Puisque la plupart des gens vivent en spécimens de ces valeurs socioculturelles et ne cherchent nullement à devenir de véritables individus capables de manifester clairement la qualité de leur moi essentiel, cette approche est encore importante et nécessaire. Mais j’estime que l’astrologie a un rôle encore plus important à jouer. Il ne suffit pas de prolonger le passé dans le présent, il faut aussi prolonger le présent dans le futur en adaptant le symbolisme astrologique aux idées et désirs profonds.
"Transit of Venus 2004" par Nasa Goddard, sur FlickR |
Sur la base Jungienne et en passant par les autres grands noms actuels de la psychologie des profondeurs, nous avons besoin d’une astrologie qui s’adresse à l’individu plus qu’à un spécimen de la nature humaine. Cette nature humaine est la fondation, pas la superstructure. Même sous ses formes modernes, l’astrologie traditionnelle est géocentrique et mesure le rapport qui peut exister entre l’univers - le système solaire en particulier - et la nature humaine générique, modifiée par des hérédités et des environnements particuliers.
Une véritable astrologie doit prendre 1a personne comme centre et chercher à établir comment un individu peut et doit se lier, en tant qu’individu, à la Terre, au système solaire et à l’univers. Un astrologue humaniste ne cherche pas à interpréter des thèmes de naissance : il cherche à interpréter la vie d’une personne en se servant de son thème natal. De même, il conçoit les transits d’une manière différente de celui qui cherche les évènements.
Le dessin du système solaire dans son ensemble change d’heure en heure et de jour en jour : c’est la base des transits. Ils se réfèrent donc à des changements qui ont réellement lieu dans le ciel après la naissance. Ils soulignent le fait que l’univers et le système solaire évoluent constamment sans s’occuper de notre présence. Ils n’ont aucun rapport étroit avec nous, ni nous avec eux. Ils représentent un rythme planétaire, universel, cosmique, qui nous englobe tous et auquel nous sommes tous soumis puisque nous sommes nés.
Pour ces raisons nous ne pouvons utiliser les transits pour mesurer une évolution personnelle comme telle : ils ne peuvent représenter le développement en soi des potentialités inhérentes à la naissance. Ils ne peuvent mesurer que l’impact de facteurs extérieurs - cosmiques, planétaires ou sociaux - sur l’existence personnelle. Ils représentent donc la pression variable que l’univers et la société humaine exercent constamment sur une personne donnée. Nous sommes tous soumis à chaque moment de notre existence à la pression atmosphérique, à la loi de la pesanteur, à l’impact de radiations solaires et cosmiques. Nous sommes tous également soumis à la pression constante de nos traditions raciales et nationales, aux sentiments de masse, à la pensée collective, aux modes et publicités, aux commandements de l’opinion publique. Chacun de nous est appelé à maintenir son intégrité face à ces impacts et cela pendant toute sa vie.
Cette intégrité personnelle, cette qualité d’être particulière que nous devons manifester dans la vie, sont représentées par le thème natal. Chaque planète natale correspond, dans la structure radicale de l’être, à un centre organique dont la qualité spécifique est symbolisée par le signe qui la contient. Le thème de naissance reste donc comme une plaque sensible pendant toute la vie. Les transits par rapport à ce dessin fixe (en nature, pas en envergure) indiquent de quelle manière des tendances collectives planétaires chercheront à modifier, jour après jour, année après année, ce que nous sommes essentiellement. Ils représentent le poids exercé sur la destinée individuelle par des changements dans la tendance générale du comportement humain. Ils se rapportent à l’effet de tendances collectives et d’évènements mondiaux (cosmiques aussi bien que sociaux) sur l’individu.
Ceux d’entre nous qui y réagissent d’une manière particulière le font en tant qu’êtres sociaux, même si de ce fait leur vie personnelle en est changée. La motivation est donc sociale et collective plutôt qu’individuelle. Évidemment, le changement provoqué par une telle tendance dans le comportement humain peut correspondre à un tournant défini dans la destinée personnelle. On peut cependant dire, dans ce cas là, que la personne ne suivrait pas la tendance collective de sa société, à moins qu’elle ne soit prête à agir pour des raisons personnelles.
Directions primaires
"Globe", par Judy**, sur FlickR |
Les directions primaires et les progressions secondaires traitent essentiellement du rythme individuel des transformations qui peuvent s’opérer à l’intérieur de la personnalité globale. Elles indiquent comment, et par quelles étapes, le potentiel natal doit devenir une personnalité humaine concrète. Elles dévoilent comment toute la structure natale se développe et se transforme. Et cette structure se transforme d’elle-même non pas à cause d’une pression venant de l’extérieur, de l’univers ou de la société humaine. Elle se transforme parce que rien dans la vie n’est statique et parce que la vie elle-même signifie croissance et développement des potentialités.
Mais les directions primaires et les progressions secondaires ne se réfèrent pas à la même chose. Il est vrai que les deux ont leur raison d’être dans le fait que la naissance et le premier souffle ne sont que le point de départ d’un processus d’actualisation de la plénitude potentielle de l’être. Les deux systèmes ont néanmoins, à la base, un type de mouvement terrestre différent. En effet, les directions primaires sont liées à la rotation journalière de la Terre sur son axe, tandis que les progressions secondaires se basent sur le facteur solaire : la révolution orbitale de la Terre autour du Soleil en un an.
L’astrologie humaniste explique clairement pourquoi tous les facteurs individuels se rapportent aux maisons, donc au mouvement axial de la Terre. Pour cette raison, les directions primaires se rapportent, elles aussi, au facteur individuel en l’homme. Dans ce système, un degré de mouvement égale une année de vie. Mais ce mouvement est fait par le MC qui se déplace à la vitesse d’un degré toutes les quatre minutes, pour faire un tour complet en 24 heures sidérales ; voilà pourquoi on dit que cette période de 4 minutes correspond à une année de vie.
Les directions primaires créées par le mouvement du Méridien sont les plus simples à calculer, bien que tous les mouvements doivent être exprimés en ascension droite, élément nécessaire puisque le mouvement s’effectue sur le cercle de rotation axiale de la Terre, qui est l’équateur et non l’écliptique ou cercle du zodiaque. Néanmoins, comme elles sont, symboliquement parlant, engendrées par le mouvement du Méridien, elles portent le sens que nous donnons au MC. Ces directions primaires traitent donc du développement du facteur individuel, mais à un niveau spirituel ou archétypique qui est en rapport avec l’emploi de la pensée et du pouvoir intrinsèque de l’être.
Il y a des types plus complexes de directions primaires qui prennent en considération le mouvement vrai des planètes, leur déclinaison et surtout leur latitude ainsi que la latitude du lieu de naissance. La latitude est liée à l’horizon et à l’ascendant, de sorte que ces directions primaires portent symboliquement la signification que nous donnons à l’ascendant. Elles traitent toujours du facteur individuel mais touchent à ce qui est unique dans la destinée, à la façon personnelle et particulière de réaliser intérieurement son moi essentiel. Evidemment, avec les directions primaires, il faut connaître exactement le moment de la naissance. Puisque 4 minutes égalent une année de vie, les échéances calculées peuvent ne pas coïncider avec la réalité, d’où la nécessité de procéder à une rectification de l’heure de naissance fournie, procédé compliqué et souvent long.
Progressions secondaires
"Love and mathematics" par Lost archetype, sur FlickR |
Le Soleil étant le principe d’intégration qui dans le thème révèle la façon d’agir de l’intelligence spirituelle qui anime une personne, ces progressions ont trait à la façon et aux étapes par lesquelles le moi essentiel peut et doit se manifester dans la vie. Elles sont certainement les plus significatives pour mesurer les phases du processus d’intégration de la personnalité dont parle Jung, processus dont la réussite dépend de la capacité qu’a l’individu de se lier créativement à la collectivité.
Les progressions mesurent donc le développement de la conscience d’un individu, de sa véritable intelligence. Selon Rudhyar ou Krishnamurti, l’intelligence en l’homme est essentiellement la faculté qui lui permet de s’adapter consciemment à son environnement et de le faire de manière a y voir les meilleures conditions pour se développer et s’accomplir.
Dans les progressions il n’y a plus accent sur le facteur individuel en soi, comme c’est le cas dans les directions primaires, mais sur le rapport entre ce facteur individuel et tout ce qui représente le pôle collectif. Ce pôle est constitué par notre corps, notre famille, notre religion, notre culture, les normes de comportement de notre société qui conditionnent toutes nos relations interpersonnelles. Dans leur ensemble, ces facteurs nous présentent les expériences et défis nécessaires au développement de notre conscience individuelle. Mais ce processus même produit toutes sortes de tensions, de peurs, de rétractations, d’ambitions, de désirs, de sorte que nous devenons souvent ce que nous ne sommes pas essentiellement selon les potentialités inhérentes à notre thème natal.
Ce sont les transits qui mesurent tous ces impacts, pressions et influences venant de l’environnement qui, ne l’oublions pas, est psychique et mental aussi bien que géographique, culturel et social. Ces pressions extérieures, symbolisées donc par les transits, tendent à modifier constamment ce que nous sommes essentiellement selon notre thème natal. Elles peuvent nous apporter plaisir, bonheur, exaltation ou douleur, misère et dépression. Quelques unes peuvent renforcer certaines qualités de notre caractère alors que d’autres peuvent pousser à une désintégration relative. Mais, dans tous les cas, les transits représentent ce qui, jour après jour et année après année, nous pose des défis.
Pour ces raisons, l’astrologie traditionnelle estime que les transits seuls valables pour prévoir l’avenir en mettant l’accent sur l’évènement comme s’il n’y avait pas de personne pour l’expérimenter. On croit que les évènements nous arrivent mais c’est, en fait, le contraire : nous arrivons aux évènements et c’est nous qui décidons que tel évènement est bon ou tel autre mauvais. L’effet d’un évènement dépend de ce que nous sommes au moment où nous en faisons l’expérience, de la signification que nous donnons à toutes choses. Autrement dit, il y a en nous quelque chose qui ne dépend pas des transits mais qui nous permet, si nous le voulons, d’accepter tous les défis de l’environnement comme des occasions pour devenir progressivement ce que nous sommes potentiellement selon notre thème de naissance.
"My mind is glowing" par mindfulness, sur FlickR |
Par exemple, une conjonction de Mars progressé avec Saturne natal pourrait correspondre à un accident ou à une maladie. Mais la progression en soi révèle non pas l’accident ou la maladie comme tel, mais la mobilisation de l’énergie nécessaire pour survivre ou récupérer. On ne devrait jamais parler d’une “mauvaise” progression. Une progression comme la conjonction de Mars progressé avec Saturne natal nous dit seulement qu’il est temps d’actualiser la capacité latente d’affirmer le pouvoir de tout l’organisme (corps et psyché) face à des pressions produites par l’environnement extérieur et/ou intérieur. Et personne ne peut dire d’avance quel sera le résultat définitif de cette confrontation.
Il est donc tout à fait normal de ne pas toujours trouver un événement au moment des échéances progressées puisque les progressions montrent par quelles étapes il faut passer pour arriver à une maturité psychologique et spirituelle. Les aspects progressés indiquent le genre d’occasions que nous avons pour évoluer, grâce à différentes formes d’adaptation et d’orientation consciemment voulues. Ils indiquent des périodes pendant lesquelles certains aspects de la personnalité sont activés ou renouvelés, repolarisés, transformés. Je souligne le mot “période” parce que dans les progressions ce qui importe c’est ce que nous faisons entre des aspects successifs d’une planète progressée avec des planètes dans le thème natal. L’aspect exact porte à culmination une période plus ou moins longue pendant laquelle on devrait œuvrer consciemment pour actualiser le rôle que la planète natale doit jouer pour atteindre la maturité et accomplir sa destinée. L’aspect exact peut correspondre à des résultats positifs ou négatifs selon la façon dont on a répondu aux défis et occasions présentés pendant toute la période allant d’un aspect progressé au suivant.
Je suggère donc d’utiliser à la fois les progressions et les transits. Ce qui se passe à un moment donné ne peut être expliqué complètement ni par les progressions ni par les transits. Il faut faire une synthèse de ce qui est suggéré par les deux systèmes pour une période donnée de la vie. Sinon, vous risquez de tomber dans la bonne aventure, aussi sophistiqué que soit votre langage. À moins que vous ne cherchiez à donner un sens ce qui arrive, votre prévision, mime juste, n’aidera personne et peut même devenir dangereuse pour la santé psychologique de votre consultant.
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